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La « mort cérébrale » est une fiction médicale inventée pour prélever des organes sur des êtres vivants

Par Stephen Kokx — traduit par Campagne Québec-Vie

Rome, 20 mars 2019 (LifeSiteNews) — Est-il moralement permis de prélever les organes d’une personne dans le coma, déclaré en état de « mort cérébrale » par les médecins ? Pourquoi et quand la transplantation d’organes a-t-elle eu lieu pour la première fois ? Quel est l’enseignement de l’Église sur l’utilisation des organes d’une personne considérée comme « en état de mort cérébrale » ?

Mme Doyen Nguyen répond à ces questions et à bien d’autres lors d’un entretien approfondi avec le magazine italien Radici Cristiane (lire l’entrevue complète ci-dessous), où elle reproche à une « culture de consommation » d’avoir fait accepter à beaucoup l’idée de « mort cérébrale », un terme qu’elle qualifie de « fiction médicale » incohérente.

Mme Nguyen est une laïque faisant partie du tiers ordre dominicain et professeure à l’Université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin (l’Angélique) de Rome. Elle fera [c’est maintenant fait] une présentation sur la « mort cérébrale » dans le cadre de la conférence A Medicolegal Construct : Scientific & Philosophical Evidence (Une invention médicolégale : preuves scientifiques et philosopĥiques), organisée par la John Paul II Academy for Human Life and the Family (Académie Jean-Paul II pour la vie humaine et la famille) à Rome les 20 et 21 mai.

Le professeur Josef Seifert, Mgr Athanasius Schneider et le P. Edmund Waldstein, entre autres, présenteront également à la rencontre, qui se tiendra à l’hôtel Massimo D’Azeglio […]

Dans un entretien d’une grande portée, Mme Nguyen explique qu’un comité ad hoc de Harvard en 1968 a inventé le terme de « mort cérébrale » pour désigner une personne dans un coma irréversible. Mme Nguyen affirme que cela a été fait pour servir les intérêts de l’industrie de la transplantation d’organes et pour éviter la clameur des gens ordinaires qui aurait perçu les chirurgiens-transplanteurs comme des tueurs-voleurs d’organes.

Mme Nguyen réfute le terme « mort cérébrale » pour décrire quelqu’un dans un « coma irréversible » en faisant valoir que le terme « coma irréversible » lui-même « indique que le patient est vivant, pour la simple raison que seule une personne vivante peut entrer ou rester dans un état comateux. En d’autres termes, ce serait un oxymore que de dire qu’un cadavre est dans le coma ! »

Lorsqu’un médecin déclare qu’un patient comateux est mort, ce patient n'en meurt pas pour autant, dit-elle.

Mme Nguyen a critiqué le discours que Jean-Paul II a donné, lors du 18ème Congrès international sur la transplantation d’organes de l’an 2000, pour son manque de perspicacité. Mme Nguyen mentionne que les remarques de Jean-Paul II, qui suggèrent que la « mort cérébrale » dans certains cas « ne semble pas en conflit avec les éléments essentiels d’une anthropologie sérieuse », n’ont pas pris en considération toute la littérature disponible sur le sujet à l’époque. Mme Nguyen dit que l’allocution devrait être « modifiée, ou mieux encore, rétractée. » Elle explique comment l’Église devrait comprendre la « mort cérébrale ».

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Entrevue complète de Radici Cristiane avec Mme Doyen Nguyen

Radici Cristiane (RC) : Il y a des gens qui croient que la « mort cérébrale » est une grande tromperie. Êtes-vous d’accord ?

Doyen Nguyen (Nguyen) : Oui. « La mort cérébrale » est une fiction médicale depuis son commencement. On en trouve la preuve dans les manuscrits du rapport du comité ad hoc de Harvard qui y a introduit la « mort cérébrale » le 5 août 1968. Le Comité, dirigé par son président, M. Beecher, a travaillé rapidement sur ce rapport de mars au 25 juin 1968. Dans le premier brouillon du manuscrit, M. Beecher a écrit :

La question dont le comité est saisi ne peut se limiter à définir la mort cérébrale. Cela ne ferait pas avancer la cause de la transplantation d’organes, car cela ne permettrait pas de régler la question essentielle du moment où l’équipe chirurgicale est autorisée — sur le plan juridique, moral et médical — à prélever un organe vital.

Dans l’avant-dernier brouillon du manuscrit du 3 juin 1968, M. Beecher a écrit :

Avec l’expérience, les connaissances et le développement accrus dans le domaine de la transplantation, il y a un grand besoin de tissus et d’organes du comateux sans espoir afin de restaurer la santé de ceux qui peuvent encore être sauvés. (1)

Le langage utilisé dans les manuscrits du rapport Harvard est donc ouvertement explicite en ce qui concerne le lien entre le don d’organes et la « naissance » de la « mort cérébrale ». En d’autres termes, la véritable raison pour laquelle le Comité de Harvard a redéfini le coma irréversible comme étant la mort (et lui a donné un nouveau nom, « mort cérébrale ») a un double objectif : (i) avoir des organes frais et viables plus facilement disponibles pour le secteur de la transplantation, et en même temps (ii) éviter tout tollé public selon lequel les chirurgiens transplanteurs étaient des tueurs-voleurs d’organes.

Dans le projet final qui est devenu le rapport Harvard, le langage explicitement utilitariste des premiers projets a été édulcoré par Ebert (alors doyen de la Harvard Medical School), afin de faire croire que la transplantation n’était pas la cause première de la « naissance » de la « mort cérébrale ».

En résumé, la « mort cérébrale » est donc une invention au service des intérêts de la transplantation d’organes.

RC : Quelles sont les preuves scientifiques ou médicales montrant que la « mort cérébrale » n’est pas une véritable mort humaine ?

Mme Nguyen : Je vous répondrai ici par une longue citation tirée d’un article de Kompanje et De Groot, qui a fait l’objet d’un examen de leurs pairs. Ils sont partisans de la transplantation d’organes et donc de la « mort cérébrale ». Pourtant, en raison de leur honnêteté académique, ils doivent admettre que la « mort cérébrale » est une invention destinée à la transplantation d’organes. Ils ont écrit :

Supposons qu’un de vos proches soit admis à l’unité de soins intensifs avec une hémorragie sous-méningée et que vous êtes assis près de son lit, submergé par les émotions et lui tenant la main. Votre proche est dans un profond sommeil comateux, connecté à un respirateur ; des vasopresseurs intraveineux sont nécessaires pour maintenir sa tension artérielle stable. Vous espérez le mieux, mais craignez le pire. Et le pire arrive. Le réanimateur vous dit que son cerveau est mort. Puis, il vous demande la permission de prélever ses organes. Vous et votre être cher n’aviez jamais pensé à ce scénario de mort. Vous aviez entendu parler de la mort cérébrale, mais vous n’avez pas d’image de celle-ci dans votre tête. Vous demandez au médecin : « Quand va-t-elle mourir » ? Il répond : « Elle est déjà morte. » Vous ne le croyez pas parce qu’il y a tant de signes de vie. Sa peau est chaude, son cœur bat. […] Prélever ses organes alors que son cœur bat encore ressemble à une scène d’un film d’horreur bon marché. […] Nous sommes, comme la plupart des réanimateurs, très favorables au don d’organes pour la transplantation. Tout le concept du don d’organes est fondé sur le fait que le donneur d’organes potentiel est réellement mort au moment où la mort cérébrale est déclarée. Il s’agit là d’un élément essentiel pour que le don d’organes soit accepté, même à distance, par le public. Il faut s’assurer que l’être cher est mort avant de prélever les organes. Mais, le simple fait que de nombreux patients en état de mort cérébrale puissent continuer d’exercer diverses fonctions intégratives pendant une période de temps indéfinie, dont le maintien de la température corporelle, la fonction hormonale hypothalamique persistante et adéquate, la régulation de l’homéostasie du sel et de l’eau, la digestion des aliments administrés, la guérison des plaies, l’augmentation des indicateurs infectieux et la guérison des infections, les réactions au stress aux interventions corporelles comme la chirurgie et la grossesse chez la femme enceinte en état de mort cérébrale, pousse certains à se demander si le patient est aussi « mort » que ce que disent les médecins. Certains se méfient de l’affirmation selon laquelle le patient a été déclaré « mort ». Par exemple, il est très difficile de voir une femme enceinte en état de « mort cérébrale », dans le ventre de laquelle un fœtus grandit pendant une période de 2 à 3 mois après la détermination de la mort cérébrale, comme « cadavre ». Il y a trop de signes de vie. Déclarer ces patients « morts » uniquement sur la base d’une « définition » semble contredire notre sens commun de la définition d’un être vivant. La mort cérébrale est, depuis les premières définitions dans la littérature scientifique en 1968, étroitement liée au don d’organes. C’est pourquoi, selon certains chercheurs, assimiler la mort cérébrale à la mort est une fiction morale et juridique […] Sans les besoins de la médecine de transplantation, la « mort cérébrale comme mort » n’existerait pas du tout, mais serait considérée comme […] un coma […] irréversible (le coma dépassé). (2)

En fait, la citation ci-dessus devrait nous rappeler la déclaration liminaire du rapport Harvard, lequel mentionne : « Notre but premier est de définir le coma irréversible comme un nouveau critère de mort. » Notez cependant que le terme « coma irréversible » lui-même indique que le patient est vivant, pour la simple raison que seule une personne vivante peut entrer ou rester dans un état comateux. En d’autres termes, ce serait un oxymore que de dire qu’un cadavre est dans le coma ! 

De plus, la vie et la mort sont des réalités dont la nature est indépendante de l’esprit. Le monde est ce qu’il est, indépendamment de ce que tout le monde en dit ou en pense, et ce monde inclut des phénomènes tels que la vie, la mort, les maladies et toutes les choses naturelles, passant de la matière inorganique aux êtres humains. Ces entités physiques ne sont pas sujettes à révision ou stipulation. En d’autres termes, la mort (comprise comme un phénomène biologique) n’est pas le genre de chose qui se produit par décret comme dans le cas du mariage. Lorsqu’un médecin déclare un patient comateux (dont le cœur bat et dont la peau est chaude et rose) mort, ce patient ne devient pas par conséquent mort.

RC : Une triple question concernant le discours de Jean-Paul II lors du 18ème Congrès international sur la transplantation d’organes de l’an 2000, quel est le problème que ce discours a causé, et que doivent faire les fidèles catholiques ?

Nguyen : Pour une réponse détaillée à cette question, veuillez lire mon article : Doyen Nguyen, “Pope John Paul II and the Neurological Standard for the Determination of Death: A Critical Analysis of His Address to the Transplantation Society”, Linacre Quarterly 84, No. 2 (2017): 155-186. Une analyse plus approfondie du sujet peut être trouvée dans mon livre : Doyen Nguyen, The New Definitions of Death for Organ Donation: A Multidisciplinary Analysis from the Perspective of Christian Ethics (Berne : Peter Lang, 2018), pages 457-483.

Dans cette entrevue, je ne peux que vous donner une brève réponse synoptique à cette question très complexe. La majeure partie de ma réponse se trouve aux sections 3.2 et 3.3.

3.1 Premier point : À propos de la hiérarchie des différents types d’enseignement magistériel

L’enseignement ordinaire du Magistère de l’Église comporte une gradation, de l’extrémité supérieure (par exemple, l’enseignement d’une encyclique comme Veritatis Splendor) à l’extrémité inférieure, qui consistent en interventions d’ordre prudentiel, où certains documents du Magistère peuvent ne pas être exempts de toutes déficiences puisqu’ils ne prennent pas en compte immédiatement chaque aspect ou la complexité entière d’une question particulière (voir Donum Veritatis, n° 24). De plus, l’importance d’un enseignement particulier de l’Église peut aussi être déduite de l’insistance avec laquelle il a été répété.

À cet égard, l’intervention de Jean-Paul II devant la Société de transplantation en 2000 appartient à la catégorie des interventions de l’ordre prudentiel. De plus, la déclaration du Pape (contenue dans ce discours) concernant la « mort cérébrale » n’est intervenue qu’une seule fois dans l’ensemble de l’enseignement du Magistère. Jean-Paul II, en particulier, n’a même pas fait référence à cette déclaration dans son discours de 2005 aux participants de la conférence « the Signs of Death » (février 2005) parrainée par l’Académie pontificale des sciences.

3.2 Deuxième point : Déclaration de Jean-Paul II dans son discours de l’an 2000

La déclaration de Jean-Paul II dans son discours de l’an 2000 est la suivante :

Les organes vitaux individuels dans le corps ne peuvent être prélevés qu’ex cadavere, c’est-à-dire du corps d’une personne dont on a la certitude qu’elle est cliniquement morte […] la mort de la personne est un événement unique, qui consiste dans la désintégration totale de l’ensemble unitaire et intégré qui est la personne elle-même. Elle résulte dans la séparation du principe de vie (ou âme) de la réalité corporelle de la personne […] depuis un certain temps, les approches visant à déclarer avec certitude la mort ont déplacé l’accent des signes cardio-respiratoires traditionnels vers ce que l’on appelle le critère « neurologique ». De façon spécifique, cela consiste à établir, selon des paramètres clairement déterminés, également partagés par la communauté scientifique internationale, la cessation totale et irréversible de toute activité cérébrale […] l’on peut dire que le critère adopté récemment pour déclarer avec certitude la mort, c’est-à-dire la cessation complète et irréversible de toute activité cérébrale, s’il est rigoureusement appliqué, ne semble pas en conflit avec les éléments essentiels d’une anthropologie sérieuse.

Il y a plusieurs points essentiels dans la déclaration du Pape :

(a) La mort est la séparation de l’âme du corps. En d’autres termes, l’enseignement du Pape sur la mort est fondé sur l’anthropologie chrétienne, selon laquelle : (a) l’homme est l’unité substantielle du corps et de l’âme, et (b) l’âme est le principe de vie du corps. En termes médicaux/scientifiques, la séparation de l’âme du corps se manifeste par la perte de l’intégration somatique, c’est-à-dire par le processus de corruption des constituants matériels qui composaient autrefois le corps vivant.

b) Les organes vitaux ne peuvent être prélevés qu’après la mort. À cet égard, il est nécessaire de comprendre que parce que les êtres humains appartiennent à la famille de mammifères à sang chaud, les manifestations biologiques du phénomène de la mort chez un être humain ne sont pas différentes de celles observées chez d’autres mammifères tels qu’un chien ou un chat de compagnie — pas de battements de cœur, pas de respiration, pas de mouvements, aucune réponse à aucune stimulation. La température du cadavre chute rapidement au même niveau que la température ambiante et la lividité cadavérique et la rigidité cadavérique s’installent en quelques heures.

(c) L’approbation par le Pape du critère neurologique pour la détermination de la mort (c.-à-d. « mort cérébrale ») est une approbation conditionnelle, clairement indiquée par la conjonction « si » et le verbe « ne semble pas ». Selon la déclaration du Pape, pour être acceptable, le critère de « mort cérébrale » doit remplir trois conditions :

(i) la perte de l’intégration somatique, c’est-à-dire la preuve physique que l’âme a quitté le corps ;

(ii) un consensus sur les paramètres qui constituent le critère de « mort cérébrale » (c’est-à-dire, selon les termes du Pape : « des paramètres clairement déterminés, également partagés par la communauté scientifique internationale »). Les paramètres se réfèrent ici aux tests cliniques utilisés pour déterminer la « mort cérébrale », et ;

(iii) l’application rigoureuse de ces paramètres.

3.3 Confronter la déclaration de Jean-Paul II en 2000 et la réalité de la « mort cérébrale »

3.3.1 Sans entrer dans les détails, il suffit de mentionner que même les défenseurs de la mort cérébrale doivent reconnaître qu’il n’existe pas de consensus mondial sur les paramètres du paradigme de la « mort cérébrale », mais plutôt une confusion des pratiques. Par exemple, dans une étude bien connue de Greer et de ses collègues, aux États-Unis seulement, il existe une grande variabilité dans la pratique et la détermination de la « mort cérébrale » parmi les 50 institutions les plus importantes en neurologie et en neurochirurgie. L’aspect le plus inquiétant de cette grande variabilité est la variabilité des tests d’apnée, reconnue par Greer et ses collègues comme étant « la zone la plus susceptible de présenter des inexactitudes ». (3)

De plus, les paramètres ne peuvent être clairement déterminés que s’ils ont fait l’objet d’une validation rigoureuse avant d’être introduits dans la pratique clinique. Un tel processus de validation n’a jamais été effectué avant l’introduction de la « mort cérébrale » par le Comité de Harvard. Aucune étude de validation n’a été réalisée depuis lors.

3.3.2 L’aspect peut-être le plus grave du discours de Jean-Paul II en 2000 est le fait qu’il n’a pas tenu compte de la richesse de la littérature évaluée par des pairs, publiée avant 2000, qui montrait clairement que la « mort cérébrale » n’est pas la mort. Voici des exemples d’une telle documentation :

(i) Le rapport Shewmon de 1998 sur une série de survivants chroniques de la « mort cérébrale » ;

(ii) de nombreux rapports depuis les années 1980 sur des femmes enceintes en état de mort cérébrale qui, avec un soutien vital agressif, ont pu mener leur grossesse jusqu’au moment où leurs bébés ont pu mettre au monde sans danger par césarienne ;

(iii) de nombreuses critiques de la « mort cérébrale » formulées par des chercheurs qui soutenaient la transplantation d’organes, mais qui, conformément à l’honnêteté académique et au réalisme scientifique, ont reconnu publiquement que « la mort cérébrale est une invention sociale créée à des fins utilitaires, principalement pour permettre la transplantation d’organes ». (4)

(iv) La publication la plus importante que le Pape aurait dû connaître et prendre en compte dans son discours de 2000 est le document du Quality Standards Subcommittee de l’American Academy of Neurology publié en 1995 pour fournir les directives permettant de déterminer la « mort cérébrale ». Selon les lignes directrices, la présence de « mouvements spontanés des membres et de réflexes des membres (p. ex. flexion rapide des bras, levée de tous les membres du lit, mouvements de préhension, secousses spontanées d’une jambe, etc.) ainsi que de réactions telles que la transpiration abondante, le rougissement, la tachycardie et l’augmentation soudaine de la tension artérielle » — est compatible avec le diagnostic de mort cérébrale. (5)

Une étude réalisée par Saposnik en 2009 montre que jusqu’à 80 % des patients en état de mort cérébrale peuvent manifester de tels mouvements. Bien que les mouvements d’un patient en état de mort cérébrale puissent être très peu fréquents, ils surviennent néanmoins.

En termes simples, selon les directives pour la détermination de la « mort cérébrale », le patient en état de mort cérébrale peut être déclaré mort même s’il a des mouvements des bras et des jambes. La question évidente qu’une personne moyenne devrait se poser est : comment se fait-il qu’un cadavre puisse bouger ? Et la question évidente que tout chrétien devrait se poser est : si l’âme a quitté le corps, alors quel est le principe qui explique les mouvements spontanés et les réflexes des bras et des jambes chez le patient en mort cérébrale ? Selon les fondements solides de l’anthropologie de l’Église, l’âme est le principe par lequel le corps vit, et le principe de notre sustentation, de notre sensation et de notre mouvement local ; de même que de notre compréhension. (6)

Là, sans l’âme, il ne peut y avoir aucun mouvement, aucune transpiration, aucune circulation sanguine, aucun battement de cœur, etc.

En résumé, étant donné que le critère de mort cérébrale admet la présence de mouvements et de réflexes spontanés, comment peut-on prétendre que « la cessation complète et irréversible de toute activité cérébrale, s’il [le critère] est rigoureusement appliqué, ne semble pas en conflit avec les éléments essentiels d’une anthropologie sérieuse » ? (7)

Une telle déclaration ne peut refléter qu’une omission grossière de la littérature médicale, scientifique et bioéthique accessible au public avant 2000. Pour cette raison même, une telle déclaration doit être sérieusement amendée, ou mieux encore, retirée — pour le bien de l’Église et de ses enfants, les fidèles.

La vérité est la conformité de l’esprit à la réalité (veritas est adaequatio rei et intellectus). Étant donné que (i) la déclaration de Jean-Paul II en 2000 se situe au bas de l’enseignement magistériel ordinaire (du type qui peut contenir des inexactitudes), (ii) l’enseignement a été mentionné une seule et unique fois dans tout l’enseignement magistériel de l’Église, (iii) Jean-Paul II lui-même ne l’a pas mentionné dans son discours ultérieur en 2005, et (iv) la déclaration elle-même contredit la réalité médicale des patients en mort cérébrale, alors on ne peut pas dire que l’enseignement de l’allocution de 2000 ait une quelconque force contraignante pour les croyants catholiques.

RC : Au sujet des intérêts et des pressions [conséquentes] sur l’Église et la société en général, une telle « mort cérébrale » est-elle universellement acceptée ?

Nguyen : Il devrait être évident pour les lecteurs que la « mort cérébrale » est une fiction médicolégale, une construction sociale à des fins utilitaires. Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour comprendre que l’entreprise de transplantation est une entreprise de plusieurs milliards de dollars (ou d’euros). Même le défenseur le plus acharné de la « mort cérébrale », Bernat, a dû admettre (bien qu’à contrecœur) que le concept de « mort cérébrale » est incohérent ; mais, selon lui, dans le monde réel du droit et des politiques publiques, nous devons faire des compromis pour que la mort puisse être déclarée et des organes obtenus. (8)

Il n’est pas juste de dire que la « mort cérébrale » est universellement acceptée. Comme le souligne M. Brugger, le doute sur la « mort cérébrale » est devenu un consensus international, en ce sens qu’un grand nombre de chercheurs en médecine, en philosophie et en bioéthique du monde entier ont reconnu que le paradigme de la « mort cérébrale » est mal fondé. (9)

Il serait plus juste de dire que la « mort cérébrale » a été universellement imposée par la législation de différents pays. La mentalité matérialiste et utilitariste d’une culture consumériste a conduit à la soi-disant acceptation mondiale de la « mort cérébrale ». Elle fait partie intégrante de la culture de la mort. Étonnamment, cette mentalité a aussi pénétré dans l’Église, probablement sous le couvert de la charité et de la solidarité, surtout depuis que dans les écrits de Jean-Paul II, le don d’organes a été exalté comme une nouvelle manière pour l’homme de faire un don sincère de lui-même et de répondre à son appel constitutif à l’amour et à la communion, et que le don d’organes vitaux après la mort donne la possibilité aux donateurs de faire des dons qui réalise au-delà de la mort leur vocation d’aimer. (10)

Certes, comme l’enseigne le Catéchisme n° 2296, l’Église encourage le don d’organes, car c’est un acte noble de charité et de solidarité. Mais il n’est pas moralement admissible de provoquer la mort d’un être humain, pas même pour retarder la mort d’autres personnes. En un mot, il n’est pas moralement permis de faire le mal pour faire le bien. La « mort cérébrale » fait exactement cela : le patient profondément comateux (généralement un jeune patient qui a subi un traumatisme crânien) est déclaré mort, de sorte que ses organes puissent être prélevés à des fins de transplantation.


Notes :

(1) les ébauches du rapport Harvard font partie de ce que l’on appelle les « Beecher  manuscrits », conservés à la Francis Countway Library of Medicine à Harvard. Ils ne sont pas accessibles au public, ils ne sont mis à la disposition que de quelques chercheurs sélectionnés.

(2) La citation est tirée de : Erwin J.O. Kompanje et Yorik J. de Groot, Sounding board : is mandatory recovery of organs for transplantation acceptable? Intensive Care Medicine (2015) 41:1836-1837.

(3) Données tirées de David M. Greer, Panayiotis N. Varelas, Shamael Haque, Eelco F.M. Wijdicks, Variability of brain death determination guidelines in leading US neurologic institutions [Neurology 70, non. 4 (2008) : 284–89]. Ironiquement, le test d’apnée est un test clinique de base pour déclarer la « mort cérébrale ».

(4) cité de Robert Taylor, « Reexamining the Definition and Criteria of Death », Seminars in Neurology 17, no. 3 (1997) : 265.

(5) Cette citation est tirée de Eelco F.M. Wijdicks, « Determining Brain Death in Adults », Neurology 45, no. 5 (1995) : 1007.

(6) Voir Thomas d’Aquin, Summa Theologiae, I, q.76, a.1.

(7) Il s’agit de la déclaration tirée du discours en 2000.

(8) Voir James L. Bernat, “The Whole-Brain Concept of Death Remains Optimum Public Policy”, Journal of Law, Medicine & Ethics 34, no 1 (2006): 41

(9) voir E. Christian Brugger, « Are Brain Dead Individuals Dead Dead? Grounds for Reasonable Doubt”, Journal of Medicine and Philosophy 41, no. 3 (2016): 355

(10) Voir Jean-Paul II, « To Participants of the First International Congress of the Society for Organ Sharing » (20 juin 1991)



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