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L’historicité des Rois Mages


Châsse des Rois Mages, dans la cathédrale de Cologne en Bavière.

Par François Gilles (Campagne Québec-Vie) ― Photo : Beckstet/Wikimedia Commons

Depuis des décennies, le Prions en Église nous a habitués à des commentaires privilégiant le doute sur les textes bibliques. Manière supposée de paraître intelligent ou véritable ignorance, personne ne le sait. Par contre, dans le dernier Prions en Église, nous avons droit à une affirmation péremptoire fondée sur du vent. Voici cet exemple dans le Prions en Église du 3 janvier contenant les textes liturgiques célébrant la grande fête de l’épiphanie, visite des mages à l’enfant Roi :

Matthieu est le seul évangéliste à rapporter la visite des mages. Il ne s’agit pas d’un reportage historique. Au cours des âges, on s’est permis d’ajouter bien des données au texte évangélique. On a imaginé que les mages étaient trois rois, nommés Melchior, Gaspar et Balthasar, que le premier avait la peau blanche, le deuxième, jaune, et le troisième, noir. La légende a peut-être voulu donner aux mages un nombre parfait, les rendre plus réels en leur trouvant un nom et en faire des gens importants venus d’ailleurs pour honorer le nouveau-né de Bethléem. (P. 30.)

En lisant ce paragraphe, on peut penser tout de suite à une paraphrase de la célèbre citation de Louis Pasteur. « Un peu de théologie éloigne de l’historicité des évangiles. Beaucoup en rapproche. »

Plutôt que la vulgarisation bébête que l’on retrouve dans le Prions, regardons ce que nous disent les experts de la question.

D’abord René Laurentin, dans l’œuvre magistrale et de référence Les Évangiles de l’enfance du Christ, Vérité de Noël au-delà des mythes. Rappelons que le père Laurentin « a fait partie d’une Commission établie à Rome, par la Congrégation de la foi, pour élucider l’historicité des Évangiles de l’enfance. »

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Voici quelques extraits de son chef d’œuvres, sur les caractères du récit de l’enfance chez Matthieu :

Son récit est plus schématique, construit, stylisé, et cela pourrait mettre en défiance, quoique le merveilleux y soit fort discret : l’intervention de Dieu par la voie des songes situe le surnaturel au niveau minimum : un songe n’est pas un miracle. Des mages, il ne fait pas des rois, bien que la logique du récit et des allusions bibliques l’y portent. La tradition postérieure n’aura pas tant de scrupule. Il évite toute mégalomanie. L’enfance de Jésus se déroule sans miracle, ni triomphes humains. Sa généalogie manifeste un souci documentaire consciencieux que nous examinerons plus loin. Il est clair qu’il a eu le souci d’écrire, non une légende ou un roman, mais la relation stylisée d’événements réels, crédibles pour ses contemporains, parmi lesquels les adversaires ne manquaient pas. Et l’on n’a pas connaissance qu’il se soit attiré des démentis.

Plusieurs traits recoupent les données historiques ; il y avait bien des astrologues voyageurs en Orient. Qumran a conservé un horoscope du Messie. (p. 379)

L’épopée des mages a paru légendaire. On a voulu y voir la simple mise en scène des textes bibliques, implicitement cités dans le filigrane du récit : Le Psaume 72 prédisait que des rois venus d’Orient se prosterneraient devant le Messie, en offrant de l’or et de l’encens (Mt 2,11). Mais précisément, Matthieu ne fait pas de ces mages des rois, comme ces textes y invitaient. Et ces textes ne parlent point de myrrhe. Ils n’ont donc pas produit le récit. C’est l’événement qui suggère cette allusion, biblique, sans extrapolation ni mégalomanie. Soares Prabhu, remarquable expert de la méthode historico-critique, porté, par cette méthode même, à expliquer, autant qu’il est possible, les textes par les textes, considère ce récit comme peu explicable par cette voie. Une tradition factuelle lui paraît la source la plus probable : le récit vient normalement d’un événement, d’un fait et non d’une projection fictive.

Que des mages viennent, en quête d’un roi, sur la foi des étoiles, précise Xavier Léon-Dufour (qui critique ici un certain radicalisme de Brown), « ce n’est absolument pas impossible puisque, vers l’an 70, un mage nommé Tiridatès est venu adorer Néron. Pourquoi ne pas dire que si toute preuve négative manque, il subsiste un indice de non-impossibilité ». (P. 431-432.)

Le pape Benoit XVI, dans son livre magnifique L’enfance de Jésus traite aussi de la question des rois mages, en un chapitre. Voici sa conclusion :

Au terme de ce long chapitre se pose la question : comment devons-nous comprendre tout cela ? S’agit-il vraiment d’une histoire qui a eu lieu, ou est-ce seulement une méditation théologique exprimée sous forme d’histoires ? […] Daniélou lui-même […] arrive à la conviction qu’il s’agit d’événements historiques dont la signification a été théologiquement interprétée par la communauté judéo-chrétienne et par Matthieu.

Pour le dire simplement : c’est aussi ma conviction. Il faut cependant constater qu’au cours des cinquante dernières années, dans l’évaluation de l’historicité, un changement d’opinion s’est vérifié, qui ne se fonde pas sur de nouvelles connaissances historiques, mais sur une attitude différente face à l’Écriture sacrée et au message chrétien dans son ensemble. Alors que Gerhard Delling, dans le quatrième volume de Theologisches Wörterbuch zum neuen testament (1942), tenait l’historicité du récit sur les Mages encore assurée de façon convaincante par la recherche historique (cf. p. 362, note 11), désormais des exégètes de claire orientation ecclésiale comme Ernst Nellessen ou Rudof Pesch sont opposés à l’historicité ou au moins laissent cette question ouverte.

Face à cette situation, la prise de position soigneusement réfléchie de Klaus Berger, dans son commentaire de 2011 sur tout le Nouveau Testament, est digne d’attention : « Même dans le cas d’une unique attestation […] il faut supposer — jusqu’à preuve du contraire — que les évangélistes n’entendent pas tromper leurs lecteurs, mais veulent raconter des faits historiques […] Contester par pur soupçon l’historicité de ce récit va au-delà de toute compétence imaginable d’historiens. (p.20)

Je ne peux qu’être d’accord avec cette affirmation. Les deux chapitres du récit de l’enfance chez Matthieu ne sont pas une méditation exprimée sous forme d’histoires ; au contraire, Matthieu nous raconte la véritable histoire, qui a été méditée et interprétée théologiquement, et ainsi il nous aide à comprendre plus profondément le mystère de Jésus. (BENOIT XVI, L’enfance de Jésus. Éditions Flammarion, 2012, p. 167 à 169.)

Enfin, pour agrémenter le tout, rappelons, et ce n’est pas banal, le grand reliquaire des mages, conservé à Cologne depuis le moyen-âge, que les jeunes JMJistes ont pu contempler, et dont le parcours historique nous est connu depuis que Sainte-Hélène a recueilli les reliques de ces savants au début des années 300…



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