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« La splendeur de la vérité » — voici pourquoi elle est toujours d’actualité


Le Pape Jean-Paul II.

Par Mgr Charles J. Chaput, O.F.M. Cap. (What We Need Now)

22 mars 2023

Le mois d’août 2023 marquera le 30e anniversaire de la publication de Veritatis Splendor, la grande encyclique de Jean-Paul II sur la « splendeur de la vérité ». Écrite pour encourager un renouveau de la théologie morale catholique et un retour à ses racines catholiques classiques, Veritatis Splendor s’appuie sur quelques convictions simples. En bref : la vérité existe, que cela nous plaise ou non. Nous ne créons pas la vérité, nous la trouvons et nous n’avons pas le pouvoir de la changer à notre goût. La vérité ne nous met peut-être pas à l’aise, mais elle nous rend libres. Connaître la vérité et vivre selon elle ennoblit notre vie. C’est la seule voie vers un bonheur durable.

Au cours des années écoulées, la crise de la vérité, même au sein de l’Église, n’a fait que croître. Notre époque en est une de casuistique et d’ironie, et non de véritable intelligence et de caractère. Aujourd’hui, la sagesse de Veritatis Splendor est plus nécessaire que jamais.

Il est courant, même parmi les personnes qui s’identifient comme catholiques, de supposer que les conseils moraux de l’Église consistent essentiellement à imposer des règles, des règles qui engendrent une sorte de pharisaïsme et l’« exclusion » de personnes par ailleurs décentes et bien intentionnées. Mais cela est tout à fait faux. C’est une erreur qui méconnaît radicalement la substance de l’enseignement catholique. C’est aussi l’un des pires obstacles à la diffusion de la foi.

Jean-Paul II le savait. C’est pourquoi le premier chapitre de son encyclique est une méditation sur la rencontre de Jésus avec le jeune homme riche (cf. Mt. 19, 16-26). Le jeune homme riche cherche à entrer dans la vie éternelle, et c’est là, écrit Jean-Paul II, le point de départ de l’enseignement de Jésus sur la manière de vivre en chrétien. En d’autres termes, la morale chrétienne consiste à rechercher la communion avec Dieu, qui est notre véritable bonheur, le but de notre existence humaine. Les règles morales, les lois et les commandements existent et sont importants. Mais ils ont de la valeur parce qu’ils renvoient à quelque chose de beaucoup plus profond : comment vivre pour grandir dans la vertu et atteindre la plénitude de la vie.

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Cette vérité — que la morale chrétienne n’est pas un ensemble de légalismes morts, mais le chemin vers un bonheur durable — a été un thème-clé du ministère de Jean-Paul II. Jésus vient révéler à l’homme sa véritable dignité. Il libère l’homme par la vérité de l’Évangile, libre de devenir — par la grâce et selon l’appel de Dieu — des filles et des fils adoptifs dans la joie de son amour. En conséquence, Jean-Paul II a appelé à un profond renouvellement de la théologie morale catholique, ainsi que de la manière dont les enseignements moraux chrétiens sont présentés aux fidèles et au monde. Il voulait que l’Église retrouve son zèle pour affirmer qu’il n’existe pas de vie plus riche que celle qui est vécue dans la plénitude de la vérité.

C’est précisément sur ce point — la manière dont l’Église présente ses conseils moraux — que nous faisons face à de nouveaux et sérieux défis. Ironiquement, le légalisme autoritaire est bien vivant dans la vie catholique, même s’il ne ressemble plus à la variété rigoriste et « conservatrice » du passé. Le minimalisme moral au nom de la « compassion » est tout aussi mortel pour la vie de foi que le maximalisme légaliste.

De nombreux théologiens moraux du siècle dernier, y compris des hommes comme Bernard Häring, pensaient qu’ils faisaient entrer l’Église dans l’ère moderne en explorant de nouvelles frontières morales. En pratique, cependant, ils ont « résolu » le problème des commandements moraux onéreux en éliminant certaines règles et en suscitant des doutes quant à l’application de tel ou tel commandement dans tous les cas, ou en entretenant la possible existence d’une exception à des règles qui, auparavant, semblaient absolues.

C’est parce que nous restons captifs d’une fausse rivalité entre la vérité morale, d’une part, et la liberté et l’épanouissement de l’homme, d’autre part, que Veritatis Splendor reste si important. Nous pouvons développer cela en trois points.

Tout d’abord, le texte nous rappelle avec force que la vérité, y compris la vérité morale (ce que nous devons à notre prochain, ce qui nous conduit à Dieu ou nous en éloigne), a une dimension objective. Elle n’est pas purement fonction des circonstances culturelles et personnelles. Certaines vérités morales — les dix commandements, les préceptes fondamentaux de la loi naturelle — restent toujours valables. L’objectivité de la vérité morale nous permet de nous situer dans un monde déchu qui nous enrôle trop souvent dans ses méfaits. Lorsque l’Église enseigne que certaines choses ne devraient jamais être faites, elle lance un signal d’alarme. Notre liberté n’est pas sans but. Elle n’est pas au service d’elle-même. Nous avons été créés avec la capacité de liberté afin de pouvoir nous unir à la vérité — en action comme en pensée.

Être pleinement humain, c’est vivre dans la vérité. Ainsi, un pasteur (ou un cardinal, ou un pape) n’agit pas avec miséricorde s’il dit, dans un désir malavisé d’aider une personne faisant face à un choix difficile : « Tant que votre cœur est à la bonne place, Dieu comprendra ». Ou encore : « Je vous dispense de la loi dans ce cas ». Ou pire encore : « La loi est mauvaise et doit être changée ». Aucun pasteur, aucun cardinal, aucun pape n’a le pouvoir de transformer un choix peccamineux en un choix moralement acceptable. En essayant de le faire, il commet une grave injustice. Il commet également un péché contre la charité, car il aggrave le problème en dérobant la vérité à la personne qu’il cherche à aider.

En d’autres termes : L’accompagnement, bien compris, est toujours une sage stratégie pastorale. Mais la destination d’un voyage — un voyage partagé par le pasteur et le pénitent — a de l’importance... surtout si la route les mène au bord d’une falaise. Les actions intrinsèquement mauvaises impliquent toujours un détournement de Dieu. C’est l’enseignement de Jésus lui-même : « Celui donc qui violera l’un de ces plus petits commandements et qui enseignera aux autres à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux ; mais celui qui les mettra en pratique et les enseignera sera appelé grand dans le royaume des cieux » (Mt 5,19).

Le bon chemin vers le bonheur n’est pas d’assouplir la loi, mais de s’abandonner à la puissance de Dieu et à la promesse de sa grâce.

Cela nous amène à la deuxième raison de la valeur durable de Veritatis Splendor. Les enseignements moraux catholiques sont salvateurs. Ils sont au cœur de la proclamation de l’Évangile et constituent, en réalité, une bonne nouvelle. Cependant, cette bonne nouvelle, la nouvelle loi d’amour du Christ, ne diminue en rien les commandements de Dieu. C’est ce que dit Jean-Paul II :

« Quand l’Apôtre Paul résume l’accomplissement de la Loi dans le précepte d’aimer son prochain comme soi-même (cf. Rm 13, 8-10), il n’atténue pas les commandements, mais il les confirme, puisqu’il en révèle les exigences et la gravité. L’amour de Dieu et l’amour du prochain sont inséparables de l’observance des commandements de l’Alliance, renouvelée dans le sang de Jésus Christ et dans le don de l’Esprit. C’est justement l’honneur des chrétiens d’obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (cf. Ac 4, 19 ; 5, 29) et, pour cela, d’accepter même le martyre, comme l’ont fait des saints et des saintes de l’Ancien et du Nouveau Testament, reconnus tels pour avoir donné leur vie plutôt que d’accomplir tel ou tel geste particulier contraire à la foi ou à la vertu. » (VS 76)

La fidélité catholique aux vérités morales — en particulier lorsque d’autres communautés chrétiennes se sont tues ou ont simplement capitulé devant une culture hostile — a fait de l’Église un témoin vital de la vérité à une époque de confusion. Beaucoup de ceux qui viennent à la foi aujourd’hui ne le font pas en dépit des enseignements catholiques « durs », mais précisément à cause d’eux — et ce, souvent dans des circonstances où ils ne sont même pas sûrs de pouvoir être à la hauteur de ces exigences. Ils reconnaissent dans ces enseignements la voix de Jésus-Christ et la confiance de l’Église dans l’autorité de la vérité morale.

Encore une fois, la solution aux choix moraux difficiles n’est pas de réécrire ou d’abroger la loi. Nous devons plutôt reconnaître que, par nous-mêmes, nous ne pouvons rien faire sans la grâce de Dieu. La liberté ne nous a pas été donnée par Dieu pour que nous puissions redéfinir, par nous-mêmes, ce qui est bon ou mauvais, mais plutôt pour que nous puissions répondre en toute liberté à son offre d’amitié. Ce n’est pas un point de vue populaire. Nous ne devrions jamais nous illusionner en pensant que, parce que nous vivons dans une démocratie, nous sommes à l’abri du mépris et de la persécution « douce » pour avoir respecté la réalité de la vérité objective. Nous ne devrions pas non plus imaginer qu’une nation où les choix des consommateurs sont presque infinis et où de nouveaux droits sont accordés pour se définir soi-même constitue une véritable culture de la liberté.

Comme l’écrit Jean-Paul II :

« Le totalitarisme naît de la négation de la vérité au sens objectif du terme : s’il n’existe pas de vérité transcendante, par l’obéissance à laquelle l’homme acquiert sa pleine identité, dans ces conditions, il n’existe aucun principe sûr pour garantir des rapports justes entre les hommes. Leurs intérêts de classe, de groupe ou de nation les opposent inévitablement les uns aux autres. Si la vérité transcendante n’est pas reconnue, la force du pouvoir triomphe, et chacun tend à utiliser jusqu’au bout les moyens dont il dispose pour faire prévaloir ses intérêts ou ses opinions, sans considération pour les droits des autres... » (VS 99)

La troisième et dernière raison de la puissance de l’encyclique est la suivante. Dans Veritatis Splendor, Jean-Paul II réaffirme la conception catholique classique de la relation entre la vérité objective sur le bien et le mal et la manière dont la personne individuelle applique cette vérité dans sa propre vie. Il souligne ce qui a toujours été l’enseignement catholique : la conscience de l’individu ne peut jamais être opposée à la vérité morale objective, comme si la conscience et la vérité étaient deux principes concurrents et autonomes pour la prise de décision morale.

Un tel point de vue erroné remettrait en question « l’identité même de la conscience morale face à la liberté de l’homme et à la loi de Dieu. … La conscience n’est pas une capacité indépendante et exclusive de décider ce qui est bien et ce qui est mal » (VS 56). Au contraire, « la conscience est l’application de la loi à un cas particulier » (VS 59). La conscience est soumise à la loi morale objective et doit être formée par elle, de sorte que « la vérité sur le bien moral, énoncée par la loi de la raison, [soit] reconnue de manière pratique et concrète par le jugement de la conscience » (VS 61).

Lorsque Jean-Paul II a publié Veritatis Splendor il y a trois décennies, il s’est très vite attiré les critiques d’une série de théologiens « avant-gardistes ». Ils ont vu (à juste titre) que leurs efforts pour faire évoluer les enseignements moraux catholiques vers des normes plus « humaines » et « compatissantes », selon lesquelles les vérités morales pourraient évoluer avec le temps, en fonction des circonstances historiques et culturelles, seraient réduits à néant par cette publication.

Ceux d’entre eux qui sont encore présents parmi les universitaires et pasteurs de l’Église cherchent toujours des moyens d’échapper à l’enseignement de l’encyclique, en disant qu’elle a peut-être été utile dans le passé, mais que l’histoire a évolué et que les sciences sociales exigent une révision de la pensée catholique. Dans une large mesure, les débats actuels au sein de l’Église — sur les questions d’identité sexuelle, de comportement sexuel, de communion pour les divorcés et les remariés civilement et sur la nature de la famille — ne font qu’exhumer et réanimer les ambiguïtés commodes et les approches flexibles de la vérité que Veritatis Splendor avait enterrées avec force. Le fait que ces débats aient pu s’épanouir, pour littéralement « mettre le bazar » et confondre les fidèles, est l’une des marques les plus regrettables de l’actuel pontificat.

Mais la splendeur de la vérité ne peut être cachée. Elle est toujours ancienne, toujours nouvelle. À long terme, on se souviendra de Veritatis Splendor longtemps après que de nombreuses autres œuvres de papes et d’hommes politiques auront été oubliées.

On s’en souviendra pour une raison simple : ce que dit cette encyclique est vrai.

Mgr Charles Chaput est archevêque émérite de Philadelphie. Cet essai est révisé et adapté par l’auteur à partir de réflexions antérieures (2017) publiées par First Things.



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