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Culture chrétienne et culture païenne

Par l’historien Jean-Claude Dupuis, Ph. D. — Image (montage) : n°1 Kunsthaus Zurich/n°2/Wikimedia Commons

Mon éloge d’Antigone et de la culture classique en général a pu scandaliser les « gaumistes », en supposant qu’il s’en trouve encore.

Mgr Jean-Joseph Gaume (1802-1879) était un brillant polémiste contre-révolutionnaire français. Dans Le vers rongeur des sociétés modernes ou le paganisme dans l’éducation (1851), il soutenait que la Révolution française était le fruit des études littéraires gréco-latines. Les élites européennes s’étaient détournées de Dieu parce que les collèges classiques leur avaient inculqué le culte des héros de l’Antiquité païenne plutôt que celui des saints du Moyen Âge. Mgr Gaume suggérait de remplacer l’enseignement du latin classique de Cicéron par celui du bas-latin de saint Augustin. Une authentique civilisation chrétienne, disait-il, devait s’imprégner de la Bible et de la Patrologie plutôt que d’Homère et de Virgile.

La question des classiques païens a soulevé la controverse, en France et au Québec. L’abbé Alexis Pelletier (1837-1910) a propagé le gaumisme chez nous. Le clivage opposait généralement les catholiques ultramontains (gaumistes) aux catholiques libéraux (anti-gaumistes). Mais ce n’était pas toujours clair. Les jésuites, très ultramontains, défendaient néanmoins les études anciennes, qui formaient la base de leur ratio studiorum.

Le Saint-Siège n’a pas vraiment tranché le débat, car c’était une question pédagogique plutôt que théologique. Dans Inter multiplices (1853), Pie IX a dit que l’on pouvait étudier le latin « tant dans les ouvrages si remplis de sagesse des saints Pères de l’Église que chez les auteurs païens les plus célèbres, purifiés de toute souillure ». Le Souverain Pontife ne condamnait pas le gaumisme, mais il confirmait que la pédagogie humaniste n’avait pas fait fausse route en enseignant la littérature païenne. Il recommandait seulement de censurer les passages immoraux de certaines œuvres, ad usum Delphini.

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L’Église catholique a toujours récupéré ce qu’il y avait de bon dans la culture non chrétienne. « Tout ce qui est vrai est mien, disait saint Augustin, car tout ce qui est vrai est chrétien. » Saint Thomas d’Aquin a complété, et non pas rejeté, la philosophie d’Aristote.

Certains protestants ont parfois eu tendance à condamner en bloc la culture profane sous prétexte que la Bible pouvait répondre à toutes les questions. Leur mentalité ressemble à celle du calife Omar, qui fit brûler la bibliothèque d’Alexandrie (643) en disant : « Le Coran suffit ! »

Le gaumisme se rattachait au christianisme romantique du XIXe siècle, qui dénonçait la prétendue « dérive rationaliste » de l’Église du Concile de Trente (1542-1563) au nom d’une religiosité sentimentale qui se réclamait d’un Moyen Âge imaginaire. En réalité, l’Église médiévale n’a jamais condamné la littérature gréco-latine. Les moines recopiaient fidèlement les œuvres païennes de l’Antiquité.

Mgr Gaume était apparemment antilibéral. Mais son rejet total de la culture antique visait à promouvoir une sorte de christianisme ésotérique. Il adhérait au « traditionalisme philosophique » de l’abbé Félicité de Lamennais (1782-1854), le père du catholicisme libéral français. Dans son ouvrage Du catholicisme dans l’éducation (1835), Mgr Gaume fait l’éloge de Platon, mais il ne consacre qu’une demi-phrase à saint Thomas d’Aquin. Il va même jusqu’à soutenir que l’on devrait étudier le sanskrit plutôt que le grec et le latin. Cela dit tout.

Léon XIII écrivait dans Aeterni patris (1879) : « Il est dans l’ordre de la divine Providence que, pour rappeler les peuples à la foi et au salut, on recherche aussi le concours de la science humaine : procédé sage et louable, dont les pères de l’Église les plus illustres ont fait un usage fréquent, ainsi que l’attestent les monuments de l’Antiquité ».

J’admire le Moyen Âge, mais je me méfie des tendances gnostiques des modes médiévales contemporaines.



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