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L’union, loi des familles, est aussi la loi des États


Noces paysannes par Johann Hamza.

Billet de blogue d’Augustin Hamilton (Campagne Québec-Vie) — Photo : Dorotheum/Wikimedia Commons

C’est de l’union, qui préside à la fondation de la famille, dont est issue la société. La société, en effet, à l’origine et dans sa forme la plus saine, est issue de l’union de plusieurs familles, chacune issue de l’union d’un homme et d’une femme, explique Mgr Henri Delassus (1836-1921) dans son livre Le Problème de l’heure présente : antagonisme de deux civilisations (Tome 2, édition 1904, Source gallica.bnf.fr/BnF).

Ci-dessous, je vous présente le 50e chapitre de son œuvre, L’union, loi des familles, est aussi la loi des États. Pour les besoins du présent l’article, j’ai changé la numérotation des notes du texte original. Notez que j’ai laissé l’orthographe originale telle quelle. — A.H.

L’union, loi des familles, est aussi la loi des États

« Multipliez-vous, a dit le Seigneur à la première famille, remplissez la terre et soumettez-la ». Les hommes en se multipliant n’ont pu soumettre à leur empire la terre, c’est-à-dire le sol et les forces de la nature, les plantes et les animaux, qu’en conservant entre eux l’union. L’homme isolé ne peut rien. L’association a fait tout ce que nous voyons : c’est elle qui a produit toutes les richesses que la civilisation possède actuellement. Tout est sorti du travail des hommes associés dans l’espace et dans le temps.

Sans union point d’association, ou si l’association tente de se former elle ne tarde pas à se dissoudre. C’est l’union qui fait qu’un ensemble se tient et forme un tout. Du moment où elle est brisée la société tombe en ruines. Nous ne voyons que trop l’anarchie où se débat notre malheureuse France. La Sagesse divine nous avait averti de ce qui nous arrive : « Tout royaume divisé contre lui-même sera détruit, et toute ville ou maison divisée contre elle-même ne pourra subsister. »

Or l’union procède de l’amour. L’amour est donc la première loi du monde moral, comme son corrélatif, l’attraction, est la première loi du monde physique. L’une et l’autre mettent l’unité dans l’infinie variété des choses. « Comme les astres gravitent dans leurs orbites parce qu’ils sont force et pesanteur, a dit M. Frank-Brentano, comme conclusion de ses études sur la civilisation et ses lois, l’homme vit en société parce qu’il est intelligence et amour. »

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L’amour commence à unir l’époux à l’épouse, les parents aux enfants. Mais bientôt il élargit le cercle de son action. Par les mariages que les enfants contractent, la parenté s’étend et elle appelle à elle l’affinité qui ne se contente plus d’unir les personnes, mais les familles elles-mêmes. « La flamme sacrée de l’amitié, dit Jean Bodin, montre sa première ardeur entre le mari et la femme, puis des pères aux enfants, et des frères entre eux, et de ceux-ci aux plus proches parents, et des plus proches parents aux alliés¹ ».

Continuant à rayonner loin de son foyer, la même flamme crée ces unités supérieures que nous avons vues prendre les noms de Phratrie, Gens, Mesnie, tous noms qui rappellent que ces entités sociales ont eu leur principe dans la famille. L’entité sociale suprême, la nation, n’est vraiment vivante et vigoureuse que si longtemps qu’elle conserve et entretient en son sein le feu sacré, comme cela fut dans l’ancienne France.

Nous y avons vu l’amour des sujets pour leurs souverains. Mais pour que la cohésion existe dans le corps social et lui donne vie et prospérité, il ne suffit point que l’amour attache le souverain aux sujets et les sujets au souverain, il doit unir les sujets entre eux par le dévouement des classes supérieures aux classes inférieures et le service des inférieurs aux supérieurs.

L’antiquité n’a point complètement méconnu ce devoir, ou du moins s’est prêtée à cette nécessité. Cicéron dit que Romulus donna aux sénateurs le nom de « pères », pour marquer l’affection paternelle qu’ils avaient pour le peuple.

On sait la place qu’occupa dans l’organisation de Rome la clientèle. Cette institution établissait des rapports déterminés et constants entre un certain nombre de personnes du peuple et une gens patricienne. Le chef de cette gens, dans ses rapports avec les clients, portait le nom de « patron », fait pour marquer des sentiments de paternité à leur égard. Et de son côté la qualification de client marquait en celui qui la portait une disposition habituelle à se tenir prêt au service (cluere, entendre, tenir l’oreille ouverte). Les obligations réciproques répondaient aux mots. Le patron avait le devoir, l’obligation d’aider son client de ses conseils et de son crédit, de le défendre devant les tribunaux, de le soutenir de son influence dans les procès et les litiges, et même à main armée, enfin de subvenir à ses besoins dans les cas de détresse. Le client, de son côté, devait au patron le respect, obsequium, et le dévouement personnel : lui donnant son suffrage dans les comices, s’armant et combattant pour lui, contribuant à payer sa rançon, à faire la dot de sa fille, etc. Il y avait là, en un mot, un échange réglé et continuel de services. Que l’affection y fût ou non, au point du vue sociable, le résultat était le même.

La clientèle avait disparu depuis des siècles lorsque naquit la féodalité. Comme par l’effet d’un instinct naturel elle se trouva fondée sur le même principe de l’assistance mutuelle. Le suzerain devait prêter secours et protection à ses vassaux, comme le père à ses enfants, leur assurer la justice, maintenir l’ordre et la sécurité dans le fief, procurer aux nécessiteux leur subsistance. En retour, vassaux et tenanciers devaient fidélité et assistance à leur suzerain en paix et en guerre, et aussi dans des circonstances identiques à celles où le client avait des devoirs envers le patron, par exemple, en cas de mariage de la fille du suzerain.

« L’expérience quotidienne que fait l’homme de l’exiguïté de ses forces, dit Léon XIII, l’engage et le pousse à s’adjoindre une coopération étrangère. C’est dans les saintes Lettres qu’on lit cette maxime : « Il vaut mieux que deux soient ensemble que d’être seul, car alors ils tirent avantage de leur société. Si l’un tombe, l’autre le soutient. Malheur à l’homme seul ! car lorsqu’il sera tombé, il n’aura personne pour le relever ». Et cette autre : « Le frère qui est aidé par son frère est comme une ville forte ». De cette propension naturelle naissent les sociétés². » Avant d’écrire ces maximes dans les saints Livres, Dieu les avait gravées dans le cœur de l’homme ; et c’est ce qui explique comment des institutions, reposant sur les mêmes principes, ont pu naître spontanément dans l’antiquité payenne aussi bien qu’au sein du christianisme.

Chez nous, dès l’époque mérovingienne, on voit un certain nombre de petits propriétaires qu’on nomme vassi, se recommander à des hommes plus puissants et plus riches qui sont appelés seniores. A son senior, qui lui fait un présent en terres, le vassus promet l’assistance et la fidélité. Vers le milieu du IXe siècle, le mouvement se précipite, une foule de familles supplient la famille seigneuriale de les prendre sous sa protection : Défendez-nous, défendez la terre que nous possédons et celle que vous allez nous concéder, et nous vous rendrons tous les services d’un féal vassal.

Ce fut au XIIIe siècle que celte organisation sociale, fondée sur le dévouement et les services réciproques, gagna son apogée. Et ce fut aussi à cette époque que la nation française atteignit son plus haut degré de prospérité, qu’elle put exercer sur toutes les nations de l’Europe un ascendant qu’elle n’a plus jamais retrouvé.

La plupart des historiens ont remarqué que le régime féodal s’est établi chez presque tous les peuples de l’Europe, sans qu’aucun d’eux l’ait emprunté à un autre. Et il s’est trouvé si résistant, que M. Le Play a pu l’observer encore tout vivant dans les plaines orientales de la Russie. Voici ce qu’il en dit : « Les relations de la famille avec le seigneur tiennent à la fois du respect et de la familiarité qui règnent entre les enfants et leur père. Son autorité fournit au paysan un point d’appui pour la conservation de la propriété. Le seigneur exerce son autorité, comme le faisait le suzerain du moyen âge, pour le maintien du régime de la communauté dans la famille. Il la protège contre l’usure... Le seigneur accorde des secours à la famille dans toutes les circonstances où ses moyens d’existence se trouvent compromis, par exemple, en cas d’incendie, de disette, d’épizootie et de maladies épidémiques. Et le seigneur peut compter sur le travail des paysans pour le succès de sa propre exploitation ».

Ce patronat que l’on voit ainsi s’établir sous des formes fort peu diverses, en des temps si distants et en tant de lieux, est évidemment sorti de la famille, il est une extension de son esprit. La prospérité des familles, avons-nous dit, a son principe dans l’union, union provenant de la communauté des affections et des efforts. C’est la vue des heureux effets que produit cette union, qui a porté à l’étendre en dehors des limites de la famille et qui a fait naître la clientèle chez les Romains et la féodalité chez nous. De la famille embryonnaire, si je puis ainsi dire, l’esprit familial s’est étendu avec le développement qu’a pris la famille patriarcale, et de là il a gagné et animé la phratrie, la gens, le fief, et enfin les nations, qui ne peuvent, elles aussi, vivre et prospérer que dans l’union et par la communauté des efforts.

Le moyen âge en était pleinement convaincu. L’esprit de patronat le pénétrait si parfaitement, qu’en même temps qu’il faisait la féodalité dans les campagnes, il créait dans les villes des mesnies urbaines, puis établissait entre les villes voisines les lignages des villes françaises, les paraiges des villes lorraines, les geslachten des villes flamandes, etc. ; tous noms qui seuls suffisent à montrer le principe d’où ces groupes sont sortis, l’esprit qui leur a donné naissance, puisque tous ces mots sont pris dans le vocabulaire de la famille. Chacun de ces groupes avait une organisation commune, d’un caractère à la fois familial et militaire, comme le groupe féodal.

Il est nécessaire de connaître ces faits, si l’on veut se rendre un compte exact du mal qui ronge la société actuelle et du remède à y apporter.


1. Liv III, ch. VIII

2. Encyc. Rerum novarum.


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