François Legault, Premier ministre du Québec.
Par L’historien Jean-Claude Dupuis, Ph. D. — Photo (rognée) : LouisRoyQc/Wikimedia Commons
En présentant la loi 21 sur la laïcité, François Legault a dit qu’il voulait « clore ce débat pour passer à autre chose ». Pourtant, personne ne discutait de cette question au temps de Philippe Couillard, qui avait eu la sagesse d’enterrer ce faux problème inventé de toutes pièces par la Commission Bouchard-Taylor. Depuis l’adoption de la loi 21, on n’a jamais autant parlé de religion au Québec. Si l’objectif était de « clore le débat », c’est raté.
La loi 21, de juridiction provinciale, est même devenue un enjeu de la campagne électorale fédérale. Le Bloc québécois s’est inféodé au gouvernement Legault en exigeant que les leaders des partis fédéraux s’engagent à ne pas la contester devant les tribunaux. On n’a pas fini d’entendre parler du « grave problème » posé par les quelques enseignants qui portent des signes religieux visibles.
Justin Trudeau a eu raison de ne pas fermer la porte à une intervention du procureur général du Canada dans ce dossier. La Cour suprême n’entend que des causes d’intérêt national. Or si la cause est d’intérêt national, le gouvernement fédéral a le devoir d’intervenir. Le tribunal pourrait même exiger qu’il intervienne. Le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, vient du monde du spectacle. S’il connaissait le droit, il ne poserait pas une question aussi stupide.
Mais Blanchet voulait surtout se faire du capital politique en défendant une loi qui est populaire au Québec. Legault a réussi à associer la laïcité au nationalisme. Nos pseudo-nationalistes décérébrés aiment la loi 21 parce qu’elle distingue le Québec du Canada anglais. Elle contribue à définir la nouvelle identité québécoise. La nation française d’Amérique ne s’identifie plus à l’Église catholique, comme au temps de Duplessis, ni à la langue française, comme au temps de René Lévesque, mais à la « laïcité », un concept républicain français dont la plupart des Québécois ignoraient la signification il y a seulement quelques années.
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On tend à « sacraliser » la loi 21, comme on l’a fait pour la loi 101. On s’attaque au hidjab parce qu’on n’ose plus résister à l’anglais, le vecteur du mondialisme politiquement correct. Et l’on élimine le crucifix au passage, question de montrer une certaine cohérence. Quelle déchéance pour le nationalisme canadien-français.
La loi 21 est inacceptable, non pas tellement* parce qu’elle brime les droits individuels des minorités religieuses, comme on le dit au Canada anglais, mais parce qu’elle renie la culture historique de la nation canadienne-française. Le préambule de la loi affirme ceci :
« Considérant que la nation québécoise a des caractéristiques propres, dont sa tradition civiliste, des valeurs sociales distinctes et un parcours historique spécifique l’ayant amenée à développer un attachement particulier à la laïcité de l’État (…) »
Aucune allusion aux origines catholiques et françaises de notre peuple, mais une glorification du socialisme et de l’anticléricalisme de la Révolution tranquille. Non, ce n’est pas le peuple qui a été fondé par Champlain, Maisonneuve et Talon. Ce n’est pas le peuple qui mérite de survivre parce qu’il peut apporter une touche culturelle différente en Amérique du Nord.
La loi 21 remplace notre identité nationale par une identité civique qui peut s’appliquer à n’importe quel « citoyen du monde ». Elle n’a strictement rien d’identitaire.
La loi 101 (1977) décrivait mieux notre nationalité en disant que « la langue française permet au peuple québécois d’exprimer son identité ». Le Rapport Tremblay (1956) était encore plus clair. Il nous définissait tout simplement comme « un peuple français et chrétien ».
*Elle ne dérange surtout pas sur ce chapitre, encore qu’elle exagère vu le contexte de la société actuelle. — A. H.