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Le saccage de l’Institut Jean-Paul II et le silence qui tue

Billet de blogue d’Augustin Hamilton (Campagne Québec-Vie) ― Photo : Poniol60/Wikimedia Commons

Le tout récent bouleversement opéré dans l’Institut Jean-Paul II, consistant en la suspension d’éminents professeurs en théologie morale et la suppression d’importants cours en la matière, a fait encore une fois couler l’encre au sujet du pontificat du Pape François, mais aussi sur les diverses causes de la destruction de l’Institut Jean-Paul II qui ont précédé son accession au trône de Pierre.

D’après George Weigel, rapporte Roberto de Mattei, à la suite du Concile Vatican II, une lutte pour le contrôle des facultés et des départements de théologie des universités du monde entier s’est ouverte entre deux groupes de théologiens réformistes autrefois alliés, qui se reconnaissaient respectivement dans deux revues, Concilium et Communio, la première ultra-progressiste et la seconde modérée. Extraits de la traduction opérée par le site Benoît & Moi d’un article de Roberto de Mattei paru dans Corrispondenza Romana :

L’élection de Jean-Paul II, qui nomma Joseph Ratzinger Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, marqua la prévalence des modérés sur les extrémistes.

Mais les progressistes ont gardé le contrôle dans de nombreuses facultés et publications théologiques indique George Weigel, d’après Roberto de Mattei :

Jean-Paul II – explique l’écrivain américain – n’a pas purgé les universités ecclésiastiques des enseignants progressistes, mais a encouragé la fondation de nouveaux instituts comme l’Athénée de la Sainte Croix [Santa Croce] de l’Opus Dei (et, ajoutons-nous, Regina Apostolorum des Légionnaires du Christ). Le pape Wojtyla était en fait « confiant que la bonne monnaie – la bonne théologie – finirait par chasser la fausse monnaie éthique ».

Et l’Institut Jean-Paul II pour le Mariage et la Famille a été un outil majeur dans cette opération culturelle, principalement pour une acceptation plus généralisée de l’encyclique Veritatis Splendor de Jean-Paul II dans l’Église. Mais les progressistes, affirme M. Weigel ― selon Roberto de Mattei ―, attendaient leur heure ; le nouvel Institut Jean-Paul II, dont Mgr Vincenzo Paglia est Grand Chancelier, est passé par une « purge de style stalinien », dans laquelle l’héritage théologique et pastoral de Jean-Paul II a été jeté à la porte. La suppression la plus emblématique a été celle de la chaire Morale, après 38 ans d’enseignement, alors occupé par Mgr Livio Melina. Un vrai vandalisme intellectuel grossier se déroule à Rome depuis le 23 juillet dans l’Institut Jean-Paul II pour le mariage et la Famille, où les plus illustres professeurs et cours centraux de théologie morale ont été retirés.

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Roberto de Mattei fait remarquer que malgré les trente-cinq ans des pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI, ère de règne des dits modérés, les progressistes ont pu prendre le pouvoir, à tel point qu’ils puissent exercer une impitoyable répression de leurs adversaires. Comment cela est-il arrivé ? :

Surgit le doute que cela est dû à la faiblesse intrinsèque du front modéré. Faiblesse doctrinale, car fondée sur la tentative de justifier à tout prix un événement, le Concile Vatican II, qui a de lourdes responsabilités, à commencer par la non-condamnation du communisme, à un moment de l’histoire où il constituait la plus grave menace pour l’Église et pour l’Occident. 

Faiblesse stratégique, parce que ceux qui sont convaincus de défendre la vérité ne peuvent tolérer que, dans les universités et les séminaires ecclésiastiques, on continue pendant des décennies à enseigner l’erreur, comme ce fut le cas pendant les pontificats de Jean-Paul II et Benoît XVI. La stratégie de promotion de la vérité en évitant de condamner les erreurs, ne porte pas ses fruits. Les faits n’ont pas confirmé cette stratégie, mais ils ont validé la loi de Thomas Gresham (1519-1579), selon laquelle c’est la mauvaise monnaie qui chasse la bonne (bad money drives out good), et non l’inverse.

La renonciation au pontificat de Benoît XVI, le 11 février 2013, a bien été la déclaration de l’échec de cette stratégie. L’herméneutique de la continuité s’est avérée incapable de contrer le jacobinisme ecclésiastique, qui n’est pas une ligne interprétative des documents théologiques, mais un projet de conquête du pouvoir à travers les hommes et les faits. L’élection du pape François a été la conséquence inévitable de l’échec historique du réformisme modéré. Jorge Mario Bergoglio oppose son « magistère vivant » de l’Église à ceux qui se réfèrent au « magistère vivant » de Vatican II. Si un Concile de l’Église a toujours raison, comment peut-on blâmer un Pape qui se présente comme l’incarnation de cet événement? Le pape François, pour sa part, comme tous les Jacobins*, déteste plus que tout l’ambiguïté et les contradictions des modérés, tandis qu’il respecte et craint la cohérence des contre-révolutionnaires. Et si aujourd’hui l’Institut Jean-Paul II est saccagé par des vandales, c’est justement parce qu’il n’a pas résisté ouvertement au Pape François, quand c’était le moment.

L’exhortation Amoris lætitia du 19 mars 2016 avait clairement pour objectif de détruire Veritatis splendor et l’enseignement moral de Jean-Paul II, pour le remplacer par un nouveau paradigme moral. Les enseignants de l’Institut Jean-Paul II, au nom de Veritatis splendor, et de leur histoire personnelle, auraient dû se dresser comme un seul homme contre cette attaque à la morale catholique, surtout après le refus du Pape François de recevoir en audience les cardinaux auteurs des dubia, et après le rescrit du 5 juillet 2017, selon lequel l’interprétation authentique du document pontifical était celle donnée par les évêques d’Argentine. L’intention du pape François était, et est, claire pour tous. Pourtant, aucun des théologiens de l’Institut n’a signé la Correctio filialis de haeresibus diffusée le 24 septembre 2017 ni n’a produit le moindre document soumettant Amoris lætitia à de sévères critiques.

Dans une entrevue du 3 août, explique Roberto de Mattei, Mgr Livio Melina s’est dit être victime d’une injuste épuration, rapprochant son renvoi à son interprétation de l’Exortation Amoris Lætitia selon le Magistère de l’Église. Cependant, il reste qu’Amoris Lætitia ne peut être interprétée, parce qu’elle propose un nouveau paradigme moral, contraire à Veritatis Splendor. Le Pape François, pour sa part en est convaincu, et ses fermes opposants aussi. Si Mgr Melina en était peut-être également convaincu, il ne l’a jamais dit publiquement, et son silence lui aura coûté sa place.

La bataille d’aujourd’hui exige des hommes qui luttent clairement pour ou contre la Tradition de l’Église. Mais s’il arrive qu’un Pape prenne parti contre la Tradition, nous devons respectueusement nous en distancier, en restant fermement au sein de l’Église, dont il [le Pape] semble vouloir se séparer, pas nous. Un théologien talentueux comme Mgr Melina a tous les outils intellectuels pour comprendre comment il est possible de résister aux erreurs doctrinales et pastorales d’un Pape sans jamais manquer à l’amour et au dévouement que nous devons réserver à la Chaire de Pierre. L’heure du minimalisme est révolue. Le temps est venu où la Vérité et l’erreur doivent se regarder en face, sans compromis. C’est la seule chance qu’a la Vérité de gagner. Nous avons besoin d’hommes qui se battent, et si nécessaire qui tombent, mais avec les honneurs.


*Le terme de Jacobin n'a pas là, de toute évidence, le sens qu'on lui donne hypocritement en français. — A. H. (D'après Benoît & Moi).



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