Par Francisco José Contreras (LifeSiteNews) — Traduit par Campagne Québec-Vie — Photo : rawpixel.com/freepik
3 février 2020 (El Debate de Hoy) — Jeanne Delpierre demanda l’euthanasie. Elle n’avait pas de cancer avancé, ni aucune autre « maladie grave et incurable », une condition requise par la loi belge. Sa maladie incurable était la vieillesse (88 ans) et les « multiples pathologies » qui y sont associées : arthrose, perte de la vue et de l’ouïe...
Jeanne Delpierre a été tuée.
En Hollande, le sénateur Brongersma a été tué dans une affaire qui reçut une importante couverture médiatique en 1998, parce qu’il avait été l’un des premiers à demander l’euthanasie pour « souffrance psychologique ». Dans son cas, c’était la solitude : « Il ne reste plus personne en vie qui m’intéresse. »
Au Benelux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg), phare du progrès euthanasique, de plus en plus de personnes demandent et obtiennent la mort pour éviter de simples troubles émotionnels, ou pour prévenir de futures souffrances (par exemple, dans le cas de personnes chez qui on diagnostique un cancer ou la maladie d’Alzheimer mais qui ne sont encore qu’aux premiers stades).
Dans nos sociétés vieillissantes, le nombre de personnes âgées confrontées au déclin physique et mental, à la dépression et à la solitude va augmenter rapidement : la génération qui a commencé pendant la révolution sexuelle et familiale dans les années 60 atteint son crépuscule, avec les séquelles de divorces et de faibles taux de natalité d’une telle société. De nombreux baby-boomers n’ont pas eu d’enfants, ou en ont eu très peu : une triste vieillesse les attend dans les hospices ou les maisons vides. Le fardeau qu’ils représentent pour les systèmes économiques et sanitaires est préoccupant, en effet.
Disons-le franchement : il y a un risque certain, plus ou moins subtil, que de plus en plus de personnes âgées soient poussées vers l’euthanasie. Il suffira de les convaincre que la dernière étape de la vie, avec toutes ses difficultés, est « lebensunwert », « indigne d’être vécue » (oui, c’est le terme que la législation nazie a utilisé pour justifier l’extermination des personnes déficientes dans le programme Aktion T4). Ils seront également mis sous pression avec l’idée qu’ils sont un frein pour les jeunes. Lorsque la notion selon laquelle « le choix digne n’est pas d’imposer sa dégradation aux autres » sera intégrée dans l’environnement culturel, la charge de la preuve incombera à celui qui souhaite continuer à vivre au-delà d’un certain âge.
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La « pente glissante » du gouvernement
Notre gouvernement progressiste est prêt à embarquer la société dans cette formidable avancée. Bien sûr, il dira que l’euthanasie ne sera autorisée que dans les cas extrêmes de souffrances incurables et insupportables... C’est ce que le gouvernement a déjà fait avec l’avortement. L’expérience montre qu’une fois le principe d’inviolabilité de la vie démoli, l’opinion publique et la dérive jurisprudentielle conduisent à une interprétation de plus en plus laxiste des exigences légales. Inévitablement, cela conduit à une « réforme » de la loi, afin de s’accommoder de la pratique permissive qui est un fait accompli. La « pente glissante » se confirme sans cesse en matière de bioéthique.
Les Pays-Bas ont déjà servi de laboratoire à l’euthanasie pendant 40 ans (tolérée par les tribunaux depuis les années 70 et réglementée depuis 2001), et la Belgique pendant 20 ans (réglementée en 2002). Le changement qui s’est produit dans ces deux pays a été synthétisé par Herbert Hendin dans Seduced by Death (Séduit par la mort) : « De l’euthanasie des patients en phase terminale, ils ont évolué vers l’euthanasie des personnes atteintes de maladies chroniques ; de l’acceptation de l’euthanasie pour les maladies physiques, ils ont évolué vers l’euthanasie des personnes atteintes de maladies psychologiques ; de l’autorisation de l’euthanasie uniquement pour les cas volontaires, on accepte maintenant d’euthanasier les personnes sans leur permission expresse ». Le nombre de cas augmente donc en flèche : en Belgique, il est passé d’environ 200 par an au début à environ 2 500 aujourd’hui. Aux Pays-Bas, on estime que 15 % des décès sont déjà dus à l’euthanasie. Le contrôle est réalisé ex post facto : ce sont les médecins [ayant pratiqué l’euthanasie] qui doivent informer la Commission de contrôle... lorsque le patient a déjà été expédié. En outre, la commission est composée principalement de partisans de l’euthanasie.
L’alternative devant l’euthanasie n’est pas une horrible agonie. Nous vivons à une époque où presque toutes les souffrances peuvent être atténuées par une médecine intègre. Les partisans de l’euthanasie tentent de tout brouiller, en confondant les soins palliatifs dans le concept flou d’une « mort digne ». Mais les soins palliatifs ne sont pas destinés à causer la mort, mais à améliorer la qualité de vie dans la phase finale d’une maladie douloureuse. Il ne faut pas non plus confondre la sédation terminale avec l’euthanasie : elle ne vise pas à causer la mort, mais à atténuer l’agonie de la mort.
Mais les soins palliatifs sont très coûteux. En Espagne, pays pionnier dans ce domaine, les investissements dans les soins palliatifs sont gelés depuis des décennies. Bien que le plan de Bologne ait prévu que les universités européennes développassent les soins palliatifs comme une autre spécialité des études médicales, seules 6 des 43 écoles de médecine espagnole les enseignent de manière obligatoire. Il existe un plan national de soins palliatifs qui a clairement été tenue pour caduc puisque la commission [qui en est chargé] ne s’est pas réunie depuis trois ans et que le plan national n’a pas été créé. Rien qu’en Espagne, quelque 75 000 patients ont besoin de soins palliatifs et ne peuvent en bénéficier.
La culture de la mort, avec ses 100 000 avortements par an et la substitution de la stabilité familiale pour un mode de vie libertin, nous a conduits à des sociétés séniles à la démographie pyramidalement inversée. Chaque société vieillissante doit décider si elle veut investir dans les soins palliatifs et les soins de santé pour les personnes âgées ou dans l’euthanasie. Notre gouvernement socialo-communiste semble avoir décidé que la voie progressive était seconde. Dans le « monde heureux » d’Aldous Huxley, il n’y a pas de vieillesse.
Note de la rédaction : Francisco José Contreras est professeur de philosophie juridique à l’université de Séville et est député du conservateur Parti VOX au congrès espagnol.