Par Roberto de Mattei (Voice of the Family) — Traduit par Campagne Québec-Vie — Photo : tonodiaz/Freepik
Le monde s’émeut des enfants tués par les bombardements en Palestine mais ne verse pas de larmes pour la petite Indi, condamnée à mort en Grande-Bretagne par les autorités de l’État, contre la volonté de ses parents.¹ Comment cela peut-il arriver ? Parce que la vie n’est considérée que sous l’angle matériel et utilitaire. Nous oublions que tout homme, même atteint d’une lésion cérébrale, vit parce qu’il a une âme et que, pour cette raison, il possède une dignité inaliénable qui implique le droit à la vie.
L’une des raisons pour lesquelles un être humain innocent peut être condamné à mort aujourd’hui est le concept de mort cérébrale, introduit en 1968, lorsqu’une véritable révolution anthropologique a été proposée à l’université de Harvard.
Jusqu’à cette date, les médecins étaient chargés de constater la mort, d’en identifier les causes, mais pas d’en définir le moment exact. Ce constat se faisait en vérifiant l’arrêt définitif des fonctions vitales : respiration, circulation, activité du système nerveux.
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En août 1968, l’École de médecine de Harvard a proposé un nouveau protocole de constatation de la mort basé sur des critères strictement neurologiques : l’arrêt définitif des fonctions cérébrales, défini comme un « coma irréversible ».
Il existe un lien direct entre la définition de la mort cérébrale proposée par l’école de médecine de Harvard durant l’été 1968 et la première transplantation cardiaque, réalisée par Christiaan Barnard en décembre 1967.
Les transplantations cardiaques exigent que le cœur du donneur batte encore, c’est-à-dire, selon les canons de la médecine traditionnelle, qu’il soit encore en vie. L’ablation du cœur, dans ce cas, équivaut à mettre fin à une vie humaine, même si elle est effectuée « pour une bonne cause ». La science a posé à la morale une question dramatique : est-il permis de mettre fin à la vie d’une personne malade, même sur le point de mourir ou irrémédiablement endommagée, pour sauver une autre vie humaine de « qualité » supérieure ?
Face à ce carrefour — qui aurait dû obliger à confronter étroitement des théories morales opposées : la traditionnelle et la néo-utilitariste —, l’Université de Harvard a pris la responsabilité de « redéfinir » le concept de mort de manière à contourner le problème éthique de la transplantation cardiaque.
Pour continuer sur une voie qui sauverait la vie de nombreuses personnes, mais qui était aussi extrêmement rentable pour l’industrie médicale et pharmaceutique, il y avait deux possibilités : changer la loi morale pour permettre de tuer des innocents, ou changer les critères de constatation de la mort, en identifiant comme morts ceux que la science considérait jusqu’alors comme vivants.
La première voie consiste à modifier la morale traditionnelle, selon laquelle l’innocent ne peut être tué au nom d’une nouvelle éthique utilitaire. La seconde voie consiste à redéfinir le concept de vie, en affirmant que l’être dont la vie a été interrompue n’est pas un être humain. C’est ce qui s’est passé avec la définition de Harvard en 1968.
La redéfinition de la mort par Harvard a été acceptée dans presque tous les États américains et, plus tard, dans la plupart des pays dits développés. En Italie, le « tournant » a été marqué par la loi n° 578 (29 décembre 1993), dont l’article 1 stipule que « la mort s’identifie à la cessation irréversible de toutes les fonctions du cerveau ».
Il s’agit d’une révolution anthropologique, car identifier la mort à la cessation de toutes les fonctions du cerveau revient à nier l’existence d’une âme spirituelle comme principe vital du corps et à identifier la vie à l’activité physiologique du cerveau. L’homme est réduit à un organisme corporel dont le principe vital est l’activité cérébrale. C’est cette conception philosophique qui réduit la pensée, la conscience et toute activité spirituelle à des « produits du cerveau humain ».
Aujourd’hui donc, pour justifier la fin de vie d’une personne cérébro-lésée, soit on recourt à une éthique utilitariste, selon laquelle l’être humain peut être tué si cela profite à la société, soit on nie la coexistence de l’individu biologique et de l’individu humain, en affirmant que l’homme étant un animal rationnel — c’est-à-dire un être animé de nature rationnelle, lorsque la rationalité fait défaut, comme c’est le cas non seulement pour les embryons et les fœtus qui n’ont pas encore pris conscience d’eux-mêmes, mais aussi pour les enfants anencéphales ou les personnes en état de mort cérébrale — il est permis de tuer un être vivant, précisément parce qu’il est dépourvu de rationalité.
En réalité, tant la science que la philosophie montrent que l’irréversibilité de la perte des fonctions cérébrales, constatée par l’« encéphalogramme plat », ne prouve pas la mort d’un individu. Pour approfondir cette question importante, il est possible de consulter le volume Finis Vitae : Is brain death still life ? [Finis Vitæ : La mort cérébrale est-elle encore la vie ?], coédité par le Conseil national de la recherche et Rubbettino, qui comprend des contributions de dix-huit chercheurs internationaux.²
La vie et la mort ne se construisent pas sur un bureau ou dans un laboratoire. La vie commence lorsque Dieu insuffle l’âme dans le corps et se termine lorsque le corps se sépare de l’âme. Le principe vital du corps n’est pas le cerveau, destiné à se corrompre avec le reste du corps, mais l’âme, qui est une réalité incorporelle, immatérielle, spirituelle et, en tant que telle, incorruptible et éternelle. L’homme a une âme. Cette âme est destinée à l’éternité. Ne l’oublions jamais.
Notes
1. L’article a été écrit avant le décès d’Indi Gregory le 13 novembre. Ce dernier était un enfant malade que l'État voulait «débrancher» contre la volonté des parents et en dépit de la disponibilité de soins à l'extérieur du pays.
2. Édition anglaise : Ed. Roberto de Mattei, Finis Vitae : Is brain death still life ? [Finis Vitæ : La mort cérébrale est-elle encore la vie ?] (Rubbettino, 2006).