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Le désir d'euthanasie, pathologie des bien-portants...

Sur le site de ichtus.fr, cette entrevue avec le Dr Lucien Israël, cancérologue de renom.:

 

(L'un des nombreux livres du Dr Lucien Israël)

 

 

 

 

Lucien Israël : J’ai été longtemps médecin des maladies graves. Pendant des années, même des décennies, j’ai entendu les patients me dire avec confiance "docteur, je sais que je suis en danger, je remets ma vie entre vos mains, faites pour le mieux". Je constatais alors que, lorsque l’on fait pour le mieux, les patients même si vous n’avez pas pu les guérir ne demandent pas l’euthanasie. Ils percevaient qu’ils existaient pour toute l’équipe médicale ; que nous nous battions pour leur donner toutes leurs chances et ne demandaient pas qu’on mette fin à leurs jours. En quarante ans de cancérologie, je ne me suis trouvé qu’une seule fois confronté à une demande d’euthanasie. Je sais donc d’expérience que si l’équipe médicale s’occupe du malade avec respect et détermination, la question de l’euthanasie ne se pose pas.
 
Aviez-vous cette position contre l’euthanasie dès le début de votre carrière ou est-elle le résultat de votre réflexion et de votre expérience ?
 
L. I. : Ecoutez, je n’ai jamais eu aucune hésitation. Je ne suis même pas sûr de m’être posé la question. En tout cas, je ne m’en souviens pas. J’ai commencé à y réfléchir quand on m’a demandé d’écrire un ouvrage sur le sujet. Auparavant, j’étais tout simplement occupé à défendre les existences qui m’étaient confiées et je n’avais pas été placé devant cette demande. En tout cas, pas par les patients ; cela m’est arrivé de la part des familles. Et c’est un point que je ne cesse de souligner - car il est important dans le débat qui se déroule actuellement -, l’euthanasie est une question qui préoccupe, en réalité, bien plus les bien-portants que les malades. Les familles des malades en fin de vie finissent par ne plus supporter l’inquiétude d’une part, le fait d’être ramené à l’idée de leur propre disparition d’autre part. C’est, dans l’immense majorité des cas, inconscient - elles ne s’en rendent pas compte - mais j’ai pu l’observer à de nombreuses reprises. Déprimées et anxieuses, elles souhaitent qu’un terme soit mis à cette douloureuse situation.
 
Du côté des malades, ce n’était pas la même chose. Nous les avons accompagnés du mieux que nous pouvions. Tous mes élèves et toutes mes infirmières se sont dévoués à cette tâche sans aucune restriction et nous avons reçu des lettres postées in extremis de la part de patients qui nous remerciaient de notre attention. Ils avaient observé que nous leur avions donné toutes leurs chances et qu’il n’y avait eu aucune négligence. En d’autres termes, ils avaient compris que nous attachions un prix infini à leur existence. J’ai mesuré tout cela un jour - je le vivais mais je n’y avais pas réfléchi pendant les premières années -, et c’est devenu pour moi évident.
 
Par ailleurs, j’ai appris de mathématiciens que le prix de la vie est infini parce qu’il y a 10 puissance 80 circuits potentiels dans le système nerveux d’un être humain - le nombre de particules dans l’univers. Par conséquent, si même le soleil explosait dans 5 milliards d’années, il n’y aurait pas eu deux humains identiques. Chaque homme est, ici-bas, une exception à part entière. Il faut donc le traiter comme tel. Bien entendu, il y a l’inévitable question de la signification spirituelle. Je ne suis pas personnellement sûr de l’existence d’un au-delà mais je dois dire que je le crois bien plus vraisemblable aujourd’hui qu’au début de ma carrière.
(...)
Vous expliquez dans votre dernier livre que le malade redoute moins la douleur que l’abandon...
 
L.I. : Absolument ! Il redouterait la souffrance si on ne faisait rien. Mais, et je le répète dans toutes mes interventions, nous pouvons venir à bout de toute douleur. L’argument de la douleur pour défendre l’euthanasie est un faux argument.
 
La deuxième raison invoquée par les partisans de l’euthanasie, c’est la dignité de l’homme. Cette affirmation m’est absolument insupportable parce que la dignité d’un être humain ne réside pas dans le fonctionnement de ses organes. Si on lui donne le sentiment de ne pas être abandonné et d’être reconnu en tant qu’homme, il conserve toute sa dignité. Rappelons en outre que s’il y a des patients qui demandent parfois l’euthanasie, ce n’est pas seulement en raison de symptômes physiques non maîtrisés mais du fait de l’anxiété dans laquelle on les laisse. Or, même celle-ci peut être médicalement contrôlée. Cela fait partie du traitement qui peut être donné dans des circonstances difficiles.
 
En réalité, l’euthanasie est une question de civilisation. Il y a des quantités de médecins qui ne sont pas informés de leur mission et des quantités de bien-portants qui pensent qu’on peut mettre fin à des vies. Cela ne leur pose pas de problème - comme disait Freud, "l’inconscient se croit toujours immortel" - jusqu’au jour où ils seront eux-mêmes confrontés à la situation...
 
Si les enfants apprennent un jour que la société accepte qu’il soit possible de mettre fin à la vie de leur grands-parents, la rupture du lien symbolique entre les générations sera dramatique. En luttant contre l’euthanasie, nous ne luttons pas seulement pour la survie de personnes en fin de vie mais nous livrons un combat pour la survie d’une culture et d’une civilisation.
(...)
Comment distingue-t-on euthanasie passive et euthanasie active ?
 
L. I. : Partons de deux exemples. Dans les centres de réanimation, il arrive que des personnes dans un coma profond depuis des années se réveillent sans que la médecine sache pourquoi. En auraient-elles la possibilité en cas de légalisation de l’euthanasie ? Dans les mêmes centres, il y a aussi des personnes qui sont non seulement cliniquement mais aussi physiologiquement morts : le cœur ne bat que grâce à une appareil d’assistance, les poumons ne respirent que par un respirateur artificiel, l’électro-encéphalogramme est plat. Ce sont des fausses vies et il est absurde de reprocher à un médecin d’arrêter ces appareils qui n’entretiennent qu’une survie artificielle. Cette euthanasie passive, puisque c’est ainsi qu’on l’appelle, n’a en réalité rien à voir avec une euthanasie. Débrancher les appareils d’assistance, ce n’est qu’admettre qu’il n’y a plus de vie.
(...)
L’opposition à l’acharnement thérapeutique est souvent considérée comme un soutien à la légalisation de l’euthanasie. Au-delà de la manipulation des sondages, ne pensez-vous pas que la question des malades en fin de vie demeure méconnue ?
 
L. I. : Sans aucun doute. Ce n’est pas pour rien que la demande d’euthanasie vient des bien-portants. Le problème de la fin de vie mériterait d’être enseigné en ayant recours à des exemples comme ceux des soins palliatifs. Dans l’immense majorité des cas, les patients qui sont traités dans les centres de soins palliatifs ne demandent pas qu’on les euthanasie. Je n’exclue pas que certaines familles le fassent, mais les patients non, parce qu’on les traite jusqu’au bout comme des personnes humaines à part entière : on les soulage, on leur témoigne respect et compassion, on prend toutes les dispositions afin qu’ils puissent mener leur réflexion spirituelle...
 
Il faudrait enseigner dans les écoles cette attitude vis-à-vis de la vie humaine afin que les enfants comprennent, dès leur plus jeune âge, que tout doit être fait en faveur de la vie jusqu’à son terme plutôt que de décider d’en finir. C’est une pathologie de certains bien-portants que de souhaiter l’euthanasie active.
 
A ce sujet, vous expliquez que la déchéance est en réalité dans le regard des bien-portants. N’est-ce pas la caractéristique d’une société marquée par le jeunisme, la compétition, la beauté à tout prix ?
 
L. I. : C’est aussi cela ; sans aucun doute. Les modèles proposés par la télévision et plus largement par les médias, sont effectivement des modèles de jeunesse, de beauté... L’image donnée des personnes âgées est négative. On en a assez entendu parler à propos de la canicule. Il y a un problème de solidarité et de reconnaissance. Elle fléchit dans la conscience des jeunes, mais aussi dans la conscience d’un certain nombre de donneurs de leçons !
 
Si, dans la tête des jeunes, il se glissait l’idée que l’on peut mettre fin à une vie humaine, ce serait extraordinairement dangereux pour toutes les générations qui viennent. Je pense qu’il faudrait des entretiens dans ce domaine dans le cadre de la formation des maîtres. Il est nécessaire également de trouver le moyen d’aborder ce problème avec les jeunes enfants afin qu’ils comprennent que chaque vie humaine est unique et que la civilisation a grandi en la défendant. Ce n’est pas seulement à l’Assemblée nationale ou au Comité d’éthique d’en discuter, c’est à chacun d’entre nous d’en prendre conscience.
 
Il faut vraiment que la défense de la vie humaine devienne une valeur de notre culture enseignée partout. Autrefois, il n’était pas besoin de l’enseigner parce que c’était admis universellement. Les modèles étaient donnés dès le départ dans l’éducation par une sorte de réflexe. C’était culturel. Aujourd’hui, il faut s’en occuper activement.
 
(...)
Vous avez évoqué la formation des maîtres. Abordons maintenant celle des infirmières et des médecins. Sont-ils assez sensibilisés à la question de la mort ?
 
L. I. : Il n’y a pas de formation philosophique. Personnellement, j’ai eu la chance d’avoir des maîtres qui ne faisaient aucun discours mais il suffisait de les voir faire pour comprendre ce qu’était la médecine et le devoir du médecin. Je pense que cette formation mériterait de faire partie des programmes. Ce serait probablement une petite révolution parce que ce n’a jamais été le cas. Mais aujourd’hui, c’est devenu nécessaire. J’ai plaidé en outre pour quelque chose de, je dirais, plus révolutionnaire. L’entrée en faculté de médecine dépend entre autres des aptitudes mathématiques. Je pense qu’on devrait remplacer cela par des examens psychologiques qui permettraient de déceler les personnalités adaptées à se mettre au service d’autrui et celles qui ne le sont pas, même si elles ont un quotient intellectuel élevé. Il faut instruire les infirmières et les médecins. Ils faut qu’ils soient conscients de leurs devoirs vis-à-vis de l’humanité.

 

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