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Groulx réhabilité


Le chanoine Lionel Groulx à son bureau en l'hôtel Jean Bart, à Paris, le 1er mars 1922.

Par l’historien Jean-Claude Dupuis, Ph. D. ― Photo : Université de Sherbrooke/Wikimedia Commons

Maurice Duplessis et Lionel Groulx sont les deux figures emblématiques de la prétendue « grande noirceur ». Or ils sont maintenant, l’un comme l’autre, en voie de réhabilitation.

Charles-Philippe Courtois, qui est professeur agrégé d’histoire au Collège militaire royal de Saint-Jean-sur-Richelieu, a publié en 2017 la première biographie complète du chanoine : Lionel Groulx, le penseur le plus influent de l’histoire du Québec. Il présente notre historien national sous un jour très favorable. Nous ne sommes plus au temps des calomnies d’Esther Delisle sur le « racisme » et « l’antisémitisme » de Lionel Groulx et de ses disciples.

Charles-Philippe Courtois s’est entretenu avec Éric Bédard lors des Rendez-vous d’histoire de Québec 2019. Groulx, dit-il, a été à la fois un historien scientifique, un nationaliste d’avant-garde, un écrivain romantique, un pédagogue novateur et un prêtre conservateur. Ses ouvrages de vulgarisation ont parfois idéalisé notre passé dans un but patriotique. Mais ses travaux d’histoire répondaient aux normes méthodologiques les plus rigoureuses.

Aujourd’hui, Lionel Groulx est perçu comme un « réactionnaire », mais il était en réalité un « contestataire » qui n’hésitait pas à s’attaquer à l’establishment.

Ainsi, Groulx a déboulonné le mythe de la « Conquête providentielle », qui avait été propagé au XIXe siècle par nos élites cléricales et politiques. La Conquête du Canada par l’Angleterre, disait-il, n’a pas été voulue par Dieu pour préserver les Canadiens français des horreurs de la Révolution française. Une conquête ne peut jamais être un bienfait pour le peuple conquis. Et l’empire britannique ne pouvait pas nous protéger des « funestes principes » de 1789 puisque la Philosophie des Lumières, dont ils émanent, est issue de l’Angleterre.

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Par ailleurs, Groulx prônait la nationalisation de l’hydroélectricité dès les années 1930; il critiquait la politique de laisser-faire économique des gouvernements; il condamnait l’invasion de la province par les capitaux américains; il soutenait le syndicalisme catholique. Le groulxisme était loin de défendre « l’ordre établi ».

Selon Courtois, Lionel Groulx a toujours été indépendantiste, mais il ne croyait pas que ce projet de société puisse être immédiatement réalisable. Il fallait d’abord préparer la jeune génération. Cependant, Groulx hésitait, en tant que prêtre, à s’engager dans un mouvement politique aussi « révolutionnaire ». Néanmoins, sa fameuse envolée de 1937, « Notre État français nous l’aurons », doit être interprétée dans un sens séparatiste, bien que plusieurs auteurs aient tenté de la concilier avec l’idée d’un fédéralisme décentralisé. 

Charles-Philippe Courtois ébranle les idées reçues en qualifiant Groulx de « précurseur de la Révolution tranquille ». Mais précisons dans quel sens. En tant que prêtre catholique, Groulx condamnait évidemment la déchristianisation des années 1960, et notamment la réforme de l’éducation. Mais en tant que nationaliste, il approuvait le renforcement de l’État québécois et les aspirations à l’indépendance. Groulx pouvait se reconnaître dans le slogan de Daniel Johnson : « Égalité ou Indépendance ». Il aurait sûrement été à l’aise avec l’idée de Souveraineté-Association de René Lévesque.

À mon avis, il est dommage que Groulx et Duplessis n’aient pas marché de pair. Selon Groulx, Duplessis n’était qu’un « vieux politicien bleu », sans culture ni envergure. Selon Duplessis, Groulx n’était guère plus qu’un « pelleteux de nuage ». Les deux hommes s’étaient rencontrés en 1934, à l’invitation de Robert Rumilly, mais leur conversation avait mal tourné. Groulx avait fait une leçon d’histoire à Duplessis, et ce denier lui avait répondu par une leçon d’actualité. Ces deux fortes personnalités n’étaient pas faites pour s’entendre. Mais le savant et le politique peuvent sans doute mieux servir leur patrie en travaillant chacun dans leur domaine respectif.



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