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Le salut est dans le retour à la paix sociale

Billet de blogue d'Augustin Hamilton (Campagne Québec-Vie) — Photo : WaveBreakMediaMicro/Adobe Stock — Mise à jour 4 octobre 2022

Nous vivons à une époque où la société est en pleine décadence, pour ne pas dire décomposition. Je ne m’étalerai pas sur les symptômes de cette décrépitude, l’avortement en est un exemple flagrant. Mgr Henri Delassus (1836-1921) dénonçait déjà de son temps la décadence de la société, due, en bonne partie, à son éloignement des liens naturels de la famille — que ne dirait-il pas aujourd’hui ! Dans son livre Le Problème de l'heure présente : antagonisme de deux civilisations (édition 1904, Source gallica.bnf.fr/BnF), il explique que pour restaurer la paix sociale dans la société, il faut la ramener à la famille, et aux sentiments qui s’en inspire pour les rapports entre les classes de la société.

Ci-dessous, je vous présente le 53e chapitre de son œuvre, Le salut est dans le retour à la paix sociale. Suite à ce premier chapitre, d’autres, précédents et suivants, seront publiés hebdomadairement. Pour les besoins du présent l’article, j’ai changé la numérotation des notes du texte original. Remerciements à Voice of the Family qui publie une série semblable. — A.H.

Le salut est dans le retour à la paix sociale

La France, qui avait précédé et guidé les nations modernes dans les voies de la civilisation, en est sortie la première. Pourra-t-elle y rentrer et comment le pourra-t-elle ?

On demandait un jour à Socrate, quel remède il convenait d’apporter aux maux dont les Grecs souffraient. Il répondit : « Les Grecs doivent faire ce qu’ils faisaient à l’heure où ils étaient heureux et prospères. » Léon XIII a dit de même : « A qui veut régénérer une société quelconque en décadence, on prescrit avec raison de la ramener à ses origines. » [1] Aux origines, aux heures de prospérité et de bonheur, les diverses classes de la société avaient basé leurs rapports sur les sentiments qui régnaient au foyer familial et qui, rayonnant de proche en proche, avaient fini par constituer la nation.

A mesure que ces sentiments s’affaiblirent, les liens naturels se relâchèrent, puis se brisèrent les uns après les autres. Et aujourd’hui, pour que la société puisse encore subsister, il a fallu les remplacer par des liens artificiels, par tout un ensemble de moyens, imaginés et institués au fur et à mesure des craquements qui se produisaient dans la société, pour maintenir dans un certain ordre les divers membres sociaux, les faire correspondre entre eux et donner à l’État une vie factice.

C’est ainsi que naquit le régime administratif inauguré par Louis XIV, constitué par la Révolution, affermi et fixé par Napoléon Ier.

« Cette nation, disait l’empereur, est toute dispersée et sans cohérence ; il faut refaire quelque chose ; il faut jeter sur le sol quelque base de granit. » Les bases qu’il jeta furent les institutions administratives. Il n’y a en elles rien de granitique. Les institutions solides et durables sont celles qui réunissent des hommes qu’assemblent les mêmes idées, les mêmes sentiments, les mêmes intérêts.

Le régime administratif n’a aucune racine dans les âmes : il est fait tout entier de règlements rigides, appliqués par des hommes qui ont l’inflexibilité de la machine dont ils ne sont que les rouages. La machine administrative courbe tout, broie tout, même les consciences ; mais il ne peut manquer de lui arriver ce qui arrive à toute machine, un jour ou l’autre elle volera en éclats. Déjà se font entendre de toutes parts et en toutes choses de sinistres explosions, avant-coureurs de la catastrophe finale.

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Aurons-nous le sort des anciennes sociétés ? Disparaîtrons-nous dans ce désastre ? Ou pourrons-nous nous reconstituer ? Le christianisme nous offre des ressources que le paganisme ne connaissait point.

Il a su recueillir les débris des civilisations antiques, et les animant de son esprit, il a fait surgir de ces ruines la civilisation moderne. Pourra-t-il la restaurer et nous rendre la vie ? Assurément il le peut, si nous le voulons.

Il est la source pure de la charité, c’est-à-dire du plus puissant principe générateur des affections réciproques, du dévouement, du respect, de la fidélité, de tout ce qui assure la stabilité, de tout ce que nos aïeux avaient renfermé dans ce mot « la paix ».

Saint Denis l’Aréopagite, dont les idées eurent sur le moyen âge une si grande influence, dans son livre Des noms divers, l’a chantée en ces termes :

« Et maintenant honorons par la louange de ses œuvres harmoniques la paix divine, qui préside à toute alliance. Car, c’est elle qui unit les êtres ; qui les concilie et produit entre eux une parfaite concorde ; aussi, tous la désirent, et elle ramène à l’unité leur multitude si diversifiée ; combinant leurs forces naturellement opposées, elle place l’univers dans un état de régularité paisible. »

« C’est par leur participation à la paix divine, que les premiers d’entre les esprits conciliateurs sont unis avec eux-mêmes d’abord, puis les uns avec les autres, enfin avec le souverain auteur de la paix universelle ; et que par, un effet ultérieur, ils unissent les natures subalternes avec eux-mêmes, et entre elles, et avec la cause unique de l’harmonie générale … De cette sublime et universelle cause, la paix descend sur toutes les créatures, leur est présente, et les pénètre en gardant la simplicité et la pureté de sa force ; elle les ordonne, elle rapproche les extrêmes à l’aide des milieux, et les unit ainsi comme par les liens d’une mutuelle concorde. [2] »

Ces pensées si hautes avaient pénétré les âmes. Citons comme exemple « la charité » dont le comte de Flandre, Baudoin III, dota, en 1114, la ville de Valenciennes.

Au nom de la Sainte Trinité, paix à Dieu, paix aux bons et aux mauvais. Parlons de paix, mes très chers frères, pour votre profit. Paix doit être désirée, doit être cherchée, doit être gardée, car nulle chose n’est plus douce, ni plus glorieuse. Paix enrichit les pauvres et met les riches en honneur ; paix ôte toute peur, apporte santé et confiance. Qui pourrait compter tous ses bienfaits ? Les divines Écritures disent à sa louange : « Hé Dieu ! comme ils sont beaux les pieds du messager qui annonce paix et bon message ! » [3] Et puisque paix est tant à louer et qu’elle abonde de tant de bien, aimez-la, mes chers frères, de tout votre cœur, tenez-la en votre pensée, gardez-la de toute votre force, afin que, par elle, vous puissiez vivre en honneur et parvenir à la paix éternelle dont Notre Sire a dit : « Je vous donne ma paix. »

A la même époque, la « frairie » des marchands de drap de la même ville publiait ses ordonnances, dont voici le préambule :

Frères, nous sommes images de Dieu, car il est dit dans la Genèse : « Faisons l’homme à l’image et semblance nôtre. » Dans cette pensée nous nous unissons, et, avec l’aide de Dieu, nous pourrons accomplir notre œuvre, si dilection fraternelle est épandue parmi nous ; car par la dilection de son prochain, on monte à celle de Dieu. Donc, frères, que nulle discorde ne soit entre nous, selon la parole de l’Évangile : « Je vous donne nouveau commandement de vous entr’aimer, comme je vous ai aimés et je connaîtrai que vous êtes mes disciples en ce que vous aurez ensemble dilection. »

En reproduisant ces documents qui furent des actes, et des actes qui produisirent durant des siècles ce pourquoi ils avaient été posés, voulons-nous dire qu’il faille revenir à la féodalité ou aux cadres étroits des corporations d’autrefois ? Non certainement. On ne peut retourner aux formes sociales du passé, c’est chose impossible, et il n’y a point à le regretter. Mais ce qu’il faut et qui suffît, c’est de restaurer dans les cœurs les nobles sentiments qui inspirèrent les institutions du passé, et dans la société les rapports que ces sentiments produisirent. De ces sentiments et de ces rapports naîtront des institutions nouvelles conformes à l’état présent de la société.

Léon XIII n’a cessé d’y exhorter. Commentant le mot de S.Paul aux Colossiens : « Mais surtout ayez la charité qui est le lien de la perfection », il dit :

« Oui, en vérité, la charité est le lien de la perfection … Personne n’ignore quelle a été la force de ce précepte de la charité, et avec quelle profondeur, dès le commencement, il s’implanta dans le cœur des chrétiens, et avec quelle abondance il a produit des fruits de concorde, de bienveillance mutuelle, de pitié, de patience, de courage ! Pourquoi ne nous appliquerions-nous pas à imiter les exemples de nos pères ? Le temps même où nous vivons ne doit pas nous exciter médiocrement à la charité. »

« Nous vous recommandons par-dessus tout la charité sous ses formes variées, la charité qui donne, la charité qui unit, la charité qui ramène, la charité qui éclaire, la charité qui fait le bien par les paroles, par les écrits, par les réunions, par les sociétés, par les secours mutuels. Si cette souveraine vertu se pratiquait suivant les règles évangéliques, la société civile s’en porterait beaucoup mieux. »

« Pour conjurer le péril qui menace la société, ni les lois humaines, ni la répression des juges, ni les armes des soldats ne sauraient suffire ; ce qui importe par-dessus tout, ce qui est indispensable, c’est qu’on laisse à l’Église la liberté de ressusciter dans les âmes les préceptes divins et d’étendre sur toutes les classes de la société sa salutaire influence. [5] »

« De même que dans le passé, contre les hordes barbares, nulle force matérielle n’a pu prévaloir, mais bien au contraire la vertu de la religion chrétienne qui, en pénétrant leurs esprits, fit disparaître leur férocité, adoucit leurs mœurs et les rendit dociles à la voix de la vérité et de la foi évangélique ; ainsi contre les fureurs de multitudes effrénées, il ne saurait y avoir de rempart assuré sans la vertu salutaire de la religion, laquelle, répandant dans les esprits la lumière de la vérité, insinuant dans les cœurs les préceptes de la morale de Jésus-Christ, leur fera entendre la voix de la conscience et du devoir, et mettra un frein aux convoitises avant même que d’en mettre à l’action et amortira l’impétuosité des passions mauvaises. » [6]

Conjurer le péril de la situation présente, n’est que le premier service que le retour à la charité chrétienne peut nous rendre. Il lui appartient encore de rétablir la société dans sa véritable constitution.

« De même que, dans le corps humain, les membres, malgré leur diversité, s’adaptent merveilleusement l’un à l’autre, de manière à former un tout exactement proportionné et qu’on pourrait appeler symétrique ; ainsi, dans la société, les deux classes sont destinées par la nature à s’unir harmonieusement et à se tenir mutuellement dans un parfait équilibre. Elles ont un impérieux besoin l’une de l’autre : il ne peut y avoir de capital sans travail, ni de travail sans capital. La concorde engendre l’ordre et la beauté ; au contraire, d’un conflit perpétuel, il ne peut résulter que la confusion des luttes sauvages. » [7]

« Faire cesser l’antagonisme entre les riches et les pauvres, n’est point le seul but que poursuit l’Église ; instruite et dirigée par Jésus-Christ, elle porte ses vues plus haut, elle propose un corps de préceptes plus complet, parce qu’elle ambitionne de ramener l’union des deux classes jusqu’à les unir l’une à l’autre par les liens d’une véritable amitié. » [8]

« Ce sera trop peu de la simple amitié ; si l’on obéit aux préceptes du chrétien, c’est dans l’amour fraternel que s’opère l’union de tous, riches et pauvres. » [9]

Réintégrée dans les cœurs, cette charité se fixera comme d’elle-même dans des institutions, pour peu qu’on le veuille.

« Ce que nous demandons, c’est qu’on cimente à nouveau l’édifice social en revenant aux doctrines et à l’esprit du christianisme, en faisant revivre, au moins quant à la substance, dans leur vertu bienfaisante et multiple, et en telle forme que peuvent le permettre les nouvelles conditions du temps, ces corporations d’arts et de métiers qui jadis, informées de la pensée chrétienne, et s’inspirant de la maternelle sollicitude de l’Église, pourvoyaient aux besoins matériels et religieux des ouvriers, leur facilitaient le travail, prenaient soin de leurs épargnes et de leurs économies, défendaient leurs droits, et appuyaient, dans la mesure voulue, leurs justes revendications. » [10]

Les corporations rétablies, non dans leur ancienne constitution, mais dans leur esprit, dans cet esprit que Léon XIII vient de dire, contribueraient pour beaucoup au rétablissement de « la paix » ; mais pour que cette paix soit durable, elle doit pousser ses racines plus avant, jusque là où elle les prit à l’origine de toutes les civilisations, c’est-à-dire dans la famille. Là est le vrai foyer de la paix sociale.

Un illustre naturaliste a cru pouvoir donner à ses studieuses observations cette conclusion : La lutte pour l’existence est la loi du règne animal. L’étude de l’histoire permet d’affirmer avec plus de certitude que l’une des principales lois de l’humanité est « l’entente pour la vie. »

N.-S. Jésus-Christ en a imposé la pratique en ces termes : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pour eux. »

« Cette formule, dit le P. Gratry, aussi courte et plus simple que celle de l’attraction, se trouve être, comme la loi des astres, un principe complet, le principe d’une science plus riche, plus belle, plus importante que celle du ciel étoilé. Voilà la loi première, la loi morale, cause unique de tous les progrès humains. » [11] De fait, la prospérité s’établit et se développe partout où cette loi est observée, aussi bien dans les nations que dans les tribus, et dans les corporations que dans les familles. Par contre, la discorde, la guerre, la ruine, se fixent partout où cette loi cesse d’être respectée.

L’entente pour la vie a son premier siège dans la famille. C’est là où elle s’impose d’abord avec les raisons les plus évidentes et par les sentiments les plus puissants. « L’amour provoqué par le lien du sang, dit M. Jacques Flach [12], la communauté de vie et de péril, le besoin de protection en commun sous l’égide d’un chef, engendrent la solidarité familiale. » Les tribus ne se sont formées que là où les mêmes sentiments ont produit le même effet, que là où le besoin de s’entendre pour la vie, rayonnant au delà du foyer familial, a attiré les forces voisines et les a fait concourir à un plus grand développement d’action et de vie. Les nations ne se sont point faites d’autre façon.

Si telle est la loi de formation des sociétés, si l’entente pour la vie est bien la loi de l’humanité, et si c’est bien dans la famille que cette loi a son principe, lorsqu’une société commence à se dissoudre, que faut-il pour arrêter cette dissolution ? Remonter au principe ; faire revivre la loi ; et pour rallumer cette flamme, en reprendre l’étincelle à son foyer, le foyer familial.

Les Français étaient heureux et prospères lorsque la famille était chez eux solidement constituée, quand l’esprit de famille animait la société entière, le gouvernement du pays, de la province et de la cité, et présidait aux rapports des classes entre elles.

Aujourd’hui, la famille n’existe plus chez nous qu’à l’état élémentaire. La reconstituer est l’œuvre fondamentale, celle sans laquelle toute tentative de rénovation restera stérile. Jamais la société ne sera régénérée si la famille ne l’est d’abord. « Personne n’ignore, a dit Léon XIII, que la prospérité privée et publique dépend principalement de la constitution de la famille [13]. »  C’est qu’en effet les peuples ne sont constitués que de familles ; si elles sont vivantes et prospères, l’état le sera comme elles.

Balzac a également dit : « Il n’y a rien de solide et de durable que ce qui est naturel, et ce qui est naturel en politique, c’est la famille. La famille doit être le point de départ de toutes les institutions. »

Cette série se poursuivra le mois prochain, sur le sujet : « La réforme doit commencer par la reconstitution de la famille ».


Notes de bas de page :

1. Encyc. Rerum novarum.

2. Ch. XI. Traduction de Mgr Darboy.

3. Encyclique : Sapientiæ christianæ

4. Discours au Patriarcat romain, mai 1889

5. Discours aux ouvriers français, 20 octobre 1889.

6. Lettre aux Italiens.

7. Encycl. Rerum Novarum.

8. Ibid.

9. Ibid.

10. Aux ouvriers français, 20 octobre 1889.

11. La Loi morale et la Loi de l'Histoire. T. I, P. 11.

12. Les Organes de l'ancienne France.

13. Lettre sur la famille chrétienne, 14 juillet 1892.


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