Par Heidi Klessig, M.D. — Traduit par Campagne Québec-Vie — Photo : DC Studio/Freepik
15 novembre 2024 (LifeSiteNews) — Un de mes amis conseillait récemment une famille éplorée au chevet de leur enfant mourant. La famille avait déjà refusé de faire de la fillette en état de « mort cérébrale » une donneuse d’organes, car elle comprenait que la mort cérébrale n’est pas la mort, mais plutôt une construction sociale conçue pour permettre le prélèvement d’organes sur des personnes vulnérables, souffrant de lésions cérébrales. Loin de se décourager, l’équipe chargée du prélèvement d’organes leur a demandé s’ils envisageraient de faire de leur fille une donneuse d’organes après la « mort circulatoire ». Bien que cette option puisse sembler éthique, le diable se cache dans les détails.
En 1993, le centre médical de l’université de Pittsburgh a introduit un nouveau protocole de prélèvement d’organes sur des personnes ayant consenti à recevoir un statut « Ne pas réanimer » (NPR), appelé « donneur décédé après arrêt circulatoire » ou « donneur décédé après arrêt cardiaque » (DDAC). Il s’agit d’un don après la mort circulatoire, c’est-à-dire d’un décès planifié à un moment et en un lieu précis. Ces personnes ne sont pas en état de mort cérébrale, mais on ne s’attend pas à ce qu’elles survivent ou elles ont décidé que leur qualité de vie était inacceptable et ont demandé que le maintien en vie soit interrompu d’une manière qui permette le prélèvement d’organes. Les donneurs DDAC sont emmenés dans la salle d’opération (ou dans une salle voisine) et sont débarrassés de tous les soins de maintien en vie, y compris de leur respirateur. Une fois qu’il n’a plus de pouls, les médecins s’abstiennent de toute action pendant 2 à 5 minutes pour s’assurer que les battements de son cœur ne reprennent pas spontanément. Le prélèvement d’organes commence ensuite le plus rapidement possible, car les organes chauds deviennent très vite impropres à la transplantation en l’absence de circulation.
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Mais ces personnes sont-elles mortes après seulement deux à cinq minutes d’absence de pouls ? De nombreux professionnels de la santé ne sont pas à l’aise avec le DDAC, car nous savons que c’est pendant ce laps de temps que des personnes sont régulièrement réanimées. Étant donné que les donneurs DDAC peuvent encore être réanimés, ils ne sont pas encore morts. La seule raison pour laquelle ils ne sont pas réanimés est que le patient ou sa famille a décidé de renoncer à la réanimation (même si elle aurait pu réussir) afin que celui-ci devienne donneur d’organes. La sociologue Renee C. Fox a vivement critiqué le protocole DDAC, le qualifiant de « forme ignoble de cannibalisme médicalement rationalisé » qui « frise l’horreur ». Elle a déploré le fait de mourir loin de sa famille dans une salle d’opération, une « mort désolée, profane et “high tech”, où le patient meurt sous les lumières de la salle d’opération, au milieu d’étrangers masqués, habillés et gantés ». Le Dr Ari Joffe, professeur de pédiatrie et de soins intensifs à l’université de l’Alberta, a passé en revue la littérature médicale et découvert une douzaine de patients dont le cœur avait redémarré sans aucune intervention médicale après 10 minutes d’arrêt cardiaque, certains de ces patients s’étant complètement rétablis. Dans le monde entier, de nombreux pays ont décidé que le DDAC était contraire à l’éthique : cette pratique est interdite en Finlande, Allemagne, Bosnie-Herzégovine, Hongrie, Lituanie et Turquie.
En 2021, on a rapporté le cas d’une donneuse d’organes DDAC qui s’est réanimée sur la table d’opération pendant l’ablation de ses reins. Cette malheureuse femme de 39 ans atteinte du syndrome de Down avait souffert d’une rupture d’anévrisme au cerveau. Elle n’était pas en état de mort cérébrale, mais on ne s’attendait pas à ce qu’elle survive. Sa famille a consenti au don après la mort circulatoire. Ainsi, au lieu d’être tenue dans les bras de sa mère et d’entrer dans l’éternité en sachant qu’elle était aimée, elle a été emmenée dans la salle d’opération. Son respirateur a été retiré et ses signes vitaux ont chuté rapidement.
« À 2 h 57, elle n’avait pas de tension artérielle mesurable, pas de saturation en oxygène et pas de respiration. Un médecin a écouté son cœur sous les draps stériles pendant deux minutes supplémentaires. Pendant ce temps, aucun bruit cardiaque n’a été entendu. Ses pupilles étaient fixes et dilatées, et son visage était cyanosé/marbré. Ses respirations spontanées se sont arrêtées et il n’y avait pas de pouls carotidien palpable. Son décès a été constaté à 2 h 59.
Une fois la mort cardiaque prononcée, une incision abdominale sur la ligne médiane a été pratiquée pour commencer le prélèvement d’organes à 3 heures du matin. L’opération de prélèvement d’organes a été interrompue. On a constaté qu’elle avait une respiration agonale spontanée. Son rythme cardiaque est revenu entre 80 et 90 et son taux de saturation en oxygène dans le sang est revenu à 50. La patiente a alors reçu des doses supplémentaires de Fentanyl et de Lorazepam. Par la suite, elle a été déclarée morte une seconde fois à 3 h 17 ».
En fait, son cœur a recommencé à battre et elle s’est mise à haleter pendant que les médecins prélevaient ses organes. Le mode de décès a été déterminé comme étant un homicide.
Dans leur quête incessante d’organes viables, les médecins ont trouvé encore un nouveau moyen macabre de contourner les critères de mort cérébrale et de mort circulatoire. Les centres de transplantation de tout le pays retirent les personnes qui ont signé un ordre de non-réanimation du système de maintien en vie, attendent que leur cœur s’arrête, puis bloquent immédiatement la circulation sanguine vers leur cerveau afin de les mettre en état de mort cérébrale délibérée. Leurs organes sont ensuite réanimés, mais la personne ne se réveille pas parce que la circulation cérébrale a été interrompue. Le protocole de cette procédure, appelée perfusion régionale normothermique (PRN) de l’Université du Nebraska, indique ce qui suit : « L’étape initiale de la ligature des vaisseaux sanguins de la tête est nécessaire pour s’assurer que la circulation sanguine vers le cerveau ne se produit pas. Une fois que le flux sanguin vers le cœur est établi, le cœur se met à battre ». À quel point êtes-vous mort si les médecins peuvent faire redémarrer votre cœur dans votre propre poitrine ?
Lauris Kaldjian, docteur en médecine et directeur du programme de bioéthique et de sciences humaines à la faculté de médecine Carver de l’université de l’Iowa, écrit : « La perfusion régionale normothermique ou PRN représente une tentative technologiquement élaborée de remodeler les définitions de la mort afin de maximiser le nombre et la qualité des organes transplantés. La PRN dépend de la définition circulatoire de la mort et en même temps elle la viole ; elle peut être considérée comme une mort cérébrale iatrogène [induite par le médecin] ».
En 2021, l’American College of Physicians a recommandé de suspendre la pratique de la PRN, car « la charge de la preuve concernant le bien-fondé éthique et juridique de cette pratique n’a pas été respectée ». D’autres pays, comme l’Australie, ont totalement interdit la PRN. Cependant, malgré des préoccupations éthiques persistantes, ce type de prélèvement d’organes se poursuit et se développe aux États-Unis.
Combien de familles confieraient leurs proches aux équipes de transplantation si elles connaissaient la réalité macabre qui se déroule derrière les portes des salles d’opération ? Alors que les professionnels débattent de l’éthique du DDAC et du PRN, les gens continuent de signer leur carte de donneur dans l’ignorance de ces faits. Les médecins et les organisations de collecte d’organes doivent faire toute la lumière sur les nombreuses controverses qui entourent le prélèvement d’organes en cas de « mort cérébrale » ou de « mort circulatoire ». Il est essentiel que les patients reçoivent une explication complète des nombreuses questions éthiques en jeu avant de donner leur consentement.
Heidi Klessig, médecin anesthésiste et spécialiste du traitement de la douleur, maintenant à la retraite, écrit et s’exprime sur l’éthique du prélèvement et de la transplantation d’organes. Elle est l’auteur de « The Brain Death Fallacy » et son travail est disponible sur respectforhumanlife.com.