Billet de blogue d’Augustin Hamilton (Campagne Québec-Vie) — Photo : Pikist
Face à l’immixtion du gouvernement dans la sphère religieuse, l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (AÉCQ), par le (malheureux) biais de la Table interreligieuse de concertation, rend publics les protocoles pour les lieux de culte appliqués depuis le 4 août — les protocoles avaient été réexaminés le 31 juillet par des fonctionnaires — en signe de protestation contre la flagrante injustice dont ils font l’objet dans la nouvelle application des mesures sanitaires dictatoriales de François Legault, demandant l’augmentation du nombre de personnes admises dans les églises à 250 — comme les cinémas — au lieu du ridicule 50 ou même 25 que Québec leur accorde dans un esprit parcimonieux, pour ne pas dire mesquin. Selon le communiqué publié sur le site de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec :
Les leaders religieux rendent aujourd’hui publique la dernière version des protocoles, datée du 4 août 2020.
[…]
Depuis quelques semaines, le gouvernement annonce que les mesures de reconfinement seront ciblées et adaptées spécifiquement aux différents secteurs d’activités. Suite à la décision de restreindre sévèrement les activités dans les lieux de culte, annoncée le 20 septembre par le ministre de la Santé, de nombreuses personnes expriment leur incompréhension alors qu’aucune éclosion n’y a été répertoriée et que rien ne justifie de telles mesures.
Dans ce contexte, les leaders religieux du Québec demandent au gouvernement d’expliquer pourquoi il impose des mesures aussi strictes aux activités dans les lieux de culte alors que rien ne le justifie. Ils réitèrent leurs demandes exprimées hier : « que les autorités gouvernementales reclassifient dès aujourd’hui les lieux de culte dans la catégorie des salles de spectacles, des cinémas et des théâtres, ce qui permettrait de continuer à accueillir jusqu’à 250 personnes dans nos lieux de culte au lieu d’être limité à 25 ou à 50 », en appliquant le protocole négocié le 4 août dernier. Ils demandent également qu’un « canal de communication franc et ouvert soit rapidement mis en place entre eux et les autorités gouvernementales ».
Cela fait mal de les voir parler en tant que « leaders religieux » quelconques, comme s’ils n’agissaient pas comme ministres du Christ de qui ils ont reçus pleine autorité. Et puis, classer les églises à côté des cinémas n’est pas assez, car assister au saint sacrifice de la messe est essentiel et bien plus que tous les bons films de la terre. Évidemment, cette demande ne veut aborder que le côté pratique, cet à dire permettre un nombre suffisant de fidèles afin qu’ils puissent tous assister à la messe. Et il faut néanmoins reconnaître la valeur du geste des évêques, à savoir qu’ils protestent publiquement face au dénigrement du gouvernement — lequel a très peu répondu aux nombreux appels des évêques. Cependant, il est dur à dire si les évêques autorisent leurs curés à accueillir jusqu’à 250 personnes ou s’ils ne font que protester en publiant leur protocole.
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Je ne sais si vous avez parcouru le Modèle de protocole sanitaire pour les messes publié par AÉCQ, absurde à regarder quand on songe à l’inanité des mesures contre le covid-19 en général. Peut-être n’était-ce que la seule manière d’obtenir du gouvernement la permission de tenir des messes, peut-être que non, que se passerait-il si les évêques refusaient net d’appliquer toutes les singeries de l’État ? Il n’empêche que ces protocoles dénaturent la messe (comme l’interdiction générale de la communion sur la langue).
« Les évêques ont raison ! » s’exclame Mathieu Bock-Côté.
Devant la volonté du gouvernement de ranger les églises dans la même catégorie que les bars, limitant par là fortement l’assistance par rapport aux cinémas, « depuis quelques jours, les évêques sont en colère », souligne Bock-Côté dans Le Journal de Montréal, « dans l’esprit de nos décideurs, une église est à ranger dans la même catégorie qu’un débit de boisson et ne mérite même pas de se classer parmi les lieux voués à la culture. Disons-le clairement : les évêques ont raison ! » Pour ma part je ne nommerai pas « lieux voués à la culture » les cinémas, pour ce qu’on y passe…
Dans la suite de son texte, Bock-Côté, qui souhaite que les autorités corrigeront leur geste, s’étend en considérations sur la mésintelligence grandissante au Québec face au catholicisme, manifestée par le mépris actuel du gouvernement. Bock-Côté, dans une sorte de défense du sentiment de religiosité, il affirme que même l’homme athée ou ne sachant pas quoi croire sent le besoin d’une sorte de spiritualité. Il parle du « croyant à temps partiel » qui, même « quand sa vie bascule, se tourne vers le ciel et médite sur le sens de sa présence sur terre et se demande si l’existence relève de l’absurde ou du mystère. L’espèce humaine n’est-elle vraiment qu’un hasard biologique dans l’histoire de l’univers ? »
Le croyant sommeillant décrit plus haut, s’il ne rejette pas sont héritage, « se tournera vers ceux qui, dans sa culture et sa civilisation, se sont posé les mêmes questions au fil des siècles et des millénaires » (dommage qu’il ne se tourne pas également vers ceux qui dans le passé ont trouvé la réponse à ces questions). Mais (flottant dans un doux relativisme), le croyant somnolant « sera probablement interpellé par les symboles qui témoignent de ce mystère, à travers lesquels il peut méditer sur sa propre condition. Pour les catholiques, ce symbole, c’est la croix ».
Cette analyse ne serait pas si mauvaise si Bock-Côté n’attachait pas ce qu’il considère comme une sorte de vertu à ce qu’il considère comme la conversion de son croyant en puissance : « c’est souvent un choc existentiel qui pousse l’homme vers la foi qu’hier encore il désirait souvent sans parvenir à l’embrasser. Il ne se transformera pas alors en fanatique. Il fera preuve simplement d’humilité métaphysique ».
Ne pas se transformer en fanatique ? J’ai envie de poser une question dans le style de Ponce Pilate : « qu’est-ce qu’un fanatique ? » ou plutôt, « qu’est-ce qu’un fanatique pour Bock-Côté ? » Si un fanatique est un extrémiste, c’est-à-dire quelqu’un qui va jusqu’où le mène une croyance, un principe, ou un raisonnement logique, ou les trois à la fois, les saints sont les extrémistes catholiques : saint jean de Brébeuf, saint François d’Assise, sainte Mère Teresa, saint Padre Pio, et tous les saints. C’est donc que le croyant de Bock-Côté n’adoptera pas les conséquences de la foi qu’il prétend embrasser.
De plus, que veut-il signifier par son étrange « humilité métaphysique » ? Humilité dans la recherche de la vérité, vertu nécessaire, ou refus de tirer des conclusions définitives en ne se tenant qu’à de simples « peut-être existe-t-il un dieu » sans plus s’engager ? L’humilité consiste à reconnaître la nature des choses telles qu’elles sont, que ce soit notre propre faiblesse, la toute-puissance de Dieu ou un simple fait, et de les reconnaître jusqu’au bout. L’humilité n’est pas un rempart de lâcheté pour notre paresse ou pour nos défauts. Tirer des conclusions approfondies sur des bases suffisantes n’est pas de l’orgueil « métaphysique », mais vrai humilité, et les suivre est la marque d’un esprit franc.
Bock-Côté mettant le « fanatique » en contrepartie de l’« humilité métaphysique », on ne peut que conclure qu’il entend par cette dernière le refus de tirer des conclusions, le refus de mener des recherches à cette fin, le refus de vivre selon cette fin, une ignorance confortable qui n’engage à rien, un agnosticisme de salon.
L’ignorance de la vérité divine peut être coupable, surtout quand on a la possibilité de chercher et qu’on a une certaine connaissance de l’Église ; et de dire, face au juge divin, que l’on ne voulait pas devenir un « fanatique » en ne concluant pas, ne sera pas d’un très grand secours dans l’éternité.