Par l’Abbé J.-Réal Bleau (pour le dernier dimanche après la Pentecôte)
La fin de l’année liturgique représente la consommation des siècles. Voilà pourquoi l’Église, si désireuse de notre salut, veut que, durant cette dernière semaine de l’année, nous n’ayons rien d’autre dans l’esprit que la pensée du jugement de Dieu. Plus que tous les autres, les chrétiens doivent vivre dans l’attente de leur grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ qui viendra, à la fin du monde, dans tout l’éclat de sa gloire divine, pour juger les vivants et les morts. Notre passage sur la terre, plus ou moins long selon les décrets infaillibles du Dieu trois fois saint, n’a de sens que celui d’une préparation au jugement de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui fixera notre sort éternel. En vue de ce jour solennel entre tous, où la justice de Dieu pénétrée de miséricorde sera faite pour tous les hommes, du plus faible au plus puissant, le même Jésus, qui nous jugera, ne cesse de nous exhorter, dans l’évangile, à la prière et à la vigilance, comme aussi à la pénitence et au renoncement. Combien de fois ne retentissent pas ces paroles : « Veillez et priez », et « Faites pénitence » ? Et combien d’appels le divin Maître ne fait-il pas au renoncement ? Le renoncement à toute cupidité, aux convoitises de la chair et à l’esprit du monde, qui est un esprit d’orgueil et d’égoïsme — renoncement nécessaire pour être comptés, au dernier jour, parmi ses disciples — Jésus l’a constamment enseigné par la parole et surtout par l’exemple de sa vie.
La pensée de la proximité du jugement de Dieu a toujours stimulé, depuis le début de l’Église, les chrétiens à se repentir de leurs fautes, à en faire une sincère pénitence et à mener une vie fervente. En prêchant l’imminence du jugement de Dieu, plusieurs saints, en particulier saint Vincent Ferrier, ont opéré de nombreuses conversions. Si les saints des siècles passés discernaient, déjà de leur temps, certains signes avant-coureurs de la fin du monde, il semble bien que nous soyons actuellement non plus seulement devant l’un ou l’autre de ces signes, comme les inondations dévastatrices, les famines et les guerres qui ont décimé des nations entières, mais devant les principaux qui nous sont annoncés par l’Évangile d’aujourd’hui : la multiplication des faux Christs et des faux prophètes, l’abomination de la désolation dans le lieu saint, entraînant la crise religieuse la plus universelle de l’histoire, crise si profonde que Notre Seigneur l’appelle « la grande tribulation ». « Il y aura alors une grande tribulation telle qu’il n’y en a jamais eu de pareille depuis le commencement du monde jusqu’à présent, et qu’il n’y en aura plus. Et si ces jours n’étaient abrégés, nulle chair ne serait sauvée ; mais à cause des élus, ces jours seront abrégés » (Mat. 24 21-22)
|
|
Cette grande tribulation dont parle Jésus, selon l’interprétation commune des saints docteurs de l’Église, concerne le temps du triomphe universel de l’hérésie, prêchée par les faux Christs et les faux prophètes, disposant de moyens de séduction inouïs au point de réussir à faire apostasier les élus, si cela était possible. Comment ne pas reconnaître que ce temps d’apostasie générale n’est plus dans un futur lointain ou inconnu mais qu’il est à l’œuvre sous nos yeux ?
À la pensée de la grande tribulation et du jugement de Dieu, qui la suivra, les saints tremblaient. Ils tremblaient pour le salut de beaucoup d’âmes et pour leur propre salut. Aujourd’hui, alors que nous approchons de la fin, le grand danger de ne pas être prêts à entrer dans la vie éternelle ne préoccupe plus personne. Cette insensibilité religieuse s’accompagne d’un terrible aveuglement qui est justement l’effet de l’apostasie générale prédite par Jésus.
Imitons donc la sagesse des saints en nous efforçant d’éviter tout péché volontaire et de persévérer dans la vraie foi. Et lorsque Jésus viendra, sans avertir, au milieu de la nuit, nous serons prêts à lui ouvrir notre cœur pour la plus grande joie de notre âme.
J.-R. B.