Par Georges Buscemi
Richard Martineau a rédigé une chronique intéressante en réaction à la nouvelle qu'une accusation de meurtre avait été portée contre Sofiane Ghazi, le père de 3 enfants qui aurait poignardé à mort son dernier lorsque celui-ci était encore dans le ventre de sa mère. L'enfant, étant à ce moment-là à 8 mois de gestation, est né d'urgence par césarienne, et aurait succombé à ses blessures quelques heures plus tard.
Martineau trouve cela ridicule qu'une accusation de meurtre aurait été sans fondement si l'enfant eût été tué dans le ventre de sa mère. C'est seulement parce que l'enfant aurait perdu la vie peu de temps après la naissance qu'il est traité comme être humain à part entière.
L'utérus : un far West
Comme le dit si bien Martineau: « Une minute avant l’accouchement, il n’est rien, un amas de cellules, une boule de graisse, de la matière vivante sans reconnaissance légale ... Mais deux secondes après, c’est un être humain. »
La folie du présent code criminel canadien, c'est que l'avortement est légal de la conception jusqu'à l'accouchement. L'utérus est aujourd'hui un no-man's land, un far West sans loi: si tu es à l'intérieur, gare à toi, tu n'as aucun droit, mais sitôt sorti, tu es un être humain possédant un droit à la vie. Pourtant, l'enfant n'est pas transformé comme par magie par son passage au monde extérieur ! C'est le même bébé, avant et après.
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Dérapage
Où Martineau dérape dans sa chronique, c'est dans la solution qu'il offre pour corriger la loi existante. Il dit vouloir se dissocier des «curés» idéologues qui préfèrent «la perfection des mots à l’imperfection de la vie.» Loin de se proclamer «pro-vie catho», Martineau cherche un compromis entre l'avortement à 100% libre, gratuit et accessible d'une part et l'interdiction absolue de l'autre.
Il propose donc, comme «logique», la solution selon laquelle l'avortement serait permis seulement avant que l'enfant à naître ne devienne viable à l'extérieur de l'utérus. La viabilité, selon Martineau, serait un point de coupure logique: Avant la viabilité de l'enfant à l'extérieur de l'utérus, oui à l'avortement, après, non.
Mais est-ce véritablement une solution «logique»? Examinons-cela de plus près.
C'est l'humanité qui compte
Il faut premièrement se mettre d'accord sur un point: toute personne humaine innocente a le droit à la vie. Pas très controversé comme point. Mais cette affirmation d'un droit à la vie pour toute personne humaine innocente est essentielle. Si nous sommes d'accord, c'est que nous disons que toute personne humaine innocente doit être protégée par la loi.
Vue à la lumière de notre prémisse essentielle, la viabilité ne peut être un point de coupure logique pour avorter. En effet, pourquoi un enfant ayant besoin de vivre dans l'utérus de sa mère pour manger et respirer serait-il moins humain qu'un enfant qui peut respirer et manger par ses propres moyens?
Suivant la logique de Martineau, un homme qui serait temporairement dépendant d'un respirateur (disons-même pour neuf mois) pourrait être abattu sans conséquences, puisqu'il ne serait pas «viable» sans l'équipement médical qui le maintient en vie.
Bref, ce n'est pas la viabilité qui compte dans le débat sur l'avortement, mais l'humanité.