Assemblée nationale française
Par Jeanne Smits — Traduit par Campagne Québec-Vie — Photo : Assemblée nationale française
25 novembre 2022 (LifeSiteNews) — Dans un geste hautement symbolique, l’Assemblée nationale française a voté jeudi pour faire de « l’accès effectif et égal » au « droit à l’interruption volontaire de grossesse » — l’euphémisme officiel français pour « avortement » — un droit constitutionnel.
337 députés ont voté pour le texte présenté par le parti d’extrême gauche « La France insoumise » et sa coalition parlementaire, NUPES, 32 seulement ont voté contre, tandis que 18 se sont abstenus. Les autres membres (l’Assemblée nationale compte 577 députés) n’ont pas pris part au vote.
Fait remarquable, le Rassemblement national, successeur du Front national, le mouvement de droite nationaliste de Jean-Marie Le Pen, était divisé sur la question et Marine Le Pen elle-même, la fille de Jean-Marie, a exprimé son soutien à l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution française. Elle a été officiellement notée comme ayant voté pour le projet de loi, mais plus tard, le nouveau chef du parti, Jordan Bardella, a indiqué qu’elle avait été absente de l’hémicycle au moment du vote pour « une raison médicale », et qu’elle se serait abstenue si elle avait voté.
Cependant, sur les 89 députés du Rassemblement national, pas moins de 38 ont voté pour faire de l’accès à l’avortement un droit constitutionnel. 23 ont voté contre et 13 se sont abstenus. Les autres députés n’ont pas pris la peine d’exprimer leur opinion.
La plupart des 62 députés du parti historique de centre droit « Les Républicains » ont fait de même ; 13 ont voté pour et seulement 7 contre ; 2 se sont abstenus. La grande majorité des députés de gauche, y compris le parti présidentiel (ironiquement appelé « Renaissance [Re-naissance] »), ont approuvé la loi.
La loi elle-même est très concise. Elle proclame que la Constitution française recevra l’ajout suivant à son article 66-2 : « La loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse. »
Le texte initial soumis par « NUPES » visait à consacrer un « droit absolu » à l’avortement auquel « nul ne peut porter atteinte ». Avec une telle formulation, toute limite légale à l’avortement pourrait être présentée comme inconstitutionnelle, en particulier le délai actuel de 14 semaines (âge gestationnel de l’enfant à naître de 12 semaines) pour l’accès inconditionnel à l’avortement volontaire.
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Le texte révisé est le résultat de négociations entre La France Insoumise et sa présidente Mathilde Panot, qui avait défendu la version originale, et le parti centriste MoDem, qui fait partie du groupe « Renaissance » d’Emmanuel Macron, et les socialistes.
Mme Panot a exulté lorsque son texte a été adopté, proclamant qu’il s’agissait d’« un signal historique que l’Assemblée nationale s’honore d’envoyer à toutes les femmes de notre pays, mais aussi à toutes les femmes du monde ». C’est le résultat d’un « consensus collectif », a-t-elle ajouté. Ce consensus a été rendu possible par la suppression d’un « droit constitutionnel à la contraception » qui figurait dans le texte initial de la loi et qui, selon Le Monde, aurait été rejeté par le Sénat, dominé par la droite, qui n’a pas encore donné sa première lecture au texte. L’avortement est-il plus acceptable que la contraception ? Probablement pas, mais le financement des « contraceptifs modernes » pour des millions de personnes en âge de procréer représenterait une lourde charge pour le budget français...
Les politiciens ont de toute évidence l’intention de faire de la France un exemple pour le monde entier. Selon les lois actuelles, l’avortement n’est pas techniquement un droit mais une exception et l’avortement illégal peut toujours, en théorie, être sanctionné par le droit pénal. Bien sûr, cela n’arrive jamais, même lorsque les femmes se rendent dans les pays voisins pour obtenir des avortements au-delà de la limite des 14 semaines, et au fil des ans, les conditions existantes telles qu’une situation vérifiée de détresse sociale, économique ou psychologique de la femme, le « délai de réflexion » et l’offre d’aide pour les difficultés matérielles entourant la grossesse ont été progressivement supprimées de la loi. Dans le même temps, les pressions exercées sur les femmes pour qu’elles n’avortent pas ont été de plus en plus lourdement sanctionnées.
Si le droit à l’avortement en tant que tel est effectivement gravé dans la pierre froide de la Constitution, un nouveau pas triste et sombre sera franchi vers le parachèvement de la « culture de la mort ». Jusqu’à présent, seule la Yougoslavie communiste de Tito a osé faire un tel pas.
Autre épisode ironique, la présidente du groupe « Renaissance » qui avait présenté un texte similaire pour rendre l’avortement constitutionnel, Aurore Bergé, a fait un retour surprise dans l’hémicycle trois semaines seulement après avoir accouché pour retirer officiellement son propre texte sur l’avortement, afin de promouvoir la version de Panot. « La question de l’avortement n’est ni un caprice, ni un gain politique, ni une question de groupe politique », a-t-elle déclaré, ajoutant que l’Assemblée devait travailler « autrement ». « Si nous ne pouvons pas le faire sur la question des droits des femmes, alors nous ne pouvons le faire pour aucun texte », a-t-elle ajouté.
Le combat contre l’inscription de l’avortement comme droit constitutionnel en France est cependant loin d’être terminé. La loi doit être adoptée dans les mêmes termes par le Sénat, et peut-être passer par d’autres lectures, à l’issue desquelles l’Assemblée nationale aura la main. Si elle y parvient, la modification de la Constitution sera soumise à un référendum public.
De nombreuses questions demeurent. Pourquoi la constitutionnalisation de l’avortement a-t-elle été proposée en premier lieu ? Elle a été lancée en raison de l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade aux États-Unis, qui a été présentée par beaucoup comme un signe que les « droits des femmes » étaient en péril. Emmanuel Macron a malencontreusement suggéré que le « droit à l’avortement » soit inscrit dans la Charte européenne des droits de l’homme, qui n’a aucune compétence en la matière. C’est son parti Renaissance qui, le premier, a suggéré de faire plutôt de l’avortement un droit constitutionnel en France.
Pourquoi Marine Le Pen s’est-elle finalement ralliée à cette initiative, en déclarant publiquement il y a quelques jours qu’elle y était favorable ? Elle a expliqué qu’elle espérait modifier le texte afin de « geler » les dispositions des lois actuelles sur l’avortement, en particulier la limite de 14 semaines. Mais de manière plus pragmatique, elle a ainsi montré sa soumission au tabou politique français sur l’avortement : s’opposer à l’avortement est le moyen le plus sûr de ne pas accéder au pouvoir au niveau national. Par ailleurs, son propre groupe parlementaire comprend des homosexuels, dont certains sont favorables au « mariage homosexuel », des catholiques traditionnels et des personnes qui suivent le courant dominant en matière de questions sociétales.
Selon Nicolas Bauer, chercheur associé au Centre européen pour le droit et la justice, les membres du parti de Mme Le Pen et de Les Républicains ont voté pour le texte parce qu’il rejetait un « droit inconditionnel » à l’avortement. Il a affirmé qu’en l’état, le texte ne semble pas être incompatible avec le droit à l’objection de conscience des médecins ou avec la limite de 14 semaines.
Mais en vérité, cela revient à déposer les armes dans la lutte contre le meurtre légal des enfants à naître. Cela ne rend en aucun cas moins mauvaise la situation existante, qui est la condition morale du vote d’un texte autorisant l’avortement, et ce à condition que l’opposition personnelle totale du député à l’avortement soit connue et manifeste. Dans les conditions actuelles, quelque 223 300 avortements légaux ont été enregistrés en France en 2021. Avant le covid, ce chiffre était encore plus élevé, avec 233 000 avortements enregistrés en 2019.
Le changement constitutionnel empêcherait-il l’avortement de devenir encore plus facile à obtenir ? M. Bauer pense que non :
Cela dit, si un tel changement constitutionnel est adopté, les associations féministes pourront contester toutes ces limitations à l’avortement devant le Conseil constitutionnel. Ce dernier vérifiera alors qu’elles ne portent pas atteinte « à l’effectivité et à l’égal accès au droit à l’avortement ». Par exemple, ces associations accusent déjà l’objection de conscience de rendre l’accès à l’avortement inégal selon les territoires et d’augmenter fortement les délais d’attente.
En tout état de cause, la protection de l’avortement par la Constitution française ne pourrait avoir pour effet que de faire passer pour « normal » et « ordinaire » le meurtre délibéré d’un enfant à naître à la demande de sa propre mère, de le « banaliser » en un mot.
Que Dieu préserve la France d’une telle rébellion ouverte et complète contre la loi naturelle et divine. Le combat est engagé.