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La séparation de l’Église et de l’État est un péché : voici pourquoi


Le baptème de Clovis par François Louis Dejuinne.

Par Matthew McCusker — Traduit par Campagne Québec-Vie — Photo : G. Garitan/Wikimedia Commons

Voici la sixième partie d’une série consacrée à la véritable nature de la liberté humaine. 

La première partie traitait de la liberté naturelle de l’homme, en vertu de laquelle il est libre de choisir sa manière d’agir. La deuxième partie a examiné la liberté morale, par laquelle l’homme agit librement en accord avec sa propre nature. La troisième partie a exploré les façons dont Dieu nous assiste, afin que nous puissions atteindre la liberté morale. La quatrième partie explique comment les lois de l’État peuvent aider l’homme à atteindre la vraie liberté. La cinquième partie traite de la nature du libéralisme et de son incompatibilité avec la foi catholique.

22 juillet 2024 (LifeSiteNews) — Ce titre peut sembler choquant pour certains lecteurs. Beaucoup d’entre nous ont grandi sous des systèmes politiques qui consacrent la séparation de l’Église et de l’État dans la loi constitutionnelle, ou qui la considèrent comme positive pour la société.

Cependant, ce titre reflète l’enseignement de l’Église catholique tel qu’il nous a été transmis par les pontifes romains. Cet enseignement a été expliqué avec une clarté et une précision particulières par le pape Léon XIII dans sa lettre encyclique Immortale Dei, « De la constitution chrétienne des États », et dans Libertas, « De la liberté humaine ».

La redécouverte de cette doctrine nous aidera à comprendre bon nombre des problèmes auxquels l’Occident moderne est confronté. Nous savons que quelque chose a mal tourné dans notre société : l’avortement, la redéfinition du mariage, le transgenrisme, la montée en flèche de la criminalité, l’augmentation du taux de suicide, les guerres sans fin et bien d’autres symptômes d’une civilisation en plein effondrement.

Selon les papes, c’est ce qui arrive inévitablement à une société qui tente de vivre sans Dieu et sans la révélation divine qu’il a confiée à son Église.

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L’affirmation faite dans le titre, selon laquelle « la séparation de l’Église et de l’État est un péché », est dérivée de l’enseignement du pape Léon XIII, qui a écrit :

Les sociétés politiques ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait en aucune manière, ou se passer de la religion comme étrangère et inutile, ou en admettre une indifféremment selon leur bon plaisir. En honorant la Divinité, elles doivent suivre strictement les règles et le mode suivant lesquels Dieu lui-même a déclaré vouloir être honoré. [1]

Il poursuit :

Les chefs d’État doivent donc tenir pour saint le nom de Dieu et mettre au nombre de leurs principaux devoirs celui de favoriser la religion, de la protéger de leur bienveillance, de la couvrir de l’autorité tutélaire des lois, et ne rien statuer ou décider qui soit contraire à son intégrité. Et cela ils le doivent aux citoyens dont ils sont les chefs. [2]

De nombreuses personnes aujourd’hui, y compris certaines qui souhaitent sincèrement être catholiques, rejettent cette doctrine.

Elles insistent sur le fait que, bien que les individus et les familles soient tenus de suivre la loi de Dieu et de pratiquer la vraie religion, l’État peut, voire doit, être neutre en matière de religion. Le pape Léon XIII rejette cette position :

D’autres vont un peu moins loin, mais sans être plus conséquents avec eux-mêmes ; selon eux, les lois divines doivent régler la vie et la conduite des particuliers, mais non celle des États ; il est permis dans les choses publiques de s’écarter des ordres de Dieu et de légiférer sans en tenir aucun compte ; d’où naît cette conséquence pernicieuse de la séparation de l’Église et de l’État. Mais l’absurdité de ces opinions se comprend sans peine. [3]

La doctrine que Léon XIII considérait comme manifestement absurde est aujourd’hui considérée par beaucoup comme manifestement bonne.

La juste distinction entre l’Église et l’État

Il existe une distinction correcte et nécessaire entre l’Église et l’État.

Dieu a donc divisé le gouvernement du genre humain entre deux puissances : la puissance ecclésiastique et la puissance civile ; celle-là préposée aux choses divines, celle-ci aux choses humaines. [4]

Les autorités civiles utilisent des moyens naturels pour atteindre la fin du bonheur naturel de leurs sujets. Les autorités ecclésiastiques utilisent des moyens surnaturels pour atteindre la fin du bonheur surnaturel pour toute l’humanité.

Le pape explique plus loin :

Chacune d’elles en son genre est souveraine ; chacune est renfermée dans des limites parfaitement déterminées et tracées en conformité de sa nature et de son but spécial. Il y a donc comme une sphère circonscrite, dans laquelle chacune exerce son action jure proprio. [5]

L’Église et l’État ont tous deux leur origine en Dieu et doivent coopérer harmonieusement l’un avec l’autre dans la poursuite de leur propre travail au profit de ceux qui leur sont soumis.

Bien qu’il s’agisse de deux sociétés distinctes, possédant chacune des fins, des moyens et des autorités différents, elles sont unies par leurs membres. Tous les membres de l’Église sont aussi les membres d’un État [6] et c’est cette appartenance commune qui conduit à l’unité nécessaire entre l’Église et l’État.

Le Saint-Père enseigne :

Il est donc nécessaire qu’il y ait entre les deux puissances un système de rapports bien ordonné, non sans analogie avec celui qui, dans l’homme, constitue l’union de l’âme et du corps. On ne peut se faire une juste idée de la nature et de la force de ces rapports qu’en considérant, comme Nous l’avons dit, la nature de chacune des deux puissances, et en tenant compte de l’excellence et de la noblesse de leurs buts.

L’une a pour fin prochaine et spéciale de s’occuper des intérêts terrestres, et l’autre de procurer les biens célestes et éternels. Ainsi, tout ce qui dans les choses humaines est sacré à un titre quelconque, tout ce qui touche au salut des âmes et au culte de Dieu, soit par sa nature, soit par rapport à son but, tout cela est du ressort de l’autorité de l’Église.

Quant aux autres choses qu’embrasse l’ordre civil et politique, il est juste qu’elles soient soumises à l’autorité civile puisque Jésus-Christ a commandé de rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. [7]

L’Église et l’État sont distincts en tant que sociétés, mais peuvent être unis dans leurs membres. Les sections suivantes explorent plus en profondeur la nature de cette unité.

Ce que nous sommes tenus de faire en tant qu’individus, nous sommes tenus de le faire en tant que collectivité

Les êtres humains sont des animaux rationnels. Comme l’a écrit Aristote, et cela est célèbre, « tous les hommes désirent par nature savoir ». [8] La réflexion sur le monde qui nous entoure nous amène à savoir que Dieu existe, et la raison nous dit qu’un tel Dieu doit être adoré. Tous les hommes et toutes les femmes ont l’obligation morale, en vertu de la loi naturelle, de croire en Dieu et de l’adorer.

Dieu s’est également révélé à nous en Jésus-Christ. Par des miracles et des prophéties, il nous a donné toutes les preuves dont nous avons besoin pour savoir que Jésus-Christ est Dieu et que son enseignement est vrai. Nous avons l’obligation d’accepter l’Évangile une fois que nous l’avons entendu prêcher. La gravité de cette obligation a été clairement établie par notre Seigneur lui-même :

« Et Il leur dit : “Allez dans le monde entier, et prêchez l’Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; mais celui qui ne croira pas sera condamné” ». (Marc 16, 15-16)

Chaque être humain doit croire en Dieu, accepter l’Évangile de Jésus-Christ et vivre en accord avec lui. Cette obligation ne cesse pas lorsque nous nous réunissons en tant qu’individus. Cela se voit très clairement dans la vie familiale. Les familles catholiques prient ensemble, ont des images religieuses à la maison et élèvent leurs enfants dans la foi catholique. Personne ne prétend que les familles devraient être « laïques » même si leurs membres sont individuellement catholiques.

De nombreuses autres sociétés se voient également conférer un caractère catholique par leurs membres catholiques ; il existe des écoles catholiques, des orphelinats catholiques, des hôpitaux catholiques, etc. Lorsque des catholiques se réunissent, ils forment des sociétés catholiques.

L’Église catholique enseigne que lorsque des catholiques se rassemblent pour former un État, cet État doit également avoir un caractère catholique. De même que tous les hommes et toutes les femmes sont tenus de croire en Dieu et de recevoir l’Évangile, de même tous les États sont tenus de reconnaître publiquement Dieu et la vérité de la religion catholique. Le devoir des États découle logiquement du devoir des individus.

Le pape Léon XIII enseigne :

Si la nature et la raison imposent à chacun l’obligation d’honorer Dieu d’un culte saint et sacré, parce que nous dépendons de sa puissance et que, issus de lui, nous devons retourner à lui, elles astreignent à la même loi la société civile. [9]

Il en est ainsi parce que :

Les hommes, en effet, unis par les liens d’une société commune, ne dépendent pas moins de Dieu que pris isolément ; autant au moins que l’individu, la société doit rendre grâce à Dieu, dont elle tient l’existence, la conservation et la multitude innombrable de ces biens. [10]

De même que les individus ont des devoirs envers Dieu, l’État, qui est composé de ces mêmes individus, doit « sans faillir accomplir par un culte public les nombreux et importants devoirs qui l’unissent à Dieu ». [11]

Et l’État ne peut pas choisir une religion pour lui-même, mais il est tenu d’adhérer à la religion qui est vraie :

C’est pourquoi, de même qu’il n’est permis à personne de négliger ses devoirs envers Dieu, et que le plus grand de tous les devoirs est d’embrasser d’esprit et de cœur la religion, non pas celle que chacun préfère, mais celle que Dieu a prescrite et que des preuves certaines et indubitables établissent comme la seule vraie entre toutes, ainsi les sociétés politiques ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait en aucune manière

Ainsi les sociétés politiques ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait en aucune manière, ou se passer de la religion comme étrangère et inutile, ou en admettre une indifféremment selon leur bon plaisir. En honorant la Divinité, elles doivent suivre strictement les règles et le mode suivant lesquels Dieu lui-même a déclaré vouloir être honoré. [12]

Et il n’y a qu’une seule religion dont Dieu a montré la véracité, comme le pape l’indique clairement :

Quant à décider quelle religion est la vraie, cela n’est pas difficile à quiconque voudra en juger avec prudence et sincérité. En effet, des preuves très nombreuses et éclatantes, la vérité des prophéties, la multitude des miracles, la prodigieuse célérité de la propagation de la foi, même parmi ses ennemis et en dépit des plus grands obstacles, le témoignage des martyrs et d’autres arguments semblables prouvent clairement que la seule vraie religion est celle que Jésus-Christ a instituée lui-même et qu’il a donné mission à son Église de garder et de propager. [13]

Et il poursuit :

Car le Fils unique de Dieu a établi sur la terre une société qu’on appelle l’Église, et il l’a chargée de continuer à travers tous les âges la mission sublime et divine que lui-même avait reçue de son Père. « Comme mon Père m’a envoyé, moi je vous envoie ». « Voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles ». De même donc que Jésus-Christ est venu sur la terre afin que les hommes « eussent la vie et l’eussent plus abondamment », ainsi l’Église se propose comme fin le salut éternel des âmes ; et dans ce but, telle est sa constitution qu’elle embrasse dans son extension l’humanité tout entière et n’est circonscrite par aucune limite ni de temps, ni de lieu. « Prêchez l’Évangile à toute créature ». [14].

Par conséquent, c’est « l’un des principaux devoirs » de « tous ceux qui gouvernent » de « favoriser la religion, de la protéger de leur bienveillance, de la couvrir de l’autorité tutélaire des lois, et de ne rien statuer ou décider qui soit contraire à son intégrité ». « Et cela ils le doivent aux citoyens dont ils sont les chefs. » [15]

Le bonheur du peuple exige que l’État professe la vraie religion

La fin ultime de l’être humain est d’atteindre la vision éternelle de Dieu au Ciel. C’est en cela que réside le véritable bonheur de l’homme. C’est ce qu’enseigne le pape Léon XIII :

Tous, tant que nous sommes, en effet, nous sommes nés et élevés en vue d’un bien suprême et final auquel il faut tout rapporter, placé qu’il est aux cieux, au-delà de cette fragile et courte existence. Puisque c’est de cela que dépend la complète et parfaite félicité des hommes, il est de l’intérêt suprême de chacun d’atteindre cette fin. [16]

L’Église est la société surnaturelle parfaite qui possède les moyens surnaturels de sanctifier les âmes et de les conduire au ciel. L’État a pour finalité propre le bonheur naturel du sujet. Mais cela ne signifie pas que l’État puisse être indifférent à la finalité de ses sujets, pas plus que ne peuvent l’être d’autres sociétés comme la famille, l’école ou l’hôpital. Comme l’a précisé le pape :

Puisque c’est de cela que dépend la complète et parfaite félicité des hommes, il est de l’intérêt suprême de chacun d’atteindre cette fin.

Comme donc la société civile a été établie pour l’utilité de tous, elle doit, en favorisant la prospérité publique, pourvoir au bien des citoyens de façon non seulement à ne mettre aucun obstacle, mais à assurer toutes les facilités possibles à la poursuite et à l’acquisition de ce bien suprême et immuable auquel ils aspirent eux-mêmes. [17]

C’est pourquoi, dans ce but, l’État doit « faire respecter la sainte et inviolable observance de la religion, dont les devoirs unissent l’homme à Dieu ». [18]

Dans Libertas, Léon XIII écrit :

Il faut, la nature même le crie, il faut que la société donne aux citoyens les moyens et les facilités de passer leur vie selon l’honnêteté, c’est-à-dire selon les lois de Dieu, puisque Dieu est le principe de toute honnêteté et de toute justice ; il répugnerait donc absolument que l’État pût se désintéresser de ces mêmes lois ou même aller contre elles en quoi que ce soit.

De plus, ceux qui gouvernent les peuples doivent certainement à la chose publique de lui procurer, par la sagesse de leurs lois, non seulement les avantages et les biens du dehors, mais aussi et surtout les biens de l’âme. Or, pour accroître ces biens, on ne saurait rien imaginer de plus efficace que ces lois dont Dieu est l’auteur ; et c’est pour cela que ceux qui veulent, dans le gouvernement des États, ne tenir aucun compte des lois divines détournent vraiment la puissance politique de son institution et de l’ordre prescrit par la nature. [19] 

Le Père Denis Fahey, écrivant en 1944, développe cet aspect de la doctrine :

La politique est la science qui a pour objet l’organisation de l’État en vue du bien commun complet des citoyens dans l’ordre naturel et des moyens qui y conduisent. Mais comme la fin dernière de l’homme n’est pas seulement naturelle, l’État, chargé de l’ordre social temporel, doit toujours agir de manière non seulement à ne pas entraver mais à favoriser la réalisation de la fin suprême de l’homme, la vision de Dieu en Trois Personnes Divines.

La pensée et l’action politiques, dans un État ordonné, respecteront donc la juridiction et les conseils de l’Église catholique, gardienne divinement instituée de l’ordre moral, en se rappelant que ce qui est moralement mauvais ne peut être politiquement bon. Ainsi, le bien commun naturel ou temporel sera toujours visé par les autorités de la manière la plus apte à favoriser la vie familiale, en vue du développement de la vraie personnalité, dans et par le Corps mystique du Christ. [20]

L’Église est une société plus élevée que l’État

L’Église n’a pas de juridiction sur l’État en tant que tel, et ses autorités ne peuvent pas interférer avec le fonctionnement propre de l’État, mais elle a néanmoins l’autorité la plus « élevée » des deux. Elle a le pouvoir et le droit « illimité » et « sans entrave » d’accomplir sa mission, comme l’explique Léon XIII :

Bien que composée d’hommes comme la société civile, cette société de l’Église, soit pour la fin qui lui est assignée, soit pour les moyens qui lui servent à l’atteindre, est surnaturelle et spirituelle.

Elle se distingue donc et diffère de la société civile. En outre, et ceci est de la plus grande importance, elle constitue une société juridiquement parfaite dans son genre, parce que, de l’expresse volonté et par la grâce de son Fondateur, elle possède en soi et par elle-même toutes les ressources qui sont nécessaires à son existence et à son action.

Comme la fin à laquelle tend l’Église est de beaucoup la plus noble de toutes, de même son pouvoir l’emporte sur tous les autres et ne peut en aucune façon être inférieur, ni assujetti au pouvoir civil. [21]

Il poursuit :

En effet, Jésus-Christ a donné plein pouvoir à ses Apôtres dans la sphère des choses sacrées, en y joignant tant la faculté de faire de véritables lois que le double pouvoir qui en découle de juger et de punir. « Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre ; allez donc, enseignez toutes les nations... apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit ». Et ailleurs : « S’il ne les écoute pas, dites-le à l’Église. » Et encore : « Ayez soin de punir toute désobéissance ». De plus : « Je serai plus sévère en vertu du pouvoir que le Seigneur m’a donné pour l’édification et non pour la ruine ». [22]

Il est nécessaire que l’Église du Christ possède cette autorité illimitée parce que :

C’est donc à l’Église, non à l’État, qu’il appartient de guider les hommes vers les choses célestes, et c’est à elle que Dieu a donné le mandat de connaître et de décider de tout ce qui touche à la religion ; d’enseigner toutes les nations, d’étendre aussi loin que possible les frontières du nom chrétien ; bref, d’administrer librement et tout à sa guise les intérêts chrétiens. [23]

L’État ne peut jamais avoir d’autorité sur l’Église en tant que telle, même s’il a autorité sur ses membres en matière civile. L’État n’a pas le droit de s’immiscer dans le bon fonctionnement de l’Église et ne peut en aucun cas l’entraver. C’est ce qu’enseigne le pape :

Cette autorité, parfaite en soi, et ne relevant que d’elle-même, depuis longtemps battue en brèche par une philosophie adulatrice des princes, l’Église n’a jamais cessé ni de la revendiquer, ni de l’exercer publiquement. Les premiers de tous ses champions ont été les Apôtres, qui, empêchés par les princes de la Synagogue de répandre l’Évangile, répondaient avec fermeté : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ». [24]

Cette autorité, a fait remarquer le pape, a été maintenue par les « solides raisons » des « Pères de l’Église » et « les Pontifes romains n’ont jamais hésité à la défendre avec une constance invincible ». [25]

Elle a également été fréquemment reconnue par les souverains eux-mêmes :

Bien plus, elle a eu pour elle en principe et en fait l’assentiment des princes et des chefs d’États, qui, dans leurs négociations et dans leurs transactions, en envoyant et en recevant des ambassades et par l’échange d’autres bons offices, ont constamment agi avec l’Église comme avec une puissance souveraine et légitime. [26].

Conflits entre l’Église et l’État

L’Église et l’État partagent des membres et, par conséquent, un conflit entre leurs commandements respectifs est possible. Dans Immortale Dei, le Saint-Père écrit :

Toutefois, leur autorité s’exerçant sur les mêmes sujets, il peut arriver qu’une seule et même chose, bien qu’à un titre différent, mais pourtant une seule et même chose ressortisse à la juridiction et au jugement de l’une et de l’autre puissance. Il était donc digne de la sage Providence de Dieu, qui les a établies toutes les deux, de leur tracer leur voie et leur rapport entre elles. [27]

Et dans Libertas, il répète :

Mais une remarque plus importante et que Nous avons Nous même rappelée plus d’une fois ailleurs, c’est que le pouvoir civil et le pouvoir sacré, bien que n’ayant pas le même but et ne marchant pas par les mêmes chemins, doivent pourtant, dans l’accomplissement de leurs fonctions, se rencontrer quelques fois l’un et l’autre. Tous deux, en effet, exercent plus d’une fois leur autorité sur les mêmes objets, quoiqu’à des points de vue différents. [28]

Il poursuit :

Le conflit, dans cette occurrence, serait absurde et répugnerait ouvertement à l’infinie sagesse des conseils divins : il faut donc nécessairement qu’il y ait un moyen, un procédé pour faire disparaître les causes de contestations et de luttes et établir l’accord dans la pratique. Et cet accord, ce n’est pas sans raison qu’on l’a comparé à l’union qui existe entre l’âme et le corps, et cela au plus grand avantage des deux conjoints, car la séparation est particulièrement funeste au corps, puisqu’elle le prive de la vie. [29]

De tels conflits doivent être évités en respectant la sphère propre de chaque société, mais dans les cas où l’État ordonne quelque chose de contraire à la loi ou à l’enseignement de l’Église, c’est à l’Église qu’il faut obéir, car « nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Actes 5,29).

Les autorités civiles doivent se soumettre à l’autorité de l’Église pour tout ce qui relève de sa sphère propre, y compris la conformité à chacun de ses enseignements en matière de foi et de morale.

L’union authentique de l’Église et de l’État est bénéfique aux deux parties

L’Église catholique respecte et soutient tellement l’autorité légitime de l’État, et ses origines divines, que :

Cette constitution de la société politique n’a rien qui puisse paraître peu digne ou malséant à la dignité des princes. Loin de rien ôter aux droits de la majesté, elle les rend au contraire plus stables et plus augustes. [30]

Si l’Église et l’État coopèrent l’un avec l’autre, l’un et l’autre atteindront plus facilement leurs fins respectives :

Bien plus, si l’on y regarde de plus près, on reconnaîtra à cette constitution une grande perfection qui fait défaut aux autres systèmes politiques ; et elle produirait certainement des fruits excellents et variés si seulement chaque pouvoir demeurait dans ses attributions et mettait tous ses soins à remplir l’office et la tâche qui lui ont été déterminés.

En effet, dans la constitution de l’État, telle que nous venons de l’exposer, le divin et l’humain sont délimités dans un ordre convenable, les droits des citoyens sont assurés et placés sous la protection des mêmes lois divines, naturelles et humaines ; les devoirs de chacun sont aussi sagement tracés que leur observance est prudemment sauvegardée.

Tous les hommes, dans cet acheminement incertain et pénible vers la cité éternelle, savent qu’ils ont à leur service des guides sûrs pour les conduire au but et des auxiliaires pour l’atteindre. Ils savent de même que d’autres chefs leur ont été donnés pour obtenir et conserver la sécurité, les biens et les autres avantages de cette vie. [31]

L’institution de la famille en bénéficiera également :

La société domestique trouve sa solidité nécessaire dans la sainteté du lien conjugal, un et indissoluble ; les droits et les devoirs des époux sont réglés en toute justice et équité ; l’honneur dû à la femme est sauvegardé ; l’autorité du mari se modèle sur l’autorité de Dieu ; le pouvoir paternel est tempéré par les égards dus à l’épouse et aux enfants ; enfin, il est parfaitement pourvu à la protection, au bien-être et à l’éducation de ces derniers. [32]

L’union de l’Église et de l’État est le meilleur moyen d’assurer des lois justes et leur application équitable :

Dans l’ordre politique et civil, les lois ont pour but le bien commun, dictées non par la volonté et le jugement trompeur de la foule, mais par la vérité et la justice. L’autorité des princes revêt une sorte de caractère sacré plus qu’humain, et elle est contenue de manière à ne pas s’écarter de la justice, ni excéder son pouvoir. L’obéissance des sujets va de pair avec l’honneur et la dignité, parce qu’elle n’est pas un assujettissement d’homme à homme, mais une soumission à la volonté de Dieu régnant par des hommes. [33]

Lorsque les hommes et les femmes verront qu’ils sont gouvernés avec justice, ils respecteront et honoreront leurs dirigeants en retour, et la paix sociale s’installera :

Une fois cela reconnu et accepté, il en résulte clairement que c’est un devoir de justice de respecter la majesté des princes, d’être soumis avec une constante fidélité à la puissance politique, d’éviter les séditions et d’observer religieusement la constitution de l’État. [34]

Enfin, dans un tel État, chaque aspect de la vie et de la conduite de l’homme est élevé par la pratique de la vraie religion :

Pareillement, dans cette série des devoirs se placent la charité mutuelle, la bonté, la libéralité. L’homme, qui est à la fois citoyen et chrétien, n’est plus déchiré en deux par des obligations contradictoires. Enfin, les biens considérables dont la religion chrétienne enrichit spontanément même la vie terrestre des individus sont acquis à la communauté et à la société civile. [35]

C’est pourquoi « on peut dire en toute honnêteté » que :

« Le sort de l’État dépend du culte que l’on rend à Dieu ; et il y a entre l’un et l’autre de nombreux liens de parenté et d’étroite amitié. » [36]

La gloire de la chrétienté

La vision de l’État chrétien proposée par Léon XIII n’est pas une fantaisie idéaliste. Elle s’est largement réalisée, bien que toujours imparfaitement, dans l’assemblage des individus catholiques, des familles catholiques et des États catholiques que nous appelons la chrétienté. Le Souverain Pontife écrit :

Il fut un temps où la philosophie de l’Évangile gouvernait les États. À cette époque, l’influence de la sagesse chrétienne et sa divine vertu pénétraient les lois, les institutions, les mœurs des peuples, tous les rangs et tous les rapports de la société civile. Alors la religion instituée par Jésus-Christ, solidement établie dans le degré de dignité qui lui est dû, était partout florissante, grâce à la faveur des princes et à la protection légitime des magistrats. Alors le sacerdoce et l’empire étaient liés entre eux par une heureuse concorde et l’amical échange de bons offices.

Organisée de la sorte, la société civile donna des fruits supérieurs à toute attente, dont la mémoire subsiste et subsistera consignée qu’elle est dans d’innombrables documents que nul artifice des adversaires ne pourra corrompre ou obscurcir. Si l’Europe chrétienne a dompté les nations barbares et les a fait passer de la férocité à la mansuétude, de la superstition à la vérité ; si elle a repoussé victorieusement les invasions musulmanes, si elle a gardé la suprématie de la civilisation, et si, en tout ce qui fait honneur à l’humanité, elle s’est constamment et partout montrée guide et maîtresse ; si elle a gratifié les peuples de sa vraie liberté sous ces diverses formes ; si elle a très sagement fondé une foule d’œuvres pour le soulagement des misères, il est hors de doute qu’elle en est grandement redevable à la religion, sous l’inspiration et avec l’aide de laquelle elle a entrepris et accompli de si grandes choses. [37]

Si l’Église et l’État étaient restés unis, « tous ces biens dureraient encore » et « et il y avait lieu d’en espérer de plus grands encore » car « quand l’empire et le sacerdoce vivent en bonne harmonie, le monde est bien gouverné, l’Église est florissante et féconde. Mais quand la discorde se met entre eux, non seulement les petites choses ne grandissent pas, mais les grandes elles-mêmes dépérissent misérablement ». [38]

Mais, tragiquement, l’unité de la chrétienté occidentale a été brisée, d’abord par le protestantisme, puis par la montée du libéralisme :

Mais ce pernicieux et déplorable goût de nouveautés que vit naître le XVIe siècle, après avoir d’abord bouleversé la religion chrétienne, bientôt par une pente naturelle passa à la philosophie, et de la philosophie à tous les degrés de la société civile.

C’est à cette source qu’il faut faire remonter ces principes modernes de liberté effrénée rêvés et promulgués parmi les grandes perturbations du siècle dernier, comme les principes et les fondements d’un droit nouveau, inconnu jusqu’alors, et sur plus d’un point en désaccord, non seulement avec le droit chrétien, mais avec le droit naturel. [39]

En conséquence :

La souveraineté de Dieu est passée sous silence, exactement comme si Dieu n’existait pas, ou ne s’occupait en rien de la société du genre humain ; ou bien comme si les hommes, soit en particulier, soit en société, ne devaient rien à Dieu, ou qu’on pût imaginer une puissance quelconque dont la cause, la force, l’autorité ne résidât pas tout entière en Dieu même. [40]

Les conséquences déplorables d’un tel état sont de plus en plus évidentes pour tous. Mais aucune solution ne sera trouvée tant que les hommes ne reconnaîtront pas à nouveau Jésus-Christ comme Roi, et qu’ils ne l’honoreront pas et ne lui obéiront pas, en tant qu’individus, en tant que familles et en tant qu’États. Car, comme l’a enseigné le pape Pie XI :

Or, il Nous en souvient, Nous proclamions ouvertement deux choses : l’une, que ce débordement de maux sur l’univers provenait de ce que la plupart des hommes avaient écarté Jésus-Christ et sa loi très sainte des habitudes de leur vie individuelle aussi bien que de leur vie familiale et de leur vie publique ; l’autre, que jamais ne pourrait luire une ferme espérance de paix durable entre les peuples tant que les individus et les nations refuseraient de reconnaître et de proclamer la souveraineté de Notre Sauveur.

Les hommes doivent « chercher la paix du Christ par le Règne du Christ ». [41]


Références

[1] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 6.

[2] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 6.

[3] Pape Léon XIII, Libertas, n° 18.

[4] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 13.

[5] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 13.

[6] Même si, bien sûr, il se peut que tous les membres d’un État ne soient pas membres de l’Église.

[7] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 14.

[8] Aristote, Métaphysique, livre I, première partie.

[9] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 6.

[10] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 6.

[11] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 6.

[12] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 6.

[13] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 7.

[14] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 8.

[15] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 6.

[16] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 6.

[17] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 6.

[18] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 6.

[19] Pape Léon XIII, Libertas, n° 18.

[20] Rev. Denis Fahey, Money Manipulation and Social Order, (Dublin, 1944), p. 8.

[21] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 8-10.

[22] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 11.

[23] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 11.

[24] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 12.

[25] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 12.

[26] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 12.

[27] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 14.

[28] Pape Léon XIII, Libertas, n° 18.

[29] Pape Léon XIII, Libertas, n° 18.

[30] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 17.

[31] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 17.

[32] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 17.

[33] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 17.

[34] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 17.

[35] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 17.

[36] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 17.

[37] Léon XIII, Immortale Dei, n° 21.

[38] Léon XIII, Immortale Dei, n° 22.

[39] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 23.

[40] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 25.

[41] Pape Pie XI, Quas Primas, n° 1.



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