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Un appel aux pro-vie « moyens » dans le sillage de la chute de Roe : il est temps de reconstruire l’Église et de combattre le libéralisme

Par Georges Buscemi, président de Campagne Québec-Vie

Traduit de l’anglais par Campagne Québec-Vie — Photo : stokkete/Adobe Stock

C’est un fait bien connu dans le monde pro-vie que, même avec le renversement historique de la décision de la Cour suprême dans l’affaire Roe v. Wade, la bataille pour la vie aux États-Unis ne se terminera pas de sitôt, mais reprendra simplement État par État, le meurtre de bébés avant la naissance étant plus ou moins restreint dans plusieurs États républicains « rouges », comme le Texas, et encouragé et défendu dans de nombreux États démocrates « bleus », comme la Californie. Il est également difficile de dire combien de bébés seront réellement sauvés par cet arrêt, car il semble que l’obstacle le plus important empêchant les femmes désireuses d’avorter de tuer leur bébé dans les États où l’avortement est limité soit le désagrément lié au déplacement dans un État voisin.

Mon objectif n’est toutefois pas de minimiser la victoire majeure, au moins sur le plan symbolique, que représente le renversement de l’arrêt Roe v. Wade pour le camp pro-vie. Je veux plutôt faire valoir que cette décision ne marquera le début de la fin de l’avortement aux États-Unis et dans le reste du monde occidental que si elle marque également le début de la fin d’une idéologie qui a détruit l’Occident au cours des 250 dernières années et qui est à l’origine de la mentalité « pro-choix » : le libéralisme.

Le libéralisme est une fausse conception de la liberté qui ne connaît aucune limite : même la réalité objective doit être mise de côté pour laisser libre cours aux pensées et aux sentiments subjectifs ─ souvent insensés ou déréglés — des individus. L’horrible décision Casey v. Planned Parenthood de 1992 (qui a ratifié Roe v. Wade et a donc été annulée avec elle), résume parfaitement, en une phrase stupéfiante, l’idéologie du libéralisme, lorsqu’elle affirme : « Au cœur de la liberté se trouve le droit de définir sa propre conception de l’existence, du sens, de l’univers et du mystère de la vie humaine. »

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Il est facile de voir où ce « droit » d’avoir des opinions et des concepts faux ou dangereux mène inévitablement en ce qui concerne l’avortement : ce prétendu « droit » de définir la réalité s’étendra naturellement et logiquement à un « droit » de définir quand la vie commence. Et si l’on a vraiment le droit de définir le moment où la vie commence, alors on a droit à l’avortement — point final — quelle que soit la vérité sur la personne humaine ou la justice due aux enfants à naître. La raison en est simple : une autorité cohérente et légitime ne peut pas donner à quelqu’un le droit illimité de dire quelque chose, comme « la vie commence à la naissance », à moins que cette affirmation ne soit vraie d’une certaine manière, ne serait-ce que pour la personne qui la dit. Et si cette affirmation est en quelque sorte « vraie » pour celui qui la dit, il ne peut pas être mauvais pour cette personne d’agir en accord avec cette croyance, en se procurant un avortement. [1]

Dans la pratique, le libéralisme devient donc incohérent : la personne libérale claironne un « droit » à la pensée et à la parole illimitées, mais connaissant le chaos qui s’ensuivrait si les gens faisaient réellement tout ce qu’ils disent ou pensent, elle affirme ensuite que certaines actions sont moins louables que d’autres. Cette idéologie incohérente est un problème pour les pro-vie dans un pays libéral comme les États-Unis, car si l’on veut à juste titre, comme nous le faisons, limiter la capacité de ceux qui croient que la vie ne commence qu’au moment de la naissance à tuer les enfants au stade prénatal, nous devons également être en mesure de remettre en question le droit de tenir et d’exprimer de telles fausses croyances mortelles en premier lieu. D’ailleurs, tous les génocides, comme l’avortement, ne sont-ils pas préparés par des campagnes de propagande qui déshumanisent leurs victimes ? Si l’on veut mettre fin au génocide de l’avortement, il faut sérieusement remettre en question le soi-disant « droit » d’exprimer et de populariser la vision du monde qui permet de penser que la vie ne commence qu’à la naissance. Mais ceci, bien sûr, va à l’encontre des « droits » libéraux : la liberté sans limites d’expression et de religion. Cela va à l’encontre du libéralisme lui-même.

Cependant, le problème auquel nous sommes confrontés va encore plus loin que le fait que les pro-vie doivent faire face au libéralisme dans la société : il s’avère que de nombreuses organisations pro-vie sont elles-mêmes libérales et, paradoxalement, diffusent l’idéologie même qui facilite le meurtre auquel elles s’efforcent de mettre fin. Ces organisations sont très souvent dirigées par des chrétiens bien intentionnés qui, désireux de « réussir » dans le contexte libéral actuel, sont heureux de se faire passer pour des partisans de la « liberté pour tous ».

Ils suppriment de leur identité organisationnelle tout langage et toute imagerie religieuse. Ils laissent ainsi entendre que la valeur ultime de la société n’est pas Dieu, ses commandements et sa vie de grâce, mais le choix individuel des valeurs et du sens ultime ─ à l’exception d’une petite parcelle de réalités non négociables concernant le moment où une personne humaine commence à exister. De tels groupes pro-vie s’alignent sur le libéralisme à tous égards, sauf en ce qui concerne leur position sur l’avortement. Pourtant, en étant libéraux dans presque tous les sens du terme, en étant officiellement indifférents à la vérité religieuse et philosophique, leurs efforts soi-disant pro-vie pour éliminer l’avortement sont gravement déficients, parce qu’ils ignorent ou même encouragent les racines de l’idéologie « pro-choix » qui menace finalement la vie humaine à naître.

Les pro-vie doivent donc réévaluer la pertinence des efforts pro-vie « séculiers » ou « neutres ». Il est grand temps que nous nous efforcions de couper l’arbre « pro-choix » empoisonné à ses racines libérales, plutôt que de nourrir ces racines avec notre « neutralité » officielle et de perdre ensuite un temps précieux à arracher, un par un, les fruits pourris de l’arbre qui se multiplient constamment. Nous devons trouver une arme suffisamment puissante pour déraciner totalement l’arbre libéral empoisonné. Et cette arme n’est autre que la Foi chrétienne historique, éternel adversaire du libéralisme. Cette Foi historique est fondamentalement antilibérale puisqu’elle place le choix de Dieu en premier, et le choix de l’individu toujours en second. Et nous ne parlons pas ici d’une quelconque forme de christianisme contemporain, dont les nuances et les modes de libéralisme sont légion, mais de la Foi traditionnelle, pleine et entière, restaurée et purgée de ses compromis et mutations libérales.

Dans le sillage du Concile Vatican II, et très probablement à cause de lui (je fais ici particulièrement allusion à la déroutante déclaration de Vatican II sur la liberté religieuse, Dignitatis Humanae), l’élément humain de l’Église catholique a subi un processus de libéralisation qui semble avoir fait d’elle l’un des principaux pourvoyeurs de libéralisme dans le monde moderne. La prolifération de l’indifférence à l’égard de la vérité religieuse et philosophique s’est accélérée après le Concile, au point qu’aujourd’hui, on laisse souvent libre cours à une pensée qui déshumanise les enfants à naître et permet leur massacre. Mais aujourd’hui, les chrétiens pro-vie, parfaitement conscients de ce que le libéralisme fait aux bébés à naître, ont un rôle spécial à jouer pour restaurer l’ennemi traditionnel du libéralisme, l’Église catholique. Et les pro-vie d’aujourd’hui doivent assumer ce rôle de restauration de l’Église, en évitant toute peur mondaine et toute fausse humilité qui est en fait de la complaisance, s’ils espèrent voir un quelconque progrès dans la guerre culturelle contre le libéralisme, dont le champ de bataille est déjà jonché de millions d’âmes perdues, de familles brisées et de corps de bébés démembrés.

De nombreux pro-vie, souvent issus de milieux très modestes et faisant rarement partie de « l’élite » de ce monde, reculent devant l’énormité de la tâche : « Ce n’est sûrement pas à moi de restaurer l’Église et de vaincre le libéralisme ; quelqu’un de plus talentueux, de plus élégant, de plus instruit doit le faire ! » Mais nous ne devons pas laisser la fausse humilité servir de masque à notre manque de foi ou à notre lâcheté. Car Dieu est le Dieu de l’impossible. Nous ne devons jamais sous-estimer ce qu’Il peut faire avec nous, les pro-vie, si nous acceptons Son appel. Saint François d’Assise a entendu la voix venant du Crucifix qui lui disait : « François, reconstruis mon Église, qui est en ruines. » Dans son humilité authentique, Saint François a compris qu’il était appelé à reconstruire la chapelle de San Damiano, ce qu’il a fait. Mais Notre Seigneur avait de bien plus grands projets pour lui. Ce qu’Il lui a demandé, et ce que la vision du pape Innocent III a confirmé, c’est que l’Ordre franciscain reconstruise le Corps mystique de Dieu ─ son Église catholique ─ qui, à l’époque, se désintégrait sous l’effet corrosif de la mondanité.

Aujourd’hui, en tant que pro-vie, nous avons tous, à notre manière, entendu l’appel intérieur à sauver l’enfant à naître de la mort dans le ventre de sa mère ; nous avons entendu l’appel de Notre Père : « Sauvez mon enfant, qui est empoisonné et déchiré membre par membre ». Dans notre humilité, nous l’avons compris comme un appel à sauver l’enfant à naître de la mort par avortement. Et c’est ce que nous faisons, avec la chute de Roe v. Wade qui est un autre pas dans la bonne direction. Mais il y a aussi une signification plus profonde cachée dans l’appel original : L’Église est le corps mystique du Christ sur Terre, qui ne sera pleinement manifesté qu’à la fin des temps, dans la Nouvelle Jérusalem. L’Église sur Terre est donc comme un enfant à naître, qui ne naîtra qu’après un temps de gestation et de menace constante d’empoisonnement et de mort. « Qui sauvera mon Enfant de l’avortement ? » demande Dieu le Père. J’ai toujours considéré le mouvement pro-vie comme le plus grand ordre religieux de notre temps, répondant à l’appel de Notre Père de sauver son Enfant ─ son Corps mystique, son Église ─ de la mort. Et sauver l’Église se trouve être la chose la plus pro-vie que nous puissions faire, puisque l’Église catholique a toujours été l’ennemi numéro un du libéralisme et de sa mentalité « pro-choix ».

Aucune organisation chrétienne pro-vie ne peut à elle seule « tout faire ». Mais si même une petite organisation renonce à son sécularisme, à sa neutralité, à son indifférence à l’égard de la religion ─ en bref, renonce à son libéralisme ─ et embrasse pleinement le christianisme, Dieu utilisera cette plus petite des graines de moutarde pour accomplir de très grandes choses, même vaincre le libéralisme, l’idéologie à l’origine du massacre des Innocents que nous appelons avortement.

Peu importe à quel point nous, les pro-vie, pouvons être moyens ou ordinaires, Dieu nous appelle... et il se peut qu’il nous appelle en raison même de notre petitesse. C’est en effet sa façon d’embarrasser et de confondre le prince hautain de ce monde éphémère et ses sbires.


1. Je ne dis pas qu’un État ne devrait jamais tolérer certains discours mensongers. Il existe, en effet, des raisons de tolérer les faux discours et les fausses religions. Cependant, un État qui se contente de tolérer les discours mensongers n’est pas la même chose qu’un État qui reconnaît le droit de dire de telles choses ; car un droit est un moyen de faire le bien, et dire quelque chose de faux n’est jamais bon en soi.



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