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L’Église catholique enseigne que les hommes peuvent connaître l’existence de Dieu par la seule raison


Le Pape saint Pie X.

Par Matthew McCusker — Traduit par Campagne Québec-Vie — Photo :

18 avril 2024 (LifeSiteNews) — Jusqu’à présent, dans cette série, j’ai donné de brèves introductions à trois des preuves classiques de l’existence de Dieu. Chacune de ces trois preuves part de notre conscience de la réalité de la causalité et de la contingence dans le monde, dont nous prenons connaissance au moyen de nos sens. Les preuves s’appuient sur ce que nous savons des choses créées pour conclure à l’existence d’un premier moteur immobile, d’une cause incausée et d’un être nécessaire.

Il s’agit donc d’arguments a posteriori du type de ceux expliqués dans un article précédent de cette série. Nous partons des effets observés pour conclure à l’existence de la cause.

Ce type d’argument en faveur de l’existence de Dieu a été considéré comme valide et convaincant pendant plus de deux millénaires, par des philosophes issus d’une grande variété de cultures et de religions.

Cependant, au cours des deux cents dernières années, leur validité a été largement rejetée par des penseurs extérieurs à l’Église catholique, et même au sein de l’Église, ils ont été remis en question.

Dans cet article, nous faisons une pause temporaire dans la discussion sur les preuves de l’existence de Dieu et nous examinons comment l’Église catholique a répondu aux affirmations selon lesquelles l’intellect humain n’aurait pas la capacité d’atteindre la connaissance de l’existence de Dieu par le biais d’arguments a posteriori.

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L’influence d’Emmanuel Kant (1724-1804)

Emmanuel Kant soutenait que la raison humaine est incapable d’atteindre une connaissance certaine de la nature des choses au-delà de la portée des sens. Il établit une distinction entre les phénomènes sensoriels, les apparences d’une chose, qui peuvent être connus, et ce que les choses sont en elles-mêmes, qui ne peut être connu. Avec un tel modèle, nous ne pouvons pas partir des phénomènes sensoriels pour conclure à l’existence d’un être qui ne peut être connu par les sens, et les preuves a posteriori de l’existence de Dieu deviennent donc impossibles.

L’influence de Kant sur la philosophie moderne est si grande qu’en dehors de l’Église, les preuves traditionnelles de l’existence de Dieu ont été rejetées sans considération pendant plus de deux siècles. On suppose simplement qu’un tel raisonnement ne peut pas nous apporter une connaissance certaine des réalités au-delà des sens.

Comme l’écrit la philosophe Celestine Bittle OFM :

L’agnosticisme moderne est une théorie philosophique qui affirme l’incapacité constitutionnelle de l’esprit humain à connaître la réalité, de sorte que toute investigation ne porte que sur le « phénoménal ». La plupart des agnostiques affirment que derrière les phénomènes se cache une sorte de réalité absolue, mais que cette réalité est intrinsèquement inconnaissable. Kant a divisé les objets de la connaissance en deux classes générales, les « phénomènes » (apparences) et les « choses en soi » ; les premiers sont tout ce que nous connaissons, les secondes sont inaccessiblement cachées derrière les phénomènes et sont absolument inconnaissables. Dieu est donc inconnaissable pour la raison humaine. [1]

Kant pensait que s’il était impossible pour l’homme d’atteindre la connaissance de Dieu par l’utilisation de la raison spéculative, l’existence de Dieu devait néanmoins être considérée comme un « postulat de la raison pratique ». Kant soutenait que la croyance en Dieu était pratiquement nécessaire à l’homme s’il voulait poursuivre rationnellement son « bien suprême », qu’il considérait comme une vertu unie au bonheur.

Comme l’écrit Bittle :

Ainsi, selon Kant, l’existence de Dieu, la liberté de la volonté et l’immortalité de l’âme humaine sont indémontrables, mais la croyance en leur vérité est nécessaire à l’homme pour qu’il puisse accomplir intelligemment ses devoirs moraux. [2]

La position de Kant concernant l’existence de Dieu est résumée ainsi par le théologien dominicain Réginald Garrigou-Lagrange :

Kant soutenait que les preuves spéculatives de l’existence de Dieu ne sont pas convaincantes, que la métaphysique est une impossibilité, et qu’il n’y a pas d’autres preuves de l’existence de Dieu que celles d’ordre pratique ou moral, produisant la foi morale, qui est suffisamment certaine, considérée subjectivement, mais qui, considérée objectivement, est insuffisante. [3]

Au début du vingtième siècle, ces erreurs clés de Kant constituaient la base d’une nouvelle hérésie, qui allait être identifiée et condamnée sous le nom de modernisme.

L’hérésie du modernisme et les preuves a posteriori de l’existence de Dieu

Le 8 septembre 1907, en la fête de la Nativité de la Vierge, le pape saint Pie X a offert un grand cadeau au monde catholique. Sa lettre encyclique Pascendi Dominici Gregis condamnait la nouvelle hérésie du modernisme et exposait les erreurs philosophiques et théologiques qui la sous-tendaient.

L’année suivante, le moderniste italien Ernesto Buonaiuti publie une « contre-encyclique » intitulée Le programme des modernistes. Ce document reçoit le soutien de modernistes du monde entier, dont George Tyrrell en Angleterre. [4]

Buonaiuti, admirateur de la réforme protestante, était engagé dans une « réforme » radicale du catholicisme à l’intérieur des structures de l’Église, et préférait attendre d’être expulsé plutôt que de quitter volontairement une Église aux doctrines de laquelle il n’adhérait plus. [5] L’Église fit preuve d’une extraordinaire indulgence à son égard, mais il fut finalement excommunié vitandus par le pape Pie XI en 1926. [6]

Dans Le programme des modernistes, Buonaiuti a rejeté de manière provocante les preuves traditionnelles de l’existence de Dieu. Il a déclaré :

Avant tout, il faut reconnaître que les arguments fournis par la métaphysique scolastique pour démontrer l’existence de Dieu — arguments tirés du mouvement, de la nature des choses finies et contingentes, des degrés de perfection et de la finalité de l’univers — ont perdu toute valeur aujourd’hui. Dans la révision générale que la critique post-kantienne a faite des sciences abstraites et empiriques et du langage philosophique, les concepts qui servent de base à ces arguments ont perdu le caractère absolu que les péripatéticiens du Moyen-Âge leur avaient attribué.

Cette affirmation audacieuse confirme l’affirmation de saint Pie X selon laquelle l’erreur principale des modernistes était leur agnosticisme. L’année précédente, le pape avait enseigné :

Les modernistes posent comme base de leur philosophie religieuse la doctrine appelée communément agnosticisme. La raison humaine, enfermée rigoureusement dans le cercle des phénomènes, c’est-à-dire des choses qui apparaissent, et telles précisément qu’elles apparaissent, n’a ni la faculté ni le droit d’en franchir les limites ; elle n’est donc pas capable de s’élever jusqu’à Dieu, non pas même pour en connaître, par le moyen des créatures, l’existence : telle est cette doctrine. D’où ils infèrent deux choses : que Dieu n’est point objet direct de science ; que Dieu n’est point un personnage historique. [7]

Saint Pie X poursuit :

Qu’advient-il, après cela, de la théologie naturelle, des motifs de crédibilité, de la révélation extérieure ? Il est aisé de le comprendre. Ils les suppriment purement et simplement et les renvoient à l’intellectualisme, système, disent-ils, qui fait sourire de pitié, et dès longtemps périmé. Rien ne les arrête, pas même les condamnations dont l’Église a frappé ces erreurs monstrueuses. [8]

Ces erreurs avaient en effet déjà été condamnées infailliblement par le Concile du Vatican en 1870, comme l’affirme saint Pie X.

L’enseignement du Concile du Vatican sur la connaissance de Dieu par la raison naturelle

Lors de sa troisième session, le 24 avril 1870, le Concile du Vatican a enseigné infailliblement ce qui suit au sujet de Dieu :

La sainte Église catholique, apostolique et romaine croit et confesse qu’il y a un seul Dieu vrai et vivant, Créateur et Seigneur du ciel et de la terre, tout-puissant, éternel, immense, incompréhensible, infini en intelligence et en volonté et en toute perfection ; qui, étant une substance spirituelle unique, absolument simple et immuable, doit être proclamé comme réellement et par essence distinct du monde, très heureux en soi et de soi, et indiciblement élevé au-dessus de tout ce qui est et peut se concevoir en dehors de lui.

Dans cette définition, le Concile affirme l’existence de Dieu, définit les attributs fondamentaux de sa nature divine et exclut absolument toute conception panthéiste de Dieu. D’autres canons ont suivi, dans lesquels l’athéisme, le matérialisme et le panthéisme ont été frappés d’anathème.

Le premier canon condamne l’athéisme :

Si quelqu’un nie un seul vrai Dieu, Créateur et maître des choses visibles et invisibles ; qu’il soit anathème.

Le matérialisme est condamné par le deuxième canon :

Si quelqu’un ne rougit pas d’affirmer qu’en dehors de la matière, il n’existe rien ; qu’il soit anathème.

Les diverses formes de panthéisme sont condamnées par les troisième et quatrième canons :

Si quelqu’un dit qu’il n’y a qu’une seule et même substance ou essence de Dieu et de toutes choses ; qu’il soit anathème.

Si quelqu’un dit que les choses finies, soit corporelles, soit spirituelles, ou du moins les spirituelles, sont émanées de la substance divine ; Ou que la divine essence par la manifestation ou l’évolution d’elle-même devient toutes choses ; Ou enfin que Dieu est l’Être universel et indéfini qui, en se déterminant lui-même, constitue l’universalité des choses réparties en genres, espèces et individus ; qu’il soit anathème.

Le dernier canon de cet ensemble anathématise ceux qui nient que le monde a été créé par Dieu :

Si quelqu’un ne confesse pas que le monde et que toutes les choses qui y sont contenues soit spirituelles, soit matérielles, ont été, quant à toute leur substance, extraites du néant par Dieu ; Ou dit que Dieu a créé, non par sa volonté libre de toute nécessité, mais aussi nécessairement que nécessairement il s’aime lui-même ; Ou nie que le monde ait été fait pour la gloire de Dieu ; qu’il soit anathème.

La même session du Concile poursuit en définissant le rôle de la raison humaine dans la connaissance de l’existence de Dieu :

La même Sainte Mère Église tient et enseigne que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être certainement connu par les lumières naturelles de la raison humaine, au moyen des choses créées ; « car les choses invisibles de Dieu sont aperçues au moyen de la création du monde et comprises à l’aide des choses créées. » (Rom 1,20) Cependant il a plu à la sagesse et à la bonté de Dieu de se révéler lui-même à nous et de nous révéler les décrets éternels de sa volonté par une autre voie, surnaturelle.

Dans cette définition, l’Église enseigne infailliblement que nous pouvons connaître l’existence de Dieu par l’usage de notre raison humaine naturelle. L’erreur contraire est alors formellement condamnée :

Si quelqu’un dit que Dieu unique et véritable, notre Créateur et Maître, ne peut pas être connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine, au moyen des choses qui ont été créées ; qu’il soit anathème.

Le Concile a précisé que la connaissance certaine que nous avons de l’existence de Dieu s’obtient par le raisonnement à partir des choses créées.

Il est donc hérétique de soutenir que l’existence de Dieu ne peut être connue avec certitude par le processus de raisonnement humain, à partir des données sensorielles obtenues à partir des choses créées.

Le Concile a donné cette définition en raison de la prévalence du traditionalisme (une forme de fidéisme abordée brièvement dans un article précédent) et des erreurs de la philosophie post-kantienne dont il a été question plus haut.

Un mémorandum distribué aux pères du Concile en même temps que le texte du schéma, donnait cette explication de son contenu :

La définition que Dieu peut être certainement connu à la lumière de la raison, par le moyen des créatures, a paru nécessaire, aussi bien que le canon correspondant à cette définition, non seulement à cause du traditionalisme, mais à cause de l’erreur fort répandue d’après laquelle l’existence de Dieu n’est démontrée par aucune preuve indubitable ni par conséquent connue avec certitude par la raison. [9]

Garrigou-Lagrange donne d’autres illustrations instructives de l’opinion de l’Église sur la capacité de l’intellect humain à atteindre la certitude sur la question de l’existence de Dieu.

En 1840, la Congrégation de l’Index exigeait d’un écrivain suspecté de fidéisme qu’il souscrive à la proposition suivante :

Le raisonnement humain est suffisant pour prouver avec certitude l’existence de Dieu. La foi, étant un don surnaturel, présuppose la révélation et ne peut donc être invoquée de façon cohérente pour prouver l’existence de Dieu à l’encontre d’un athée. [10]

Le texte fait ici allusion à l’ordre décrit dans la première partie de cette série, selon lequel l’intellect humain reconnaît d’abord l’existence de Dieu, puis reconnaît que Dieu est capable de se révéler à l’humanité, puis que cette révélation s’est effectivement manifestée en Jésus-Christ et, enfin, qu’elle est enseignée avec autorité par l’Église qu’il a établie. C’est à ce moment-là qu’un acte de foi surnaturel doit être accompli.

En 1855, la même congrégation a fait accepter par un autre auteur les propositions suivantes :

Le raisonnement humain a le pouvoir de prouver avec certitude l’existence de Dieu, ainsi que la spiritualité et la liberté de l’âme. [11]

Et

La méthode employée par saint Thomas, saint Bonaventure et d’autres scolastiques après eux, ne conduit pas au rationalisme, et on ne peut lui reprocher que la philosophie contemporaine des écoles ait dérivé vers le naturalisme et le panthéisme. Personne n’a donc le droit de reprocher à ces docteurs et maîtres d’avoir employé cette méthode, d’autant plus qu’ils l’ont fait avec l’approbation au moins tacite de l’Église [12].

Le Concile du Vatican a définitivement réglé les questions du fidéisme et du panthéisme, comme nous l’avons vu plus haut.

Mais le Concile a-t-il également exclu les erreurs de Kant ?

Garrigou-Lagrange répond par l’affirmative, en notant que le Concile précise que la raison humaine parvient à une connaissance certaine de Dieu. Affirmer que l’homme doit simplement postuler l’existence de Dieu pour fonder l’accomplissement de ses devoirs moraux, comme l’a fait Kant, n’est pas suffisant pour ne pas tomber sous la condamnation du Concile. Les Pères du Concile ont rejeté six amendements différents qui auraient supprimé le mot « certain ». [13]

Mgr Gasser, rapporteur officiel du Concile du Vatican, a placé le texte du Concile dans le contexte suivant au cours des débats :

Vous savez, très Révérends Pères, quelle opinion s’est répandue dans l’esprit de beaucoup grâce à l’enseignement des encyclopédistes français et des plus grands défenseurs de la philosophie critique en Allemagne ; cette opinion largement répandue c’est que l’existence de Dieu ne peut être prouvée avec une pleine certitude, et que les arguments qui ont été de tout temps si bien considérés, sont encore ouverts à la discussion. En conséquence, la religion a été méprisée comme si elle n’avait pas de fondement.

En outre, ces derniers temps, on a essayé en divers endroits de séparer la morale de toute religion ; on dit que cela est nécessaire parce qu’on craint que, lorsqu’un homme a atteint un certain âge et qu’il s’aperçoit qu’il n’y a rien de certain dans la religion, pas même l’existence de Dieu, il ne devienne un pervers moral. [14]

C’est la philosophie post-kantienne que les Pères du Concile ont voulu exclure en définissant comme certaine la connaissance de l’existence de Dieu acquise par la raison naturelle.

Le serment antimoderniste

Malgré l’enseignement clair du Concile du Vatican et de la lettre encyclique Pascendi, les modernistes ont continué à nier la validité de la démonstration a posteriori de l’existence de Dieu, comme le montre Le programme des modernistes cité plus haut.

C’est pourquoi, afin d’empêcher la propagation de cette erreur et d’autres erreurs modernistes au sein du clergé, le pape saint Pie X a introduit le serment antimoderniste le 1er septembre 1910.

Ce serment reprend les affirmations du Concile du Vatican avec un certain nombre d’ajouts pour rendre sa doctrine encore plus claire.

Le serment commence ainsi :

Moi, N…, j’embrasse et reçois fermement toutes et chacune des vérités qui ont été définies, affirmées et déclarées par le magistère infaillible de l’Eglise, principalement les chapitres de doctrine qui sont directement opposés aux erreurs de ce temps.

Et d’abord, je professe que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être certainement connu, et par conséquent aussi, démontré à la lumière naturelle de la raison « par ce qui a été fait » [Rm 1,20], c’est-à-dire par les œuvres visibles de la création, comme la cause par les effets.

Le serment antimoderniste utilise quelques mots supplémentaires qui ne figurent pas dans les définitions du Concile.

Le Concile a enseigné que Dieu peut « être certainement connu par les lumières naturelles de la raison humaine, au moyen des choses créées ».

Le serment antimoderniste, quant à lui, utilise une formulation plus large : Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être certainement connu, et par conséquent aussi, démontré à la lumière naturelle de la raison « par ce qui a été fait » [Rm 1,20], c’est-à-dire par les œuvres visibles de la création, comme la cause par les effets.

De cette manière, il amplifie et clarifie le sens du Concile contre les erreurs modernistes.

Les œuvres visibles de la création

Le serment antimoderniste précise que Dieu est connu « par les œuvres visibles de la création ». L’utilisation du mot « visible » dans le serment exclut plus clairement le recours à des arguments tirés des exigences de la morale, tels que ceux avancés par Kant.

Garrigou-Lagrange explique :

L’insertion du mot « visibilia », et ce en italique, dans la première proposition du Serment antimoderniste, est un signe que l’Église insiste sur l’interprétation littérale des paroles du Concile et de la citation de saint Paul. Exclure les choses sensibles de l’expression « e rebus creatis » [au moyen des choses créées] et dire que les seules preuves certaines de l’existence de Dieu sont celles qui se fondent sur la vie intellectuelle et morale de l’homme, ce serait évidemment s’écarter du sens clair et originel des mots [15].

L’existence de Dieu peut être démontrée a posteriori

La définition du Concile utilise les mots « peut être connue avec certitude » alors que le serment antimoderniste stipule : « peut être certainement connue, et par conséquent, aussi démontrée ».

Par cet ajout, le serment souligne le sens du Concile et indique clairement que les catholiques doivent accepter que l’existence de Dieu puisse être démontrée par des arguments rationnels à partir des choses qui ont été créées.

L’ajout de la phrase « comme la cause [nous est connue] par ses effets » met hors de doute que le texte parle d’une démonstration a posteriori.

Que la raison humaine, en examinant les choses de la création, puisse raisonner sur l’existence de Dieu est l’enseignement clair de l’Ancien et du Nouveau Testament.

Dans le livre de la Sagesse, nous lisons :

Insensés par nature tous les hommes qui ont ignoré Dieu, et qui n’ont pas su, par les biens visibles, voir Celui qui est, ni, par la considération de ses œuvres, reconnaître l’Ouvrier. Mais ils ont regardé le feu, le vent, l’air mobile, le cercle des étoiles, l’eau impétueuse, les flambeaux du ciel, comme des dieux gouvernant l’univers.

Si, charmés de leur beauté, ils ont pris ces créatures pour des dieux, qu’ils sachent combien le Maître l’emporte sur elles ; car c’est l’Auteur même de la beauté qui les a faites. Et s’ils en admiraient la puissance et les effets, qu’ils en concluent combien est plus puissant celui qui les a faites. Car la grandeur et la beauté des créatures font connaître par analogie Celui qui en est le Créateur.

Ceux-ci pourtant encourent un moindre reproche ; car ils s’égarent peut-être en cherchant Dieu et en voulant le trouver. Occupés de ses œuvres, ils en font l’objet de leurs recherches, et s’en rapportent à l’apparence, tant ce qu’ils voient est beau ! D’autre part, ils ne sont pas non plus excusables ; car, s’ils ont acquis assez de science pour arriver à connaître le monde, comment n’en ont-ils pas connu plus facilement le Maître ? (Sg 13,1-9) (Bible Crampon)

Et dans l’épître de Saint Paul aux Romains :

En effet, la colère de Dieu éclate du haut du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes, qui, par leur injustice, retiennent la vérité captive ; car ce qui se peut connaître de Dieu, est manifeste parmi eux : Dieu le leur a manifesté. En effet ses perfections invisibles, son éternelle puissance et sa divinité sont, depuis la création du monde, rendues visibles à l’intelligence par le moyen de ses œuvres. Ils sont donc inexcusables, puisque, ayant connu Dieu, ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces ; mais ils sont devenus vains dans leurs pensées, et leur cœur sans intelligence s’est enveloppé de ténèbres. Se vantant d’être sages, ils sont devenus fous… (Rm 1.18-22) (Bible Crampon)

Ces deux passages indiquent clairement que la connaissance de l’existence de Dieu peut être connue avec certitude à partir des choses créées, et qu’il est inexcusable de ne pas le reconnaître. Il est également clair que cette connaissance est ouverte à tous et qu’elle est attendue de tous, et pas seulement des philosophes ou des intellectuels.

Bien sûr, tous les hommes n’atteignent pas leur première connaissance de l’existence de Dieu par ces moyens. Beaucoup, par exemple, sont instruits sur Dieu par leurs parents, ou reçoivent la connaissance de Dieu par l’enseignement de l’Église au cours de leur croissance.

Par ailleurs, ni le Concile ni le serment n’entendent suggérer que toute personne est capable de suivre toutes les étapes du raisonnement d’une démonstration philosophique. Comme le dit Garrigou-Lagrange :

[L’enseignement de l’Église] ne signifie pas que la démonstration scientifique est accessible à tous, mais que la raison, par une simple inférence déduite du principe de causalité, s’élève immédiatement à la certitude que Dieu existe. [16]

Il n’est pas nécessaire de comprendre toutes les complexités d’un argument pour reconnaître des vérités aussi simples que la nécessité d’une cause première non causée, ou la nécessité d’un gouverneur divin qui donne au monde son orientation et son ordre.

En fait, une personne n’a même pas besoin de voir que les arguments philosophiques fonctionnent pour accepter humblement la définition du Concile et prêter serment.

Elle peut adhérer à l’enseignement infaillible de l’Église, tout en reconnaissant humblement les limites de ses propres capacités intellectuelles, qui ne lui permettent pas de percevoir la validité de la démonstration.

Comme l’affirme Garrigou-Lagrange :

Ces mêmes personnes, si elles possèdent une foi surnaturelle, peuvent par cette foi donner leur assentiment... sans percevoir que ce qui est dit est intrinsèquement vrai, de même qu’elles donnent leur assentiment aux mystères surnaturels de la Trinité ou de l’Incarnation. [17]

Garrigou-Lagrange conclut son traitement du serment antimoderniste en ce qui concerne les démonstrations a posteriori par ces mots :

Maintenant que l’Église a adopté dans son langage officiel le terme précis de « démonstration », et qu’elle a ajouté l’expression « per visibilia », et surtout « tamquam causam per effectus », elle a montré sans aucun doute qu’elle fait officiellement sien l’enseignement de saint Thomas et de presque tous les autres théologiens sur les moyens naturels dont nous disposons pour acquérir la connaissance de Dieu, et qu’elle accepte comme valables les preuves fondées sur la causalité, qui proviennent du monde des sens. [18]

Nier que l’existence de Dieu puisse être connue avec certitude, à partir des choses visibles de la création, comme une cause à partir de ses effets, est une hérésie.

L’Église catholique soutient la capacité de l’intelligence de l’homme à atteindre la connaissance de l’existence de Dieu, à partir des choses qui ont été faites, par la lumière naturelle de la raison.

Cette connaissance naturelle de Dieu est la base sur laquelle l’humanité peut arriver à croire que Dieu nous offre une révélation pour notre salut. La connaissance naturelle de Dieu est le fondement de la foi surnaturelle.


Références

[1] Celestine Bittle O.F.M, God and His Creatures, (Milwaukee, 1953), p. 40.

[2] Bittle, God, p.11.

[3] Réginald Garrigou-Lagrange O.P., God : His Existence and His Nature, (trad. Dom Bede Rose, 5e édition, 1934), p. 8-9.

[4] Giacomo Losito, «Ernesto Buonaiuti and "Il programa dei modernisti" », U.S. Catholic Historian, Vol. 25, No. 1, Winter, 2007), p. 74.

[5] Losito, p.78.

[6] Il s’agit de la forme la plus sévère d’excommunication, qui sépare complètement une personne de l’Église. Buonaiuti est mort impénitent et en dehors de l’Église en 1946, bien que nombre de ses associés soient restés au sein des structures visibles de l’Église, poursuivant le programme de révolution interne.

[7] Pie X, Pascendi Dominici Gregis, n° 6.

[8] Saint Pie X, Pascendi, n° 6.

[9] Garrigou-Lagrange, God, p.7-8.

[10] Garrigou-Lagrange, God, p.8.

[11], [12] Garrigou-Lagrange, God, p.8.

[13], [14] Garrigou-Lagrange, God, p.9.

[15] Garrigou-Lagrange, God, p.17.

[16] Garrigou-Lagrange, God, p.22.

[17] Garrigou-Lagrange, God, p.25.

[18] Garrigou-Lagrange, God, p.21.

Les articles de la série :

  1. Série sur la philosophie catholique — les étapes
  2. Dieu existe. Mais son existence est-elle évidente en elle-même ?
  3. Est-il possible de prouver l’existence de Dieu ?
  4. L'existence de Dieu peut être connue à la lumière de la raison naturelle
  5. Sans Dieu, rien d’autre ne peut exister
  6. Les êtres créés ne peuvent pas être à l’origine de la création — seul Dieu peut l’être
  7. L’Église catholique enseigne que les hommes peuvent connaître l’existence de Dieu par la seule raison
  8. La philosophie scholastique
  9. Nietzsche et Kant ne vous mèneront pas à la vérité — c’est la philosophie scolastique qui le fera
  10. Les merveilles de la création nous conduisent à Dieu
  11. La révélation et les cheminements de la philosophie


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