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La légende des collèges classiques de riches


Ancien Collège des jésuites de Québec.

Par l’historien Jean-Claude Dupuis, Ph. D. — Image (rognée) : BAnQ, Collection initiale/Wikimedia Commons

Lise Ravary est frappée de nostalgie. Elle fait l’éloge de l’enseignement classique (JDM 4-2-2019). « C’était mieux dans mon temps », dit-elle sans complexe. Corneille et Racine surpassaient les « romans gnangnans » des cours de français du cégep. Néanmoins, elle émet une réserve, pour ne pas sembler trop réactionnaire :

« À cette époque, les collèges classiques accueillaient les garçons bolés, les pieux, les fils de riches et ce que j’appelle l’élite de l’effort, ces jeunes prometteurs, mais sans moyens, que les communautés religieuses prenaient sous leur aile en échange de vœux perpétuels. »

Ce compendium de préjugés est contredit par les statistiques publiées dans le mémoire présenté par la Fédération des collèges classiques à la Commission d’enquête Tremblay, en 1954. Le mémoire fut rédigé par nul autre que Paul Gérin-Lajoie, qui était alors le conseiller juridique de cet organisme.

Des bolés ? Les pédagogues estimaient qu’un étudiant devait avoir un quotient intellectuel d’au moins 115 pour être en mesure de suivre le cours classique. Ce n’est pas tellement élevé. Ça correspond à 20 % de la population. Et le mémoire affirmait que 45 % des élèves des collèges classiques avaient, en réalité, un QI inférieur à cette norme parce que les critères d’admission n’étaient pas appliqués de manière rigoureuse. La règle, c’était plutôt de donner leur chance à tous ceux qui paraissaient bien intentionnés.

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Des pieux ? Les œuvres diocésaines de vocations offraient des bourses d’étude aux élèves qui aspiraient à la prêtrise. Mais cela ne représentait que 25 % des bourses attribuées. Un sur deux finissait par devenir prêtre. Toutefois, les bourses n’étaient jamais supprimées lorsqu’un élève renonçait au sacerdoce en cours de route. Le comédien Albert Millaire en est un exemple.

Des fils de riches ? Les frais annuels des collèges québécois étaient en moyenne de 170 $ pour la scolarité et de 365 $ pour la pension. Les collèges privés américains chargeaient, quant à eux, 400 $ de scolarité et 500 $ de pension. Le prix de la pension équivalait au coût de l’entretien d’un enfant du même âge à la maison. Avec un revenu annuel de 3000 $, une famille pouvait inscrire un enfant au collège. Cela ne correspondait qu’à 20 % des familles québécoises, en 1951. Mais un tiers des élèves recevaient une aide financière. La plupart des collégiens provenaient de classes moyennes, parfois aisées, mais rarement de familles riches. Et 43 % d’entre eux étaient des fils d’ouvriers et de cultivateurs.

Notons que les Canadiens français de ce temps n’auraient pas compté assez de familles riches pour remplir les collèges classiques. Les « fils de riches », on les trouvait dans la communauté anglo-québécoise.

Ces chiffres réfutent les préjugés de Lise Ravary, mais ils ne nous expliquent pas pourquoi « c’était mieux dans son temps ». Évidemment, Corneille est supérieur à Michel Tremblay. Toutefois, la clef d’explication est ailleurs. Les prêtres, les frères et les sœurs enseignaient sans recevoir de salaires, et ils vivaient dans l’austérité. Au lieu de cracher sur l’Église, le Québec devrait la remercier à genoux, ne serait-ce que pour cela. Les religieux enseignaient parce qu’ils aimaient Dieu à travers leurs élèves. L’enseignant catholique reconnaît le visage de Jésus dans ses élèves, surtout lorsqu’ils sont en difficultés. L’enseignant athée porte plutôt le regard sur ses conditions de travail.

Certes, il y a encore de bons enseignants au Québec. Mais ceux qui ont gardé la vocation éducative sont probablement des catholiques qui s’ignorent.

Source : Paul Gérin-Lajoie, dir. L’organisation et les besoins de l’enseignement classique dans le Québec, Mémoire de la Fédération des collèges classiques à la Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels, Montréal, Fides, 1954, 325 p.



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