Par le pasteur Andrew Isker (gab) — Traduit par Campagne Québec-Vie — Photo : SciPro/Adobe Stock
Cette semaine, l’Ohio a voté avec une marge de près de 10 % l’inscription de l’avortement dans sa constitution. L’Ohio n’est pas un État bleu d’extrême gauche comme la Californie ou New York, c’est un État rouge conservateur que Donald Trump a remporté avec presque la même marge en 2020. Les résultats de ce référendum ont choqué de nombreux membres du mouvement pro-vie.
Cela ne devrait pas être le cas.
Pendant des décennies, Pro-vie inc. et la majeure partie de l’évangélisme conservateur ont défendu cette seule question en l’isolant de tout le reste de la vie américaine moderne. Ils ont agi comme si tout le reste de la vie américaine pouvait rester inchangé pourvu que nous cessions de tuer des bébés. Cela a toujours été un non-sens.
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Tout notre mode de vie moderne est structuré autour du meurtre de petits enfants. La société consumériste, gestionnaire et libérale exige que toute l’humanité soit déracinée, dépouillée de ses modes de vie particuliers et historiques, et que chaque personne soit réduite à l’état d’individu. L’ordre que Dieu a créé pour l’humanité, à savoir le mariage, la famille et les enfants, qui sont indispensables au fonctionnement et à la perpétuation d’une civilisation, est désormais un choix de mode de vie consumériste, parmi une myriade d’autres. Il n’y a plus de mariage tel que l’a connu la quasi-totalité de l’existence humaine. Il ne s’agit plus que d’un contrat légal permettant à deux adultes de vivre et de partager des biens ensemble, qui peut être dissous dès qu’il n’y a plus de consentement mutuel.
L’avortement permet aux femmes d’être libérées de leur telos (but), leur fin unique* et divinement ordonnée, qui est de porter et d’élever des enfants. Désormais, elles peuvent être de simples unités économiques consommant tout ce qu’elles produisent, et libres de poursuivre le mode de vie qu’elles désirent, même de devenir des « hommes ». La base de toute notre société est la liberté de devenir ce que l’on veut, au mépris des réalités créées. Vous ne voulez pas vous voir uniquement accorder le pouvoir de donner naissance à une nouvelle vie humaine ? Alors nous pouvons tuer cette vie chaque fois qu’elle est créée dans votre corps.
L’avortement est le sacrement de cette liberté totale et de cet individualisme atomisé. C’est le rituel barbare de la mise à mort, le sang doit être versé pour que vous puissiez être libre de profiter du droit de manger et vous divertir. L’ensemble de la société américaine, et en particulier ce que les Américains considèrent comme leur bien suprême, exige que l’avortement soit sacro-saint.
Le chrétien évangélique ordinaire, le bastion qui donne au mouvement pro-vie son énergie et ses fantassins, ne voit pas du tout la société américaine de cette façon. Il pense que le paradis libéral et consumériste est parfait, tant que nous ne découpons pas les bébés. Ils pensent que nous pouvons encore avoir notre féminisme, nos « femmes fortes et indépendantes » et un pays réduit à une zone économique, tant que l’avortement est interdit.
La fin de l’arrêt Roe v. Wade a révélé cette folie. La société américaine est profondément pourrie. Beaucoup, beaucoup plus profondément que ce que la plupart des gens sont prêts à comprendre. On a pu le constater dès 2015, lorsque Donald Trump a été interrogé sur la possibilité de criminaliser l’avortement et de punir les femmes qui cherchent à tuer leurs enfants. Toutes les grandes figures de Pro-vie inc. se sont empressées de condamner Trump le plus rapidement possible. Toute leur stratégie s’articulait autour du fantasme comique selon lequel les femmes qui cherchent à faire démembrer leur enfant dans l’utérus sont des victimes qui n’ont aucune idée de ce qu’elles font.
Ils ont adopté le cadre féministe, rejetant carrément la responsabilité de l’avortement sur les hommes. Quoi qu’ils fassent, ils n’affronteraient pas le féminisme ou les conditions économiques et sociales sous-jacentes qui exigent le massacre industriel des bébés. Non, ils n’osent pas toucher à ces choses, car ce sont les idoles que nous tolérons au sein de l’église. Nous avons gobé le mensonge selon lequel les femmes et les hommes sont exactement les mêmes, à quelques détails près. Nous sommes terrifiés à l’idée de dire que la plupart des femmes devraient être des épouses et des mères et ne pas faire carrière. Cela limiterait la liberté et, eh bien, nous ne pouvons pas l’accepter.
Mais tant que les chrétiens ne seront pas prêts à affronter la restructuration révolutionnaire de la société humaine qui s’est opérée au cours des cent dernières années, l’infanticide industrialisé est là pour demeurer. Vous pouvez installer autant de panneaux publicitaires représentant de beaux bébés souriants qui disent « choisissez la vie » que vous voulez, mais les forces sociales, économiques et spirituelles qui poussent au massacre de millions de bébés ne disparaîtront pas. Ce n’est que lorsque le féminisme et l’individualisme radical seront considérés comme des idéologies sataniques que nous gagnerons du terrain.
Mais notre mode de vie actuel, que j’ai appelé « société du déchet » dans L’option Boniface, est voué à la destruction et doit être détruit. Aucune civilisation ne peut exister éternellement de cette manière. Ni au sens temporel, ni au sens spirituel. Dieu a créé un monde avec un ordre, tout comme il a créé un monde avec une gravité. La quasi-totalité de l’humanité au cours de l’histoire n’aurait pas pu vivre comme nous le faisons, même si elle l’avait voulu, parce qu’elle ne disposait pas de l’économie mondiale hyper efficace qui produit la richesse insondable et le niveau de vie dont nous jouissons actuellement. Cette abondance — que nous croyons bêtement être la base de l’existence humaine — est ce qui nous permet de nous livrer à des monstruosités destructrices de civilisation. L’ordre naturel existe toujours. La gravité existe toujours. Et l’opulence dont nous jouissons nous permet de nous tenir au bord de la falaise comme Vil Coyote, suspendu dans les airs en toute sécurité tant que nous ne regardons pas en bas.
Regarder en bas, cependant, est inévitable.
Et une société comme la nôtre ne pourra pas continuer éternellement. Il y aura un jugement.
La question est de savoir si le début de l’effritement d’une grande civilisation comme la nôtre provoquera la repentance, d’abord dans les chaires et les églises à l’esprit évangélique, puis dans toute la nation, ou si Dieu permettra que ce que nous méritons nous arrive.
Notre espoir devrait être dans la grâce de Dieu, qu’il agisse puissamment pour transformer fondamentalement notre façon de vivre. Nous ne devrions pas compter sur « un truc législatif bizarre » pour que la société du déchet continue à fonctionner, mais juste sans meurtre de bébé. La hache doit aller jusqu’à la racine et ne pas s’attarder l’écorce. Si le changement révolutionnaire de notre mode de vie qui s’est produit au cours des cent dernières années doit être inversé, il doit l’être par une contre-révolution tout aussi puissante, une contre-révolution menée par le peuple de Dieu.
*Effectivement au plan de la loi naturelle, au niveau de la loi surnaturelle révélée, cependant, s'ouvre aux femmes la vocation de vie entièrement consacrée à Dieu, supérieure encore à la vocation naturelle d'épouse et de mère (ni l'une ni l'autre ne s'accorde avec la société du déchet). — A.H.