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Hommage au curé Normandin (1925-2020)


Abbé Yves Normandin (1925-2020).

Par Jean-Claude Dupuis, Ph. D.

L’Abbé Yves Normandin, pionnier du retour à la messe de saint Pie V (dite traditionnelle) au Canada, a mené un long combat éprouvant, littéralement a mari usque ad mare, pour défendre une messe qu’il considérait comme toujours valide après le concile Vatican II (point de vue confirmé par Benoît XVI dans son Summorum Pontificum ― 2007), face à l’évêque d’alors en 1975 qui lui intimait de célébrer le Novus Ordo que l’Abbé Normandin estimait se centrer sur l’homme et s’éloigner de Dieu. L’essentiel du combat de l’Abbé Normadin se résume en cette réponse de saint Pierre au sanhédrin : « On doit obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ». Souvenons-nous en ce début d’année 2021, qui succède à une année où les hommes d’État se sont pris un peu plus pour des dieux, tentant de régir jusqu’au culte dû à Dieu.

Le texte de M. Dupuis suit ci-dessous ― A. H.

*

L’abbé Yves Normandin est décédé le 30 décembre 2020. Il aura marqué l’histoire de l’Église au Québec. En 1975, l’humble curé de la paroisse Sainte-Yvette, à Montréal, s’est fait connaître en continuant de célébrer la messe traditionnelle, en latin. Mgr Paul Grégoire l’a démis de ses fonctions pour « désobéissance ». Le curé Normandin et les traditionalistes ont occupé illégalement l’église Sainte-Yvette pendant six mois.

Au lendemain du Concile Vatican II (1962-1965), le curé Normandin célébrait la messe de Paul VI, comme tous les prêtres. Mais il s’est posé des questions en apprenant que des pasteurs protestants avaient participé à la conception de la réforme liturgique. Certaines lectures l’ont ébranlé : l’encyclique Pascendi et la Lettre sur le Sillon du pape saint Pie X, l’étude de Louis Salleron sur La nouvelle messe, les ouvrages de Léon de Poncins et Pierre Virion sur la franc-maçonnerie, et tous les écrits de Mgr Marcel Lefebvre. Ses discussions avec les abbés Noël Barbara et Réal Bleau l’ont convaincu. Il visite le Séminaire traditionaliste d’Écône (Suisse), en 1973. La piété des jeunes séminaristes l’impressionne. Il se rend ensuite à Lourdes, à Rome et à Jérusalem pour puiser les forces spirituelles qui lui permettront de livrer la bataille de sa vie. En juin 1975, il revient à la messe de saint Pie V.

Le curé Normandin approuvait la conclusion du cardinal Ottaviani, dans le Bref examen critique du Novus Ordo Missae (1969) : « La nouvelle liturgie s’éloigne de la conception catholique de la messe, telle que définie par le Concile de Trente (1563). »

L’esprit conciliaire produisait des résultats catastrophiques. Les prêtres défroquaient, les fidèles décrochaient, les institutions catholiques disparaissaient. Il fallait revenir en arrière.

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L’archevêque de Montréal, Mgr Paul Grégoire, n’a pas discuté avec le curé Normandin. Il n’invoquait que l’argument d’autorité : « Le pape a changé la messe, vous devez obéir. » Mgr Grégoire était poli, mais intraitable.

Le curé Normandin soutenait que les évêques ne pouvaient pas interdire la messe tridentine. La bulle Quo primum (1570) avait institué ce rite « à perpétuité ». L’article 30 du Code de droit canon stipulait qu’une « coutume immémoriale » ne pouvait pas être abrogée sans une mention expresse. Or le décret liturgique de Paul VI (1969) permettait de célébrer la nouvelle messe, mais sans interdire la messe traditionnelle. Le pape Benoît XVI a reconnu la justesse de cet argument dans le motu proprio Summorum Pontificum (2007).

Le curé Normandin a refusé de quitter sa paroisse. Les médias ont dit qu’il occupait « illégalement » l’église et le presbytère de Sainte-Yvette. Ce n’était pas exact. Il en avait appelé à Rome de la décision de Mgr Grégoire. Il pouvait rester en fonction tant que la Signature apostolique n’aurait pas tranché le litige.

En novembre 1975, Mgr Marcel Lefebvre est venu soutenir le curé Normandin. Sa visite donnait à l’affaire de Sainte-Yvette une dimension internationale. Mgr Lefebvre était considéré comme le « chef » des catholiques traditionalistes. L’Osservatore romano a parlé de l’affaire de Sainte-Yvette. Mais la presse québécoise n’a pas mentionné la présence de Mgr Lefebvre à Montréal. L’animateur de radio, Yvon Dupuis, a toutefois brisé le silence médiatique en invitant Mgr Lefebvre à son émission de ligne ouverte.

Mgr Grégoire n’osait pas demander à la police d’expulser les traditionalistes de Sainte-Yvette. Ceux-ci priaient jour et nuit devant le Saint-Sacrement pour profiter de l’article du Code criminel qui interdit à la police de troubler un office religieux en cours.

Les avocats de l’archevêché ont eu recours à un subterfuge. Ils ont convoqué le curé Normandin au tribunal à titre de témoin. Il était obligé de s’y rendre. Les fidèles ont pensé qu’il avait abandonné le combat. Les gens de l’archevêché sont entrés dans le presbytère et ils ont changé toutes les serrures. Le nouveau curé de Sainte-Yvette a enlevé l’ostensoir pour mettre un terme à l’adoration du Saint-Sacrement. Les fidèles ont fini par quitter l’église. À son retour, Yves Normandin était un « curé dans la rue », sans logement ni revenu.

Mais les traditionalistes l’ont soutenu financièrement pendant des années. L’abbé Normandin célébrait la messe dominicale dans une brasserie bavaroise de Montréal, le Beer Garden (que l’on appelait pudiquement la « maison allemande »), et ensuite à l’école Lucien-Pagé (c’était plus convenable). En semaine, il parcourait tout le Canada pour offrir la messe aux petits groupes de traditionalistes qui faisaient appel à ses services. L’abbé Normandin a passé huit ans de sa vie en avion, en train et en autobus (1976-1984). Dans sa jeunesse, il rêvait d’être missionnaire en Afrique. Il a été effectivement missionnaire, mais dans son propre pays.

L’apostolat de l’abbé Normandin a jeté les bases des futurs établissements de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X (FSSPX) au Canada. Cette congrégation religieuse a été fondée, en 1969, par Mgr Marcel Lefebvre pour défendre la foi catholique et la messe latine. Plusieurs petits servants de messe de l’abbé Normandin deviendront plus tard des prêtres dans la FSSPX.

En 1984, l’abbé Normandin s’est dissocié de la FSSPX pour réintégrer le diocèse de Montréal. L’archevêché lui a concédé une paroisse non territoriale de rite tridentin, la Communauté latine Saint Paul, qui a disposé des églises Sainte-Cunégonde (1984-2000), Notre-Dame-de-la-Garde (2000-2007) et Saint-Irénée (depuis 2007). La Fraternité Saint-Pierre a pris la relève de cette paroisse, en 2016.

Mais l’abbé Normandin a dû faire une concession. Il a déclaré par écrit que le Concile Vatican II et la messe de Paul VI ne contenaient aucune hérésie. Certains traditionalistes lui ont reproché cette « faiblesse ». Lui-même était un peu mal à l’aise avec cet épisode de sa vie. Mais il faut se rappeler qu’en 1984, plusieurs catholiques, y compris Mgr Lefebvre, pensaient que Jean-Paul II était en train de ramener l’Église à la Tradition. Ils vont déchanter lors de la Prière d’Assise, en 1986. Sur le plan pratique, l’existence d’une messe traditionnelle en règle avec le diocèse permettait d’attirer à la Tradition des catholiques qui hésitaient à rejoindre la FSSPX à cause de son irrégularité canonique. Vers 1990, j’étais de ceux-là. La paroisse latine de Sainte-Cunégonde m’a beaucoup apporté.

À la fin de sa vie, l’abbé Normandin est revenu à la FSSPX : « C’est ma vraie famille. » Il vivait et célébrait la messe aux Résidences du Précieux-Sang, à Lévis. Le déclin de sa santé l’a malheureusement conduit dans un CHSLD, où il a subi les affres de la Covid-19. Les prêtres de l’École Sainte-Famille ne pouvaient plus lui apporter la communion. Une généreuse famille lui a proposé de l’héberger. L’abbé Normandin a passé les derniers mois de sa vie entouré d’enfants. Les jeunes prêtres de la FSSPX pouvaient de nouveau le visiter et s’imprégner de son exemple. Il a refusé de prendre de la morphine. Il offrait ses souffrances pour ses paroissiens.

Les funérailles de l’abbé Normandin ont eu lieu le 4 janvier 2021, au Prieuré de la FSSPX, à Saint-Césaire. Il a été enseveli au cimetière de Cowansville, son lieu de naissance.

L’esprit du curé Normandin peut se résumer en une phrase. C’est la fameuse réponse de saint Pierre au Sanhédrin : « On doit obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. »



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