Par Anna Kalinowska (OnePeterFive) — Traduit par Campagne Québec-Vie — Photo : Tracy Dunne
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Par une journée ensoleillée d’avril, lors de ma première année d’université, j’ai eu envie de porter une robe blanche ornée de broderie anglaise pour aller en cours. J’ai essayé d’en avoir le courage, mais je n’y suis pas parvenue. Qu’est-ce qui m’en a empêchée ?
Tout simplement une armée de filles anonyme portant des casquettes de baseball et des T-shirts, des leggings, des chaussettes blanches hautes et des chaussures nautiques Sperry. Je les trouvais ridicules, comme si elles étaient toutes allées fouiller dans les boîtes à dons de vêtements, pourtant, je ne pouvais pas supporter de me donner l'air de quelqu’un de nettement différent. La beauté même de ma robe m’aurait trop éloignée des autres. Il s’agit certainement d’une grande défiguration de la nature humaine et d’un résultat de la chute qui nous permet de nous accommoder de la laideur tant qu’elle est répandue et de la beauté tant qu’elle est rare, car l’inverse ne devrait-il pas être vrai ?
La plupart des femmes souhaitent s’habiller plus joliment, mais la plupart sont réticentes à l’idée de se distinguer dans la foule. Pour les ferventes catholiques, l’affaire se corse. Elles ont lu des saints qui recommandaient la plus grande simplicité vestimentaire, et elles se demandent si, de nos jours, la simplicité signifie se conformer à l’impératif de l’« athleisure » [contraction de détente et athlétique]. [1]
Mais qu’est-ce que la simplicité ? Et les vêtements post-modernes sont-ils vraiment simples ? La simplicité, telle qu’elle est décrite par Webster, consiste à être « sans complication », « sans ruse » et « direct dans l’expression » [2], ce qui correspond à la discussion de l’Aquinate sur la simplicité divine et souligne la relation entre la simplicité, l’honnêteté et la vérité. [3] S’habiller simplement, c’est s’habiller honnêtement, c’est-à-dire exprimer la vérité dans son apparence visible.
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Les T-shirts, les pantalons de yoga et les jeans moulants attirent tellement le regard sur des parties spécifiques du corps d’une femme qu’ils détournent l’attention de sa personnalité (telle qu’elle s’exprime sur son visage) et qu’ils nient la présence de son âme immortelle. D’autre part, les versions amples des vêtements susmentionnés évoquent si fortement la négligence, l’utilité et le confort animal qu’elles contredisent la beauté ordonnée du corps humain et le destin éternel de l’âme. En bref, qu’ils soient moulants ou amples, érotiques ou confortables, la plupart des styles vestimentaires actuels nient la vérité sur ce que sont réellement les êtres humains et manquent donc de simplicité.
Pour qu’une femme puisse dire la vérité par sa tenue, elle doit s’habiller avec féminité, ordre et grâce. Elle découvre ainsi la vraie simplicité et suit les rangs des saintes qui l’ont précédée. Cependant, alors que la plupart des saintes ont bénéficié de climats culturels avec des coutumes sûres qui promouvaient la beauté adaptée à chaque classe et état de vie, les femmes modernes se trouvent dans une anarchie sociétale qui ne promeut que la laideur. Les femmes doivent maintenant redécouvrir, réassembler et créer à nouveau ce qui, dans les générations précédentes, était transmis de mère en fille comme une évidence.
Comme il y a actuellement très peu de femmes prêtes à s’engager dans cette tâche, celles qui le feront se distingueront inévitablement. Ce n’est pas que leurs vêtements seront artificiels ou excentriques — au contraire, ils seront beaucoup plus naturels et nettement plus humains que tout ce que l’on voit aujourd’hui dans le courant dominant. Néanmoins, ils feront tourner les têtes en raison de leur rareté frappante. Avant la chute de la chrétienté, personne ne s’extasiait devant une jupe circulaire en laine ou ne s’exclamait devant un chapeau de paille. Aujourd’hui, la personne qui porte de tels articles est accostée par des étrangers admiratifs. C’est ce qui fait réfléchir les femmes bien intentionnées. Elles ne veulent pas attirer l’attention, être des célébrités au parc ou à l’épicerie. Doivent-elles renoncer à la beauté de la vraie simplicité au nom de l’effacement ?
De manière assez surprenante, la réponse peut être trouvée dans une brève considération des moniales et des religieuses. Dans les maisons religieuses les plus récentes où l’amour de la tradition prévaut, on trouve des exemples par excellence de jeunes femmes qui recherchent la sainteté par l’effacement ; elles sont tout sauf vaniteuses. Pourtant, dans ces mêmes ordres, on observe un phénomène frappant : un soin méticuleux et un temps considérable sont consacrés à la conception, à la production et à l’entretien d’un article matériel particulier — l’habit, ce signe distinctif de la religieuse qui tend à arrêter la circulation et à attirer l’attention partout où il passe. Ces sœurs choisissent généralement de se procurer leurs propres matériaux (je connais un ordre qui utilise un mélange de laine de haute qualité, typiquement utilisé pour les uniformes de police !) Elles cousent ensuite leurs vêtements à la main ou à l’aide de simples machines à coudre. Ces couvents ont toujours de longues listes d’articles à fabriquer ou à réparer, et avant la prise d’habit, lorsque les nouvelles novices reçoivent l’habit de leur ordre, les salles de couture bourdonnent d’activité.
On pourrait se demander s’il ne serait pas plus simple et moins coûteux pour les sœurs d’acheter des uniformes séculiers prêts à l’emploi. Ou mieux encore, pourquoi ne se fonderaient-elles pas dans la société et ne porteraient-elles pas simplement des pantalons de yoga et des T-shirts comme tout le monde ? Ne serait-ce pas plus effacé ? Il suffit de regarder les désastres qui se sont abattus sur les maisons religieuses après le Concile Vatican II pour voir que de telles expériences malavisées ont déjà été tentées et toutes, sans exception, ont échoué lamentablement.
Elles ont échoué pour trois raisons. Premièrement, opter pour la commodité et le « bon marché » ne revient pas à embrasser la pauvreté, mais plutôt la parcimonie. Deuxièmement, le marché de masse produit rarement des articles d’une qualité aussi belle et intemporelle que celle que tout habit religieux devrait posséder. Enfin, les sœurs qui ont abandonné le travail de coudre leur habit ont perdu un aspect profondément nourrissant de leur vie, quelque chose qui les avait aidées à embrasser leur vœu de pauvreté, à savoir la possibilité de canaliser cette propension ultra-féminine à rendre belles des choses simples. Comme le dit Mère Mary Francis dans son classique A Right to be Merry (Le droit d’être joyeuses) :
Nous ne peignons pas les choses en noir là où nous pourrions les peindre en blanc. Nous plantons des tamaris fleuris autour de notre incinérateur maison parce qu’il n’y a aucune raison pour que la vidange des ordures ne se fasse pas avec beauté et grâce. Nous cousons nos guimpes de nuit en toile de sac de farine avec une précision et un soin que d’autres réserveraient à la soie et au satin. Si la pauvreté nous était imposée, n’importe quoi serait peut-être suffisant. Mais nous l’avons choisie, nous l’avons épousée. Et nous avons l’intention de la revêtir de beauté. [4]
Au Moyen Âge, les habits des religieuses ressemblaient à ceux des veuves pauvres ou des femmes mariées de classe inférieure et offraient ainsi la possibilité de vivre de manière encore plus cachée. Mais aujourd’hui, l’ancienneté même de leur tenue les fait ressortir brillamment en contraste avec les modes de la postmodernité. Remarquant ce phénomène dans son ouvrage historique, La culture des apparences, Daniel Roche écrit :
Les vêtements ecclésiastiques masculins et féminins constituent un musée des pratiques anciennes ; l’habit des Filles de la Charité, congrégation du XVIIe siècle, était encore, au XXe siècle, le vêtement féminin du temps du jeune Louis XIV ; les robes des moines nous font remonter encore plus loin dans le temps. [5]
Ainsi, au lieu de se fondre dans la masse, les religieuses et les moniales d’aujourd’hui se distinguent comme des perles que la marée descendante a laissées derrière elle. Elles ne rechignent pas à embrasser ces vêtements — à savoir la tunique longue, le long voile, la guimpe universellement flatteuse et le manteau de chœur royal — qui chantent véritablement le mot beauté ; elles les embrassent comme le moyen le plus sûr d’exprimer leur statut d’épouses du Christ lui-même.
Cherchent-elles à gagner l’admiration et les louanges ? Loin de là. Mais l’humble échelon de la société dans lequel elles se fondaient autrefois est passé de la beauté simple du Moyen-Âge au chaos et à la laideur. Si, dans leur humilité, les religieuses souhaitent peut-être ne pas susciter autant d’admiration, elles reconnaissent qu’elles ne peuvent pas sombrer avec la société dans une fausse simplicité. Elles comprennent que, dans l’un de ces étranges paradoxes de la divine Providence, le triste état actuel des vêtements permet aux plus humbles, modestes et simples de se distinguer comme des pierres précieuses étincelantes ; et elles embrassent cela comme elles embrassent toutes les parties de la mystérieuse Volonté de Dieu qui renverse les puissants de leurs trônes et élève les humbles (Luc 1:52).
Comme les religieuses, les femmes catholiques dans le monde doivent donner la priorité à la vérité et à la beauté plutôt qu’à la normalité. Elles doivent rechercher des vêtements qui parlent de ce qu’elles sont, à savoir des filles du Christ Roi, des types de l’Église elle-même et, mariées ou non, des mères spirituelles d’âmes immortelles. [6] Si leur position dans le monde exige qu’elles s’habillent d’une manière qui ne semble pas totalement à l’écart du monde (seules les religieuses ont cette grande liberté), elles peuvent, d’un autre côté, se parer légitimement d’une manière qui n’est pas permise aux femmes réservées au Christ seul. Par exemple, elles peuvent disposer d’une plus grande variété de vêtements, exprimer leur joie par des couleurs et des garnitures festives, et mettre en valeur les belles lignes de leur corps par des coupes modestes mais flatteuses. En s’habillant magnifiquement, elles recevront de l’attention (soit de l’admiration, soit du mépris), mais cela ne doit pas les troubler, si seulement, comme leurs sœurs religieuses, elles l’acceptent comme une caractéristique mystérieuse de la Providence divine agissant à l’époque actuelle.
[1] Des exemples notables de saints sur la tenue vestimentaire sont : Saint Paul (1 Timothée 2:9), Saint Thomas d’Aquin (Somme théologique, IIa-IIae, q. 169, a. 1. Modestie dans les vêtements extérieurs), et Saint François de Sales (Introduction à la vie dévote, chapitre 25).
[2] « Simplicity », Merriam-Webster, 9 septembre 2022, https://www.merriam-webster.com/dictionary/simplicity
[3] Thomas d’Aquin, Summa Theologica [Somme théologique], trad. Laurence Shapcote, OP (Green Bay : Aquinas Institute, Inc. 2012 — 2018), Ia, q. 3, a. 1.
[4] Mère Mary Francis P.C.C, A Right to Be Merry. (Providence, Rhode Island : Cluny Media, 2021) 44.
[5] Daniel Roche, The Culture of Clothing, transduction par Jean Birrell (Cambridge : Cambridge University Press, 1996) 74 [Titre original : La culture des apparences, Fayard, 1989].
[6] Alice von Hildebrand, « Spiritual Motherhood », Plough. 8 mai 2022. Publié à l’origine le 5 mai 2015. https://www.plough.com/en/topics/life/parenting/spiritual-motherhood