M'INSCRIRE
DONNER

Joignez-vous au mouvement

CQV défend la personne humaine, de la conception à la mort naturelle.

ou

×

L’Anti-Église est là ― les fidèles catholiques ne doivent pas avoir peur


Le P. Linus F. Clovis, prêtre de l’archidiocèse de Castries, Sainte Lucia dans les Antilles.

Par le Père Linus F. Clovis (LifeSiteNews) ― Traduit par inquisition.ca ― Photo : Steve Jalsevac/LifeSiteNews

Le pape François ayant annoncé vouloir remettre de l’avant son exhortation apostolique Amoris Lætitia en cette année 2021, par conséquent tout ce qu’elle contient d'erroné, nous publions le présent texte du P. Linus Clovi, lu lors d’une conférence donnée au Rome Life Forum en 2017, qui, entre autres, soulignent les graves erreurs que promeut Amoris Lætitia et ses dangers pour l’Église, ainsi que pour la cause de l’enfant à naître. C’est aussi un document très pertinent au sujet de la crise actuelle que subit l’Église. ― A. H.

Note du traducteur : Le Père Clovis a donné cette conférence au Forum de la Vie de Rome, le 18 mai 2017. J’ai copié et traduit la version sur LifeSiteNews.

***

Les premiers mots du Pape saint Jean-Paul II, apparaissant sur le balcon de la basilique Saint-Pierre, le jour de son élection le 16 octobre 1978, furent « n’ayez pas peur ». Maintenant, trente-neuf ans plus tard, à la lumière des événements qui ont pris le contrôle du catholicisme contemporain, ses premiers mots semblent être non seulement prophétiques, mais bien plus : un appel aux armes en préparation pour la bataille [1 Co 14:8].

Chaque fois que le pendule de l’histoire humaine et du salut passe à travers une période de ténèbres et de turbulences envahissantes, Dieu inspire souvent des prophètes pour parler, afin que la lumière puisse resplendir pour dissiper les ténèbres, et que la tourmente puisse être atténuée par l’espoir. Ces prophètes en ont appelé à plus de confiance en la sollicitude active et affectueuse de Dieu pour son peuple [Jn 3 h 16]. Ainsi, par exemple, avec des supplications pour avoir confiance en la providence aimante de Dieu, Isaïe [Is 7:10-14] a supplié le roi Achaz de demander à Dieu un signe avant d’agir, et Jérémie [Jr 38-40] a prévenu que Dieu sauverait Jérusalem de la destruction totale seulement si la ville se rendait aux Babyloniens. L’Église elle-même n’a pas été privée des bénédictions de la grâce prophétique, comme le prouve grandement Dieu en suscitant des saints tels que Bernard de Clairvaux, François d’Assise, Catherine de Sienne, Marguerite-Marie Alacoque et, plus récemment, en envoyant Sa Sainte Mère à Lourdes, à La Salette et à Fatima.

Il y a un siècle, Dieu a envoyé la Reine des Prophètes à la Cova da Iria à Fatima, au Portugal, avec un double message pour notre monde contemporain. Tout d’abord, elle a prévenu que le monde était déjà confronté à un péril beaucoup plus destructeur que celui auquel Jérusalem avait dû faire face et, deuxièmement, elle a présenté une solution céleste, plus sage et plus prudente que celle offerte à Achaz, qui avait refusé de demander à Dieu un signe « aussi profond que le Shéol ou aussi élevé que le ciel » [Is 7:11]. Cependant la Vierge, par sollicitude maternelle, a établi la gravité et la véracité de son double message avec une vision et un signe. Le 13 juillet 1917, « aussi profond que le Shéol » a été illustré par une vision perturbante de l’Enfer. Quatre mois plus tard, le 13 octobre, « aussi élevé que le ciel » a été confirmé avec un signe, le miracle étonnant de la « danse du soleil » qui a été observé par plus de soixante-dix mille personnes.

L'article continue ci-dessous...

Cliquez « J'aime » si vous êtes pro-vie !

Abonnez-vous à notre chaîne Youtube !

Le 13 octobre 1884, exactement 33 ans avant l’apparition de Notre-Dame à Fatima, le Pape Léon XIII a eu une extraordinaire expérience spirituelle. Il a entendu une conversation entre Dieu et Satan dans laquelle Satan a défié Dieu, en se vantant que si Dieu lui concédait plus de pouvoir sur les prêtres [Jb 1:6 à 2 h 10], il pourrait détruire l’Église en l’espace de 100 ans. Dieu lui a accordé ce temps pour tester l’Église — en fin de compte pour Son honneur et Sa gloire [1], et aussi pour confirmer que Son Église était en effet construite sur le roc et capable de soutenir les attaques de l’Enfer [Mt 16:18] avec autant de courage que le patriarche Job. En préparation de cette épreuve, le Pape Léon a immédiatement composé les prières Léonines, avec une invocation particulière à saint Michel Archange, pour la défense et la protection du clergé, et il a ordonné qu’elles soient récitées après chaque Messe.

Consciente que les temps modernes pourraient sombrer dans le désespoir, durant le paroxysme de cette bataille, la Vierge a proposé une stratégie qui, si elle était adoptée, assurerait le salut d’un grand nombre d’âmes. La stratégie exigeait que, pour « apaiser Dieu, qui était déjà profondément offensé », trois conditions majeures devraient être satisfaites, à savoir une réforme de la morale grâce à un plein respect des lois naturelles et divines, la dévotion des Cinq premiers samedis du mois, et la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie. Ensuite, pour bien montrer jusqu’à quel point l’avenir rapproché serait dangereux, la Vierge, avec une préoccupation maternelle, a bien averti les gens quelles seraient les conséquences si son message était ignoré : des guerres, la diffusion des erreurs de la Russie, la persécution de l’Église et du Saint-Père. Elle a néanmoins conclu son message avec une lueur d’espoir : « à la fin, mon Cœur Immaculé triomphera et une période de paix sera donnée au monde ».

Le 13 août 1917, les enfants ont été kidnappés et, sans faute de leur part, ont été incapables d’observer leur rencontre avec la Dame. Apparaissant six jours plus tard, la Dame leur a demandé de retourner à la Cova da Iria le 13 septembre, confirmant qu’elle obtiendrait le miracle promis, bien qu’il ne soit pas « aussi grand ». Cet incident souligne l’importance d’observer toutes les instructions du Ciel exactement [1S 15:22] car la conformité partielle diminue les bénédictions offertes. En 1929, Notre-Dame a spécifiquement promis une période de paix mondiale si le Pape, en union avec les évêques du monde, consacrait la Russie à son Cœur Immaculé. Cette consécration spécifique n’a pas encore été faite et, je crois, cela a contribué à la crise actuelle. Alors que les bénédictions peuvent suivre une conformité partielle aux demandes du Ciel, ces bénédictions, sans aucun doute, sont là pour nous encourager à nous conformer pleinement. Ainsi, l’Espagne et le Portugal ont été épargnés par la Seconde Guerre mondiale, après que leurs évêques aient consacré ces pays au Cœur Immaculé de Marie. De même, la Seconde Guerre mondiale a été raccourcie, après que le pape Pie XII, même sans la participation des évêques, ait consacré le monde au Cœur Immaculé et, le communisme s’est effondré peu après que le pape Jean-Paul II, avec la participation des évêques mais sans mention explicite de la Russie, ait consacré le monde au Cœur Immaculé.

Les incertitudes sociales et politiques des années postérieures à la Première Guerre mondiale ont donné lieu à la croissance des deux spectres du nazisme et du communisme jusqu’à la nuit du 25 au 26 janvier 1938, cette fatale « nuit de la lumière inconnue ». Cette « lumière inconnue » signifiait l’éclatement imminent d’une guerre encore pire qui, selon Notre-Dame de Fatima en juillet 1917, se produirait pendant le pontificat de Pie XI. Cette Seconde Guerre mondiale s’est terminée en 1945 avec la défaite du nazisme, mais la paix n’était pas assurée. En effet, le spectre du communisme maintenant affamé, après avoir englouti la moitié de l’Europe, menaçait grandement d’accroître son expansion territoriale.

1) L’Église

L’élection d’un cardinal de la Pologne communiste au deuxième Conclave de 1978 a été une menace suffisante au statu quo, pour qu’une tentative de l’éliminer soit faite le 13 mai 1981. Deux ans avant son élection en tant que Pape Jean-Paul II, Karol Wojtyla, l’archevêque de Cracovie, prononça un message prophétique à Philadelphie, à l’occasion du bicentenaire de l’indépendance américaine :

Nous sommes maintenant devant la plus grande confrontation historique que l’humanité ait connue. Je ne pense pas qu’une grande partie de la société américaine ou qu’une grande partie de la communauté chrétienne s’en rend vraiment compte. Nous faisons maintenant face à la confrontation finale entre l’Église et l’anti-Église, entre l’Évangile et l’anti-Évangile.
[Source 1, Source 2]

Nous devons être prêts à endurer de grandes tribulations dans un avenir rapproché ; des épreuves qui exigeront que nous soyons prêts à abandonner même nos vies, et de faire un don total de soi au Christ et pour le Christ. Grâce à vos prières et aux miennes, il est possible d’atténuer cette tribulation, mais il n’est plus possible de l’éviter... Combien de fois le renouvellement de l’Église a-t-il été provoqué dans le sang! Cela ne sera pas différent cette fois-ci.
[Source 1, Source 2]

Aujourd’hui, quarante ans plus tard, ce discours est d’autant plus sinistrement prémonitoire que, dans le climat mondial actuel, il est difficile de ne pas se rappeler les propres mots de Notre-Seigneur : les hommes défailliront de frayeur, dans l’attente de ce qui menace le monde habité, car les puissances des cieux seront ébranlées. [Lc 21:26] À l’heure actuelle, nous sommes dans la crainte et nous éprouvons des souffrances et des incertitudes récurrentes, et tout ceci peut être attribué à la négligence délibérée de l’avertissement de la Vierge.

Il y a un sentiment croissant, même parmi les moins sophistiqués, les spirituellement indifférents et les historiquement naïfs, que quelque chose ne va pas, que quelque chose va casser ou, comme W. B. Yates l’a exprimé avec une élégance poétique :

Les choses s’effondrent ; Le centre ne peut pas tenir ;
La seule anarchie est relâchée sur le monde,
La marée sanglante est relâchée, et partout
La cérémonie de l’innocence est noyée ;
Les meilleurs manquent de conviction, alors que les pires
Sont pleins d’intensité passionnée.
[Yates, W. B., The Second Coming]

Certes, en ce qui concerne l’Église, il semble que le centre ne peut plus tenir. L’autorité pétrinienne a été furtivement si diminuée qu’elle semble ne plus posséder la suprématie du pouvoir judiciaire, mais plutôt seule celle du primus inter pares. On n’a qu’à se rappeler l’interdiction de Paul VI de la Communion dans la main et la désobéissance totale, sinon l’attitude de défi, de plusieurs hiérarchies qui ont forcé sa capitulation, ou encore le tumulte et la dénonciation qui ont suivi sa publication de Humanæ Vitæ. De même, la déclaration [Inæstimabile donum, N° 18] de Jean-Paul II contre les servantes de Messe a aussitôt été « dé-déclarée » par une interprétation nouvelle et authentique du Canon 230 § 2 dans le Code de droit canonique. Le Motu proprio de Benoît XVI, Summorum Pontificum, tel un canard boiteux, ne s’est guère mieux débrouillé.

Peut-être encore plus grave est le sentiment que « les choses ecclésiastiques et catholiques » s’effondrent et qu’une anarchie pastorale a été relâchée sur l’Église. Les manipulations des médias actuels présentent l’office pétrinien comme à peine plus que l’opinion, même la plus insouciante, du titulaire. Pourtant, même au milieu de cet imbroglio, il semble y avoir un exercice caché du pouvoir, qu’on peut percevoir par ses nombreux effets : réformer le processus d’annulation du mariage sans la consultation habituelle des dicastères romains appropriés ; réprimander de manière large et fulminante la Curie romaine dans une allocution de Noël ; purger complètement les membres d’un dicastère, ce qui a pour effet d’annuler l’influence de son préfet, qui lui-même s’était fermement opposé aux innovations nuisibles à la fois aux enseignements sur le mariage et aux principes de la liturgie ; saper les frères Franciscains de l’Immaculée ; et fermer le campus de Melbourne de l’Institut Jean-Paul II. On peut difficilement être blâmé de juger comme Isaac, mutatis mutandis, que « bien que la voix soit de Jacob, les mains sont celles d’Ésaü » [Gn 27:22].

Avec de tels enseignements et soutenu par un pouvoir non détecté [Lc 4:36], il n’est pas surprenant que les meilleurs manquent de conviction, alors que les pires sont pleins d’intensité passionnée. En effet, le sensus catholicus est troublé, et les voix qui devraient s’élever à sa défense sont silencieuses, tandis que l’esprit des temps n’est pas à court de langues qui proclament des toits [Lc 12:3] ce qui pourrait bien être l’anti-Évangile dont, il y a quatre décennies, le cardinal Wojtyla avait parlé. Cet anti-Évangile est d’autant plus menaçant que le cardinal avait bien dit que nous devrions « être prêts à endurer de grandes tribulations dans un avenir rapproché ; des épreuves qui exigeront que nous soyons prêts à abandonner même nos vies, et de faire un don total de soi au Christ et pour le Christ ».

L’inquiétude du cardinal Wojtyla nous donne des motifs supplémentaires pour prendre au sérieux le message de Fatima. En août 1931, Notre Seigneur Lui-même est apparu à Sœur Lucie et, Se référant à Son commandement pour la consécration collégiale de la Russie, Lui a ordonné de « faire connaître à Mes ministres que puisqu’ils ont suivi l’exemple du roi de France en retardant l’exécution de Ma demande, ils le suivront dans le malheur ». [2] Cet avertissement, de même que la déclaration du Cardinal selon laquelle cette épreuve ne peut être évitée, est peut-être ce qui effraie tant de gens. Comme toute émotion, la peur, pour être moralement bonne, doit être réglée par la raison.

2) La peur

Dans la pensée thomiste [3], une passion est cette motion ou modification que le patient subit sous l’action d’un agent. Dans la nature humaine, une passion est une motion qui provient des sens et qui peut même avoir un effet sur le corps lorsqu’on imagine ou qu’on pense à un bien ou à un mal. Une de ces passions est la peur qui résulte de la menace perçue d’un mal présent ou futur, et dont le pouvoir réside dans la conviction que l’on ne peut pas vaincre ce mal. En termes simples, la peur est un trouble de l’âme — une perturbation mentale qui considère un mal présent ou futur comme irrésistible et réellement capable de vaincre le bien. On peut considérer la peur en contraste avec l’espoir, dont l’objet est un bien futur, dont l’obtention est difficile mais possible.

Saint Thomas énumère les diverses manifestations de la peur : la paresse, l’« érubescence » (« shamefacedness » en anglais, « erubescentiam » en latin), la honte, l’étonnement, la stupeur et l’anxiété. La cause de la peur peut être intrinsèque ou extrinsèque. Les trois premières manifestations sont intrinsèques puisqu’elles proviennent de nos propres actions personnelles et peuvent être définies comme suit. La paresse est cette réaction qui fuit le travail par crainte de l’effort. Ceci caractérise le troisième serviteur dans la parabole [Mt 25:14-28] des talents car, ayant caché son talent, il offrait l'excuse qu'il avait peur. Il fut puni pour avoir été « méchant et paresseux ». L’« érubescence », une sorte d’embarras, est cette peur qui empêche quelqu’un de commettre un acte honteux. La parabole [Lc 16:1-8] de l'intendant qui avait peur de mendier illustre cette manifestation de la peur. Adam s’est caché de Dieu en raison de la honte d’avoir désobéi. Mais les trois manifestations suivantes de la peur (l’étonnement, la stupeur et l’anxiété) sont extrinsèques puisqu’elles ont leur origine dans des facteurs externes bien supérieurs à ceux que l’on peut surmonter. L’étonnement est la peur qui se ressent lorsque la menace est si grande que l’on est incapable de mesurer son ampleur. Deuxièmement, devant la menace d’un mal sans précédent on ressent une stupeur même au point d’en devenir cataleptique. Troisièmement, l’anxiété est le genre de peur produite par un événement imprévu résultant d’un événement inattendu. Quelques exemples de ces manifestations extrinsèques de la peur seraient la résurrection de Notre-Seigneur parmi les morts, qui a été une source d’étonnement [Lc 24:41] pour les disciples, de stupeur [Mt 28:4] pour les gardes du tombeau qui étaient comme des hommes morts, et l’angoisse pour ceux qui étaient responsables [Lc 23:48] de la crucifixion du Seigneur.

L’étonnement et la stupeur paralysent la compréhension alors que la paresse est la paralysie provoquée par la peur de l’effort. Cela implique que l’étonnement et la stupeur cherchent à éviter la difficulté de faire face à un événement grave et inhabituel, tout comme la paresse cherche à éviter le travail physique. Il y a une différence subtile entre la stupeur et l’étonnement, en ce que celui qui s’émerveille évite de former un jugement sur ce qui, à l’heure actuelle, l’étonne, mais il serait prêt à le faire plus tard. La stupeur, cependant, place la personne dans ce qui semble être un coma permanent. L’étonnement, par conséquent, peut être le début d’une recherche philosophique à laquelle la stupeur est un obstacle puisque, la victime de la stupeur craint à la fois de juger dans le présent et de s’enquérir dans le futur.

Pour notre propos, deux types de peur différents doivent être pris en considération. Tout d’abord, la peur peut être grave si elle influe sur une personne inébranlable, mais légère si elle affecte seulement une personne faible. Pour que la peur soit grave :

  1. Elle doit être grave en soi et non seulement dans l’estimation de la personne qui craint
  2. Elle doit avoir un bien-fondé raisonnable
  3. La menace doit pouvoir se réaliser
  4. L’exécution de la menace doit être inévitable

La peur grave diminue le libre arbitre, mais ne l’enlève pas nécessairement totalement. Ceci est illustré par les disciples qui, après leur panique quand Jésus a été arrêté, l’ont suivi à distance [Mt 27:55 ; Lc 22:54]. Une crainte légère n’est pas considérée comme diminuant le libre arbitre même un peu.

Deuxièmement, la peur révérencielle est une disposition à l’égard de ses parents ou envers ceux qui occupent des postes d’autorité, et résulte principalement d’une réticence à les offenser. Si une telle peur est utilisée comme une force contraignante, elle sera juste ou non, selon la validité pour laquelle elle a été exercée.

Il est important de rappeler que la peur n’existait pas dans la nature humaine au moment de la création, mais elle est plutôt l’une des conséquences du péché de nos premiers parents. Dans l’état d’innocence originelle, Adam vivait parmi les bêtes sans crainte, et sa relation avec Dieu était également exempte de peur. Une fois qu’il eût péché, cependant, il devint extrêmement effrayé et se cacha parmi les arbres. Quand Dieu l’appela, il répondit : « J’ai entendu ton pas dans le jardin, et j’ai eu peur parce que je suis nu et je me suis caché ». [Gn 3:10].

Cette peur était le résultat non seulement de la crainte du châtiment, mais aussi de la honte d’avoir désobéi à Dieu. La peur humaine s’est accrue et s’est transformée en terreur lorsque Caïn a dû faire face aux conséquences de son acte de fratricide : « Ma peine est trop lourde à porter. Vois ! Tu me bannis aujourd’hui du sol fertile, je devrai me cacher loin de ta face et je serai un errant parcourant la terre : mais, le premier venu me tuera ! » [Gn 4:13-14]. Dès le moment où Caïn posa des mains violentes sur son frère, la peur s’est transformée en hiérarchie : la consternation, la crainte, la lâcheté, l’angoisse, la terreur. En outre, la peur, provenant de nombreuses sources et se manifestant de multiples manières, s'est enracinée dans l'âme humaine et, ce qui est plus grave, le diable s'en sert comme d'une arme pour nous asservir et nous opprimer [He 2:14-15].

En reconnaissant la réalité et même la force de la peur, le Christ a distingué entre les deux types de peur auxquelles nous sommes soumis. « Ne craignez rien de ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt Celui qui peut perdre dans la géhenne à la fois l’âme et le corps ». [Mt 10:28 ; Lc 12:5] Bien que les menaces qui pèsent sur notre corps puissent susciter plusieurs degrés de peur, ces peurs peuvent être toutes vaincues par une sainte et révérencielle crainte : « La crainte du Seigneur est source de vie pour éviter les pièges de la mort ». [Pr 14:27]. La peur de Dieu conduit à L’admirer et à Lui obéir, c’est-à-dire à garder Ses commandements, à L’aimer et à mener une vie de repentir. « La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse » [Pr 9:10].

Le conseil du Christ, selon lequel nous devons craindre notre Créateur, est surtout un simple rappel de l’existence d’une hiérarchie de peurs. En particulier, puisque la mort, le plus grand des objets naturels de la peur, est incontournable, nous devrions avoir encore moins peur de perdre toutes les choses qui appartiennent à ce monde, c’est-à-dire tous les biens matériels, tous les avantages sociaux et professionnels, tous les titres et toutes les dignités qui, à notre départ, doivent de toute manière être laissées derrière. « Insensé, cette nuit même, on va te redemander ton âme. Et ce que tu as amassé, qui l’aura ? » [Lc 12:20, voir aussi Lc 9:25]. De plus, notre Seigneur a simplement confirmé ce que les héros de la période des Maccabées avaient déjà cru, énoncé et pratiqué avec zèle. Le grand martyr Éléazar, qui était déterminé à ne pas violer les lois ancestrales en mangeant de la viande de porc, rejeta à grands cris la manigance que ses amis lui suggéraient, c’est-à-dire faire seulement semblant d’en manger :

À notre âge, ajouta-t-il, il ne convient pas de feindre, de peur que nombre de jeunes, persuadés qu’Éléazar aurait embrassé à 90 ans les mœurs des étrangers, ne s’égarent eux aussi, à cause de moi et de ma dissimulation, et cela pour un tout petit reste de vie. J’attirerais ainsi sur ma vieillesse souillure et déshonneur, et quand j’échapperais pour le présent au châtiment des hommes, je n’éviterai pas, vivant ou mort, les mains du Tout-Puissant. C’est pourquoi, si je quitte maintenant la vie avec courage, je me montrerai digne de ma vieillesse, ayant laissé aux jeunes le noble exemple d’une belle mort, volontaire et généreuse, pour les vénérables et saintes lois.
[2M 6:24-28]

Ce récit illustre les deux principales craintes d’Éléazar. Tout d’abord, son incapacité à échapper à la main de Dieu et la seconde, la peur de donner un mauvais exemple qui aurait pu dévoyer les jeunes. Fait intéressant, on nous dit que « ceux qui l’y conduisaient changèrent en malveillance la bienveillance qu’ils avaient eue pour lui un peu auparavant, à cause du discours qu’il venait de tenir et qui à leur point de vue était de la folie » [2M 6:29]. Cette supposée folie d’Éléazar a également été partagée par la mère des sept fils, qui exhorta chacun d’eux à s’accrocher fidèlement aux lois de Dieu et à accepter une mort très cruelle plutôt qu’à abandonner leur « mode de vie ancestral » [2M 8:17] disant : « Ne crains pas ce bourreau, mais, te montrant digne de tes frères, accepte la mort, afin que je te retrouve avec eux dans la miséricorde ». [2M 7:29].

Le zèle et la clairvoyance des martyrs Maccabéens devraient être une source d’inspiration et d’encouragement pour nous, d’autant plus que nous sommes actuellement confrontés à des politiques audacieuses qui menacent de saper et de changer nos coutumes ancestrales et nos croyances traditionnelles. Nous devons nous rappeler que, même lorsque ceux qui préconisent un tel changement semblent avoir le soutien [1M 1:13] de l’autorité, nous ne sommes confrontés à rien de nouveau, puisque le Prédicateur [Qo 1:9] a déclaré : « Ce qui fut, cela sera, ce qui s’est fait se refera, et il n’y a rien de nouveau sous le soleil ! ».

En tant que disciples du Christ, en tant que croyants et même plus, en tant que chefs conscients de nos responsabilités devant Dieu, nous devons devenir « pleins d’intensité passionnée » pour nos convictions et proclamer, même « du haut des toits », le pur l’Évangile de Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. Il est temps de pourfendre la profonde obscurité avec la lumière de la vérité.

3) L’Église et l’anti-Église

Le Pape Paul VI [4] a parlé de la « fumée de Satan » qui était entrée dans l’Église, et Sœur Lucie a dit que l’apostasie dans l’Église commencerait au sommet. Au cours du dernier demi-siècle, il y a eu une crise croissante dans l’Église, résultant autant d’un manque d’enseignement clair et sans équivoque, que du climat de dissidence parmi les prêtres, les religieux et les laïcs. Au sein de l’Église contemporaine, la crise a été portée à son paroxysme, sinon au point de rupture, par le rejet du paradigme oui/non de Notre-Seigneur [Mt 5:37] et le renversement des positions doctrinales établies, par des pratiques pastorales polymorphes. Un exemple récent est la déclaration pixélisée de l’évêque Fernando Ocariz pour défendre la suggestion d’Amoris Laetitia de permettre la Communion pour les adultères — et je cite — « c’est une nouvelle impulsion pastorale qui exige des réponses concrètes en continuité avec la doctrine du Magistère » [5]. La marée sanglante est relâchée alors qu’émerge de l’obscurité et de la confusion un conflit réel et ouvert entre ceux qui restent fidèles et loyaux à l’Évangile de Notre-Seigneur, et le nombre croissant des non catéchisés, qui, en adhérant à la praxis de la « rectitude politique » formulée par les idéologues LGBT, rejettent l’Évangile chrétien. L’imposition ouverte et unilatérale de cette idéologie politiquement correcte dans de nombreuses paroisses et diocèses vient appuyer une anti-Église qui s’oppose à l’Église catholique, la véritable Église du Christ.

L’anti-Évangile de l’anti-Église est, dans bien des cas, impossible à distinguer de l’idéologie laïque, qui a renversé à la fois la Loi naturelle et les Dix Commandements, les sources qui, depuis des temps immémoriaux, ont informé et protégé le bien-être moral, spirituel et physique de l’homme. Cet anti-Évangile, qui cherche à supplanter la volonté de Dieu par la volonté humaine de consommation, de plaisir et de pouvoir, a été rejeté par le Christ lorsqu'Il a été tenté dans le désert [Mt 4:1-10]. Déguisé en « droits de l’homme », il a réapparu, dans toute sa démesure luciférienne, pour promulguer une attitude narcissique et hédoniste qui rejette toute contrainte, sauf celle imposée par les lois humaines. Ainsi, la prophétie de saint Pie X se rapproche de son accomplissement : un « grand mouvement d’apostasie organisé, dans tous les pays, pour l’établissement d’une Église universelle qui n’aura ni dogmes, ni hiérarchie, ni règle pour l’esprit, ni frein pour les passions et qui, sous prétexte de liberté et de dignité humaine, ramènerait dans le monde, si elle pouvait triompher, le règne légal de la ruse et de la force, et l’oppression des faibles, de ceux qui souffrent et qui travaillent » [6].

Le cardinal Carlo Caffarra, président fondateur de l’Institut Pontifical Jean-Paul II pour les Études sur le Mariage et la Famille, a écrit à Sœur Lucie pour demander des prières pour cette nouvelle entreprise. Elle a déclaré dans une réponse signée [7] que « la bataille finale entre le Seigneur et le royaume de Satan se fera à propos du mariage et la famille. N’ayez pas peur (a-t-elle ajouté), car quiconque travaille pour la sainteté du mariage et de la famille sera toujours combattu et opposé de toutes les manières, parce que c’est le problème décisif ». Et puis elle a conclu : « cependant, Notre Dame a déjà écrasé sa tête ». Le Cardinal a noté que pour Jean-Paul II, c’était le point stratégique, car il touche le pilier même de la création, la vérité de la relation entre le vir et la femme, et entre les générations. Il est bien connu que toute manipulation d’une pierre angulaire entraîne un risque d’effondrement pour l’ensemble du bâtiment. La pierre angulaire, la cellule de base de la société, est le mariage et la famille. Avec l’acceptation tacite de la contraception et du divorce, l’accueil à bras ouverts « par miséricorde » des divorcés remariés civilement, et le clin d’œil en faveur du « mariage » homosexuel, on a tripoté la pierre angulaire et le point oméga a été atteint. Dans un tel contexte, il est naturel de se poser la question si Amoris Laetitia devrait être traitée comme un gant qui nous gifle en défi, ou comme un cheval de Troie qui va laisser entrer encore pire.

Pendant près de trois siècles, les papes ont confronté la sombre trinité de la franc-maçonnerie, du libéralisme et du modernisme qui, à notre époque, s’étant transmutée en laïcité athée, exerce une influence néfaste sur toutes les principales institutions d’influence mondiale, mais surtout sur l’éducation, les communications, la politique et la loi. La laïcité athée s’est acharné pour faire disparaître la famille. L’esprit qui conduit cette laïcité athée étant l’idéologie LGBT ; son visage public, « la rectitude politique » ; sa robe du dimanche, « l’inclusivité et le non-jugementalisme ».

Saint Pie X a été le premier à identifier clairement le modernisme, cette rébellion subversive contre les normes morales fixes et les croyances religieuses stables, une hérésie qui est comme la synthèse de toutes les hérésies et comme l’ennemi caché au sein de l’Église. Bien qu'il ait démasqué le modernisme, avec son Encyclique Pascendi, sa tentative de le déraciner a échoué et, comme l'ivraie [Mt 13:24-30] dans le blé, le modernisme a continué à croître et à développer des idéaux, des doctrines et des objectifs qui étaient assez étrangers, sinon diamétralement opposés à l'Église catholique. Ainsi, le modernisme, étant resté à l’intérieur de l’Église catholique, s’est métastasé en anti-Église.

Nul besoin de savante démonstration pour voir que l’Église catholique et l’anti-Église coexistent actuellement dans le même espace sacramentel, liturgique et juridique. L’anti-Église, devenue plus forte, essaie maintenant de se faire passer comme étant la vraie Église, pour mieux inciter ou contraindre les fidèles à devenir adhérents, promoteurs et défenseurs d’une idéologie laïque athée [8]. Si l’anti-Église réussit à envahir tout l’espace de la vraie Église, les droits de l’homme supplanteront les droits de Dieu par la profanation des Sacrements, le sacrilège dans le sanctuaire et l’abus du pouvoir apostolique. Ainsi, les politiciens qui votent pour l’avortement et le « mariage » du même sexe seront les bienvenus à la balustrade de la Communion ; les maris et les femmes qui ont abandonné leurs conjoints et leurs enfants et qui sont entrés dans des relations adultères seront admis aux Sacrements ; les prêtres et les théologiens qui rejettent publiquement les vérités catholiques, autant doctrinales que morales, seront libres d’exercer le ministère et de répandre la dissidence, tandis que les catholiques fidèles seront marginalisés, calomniés et discrédités à chaque occasion. Ainsi, l’anti-Église réussirait à atteindre son but de déloger Dieu en tant que Créateur, Sauveur et Sanctificateur, et de le remplacer par l’homme auto-créateur, auto-sauveur et auto-sanctificateur.

Pour atteindre ses objectifs, l’anti-Église, en collaboration avec les pouvoirs séculiers, utilise la loi et les médias pour faire plier les genoux de la vraie Église grâce par l’intimidation. Par l’usage adroit des médias, les militants de l’anti-Église ont réussi à faire taire les évêques, le clergé et la plus grande partie de la presse catholique. De même, les fidèles laïcs sont terrorisés par la peur de l’hostilité, du ridicule et de la haine qui leur tomberaient dessus s’ils s’opposaient à l’imposition de l’idéologie LGBT. Par exemple, en 2015, la congrégation de Saint-Nicolas de Myra, dans l’archidiocèse de Dublin, a donné une ovation debout à son curé lorsqu’il a déclaré en chaire qu’il était gai et qu’il les a exhortés à appuyer le « mariage » du même sexe au référendum irlandais. Il n’est pas difficile d’imaginer le genre de traitement qu’aurait subi un objecteur. Ainsi, on peut clairement voir au travail l’influence oppressive de l’anti-Église lorsqu’une personne craint de défendre ouvertement la révélation de Dieu à propos de l’homosexualité, de l’avortement ou de la contraception dans leur communauté paroissiale.

En effet, les catholiques fidèles, à la fois laïcs et membres du clergé, sont de plus en plus soumis à une crainte fondée que leur subsistance et leur carrière seraient menacées s’ils s’opposaient à l’anti-Église [9]. Les employeurs sont particulièrement effrayés lorsque les activistes de groupes séculiers lancent des accusations d’« homophobie » ou de « transphobie » contre leurs employés qui sont des fidèles catholiques. Craignant les dommages potentiels à leur entreprise, les employeurs, dans ces situations, se sentent souvent contraints de faire taire ou même de renvoyer les catholiques accusés. Bien que la mauvaise publicité du lobby LGBT puisse nuire aux affaires, la plupart des employeurs ont une crainte encore plus grave de jugements défavorables des tribunaux lors de conflits avec de tels groupes. Mais cela étant dit, on ne doit pas non plus ignorer le fait qu’il y a d’autres employeurs qui accueilleraient volontiers les plaintes contre un catholique fidèle, car consciemment ou inconsciemment, ils sont sympathiques à l’anti-Église. Comme on le sait suite à de nombreux cas de jurisprudence, lorsque les employeurs sont confrontés à des pressions exercées par des militants LGBT, la liberté d’expression et la liberté de conscience de leurs employés sont négligées, sinon supprimées. La plupart des catholiques fidèles, en particulier ceux qui travaillent dans le secteur public, le savent, se sentent intimidés et taisent leur opposition à l’idéologie séculière.

Les prêtres et les évêques sont les dirigeants immédiats et plus naturels des laïcs et, eux plus que les autres, sont pris dans le spectre grandissant de la peur engendrée par l’anti-Église. De plus, en raison du vœu clérical d’obéissance et de respect, leur peur, étant révérencielle, est grandement aggravée, surtout lorsqu’ils trouvent leurs rangs divisés ; leur unité rompue ; les antiques disciplines sacramentelles violées ; le droit canon ignoré ; leur esprit d’évangélisation rejeté comme un prosélytisme et un non-sens solennel. En ce qui concerne leurs personnes, ils sont étiquetés comme des petits monstres jetant des pierres aux pauvres pécheurs, ou qui réduisent le Sacrement de la réconciliation à une chambre de torture, ou qui se cachent derrière les enseignements de l’Église, assis sur la chaise de Moïse et jugeant parfois avec supériorité et superficialité. En tant que fils sacerdotaux, ils se sentent moins dignes d’une étreinte papale que Emma Bonino (une archimilitante pour l’avortement en Italie) et encore moins dignes de réhabilitation que Paul Ehrlich (un renommé faux-prophète et ardent défenseur de l’avortement et du contrôle de la population). En tant que prêtres, on leur dit qu’ils doivent des excuses aux gais et que la « grande majorité » des mariages catholiques qu’ils auraient bénis sont invalides ; de plus, ils se font traiter de rabâcheurs de prières et, parce qu’ils considèrent comme important d’aller souvent à la Messe et à la Confession, on les traite de pélagiens. En tant que catholiques, sachant que la dévotion des Cinq premiers samedis a été demandée en réparation pour les blasphèmes contre Notre-Dame, ils sont personnellement blessés par les déblatérations vulgaires [10] selon lesquelles, sur le Calvaire où Elle est devenue la Mère [Jn 19:26-27] de tous ceux qui ont été rachetés par le Christ, la Sainte Vierge de Fatima a peut-être désiré dans son cœur de dire au Seigneur: «Mensonges! Mensonges ! J’ai été trompée ». Comme «les arbres de la forêt qui tremblent au vent» [Is 7:2], les cœurs cléricaux tremblent de peur en pensant qu'ils pourraient être plus catholiques que le Pape [2P 2:10-16]!

4) À la fin...

L’avènement du pape François a été, dans l’ordre divin des choses, une grande et vraie bénédiction. Un conflit caché fait rage dans l’Église depuis plus de cent ans : un conflit explicitement révélé au pape Léon XIII, partiellement contenu par saint Pie X, déchaîné à Vatican II. Sous François, le premier pape jésuite, le premier pape des Amériques et le premier pape dont l’ordination sacerdotale était selon le Nouveau Rite, ce conflit est maintenant une guerre sans merci, avec le potentiel de rendre l’Église plus petite mais plus fidèle. Par la suite, il y a une crainte croissante parmi les membres les mieux informés du clergé qui, en raison de leur formation, de leur éducation et de leur expertise en matière ecclésiastique, sont généralement en mesure de voir plus loin et de mieux comprendre, contrairement au laïc moyen, les conséquences d’un conflit ouvert ou de la continuation du statu quo. L’exhortation apostolique Amoris Lætitia est le catalyseur qui a divisé non seulement les évêques et les Conférences épiscopales les uns des autres, mais les prêtres de leurs évêques et les prêtres les uns des autres, et a rendu les laïcs anxieux et confus. En tant que cheval de Troie, Amoris Lætitia annonce la ruine spirituelle pour toute l’Église, alors qu’en tant que gant servant à gifler pour lancer un défi, Amoris Lætitia est un appel au courage pour surmonter la peur. Dans les deux cas, Amoris Lætitia est maintenant prêt à séparer l’anti-Église, dont saint Jean-Paul II a parlé, de l’Église que le Christ a fondée. Alors que la séparation commence à se manifester, chacun de nous, comme les anges, devra décider par lui-même s’il préfère avoir tort en communion avec Lucifer, ou d’avoir raison sans lui.

À ce stade-ci, si Amoris Lætitia est interprétée « en continuité avec la doctrine du Magistère », le conflit se poursuivra subrepticement, car non seulement est-ce que l’anti-Église s’épanouit dans le langage fourchu, les ambiguïtés et les incertitudes, mais elle craint aussi le sensus catholicus. D’un autre côté, si elle devait être interprétée comme étant contraire au Magistère éternel, il est difficile de concevoir comment une rupture ouverte pourrait être évitée, et encore plus difficile de prédire ce qui se passerait dans un tel cas. Il appartient au pape François, dont le charisme est de confirmer ses frères, de résoudre les doutes qui s’élèvent dans le sillage d’Amoris Lætitia et, jusqu’à ce qu’il le fasse, une grande peur est générée par les incertitudes que la séparation précipitera. Si, cependant, on se rappelle que nous sommes appelés à être unis d’abord et avant tout au Christ [1 Co 1:12] et par lui à tous ceux qui lui appartiennent [Rm 1:6; 7:4; 1Co 1:10], cette peur sera considérablement atténuée.

Afin de réduire encore notre peur, il faut que nous nous confrontions à la réalité de notre situation. En effet, puisque l’ignorance est une cause de peur, nous devons tous à la fois admettre qu’il y a un problème, et aussi identifier la nature du problème. Dieu merci, ce travail a déjà été fait pour nous par saint Pie X qui a démasqué le modernisme, notre ennemi à l’intérieur de l’Église ; et par saint Jean Paul, qui nous a avertis de l’anti-Église, le visage de cet ennemi intérieur ; et par le pape Paul VI qui, lors du 60e anniversaire du miracle du soleil, a décrit l’ampleur du succès de notre ennemi à l’intérieur de l’Église : « La queue du diable est au travail dans la désintégration du monde catholique. Les ténèbres de Satan sont entrées et se sont répandues dans toute l’Église catholique, jusqu’à son sommet. L’apostasie, la perte de la Foi, se répand dans le monde entier et dans les plus hauts niveaux de l’Église » [11]. En essayant de comprendre cette idée que le mal de la grande apostasie dont les apôtres ont parlé [2 Th 2:3] pourrait effectivement être imminent et, après avoir entendu parler de sa source, de sa grandeur, de son étendue, de son influence et de son pouvoir, nous sommes naturellement submergés par la peur.

Pour vaincre notre peur, nous devons d’abord identifier et surmonter ses diverses manifestations. Étant donné que nous aimons les bergers que Christ a placés en tant que gardiens de nos âmes [1P 5:2], notre peur est révérencieuse. Notre peur peut également être considérée comme grave, puisque l’idée que la vraie Église pourrait disparaître, ou que l’enseignement de l’erreur pourrait Lui être attribué perturberait même les plus solides parmi nous. Nous devons donc être zélés et prêts à défendre l’Église, premièrement en vivant ses enseignements sans compromissions ; deuxièmement, en prêchant courageusement la vérité sur les toits [Lc 12:3] ; et troisièmement, en étant désireux et capables, comme les martyrs Maccabéens, à mourir pour cela. Ainsi, la première manifestation de la peur, la paresse, est surmontée.

La méditation sur le fait que nous n’avons rien apporté en arrivant dans ce monde, et que nous ne pouvons rien emporter avec nous en sortant [1 Tm 6:7] devrait nous suffire pour surmonter l’« érubescence », la seconde manifestation de la peur. La perte de nos emplois, nos positions, nos titres, notre famille, nos amis, est peu importante tant que nous pouvons rester fidèles à l’Église du Christ qui est la lumière [Jn 1:9 ; 3 : 21 ; 8 : 12 ; 12 : 46] qu’Il a placée sur le lampadaire pour éclairer toute la maison [Mt 5:15].

La résilience joyeuse des apôtres après avoir subi un outrage pour le Nom [Ac 5:41] illustre que la honte, la troisième manifestation de la peur, peut être conquise quand on se rend compte qu'il n'y a absolument rien à craindre d'être ridiculisé ou maltraité ou puni, lorsqu'on fait ce qui est juste [2Tm 2:9; He 11:36; 1P 2:20; 3:14-17; 4:12-19].

Nous sommes submergés par une peur qui est essentiellement extrinsèque dans la mesure où l’impensable devient soudainement possible. C’est avec étonnement que nous observons que l’Église, que nous aimons et que nous savons être la barque de Pierre, est attaquée de toutes parts, et qu’Elle « dérive dangereusement comme un navire sans gouvernail et, en effet, montre des symptômes de commencement de désintégration » [12]. Nous trouvons du courage dans le passage de l’Évangile [Mc 4: 38] où les Apôtres, pendant que le Seigneur dormait à l’arrière du bateau, furent pris dans une violente tempête de nuit sur la mer de Galilée et, quoiqu’effrayés, s’acharnaient d’autant plus à écoper l’eau. Plutôt que d’être paralysés, nous devrions donc, comme les Apôtres, travailler encore plus fort, tout en appelant le Seigneur qui dort dans la barque de Pierre : « Maître, tu ne te soucies pas de ce que nous périssons ? » Ainsi sont surmontés l’étonnement et la stupeur, la quatrième et la cinquième manifestation de la peur.

La situation actuelle dans l’Église et dans le monde est une conséquence de nos infidélités et de nos péchés, comme Notre-Dame l’a dit très clairement il y a cent ans à Fatima. Nos péchés nous rendent inquiets, surtout lorsque nous nous rendons compte que nous sommes à nouveau responsables d’avoir crucifié le Christ, bien que cette fois-ci dans Son Corps mystique. Sachant cependant que Dieu est toujours prêt à pardonner et à faire preuve de miséricorde envers un pécheur repentant, battons notre coulpe en disant : « Seigneur, ayez pitié de nous, pécheurs », et nous aurons vaincu l’angoisse, la sixième manifestation de la peur.

À notre Baptême, nous sommes devenus membres de l’Église Militante et, à notre Confirmation, nous sommes devenus des soldats du Christ ; nous avons donc été recrutés et armés pour un combat à mort contre les trois ennemis implacables de nos âmes : le monde, la chair et le Diable. Reconnaissant que « ce n’est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes » [Ep 6: 12], nous combattons, comme les Apôtres, prenant les martyrs pour nos modèles et Jésus-Christ Lui-même comme notre récompense. Puisque Notre-Seigneur nous a dit explicitement que nous ne devrions pas craindre ceux qui tuent le corps mais ne peuvent pas tuer l’âme, nous pouvons immédiatement rejeter du revers de la main ceux qui ne peuvent nous faire du dommage que dans l’ordre matériel. Le Christ, cependant, nous met en garde contre les tueurs d’âmes, à savoir les « faux prophètes [qui] surgiront nombreux et abuseront bien des gens » [Mt 24:11], en particulier les prophètes qui « opéreront des signes et des prodiges pour abuser, s’il était possible, les élus » [Mc 13: 22]. De plus, puisque le monde parlera avec approbation [Lc 6:26] de ces faux prophètes, ils seront aisément crus par des gens qui «ne supporteront plus la saine doctrine, mais au contraire, au gré de leurs passions et l'oreille les démangeant, ils se donneront des maîtres en quantité et détourneront l'oreille de la vérité pour se tourner vers les fables» [2Tm 4:3-4; 1Tm 4:1; 2P 2:1]. Ceux-ci, nous devrions les craindre, parce qu’ils conduisent les pauvres pécheurs à la damnation éternelle, autant avec une multiplicité de mots et d’écrits qui diluent la rigueur de l’Évangile, qu’avec leurs affirmations délibérément ambiguës et confuses [1 Tm 4:1].

Bien qu’il soit vrai que nous devrions nous méfier de ceux qui, comme les amis d’Éléazar avec leurs raisonnements spécieux et leur compassion contrefaite, semblent avoir nos meilleurs intérêts à cœur, en fin de compte, c’est le Créateur de tous, dont la loi est la vie [Pr 19:16], dont nous devrions avoir peur. Dieu nous a dit d’écouter Son Fils [Mt 17:5 ; Lc 9:35]. La rigueur de l’Évangile de Son Fils, c’est-à-dire ce qui, selon les paroles de saint Vincent de Lérins, est cru « toujours, partout et par tout le monde », est ce qui sauvera les âmes [13]. Toute dilution de la rigueur de l'Évangile du Christ [Ga 1:6-9; He 13:9], que ce soit au nom de l'érudition moderne, ou à la lumière d'une compréhension nouvelle et plus profonde, ou par pitié, non seulement la réduit à un évangile humain [2Co 11:4] mais aussi en proposant seulement une justice pharisaïque [Mt 5:19-20], inflige un grave dommage spirituel aux âmes.

Le salut des âmes est la loi suprême [14]. C’était la raison pour laquelle, il y a cent ans, notre Bienheureuse Dame est venue à Fatima et a convaincu trois jeunes enfants d’adopter un mode de vie austère, et de pratiquer des pénitences rigoureuses afin que les âmes des pauvres pécheurs ne tombent pas en Enfer. Encouragé par les premiers mots de saint Jean-Paul II, et pleins de confiance en la promesse de la Vierge Marie selon laquelle « à la fin, mon Cœur Immaculé triomphera », n’ayons pas peur. Au contraire, « soyons forts ! » Nous ne céderons pas là où nous ne devons pas céder. Nous nous battrons, non pas avec hésitation mais au contraire avec courage ; non pas en cachette mais en public ; non pas à huis clos, mais au vu et au su de tous. Audemus fidem nostram defendere! Non timemus !


[1] La vision du Pape Léon XIII

[2] L’Apparition à Rianjo (1931)

[3] Saint Thomas d’Aquin, Summa Theologica, I-IIae, qq. 22-48.

[4] Le 29 juin 1972, le Pape Paul VI avait dit que la fumée de Satan avait pénétré dans l’Église par les fentes dans le mur. Le 13 octobre 1977, il a dit : « La queue du diable est au travail dans la désintégration du monde catholique. Les ténèbres de Satan sont entrées et répandues dans toute l’Église catholique, jusqu’à son sommet. L’apostasie, la perte de la Foi, se répand dans le monde entier et dans les plus hauts niveaux de l’Église ».

[5] Gloria TV News du 13 avril 2017, à 1 min 49 s

[6] Saint Pie X, Notre Charge Apostolique, 15 août 1910.

[7] La visionnaire de Fatima a prédit que « la bataille finale » concernerait le mariage et la famille (31 décembre 2016, CNA/EWTN News)

[8] Le Cardinal Dolan a marché devant la parade de la Saint Patrick de 2015, qui incluait un militant homosexuel mais excluait un groupe pro-vie. 17 mars 2015, LifeSiteNews.com

[9] Un prêtre est réprimandé pour avoir refusé la Sainte Communion à une lesbienne. 29 février 2012, LifeSiteNews.com

[10] Méditation matinale à la Domus Sanctæ Marthæ, 20 décembre 2013.

[11] Discours du Pape Paul VI le 13 octobre 1977, durant le Soixantième anniversaire des apparitions à Fatima.

[12] Lettre de 23 théologiens au Pape, datée le 8 décembre 2016 : Lettre de professeurs universitaires et de pasteurs catholiques en appui aux Dubia.

[13] Par définition, « catholique » signifie « quod semper, ubique et ab omnibus ». C’est-à-dire que la catholicité implique l’antiquité, l’universalité et le consentement.

[14] Code de droit canonique, canon 1752.



Laissez un commentaire