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Sans Dieu, rien d’autre ne peut exister

Par Matthew McCusker — Traduit par Campagne Québec-Vie — Photo : Wikimedia Commons

27 mars 2024 (LifeSiteNews) — Ceci est la cinquième partie d’une série d’articles démontrant le caractère raisonnable des affirmations de l’Église catholique. Dans l’article précédent, nous avons démontré que l’existence de Dieu peut être connue avec certitude à partir de ce que nous observons du « mouvement », ou changement, dans le monde qui nous entoure.

Dans cet article, nous explorerons une deuxième voie par laquelle nous pouvons atteindre la certitude de l’existence de Dieu : la preuve par la « causalité efficiente ».

La distinction entre la « première voie » et la « deuxième voie »

Comme nous l’avons noté dans l’article précédent, les preuves de l’existence de Dieu apportées par saint Thomas d’Aquin partent toutes de quelque chose que nous pouvons facilement observer dans le monde qui nous entoure.

La « première voie » commence avec notre perception sensorielle que les choses de notre expérience sont sujettes au changement.

La « deuxième voie » commence avec notre perception que les choses dans le monde qui nous entoure sont causées par quelque chose d’extérieur à elles-mêmes.

Il y a une distinction entre l’observation du mouvement et l’observation de la causalité efficiente, et donc les preuves partent d’un point différent, même s’il y a une similitude dans la façon dont elles se développent.

Mais qu’est-ce que la « causalité efficiente » ?

La causalité efficiente

Pour comprendre la « deuxième voie », il faut d’abord comprendre la signification du terme causalité efficiente.

Voyons d’abord ce que nous entendons par cause et effet.

  • Une cause est tout ce qui contribue d’une manière ou d’une autre à la production d’une chose.
  • L’effet est la chose produite par les causes.
L'article continue ci-dessous...

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La relation entre la cause et l’effet est appelée causalité.

Il existe d’innombrables causes différentes dans l’univers observable. Cependant, elles peuvent toutes être classées comme intrinsèques ou extrinsèques.

  • Les causes intrinsèques sont « dans la chose », elles en font partie et ne peuvent en être séparées. Par exemple, le bois dont est faite une statue.
  • Les causes extrinsèques sont extérieures à la chose. Par exemple, l’artisan qui a sculpté la statue.

Les causes intrinsèques peuvent être subdivisées en causes matérielles et formelles :

  • La cause matérielle est la matière dont une chose est constituée. Par exemple, le bois, le marbre ou l’or dont est faite une statue particulière.
  • La cause formelle est ce qui constitue une chose comme étant précisément la chose qu’elle est. C’est ce qui détermine et spécifie la matière. Par exemple, une statue en bois d’une taille, d’une forme, d’un poids particuliers, etc.

Les causes extrinsèques peuvent être subdivisées en causes efficientes et causes finales :

  • La cause efficiente est celle qui produit un effet par sa propre action. Par exemple, l’artisan est la cause efficiente du début de l’existence de la statue en bois. La cause efficiente peut avoir son effet par l’intermédiaire d’une cause instrumentale qui, dans ce cas, pourrait être le ciseau et le marteau avec lesquels l’artisan travaille.
  • La cause finale est celle vers laquelle la cause efficiente est dirigée dans la production de l’effet. Dans cet exemple, l’artisan peut vouloir réaliser une statue de la Vierge afin d’inciter les hommes à la prière. Bien sûr, les choses n’ont pas besoin d’être conscientes de leurs causes finales ; une torche en bois n’a pas l’intention de brûler et de donner de la lumière, mais la nature du bois la dispose à la fin de brûler.

Toutes les causes appartiennent à l’une de ces quatre catégories : les causes matérielles, les causes formelles, les causes efficientes et les causes finales.

Tous les êtres qui sont causés peuvent être appelés des êtres contingents, c’est-à-dire que leur existence dépend de l’action de leurs causes. Si les causes n’agissaient pas, l’être contingent n’existerait pas.

Un être contingent est donc un être capable de ne pas exister. C’est un être « possible », mais il n’existe pas par « nécessité ». Il n’existe que parce qu’il a été amené à exister par un être autre que lui-même.

Le contraire d’un « être possible » est un « être nécessaire », c’est-à-dire un être dont l’existence ne dépend d’aucun autre être. Un « être nécessaire » serait donc auto-existant et non causé.

Ces points seront importants à retenir dans la suite de notre argumentation.

Un examen plus approfondi de la causalité efficiente

Il y a quelques aspects importants de la causalité efficiente à considérer avant de passer à l’examen de la preuve de saint Thomas.

On peut distinguer deux types de causes efficientes :

  1. Une cause efficiente dont l’action cause la venue à l’être d’une chose (une cause efficiente in fieri)
  2. Une cause efficiente dont l’action maintient une chose dans l’être (cause efficiente in esse).

L’artisan est la cause efficiente de la venue à l'être de la statue, mais une fois qu’il a terminé son travail, la statue continue d’exister, sans qu’il ait à intervenir. Il est la cause efficiente de la venue à l'être de la statue, mais son action ne la maintient pas dans l’existence.

La statue continue d’exister parce que son existence est soutenue par une autre cause efficiente qui agit au moment où elle existe.

Dans le cas de la statue, le bois dont elle est faite est de nature à conserver la forme que l’artisan lui a donnée. En l’absence des qualités naturelles qui lui permettent de conserver sa forme, celle-ci disparaîtrait et la statue ne pourrait plus être considérée comme existante.

Un effet cesse d’être dès que sa cause cesse d’agir. Le processus de venue à l’être de la statue a cessé lorsque l’artisan a posé ses outils, et l’être de la statue cesserait si la cause qui soutient son existence cessait d’agir.

Il ne suffit donc pas, pour qu’une chose existe, qu’elle soit venue à l'être à un moment donné, mais elle doit être maintenue dans l’être par l’action continue de ses causes.

Comme l’écrit le philosophe George Hayward Joyce S.J. :

« Il est absolument impossible qu’une chose, qui a besoin d’une cause pour venir à l’être, demeure dans l’existence indépendamment de la cause in esse qui la maintient dans l’être ».¹

En effet, comme nous l’avons expliqué plus haut, les choses qui sont venues à l’être sont contingentes à leurs causes et ne sont pas la cause de leur propre existence.

Si nous affirmions qu’une chose créée, comme notre statue de bois, peut se maintenir dans l’existence, nous affirmerions qu’elle est le genre d’être qui, par sa propre nature, possède l’existence. Or, une chose qui possède l’existence par sa propre nature aurait toujours existé et ne pourrait jamais cesser d’exister. Or, ce n’est manifestement pas le cas de la statue, ni d’aucune autre chose dont nous avons l’expérience sensorielle.

Nous pouvons donc affirmer que toute chose créée dont nous avons une connaissance sensorielle est l’effet de deux séquences de causalité efficiente :

  1. Séquence de venues à l'être, dans le temps
  2. Séquence d’êtres, à un moment donné dans le temps

Toute séquence considérée a au moins deux membres, une cause et un effet, mais une séquence peut être étendue pour inclure un plus grand nombre de causes, à partir d’une cause première, à travers un certain nombre de causes intermédiaires, jusqu’à l’effet considéré.

Un exemple du premier type de séquence serait la génération continue d’êtres humains, de père en fils, génération après génération.

Un exemple du deuxième type de séquence serait le maintien dans l’existence d’un être humain donné, après être venu à l'être.

Dans cet exemple, nous voyons plus clairement la nécessité d’une cause durable. Un homme est plus qu’une simple substance matérielle, comme notre statue de bois, mais plutôt un corps vivant, sensible et rationnel, dont toutes les parties agissent comme un tout unique. Il doit donc y avoir une cause efficiente de son existence qui soit d’un ordre capable de maintenir un tel être dans l’existence.

C’est à partir du deuxième type de séquence — l’ordre des causes efficientes de l’être — que saint Thomas d’Aquin démontre l’existence de Dieu.

Comment pouvons-nous démontrer l’existence de Dieu à partir de la nature de la cause efficiente ?

Saint Thomas commence ainsi :

Nous constatons, à observer les choses sensibles, qu’il y a un ordre entre les causes efficientes.

Lorsque nous observons le monde qui nous entoure, nous voyons les choses venir à l’existence sous l’action des causes efficientes.

Par exemple, nous avons vu la statue en bois apparaître grâce à l’action de l’artisan, ou un homme naître grâce à la reproduction humaine.

Nous avons également vu qu’il doit y avoir un ordre des causes efficientes de l’être qui explique pourquoi les choses contingentes créées, comme la statue et l’homme, continuent d’exister après avoir été créées.

Comme ces choses n’ont pas le pouvoir de se maintenir en existence, elles doivent être maintenues par quelque chose d’autre qu’elles-mêmes, d’un ordre capable de produire un tel effet.

En effet, comme le dit saint Thomas :

Ce qui ne se trouve pas et qui n’est pas possible, c’est qu’une chose soit la cause efficiente d’elle-même, ce qui la supposerait antérieure à elle-même, chose impossible.

Ni la statue, ni l’homme, ni quoi que ce soit d’autre ne peut être une cause efficiente de lui-même. Tous sont l’effet d’une ou plusieurs causes efficientes de leur être.

Cependant, comme l’écrit saint Thomas :

Or, il n’est pas possible non plus qu’on remonte à l’infini dans les causes efficientes ; car, parmi toutes les causes efficientes ordonnées entre elles, la première est cause des intermédiaires et les intermédiaires sont causes du dernier terme, que ces intermédiaires soient nombreux ou qu’il n’y en ait qu’un seul.

D’autre part, supprimez la cause, vous supprimez aussi l’effet. Donc, s’il n’y a pas de premier, dans l’ordre des causes efficientes, il n’y aura ni dernier ni intermédiaire.

Mais si l’on devait monter à l’infini dans la série des causes efficientes, il n’y aurait pas de cause première ; en conséquence, il n’y aurait ni effet dernier, ni cause efficiente intermédiaire, ce qui est évidemment faux.

La raison en est évidente d’après tout ce que nous avons dit jusqu’à présent.

Chaque effet dont nous avons connaissance est lui-même l’effet d’une cause efficiente. Par conséquent, chaque membre de la séquence doit à son tour avoir sa propre cause efficiente.

Mais comment peut-il y avoir une cause première au début de la séquence, si chaque cause efficiente doit être causée par une autre cause ?

Pourtant, une telle cause doit exister, car comme le dit saint Thomas, « s’il n’y a pas de cause première parmi les causes efficientes, il n’y aura pas de cause efficiente ultime, ni de cause efficiente intermédiaire ».

Sans la cause première, qui commence une séquence, aucun autre effet ne serait produit. C’est pourquoi saint Thomas affirme que « supprimer la cause, c’est supprimer l’effet ».

Il n’y a qu’une seule solution à ce problème. Au début de chaque séquence, il doit y avoir une cause première, qui n’est pas soumise à la limitation inhérente à toutes les causes dont nous avons la connaissance sensorielle.

Il doit y avoir une cause première qui ne soit pas elle-même causée par une cause efficiente. C’est la seule explication qui permette une séquence de causalité efficiente qui maintienne un être contingent dans l’existence.

Cette cause incausée est nécessairement un être dont l’existence n’est pas subordonnée à des causes. Il s’agit donc d’un être nécessaire qui existe par lui-même.

Si un tel être nécessaire n’existait pas, nous serions incapables de rendre compte d’un univers composé d’êtres contingents qui ne peuvent être leurs propres causes efficientes.

Comme l’explique le Père dominicain et théologien Réginald Marie Garrigou-Lagrange :

Mais on ne peut aller à l’infini, il faut une première cause non causée, qui ait l’être par soi et qui puisse le donner et le conserver et le conserver aux autres, sans quoi aucune des existences que nous avons constatées ne subsisterait.²

C’est pourquoi saint Thomas conclut :

Il faut donc nécessairement affirmer qu’il existe une cause efficiente première, que tous appellent Dieu.

Cet être est la Cause première efficiente de tous les effets de l’univers.

Il est à l’origine de toute existence et de tout changement.

Cette « Cause incausée » n’a nécessairement pas d’origine et doit donc être éternelle.

En tant qu’être nécessaire, existant par lui-même, il n’est pas sujet à la limitation et est donc à la fois infini et parfait.³

Ce créateur nécessaire, existant par lui-même, sans cause, éternel, infini et parfait est certainement cet être dont les êtres humains parlent lorsqu’ils disent « Dieu ».


Références

¹George Hayward Joyce S.J., Principles of Natural Theology, (Londres, 1924), p. 61.

²Reginald Garrigou-Lagrange O.P., Dieu : Son existence et sa nature, Tome 1, Éditions Saint-Rémi, (Cadillac, France), p. 267

³Une explication plus complète des attributs divins et de la manière dont ils peuvent être démontrés avec certitude par l’usage de la raison sera donnée plus loin dans cette série.

Les articles de la série :

  1. Série sur la philosophie catholique — les étapes
  2. Dieu existe. Mais son existence est-elle évidente en elle-même ?
  3. Est-il possible de prouver l’existence de Dieu ?
  4. L'existence de Dieu peut être connue à la lumière de la raison naturelle
  5. Sans Dieu, rien d’autre ne peut exister
  6. Les êtres créés ne peuvent pas être à l’origine de la création — seul Dieu peut l’être
  7. L’Église catholique enseigne que les hommes peuvent connaître l’existence de Dieu par la seule raison
  8. La philosophie scholastique
  9. Nietzsche et Kant ne vous mèneront pas à la vérité — c’est la philosophie scolastique qui le fera
  10. Les merveilles de la création nous conduisent à Dieu
  11. La révélation et les cheminements de la philosophie


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