Par Solange Lefebvre-Pageau du Centre international de recherche et d'éducation familiale
Initier l’enfant au mystère de l’amour et de la sexualité et l’accompagner, tout au long de sa croissance, dans son projet de devenir un adulte harmonieux, c’est beaucoup plus que lui donner du vocabulaire ou lui transmettre un certain savoir technique. C’est l’initier à un grand mystère, le mystère de la personne humaine.
Le philosophe français Jean Guitton écrivait :
« Quel mystère ? En définitive, celui de mon être en ce monde. Et avec quel grand respect, quelle prudence, quelle délicatesse, quelle patience de touches, il convient de procéder. Je connais un adolescent qui avait été traumatisé d’apprendre ainsi sans préparation l’histoire de sa première origine ; il me disait drôlement : « J’ai peine à croire que mes parents… » … Là git en effet le mystère de mon être en ce monde : hasard absurde, inexorable nécessité, ou bien providence amoureuse, judicieuse, éternelle. Il faut opter…
Nous ne sommes pas ici devant une pure fonction physiologique, comme sont la respiration ou la digestion : nous sommes à la coupure de la chair et de l’esprit dans la région pleine d’obscurité et de splendeur où se forme l’amour, où se fondent les foyers, où se tissent les passions et les bonheurs, « le meilleur et le pire ». (tiré de Sélection du Reader’s Digest, janvier 1974)
S’éduquer à l’amour et à la sexualité, pour devenir un être harmonieux, est la tâche humaine et spirituelle première de toute personne. Aux Parents un jour, parents toujours, par leur exemple d’une vie ordonnée et la transmission des éléments essentiels d’humanité—exprimés positivement, avec respect et beauté—, il revient de faciliter cette éducation chez leur enfant. Ils y parviennent concrètement, en entourant avec douceur leur démarche d’intégration de l’amour et de la sexualité, de la petite enfance à la maturité.
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Pour se convaincre de leur si belle mission, les parents ont à savoir que la pédagogie propre aux parents pour faire naître, pas à pas, chez leur enfant, la capacité d’aimer et d’être, est celle du respect et de l’intimité. À l’école de la famille, à son rythme propre, l’enfant s’éduque à l’amour et à la sexualité, grâce à des réponses personnalisées à ses questions intimes ainsi que dans des échanges d’idées et de sentiments dans l’intimité du milieu familial. Bref, dans le cœur à cœur parents-enfants.
L’éducation de l’enfant à l’amour et à la sexualité qui commence de façon imperceptible avec la qualité de l’amour conjugal qui unit les parents est une affaire à la fois privée et familiale. Affirmer cela, c’est respecter l’enfant et reconnaître l’indispensable mission parentale au sein de notre société.
Qu’attendre de l’ensemble des éducateurs, quel que soit leur milieu ? C’est simple : qu’ils approfondissent la démarche d’intégration de l’amour et de la sexualité, de la naissance à la maturité. C’est ce qui leur permettra de la soutenir chez les enfants et chez les ados et, en plus, de veiller à ce que personne ne vienne la saboter par un enseignement contraire.
Il n’est pas rare d’entendre ceci : « Plusieurs parents ne sont pas à l’aise d’enseigner à leurs enfants l’éducation sexuelle. Il y a donc une nécessité et une urgence que l’école supplée aux parents dans ce domaine ». Par une telle affirmation, allons-nous au cœur de la problématique des parents, dont le vrai besoin est de s’éduquer ou de se rééduquer eux-mêmes à l’amour et à la sexualité ? Sûrement pas !
Allons plus loin : comment expliquer la grave incompétence de plusieurs parents d’aujourd’hui, quand il s’agit de transmettre à leurs enfants une saine éducation sexuelle alors qu’on nous dit : « L’école fait de l’éducation à la sexualité depuis près de 40 ans » ?
En 2005, en tant que directrice du Centre international de recherche et d’éducation familiale (CIREF), dans un mémoire intitulé : Analyse critique du document L’éducation à la sexualité dans le contexte de la réforme de l’éducation, Québec 2003 (document dont la conceptrice et rédactrice est madame Francine Duquet, sexologue), on pourra trouver ma réponse. C’est dans ce mémoire publié et remis au Ministère de l’Éducation et des Services sociaux, que je répondais à cette question en abordant trois volets :
- Un processus d’éducation à questionner
- Les droits sexuels et leur lot de risques en santé
- Une proposition de solution
Mon texte exprimait clairement le rejet de la proposition des prétendus experts ayant évacué l’Auteur de la création, dissocié l’amour de la sexualité, usurpé la mission éducative des parents à l’école de la famille, ignoré la période de latence de l’enfance et opté pour la mentalité contraceptive. Pourquoi ? Pour imposer la pensée unique d’un monde sans Dieu qui favorise lesdits droits sexuels chez tous, y compris chez nos jeunes.
Le programme d’éducation à la sexualité dans le contexte de la réforme de l’éducation, Québec 2003, il est vrai, ne s’est pas réalisé officiellement. Mais, voilà qu’en cette année 2015, certains militants tentent d’en imposer l’équivalent par la porte arrière de quinze projets-pilotes pour une durée de deux ans, en prenant bien soin, cette fois, d’offrir une information sur le projet à l’intention des parents. Au nom de tous les parents: merci ! Cela permet aux parents et autres intéressés de réagir à cette esquisse du projet-pilote qui s’adressera au préscolaire, au primaire et au secondaire.
Un seul jugement reste à porter : ce projet-pilote d’enseignement est-il bon pour nos enfants et nos adolescents ? »
À cette question, si plusieurs répondront spontanément : « Pourquoi pas ? », d’autres, au contraire, diront : « Cet enseignement n’est pas bon : il est néfaste pour le développement global de nos enfants. » Personnellement, à la lumière de la vision intégrale de la personne et du concept intégration de l’amour et de la sexualité, je juge que ce projet est dans la même veine que les cours antérieurs d’éducation sexuelle du programme de Formation personnelle et sociale, lesquels, aux dires de plusieurs, furent un échec cuisant.
Qu’il me soit permis de terminer en exprimant ma conviction que notre ministre de l’Éducation, Monsieur François Blais, ne se rend pas compte de cet inacceptable mépris des parents ainsi que de l’urgence d’y remédier. Je m’explique mal qu’il ne parvienne pas à permettre à notre CIREF de réaliser les quinze projets-pilotes alternatifs proposés depuis mai dernier, s’adressant à de futurs formateurs des parents, relatifs à la pédagogie de la démarche d’intégration de l’amour et de la sexualité, de la petite enfance à la maturité. Cela, pour une période paritaire de deux ans. Peut-être pourrait-il encourager le Ministère de la Famille—à qui conviendrait très bien notre projet—de l’accepter et de le soutenir.
En ce moment particulier de notre histoire québécoise, nous avons à opter pour ou contre le respect du mystère de la personne humaine, comme l’a si bien exprimé, le philosophe Jean Guitton.