Par L’Abbé J.-Réal Bleau — Photo (modifiée) : Wikimedia Commons
Les premiers disciples de Jésus reçurent d’abord le baptême et l’enseignement spirituel de saint Jean-Baptiste. Comme beaucoup, en Israël, ils attendaient la venue prochaine du Messie. Mais eux, ils l’attendaient avec l’enthousiasme de cœurs purs et droits, prêts à suivre le Christ, déjà certains d’avoir la joie de le rencontrer, de le voir en personne et d’écouter sa voix. Selon la prédication du Précurseur, ils se préparaient à ce grand bonheur en faisant pénitence.
Parmi le groupe des jeunes formés à la pénitence par le Baptiste, et qui devinrent les premiers appelés par Jésus à venir à sa suite, il y en eut trois que le Seigneur s’attacha particulièrement. Parce que, sans doute, ils étaient les plus fervents. Ce sont Simon, Jacques et Jean. Simon, alliant au témoignage de sa foi en la divinité de Jésus une autorité naturelle, allait devenir le fondement visible de l’Église du Christ, sa pierre de fondation. C’est pourquoi Jésus changea son nom en celui de Pierre. Les deux frères Jacques et Jean furent surnommés par Jésus les « fils du tonnerre » en raison de l’ardeur particulière qui les animait au service du Christ. Dans le royaume de Dieu, que Jésus venait établir, ils ambitionnaient les premières places, comme le laisse entendre clairement l’intervention de leur mère auprès du Seigneur : « Ordonne, lui dit-elle, que mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche dans ton royaume ». (Mt. 20, 21).
Répondant à l’indignation des autres apôtres, Jésus, les ayant tous appelés près de lui, leur dit : « Vous savez que les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir. Il n’en doit être ainsi parmi vous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, se fera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier d’entre vous sera votre esclave. C’est ainsi que le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour donner sa vie en rançon pour une multitude ». (Mt.20 24-28).
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Cette leçon d’humilité donnée par Jésus à ses apôtres, destinés à participer au sacrifice d’amour de leur divin Maître, se faisant lui-même l’esclave et le rebut de tous les hommes en vue de leur salut, saint Jean l’a comprise mieux que tous les autres. C’est pourquoi, il ne se mettra plus jamais en évidence, cherchant toujours à se faire oublier, évitant de se nommer lorsqu’il s’agit de lui, voulant porter toute l’attention, non sur lui mais sur Jésus et sur les autres apôtres, surtout sur Pierre. Il s’appliquera constamment à l’avenir, non à exercer une influence d’autorité au sein du collège apostolique, mais à s’approcher de plus en plus près du Cœur de Jésus, doux et humble. Il a compris que dans l’Église de Jésus, au-dessus de toute mission d’autorité – et ce qui donne d’ailleurs à une telle mission toute sa valeur – seul l’amour importe. Il a bien compris que celui qui veut suivre Jésus ne peut plus aimer qu’en s’abaissant, qu’en se mettant au service des autres, des plus petits comme des plus grands, pour les aider dans tous leurs besoins, mais surtout pour les soutenir dans leur rude montée vers le ciel.
Il y a, en réalité, une seule voie dans laquelle il nous faut tous marcher pour goûter le bonheur sans mélange du ciel. C’est la voie de l’amour qui va jusqu’à donner sa vie gratuitement pour nos frères. L’apôtre saint Jean a découvert, en regardant Jésus et en écoutant ses paroles brûlantes d’amour, que la primauté à laquelle nous devons tous aspirer, c’est uniquement celle de l’amour. Dans l’Église, l’exercice de la plus haute autorité positionne physiquement, pour ainsi dire, à la droite et à la gauche du Christ. Mais c’est l’amour humble et confiant qui rend, sans aucune rivalité, quelqu’un vraiment proche de Jésus jusqu’à pouvoir habiter dans son Cœur. C’est parce que, parmi les apôtres, saint Jean est toujours demeuré le plus proche du Cœur de Jésus que l’Évangile le désigne comme son disciple bien-aimé. Au pied de la croix, il est là, présent en compagnie de Marie immaculée et de sainte Marie-Madeleine, l’apôtre le plus proche, par son amour indéfectible, de Jésus doux et humble de cœur. Sa présence intime à cette heure de la manifestation suprême de l’amour infini de Dieu fait homme s’étendant au monde entier, signifiait chez saint Jean la volonté ferme, dominant toute peur, de partager les humiliations de Jésus et de sa mère immaculée. Elle signifiait le désir ardent de recevoir avec eux, comme lui étant adressés à lui aussi, les outrages, les moqueries, les railleries, le déferlement de la haine infernale des ennemis insensés de Jésus crucifié. L’humilité atteint son plus haut degré ici-bas, lorsqu’une âme choisit, alors qu’elle pourrait choisir une autre voie en demeurant dans la grâce de Dieu, de prendre part réellement aux anéantissements et souffrances de l’Agneau de Dieu immolé. Saint Jean est le seul des apôtres qui fut présent, de la présence de communion et de compassion des plus fidèles amis, à tous les mystères de la Passion de Jésus, depuis son agonie à Gethsémani, suivie de son procès devant Caïphe, puis de Pilate, jusqu’à sa mort en croix. S’il a été tellement uni à Jésus en bravant la haine envahissante de ses persécuteurs, c’est qu’il était spirituellement le plus fort des apôtres et aussi le plus humble.
À la dernière Cène, il occupait pourtant un poste d’honneur, se trouvant à la droite de Jésus, de manière à pouvoir reposer la tête sur son Cœur. Ce ne put être que par un choix exprès de Jésus, préfigurant ainsi la place devant être donnée dans son royaume céleste au plus fidèle et au plus humble de ses amis, tout près de la Vierge Marie et du bon saint Joseph.
Apôtre bien-aimé de Jésus, obtenez-nous du Cœur de Jésus, avec la douceur et l’humilité, la grâce de l’aimer comme vous l’avez aimé.
J.-R.B.