Par Josie Luetke (The Interim) — Traduit par Campagne Québec-Vie — Photo : franz massard/Adobe Stock
17 mai 2022
Le gouvernement canadien, en consultation avec des « experts », est en train de déterminer « comment l’AMM peut être fournie en toute sécurité aux personnes dont la seule condition médicale est une maladie mentale ». Dans moins d’un an, le 17 mars 2023, ces personnes deviendront admissibles à l’euthanasie, faussement appelée « aide médicale à mourir », même si le bon sens et la définition de « mourir » sont déjà morts.
Cette mesure constituerait un pas vers une position plus cohérente, car supposer que les personnes atteintes physiquement souffrent davantage et méritent davantage l’euthanasie que les personnes mentalement malades, mais valides, est un préjugé indéfendable et capacitiste.
Il n’y a jamais eu de pente glissante. Dès l’instant où nous avons décidé de nous lancer dans l’entreprise ou le jeu consistant à déterminer en quelles circonstances il est acceptable que les citoyens s’entretuent, nous avons plongé directement du haut d’une falaise.
À l’origine, le Canada exigeait que la mort d’une personne soit raisonnablement prévisible, mais si nous tuons pour soulager la souffrance, les personnes que nous tuons en priorité ne devraient-elles pas être précisément celles qui ne meurent pas et dont la souffrance est prolongée ? Quoi qu’il en soit, cette exigence a été abandonnée.
Actuellement, la loi précise que pour être admissible, une personne doit être atteinte d’une « affection grave et irrémédiable », qui doit être « sérieuse et incurable », et qui fait qu’elle se trouve « dans un état avancé de déclin irréversible de ses capacités » et « endure des souffrances physiques ou psychologiques qui lui sont intolérables et qui ne peuvent être soulagées dans des conditions qu’elle juge acceptables ».
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Pourquoi exiger que l’on ait une condition médicale ? Pourquoi ne pas simplement tuer tous ceux qui disent vouloir être tués ?
Et qui peut dire ce qui est incurable ? Presque tout était incurable autrefois, jusqu’à ce que ça ne le soit plus.
Pourquoi faut-il être en déclin de capacité ? N’est-ce pas là aussi une attitude capacitiste et utilitaire ? Si le gouvernement se soucie de savoir qui est capable ou non, il pourrait aussi bien me supprimer maintenant.
Remarquez surtout la nature subjective de la description de la souffrance. Deux personnes peuvent souffrir exactement de la même maladie, et l’une peut être éligible à l’euthanasie et l’autre non si cette dernière est moins sensible à la douleur, même si son déclin est plus avancé.
Il n’existe aucun moyen objectif de mesurer la souffrance. Le gouvernement a deux options : tuer tous ceux qui prétendent souffrir (ce qu’il ne fait pas encore), ou tuer ceux dont il juge les affirmations de souffrance crédibles, car il ne considérerait pas que ces vies valent la peine d’être vécues.
Je n’ai pas encore rencontré de partisans de l’euthanasie qui admettent qu’ils portent ces jugements de valeur biaisés sur la vie des gens. Ils se contentent de prétendre qu’ils fournissent avec bienveillance un service indispensable à ceux qui font le choix personnel de ne pas aller plus loin (comme si ces choix étaient faits dans le vide), et évitent de réfléchir aux discriminations qu’ils opèrent.
Mettons donc cette réalité de côté, et continuons à prétendre qu’ils font ce beau métier d’exaucement des souhaits, juste pour pousser leur raisonnement jusqu’à sa conclusion naturelle et révéler le gouffre au bas de cette falaise qui défile sous nos yeux pendant que nous plongeons.
Logiquement, il n’y a aucune raison de ne pas tuer aussi les « mineurs matures » que le gouvernement juge capables de consentir à d’autres procédures de « soins de santé », y compris les traitements « d’affirmation du genre » et les opérations qui les rendent infertiles.
De plus, si nous avons soi-disant le « droit de mourir » (en réalité le droit d’être tués), et de stipuler quand et comment nous mourrons (serons tués), alors pourquoi limiter le meurtre aux professionnels de la santé ?
Nous voulons aseptiser toute l’affaire et lui conférer un air de légitimité, mais à part cela, pourquoi ne pas laisser n’importe qui vous administrer la dose mortelle ? Parce qu’il peut être maladroit, et que vous pourriez souffrir ou, Dieu nous en préserve, vivre ? Si vous pouvez consentir à être tué, ne pourriez-vous pas également consentir à ces risques ?
Peut-être pourrions-nous simplement vous autoriser à recevoir une balle dans la tête. Pourquoi pas ? Pourquoi ne pas autoriser les gens à se battre en duel jusqu’à la mort ? Et s’ils ne veulent pas vraiment mourir, mais qu’ils prendraient ce risque pour avoir la possibilité de tuer quelqu’un sans avoir à passer d’abord par l’école de médecine ? Cela peut être désordonné, bien sûr. Est-ce là la seule objection ? Nous pourrions désigner certains centres de duels, afin qu’il n’y ait pas de risque de ricochet ou de traumatisme pour les voisins.
Et si vous pouvez consentir à mettre fin à votre vie — le choix qui met fin à tous les choix — alors pourquoi ne pourriez-vous pas consentir à mettre fin à votre liberté par un contrat d’esclavage ? À quoi ne pourriez-vous pas consentir, vraiment ? Commencez la coupe du ruban de notre nouvelle utopie libertaire.
Bien sûr, n’importe quel non-libertaire dirait que certaines choses ne peuvent pas être consenties, ou ne devraient pas l’être, et que la liberté personnelle doit être mise en balance avec le bien commun.
Mais... attendez, attendez, attendez, depuis quand le bien commun fait-il partie de cette discussion ? Nous l’avons laissé derrière nous, en haut de la falaise, dès que nous avons commencé à chanter le mantra pro-choix, sans nous soucier de ce qui était choisi, et si c’était bien de choisir.
Si nous nous préoccupions un tant soit peu du bien commun, nous ne serions pas ici en train de réfléchir aux paramètres à mettre en place pour garantir que nous tuons les malades mentaux « en toute sécurité », parce que nous n’avons trouvé aucune bonne raison de ne pas les tuer aussi.
Alors que je n’ai cessé de mentionner le consentement, je dois préciser que la loi n’y accorde pas autant d’importance que je le fais. Une personne mourante n’a plus à donner son consentement final avant d’être tuée si elle perd la capacité de le faire et si les mots, les sons ou les gestes qu’elle fait en refusant sont interprétés comme « involontaires ».
Remarque : il est intéressant de noter que, dans le contexte du sexe, le consentement doit être « clair, enthousiaste et continu », mais pas lorsqu’il s’agit de demander à quelqu’un de vous tuer. Peut-être parce que les morts ne peuvent pas déposer de rapport de police. Ce conflit s’amplifiera si le Canada autorise les demandes anticipées d’euthanasie, ce qu’il envisage également.
J’ai dit « utopie », mais vous vous dites probablement que tout cela semble nettement dystopique et tiré par les cheveux. Alors, voici une image : Les salons funéraires sont entrés dans le racket proposent désormais l’euthanasie. Vous pouvez être à l’enterrement d’un être cher, pleurer à chaudes larmes, et le croque-mort peut s’approcher de vous, vous tendre sa carte et vous demander : « Voulez-vous être le suivant ? » Réveillez-vous. Vous êtes déjà dans la dystopie.
Une autre chose que je veux souligner : Ces problèmes ne sont pas ceux de quelqu’un d’autre. Vous n’êtes pas invulnérable. Peut-être n’avez-vous jamais voulu mourir, mais si cela vous arrive un jour, c’est précisément à ce moment-là que votre volonté sera la plus faible. C’est à ce moment-là que vous aurez besoin que votre communauté vous prête sa force, et non un tueur à gages en blouse de laboratoire (bien qu’en réalité il puisse s’agir d’un cow-boy armé, en fin de compte ─ le travail sera toujours fait).
À quoi sert une société si elle ne peut pas remplir sa fonction la plus élémentaire, à savoir empêcher les gens de s’entretuer ? Qu’est-ce que cela révèle de l’état de notre société qu’elle y participe au contraire activement ? Peut-on même appeler cela une société ? Vivons-nous dans un monde où l’ordre est une illusion ?