Déclaration épiscopale sur les signes religieux
Par l'historien Jean-Claude Dupuis, Ph.D. — Photo : DFID - UK Department for International Development
J’ai été agréablement surpris de voir que l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ) s’oppose au projet de loi Legault sur l’interdiction du port de signes religieux visibles par les enseignants des écoles publiques.
La déclaration de l’AECQ du 6 mars 2019 affirme que l’État peut se proclamer neutre sur le plan religieux. Cependant, la laïcité doit être « ouverte ». Il s’agit de protéger la liberté d’expression de toutes les religions dans l’espace public, et non pas de réprimer une religion particulière ou la religiosité en général. Les évêques estiment qu’on peut interdire le port de signes religieux aux agents de l’autorité coercitive de l’État, comme les policiers, les procureurs de la couronne et les juges. Mais étendre cette règle aux enseignants des écoles publiques constituerait une atteinte à la liberté de conscience garantie par la Déclaration universelle des droits de l’homme (ONU 1948). Une pareille mesure ne saurait se justifier sans des « raisons graves et inattaquables ». Les enseignants ont, certes, une autorité sur les élèves, mais ce n’est pas une autorité coercitive. Ce n’est pas parce qu’un enseignant porte un signe religieux qu’il fera nécessairement du prosélytisme en classe. À l’inverse, un enseignant peut très bien faire du prosélytisme camouflé sans porter aucun signe religieux. On doit combattre d’éventuels abus en misant sur l’éthique professionnelle des enseignants plutôt qu’en leur imposant des règles vestimentaires. En pratique, le projet de loi semble surtout viser le hidjab. Or ce n’est pas en stigmatisant les femmes musulmanes qu’on favorisera leur intégration à la société québécoise. L’AECQ conclut que l’école est un espace public où les enfants doivent apprendre à s’enrichir réciproquement des différences de valeurs et de croyances.
Si l’on passait cette déclaration au crible de la doctrine catholique traditionnelle, il y aurait beaucoup à redire. Le Syllabus du pape Pie IX (1864) condamnait le principe de la neutralité religieuse de l’État. Le Concile Vatican II (1965) a soutenu, au contraire, le principe de la séparation entre l’Église et l’État. Nos évêques se rattachent évidemment à la « tradition » de Vatican II, vieille d’un demi-siècle, plutôt qu’à la tradition bimillénaire de l’Église. Mais laissons ce problème de côté pour l’instant. On ne mentionne jamais que le Concile affirmait aussi : « En raison des circonstances particulières dans lesquelles se trouvent certains peuples, une reconnaissance civile spéciale [peut être] accordée, dans l’ordre juridique de la cité, à une communauté religieuse donnée. » (Dignitatis humanæ, no 6) Nos évêques pourraient parfois rappeler, ou se rappeler, ce passage, qui s’applique parfaitement au cas de l’Église catholique au Québec, pour des raisons historiques et culturelles.
Mais il ne faut sans doute pas trop leur en demander. Réjouissons-nous qu’ils aient au moins eu le courage de défendre les quelques enseignants québécois qui osent encore porter visiblement une croix ou une médaille miraculeuse. Et si l’on exige le respect de nos signes religieux chrétiens, il faut bien respecter ceux des musulmans, ce qui ne nous empêche pas de prier pour leur conversion.
Dans le cadre de la société démocratique actuelle, l’AECQ ne pouvait probablement pas en dire plus. Les évêques ont employé la seule argumentation que nos dirigeants politiques puissent entendre. Bravo.
Toutefois, j’aurais aimé que la déclaration se termine par quelque chose de plus apostolique que l’insipide appel du pape François au « grand rêve capable d’abriter tout le monde ». Une finale du genre : « In hoc signo vinces! » (Par ce signe tu vaincras.)
Le cours d’ÉCR « doit être complètement revu »
François Legault, Premier ministre du Québec.
Par Rafael-Alexandre Ramos (Le Peuple) — Voici la ou les sources de cet article : Le Journal de Montréal, Le Soleil, Le Devoir, Twitter n° 1 et n° 2/Voici la source de la photo : LouisRoyQc, Wikimedia, CC BY-SA 4.0 (Image rognée)
François Legault a tout à fait raison de vouloir réformer le « cours » d'ÉCR, mais il aurait encore plus raison s’il approuvait son abrogation, car que donnera la révision de ce « cours » si le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge y participe ? Ce « cours » d’ÉCR survole en surface les religions, et, par dessus tout, les met sur un pied d'égalité si bien qu’aucun élève ne peut en avoir une idée claire. — A. H.
C’est ce qu’a affirmé le Premier ministre François Legault en réponse aux demandes du chef du PQ pour son abolition.
Les critiques du chef par intérim du Parti québécois (PQ) Pascal Bérubé cette semaine à l’endroit du cours d’Éthique et culture religieuse (ÉCR) enseignées dans les écoles du Québec auront réussi à faire bouger le gouvernement caquiste dans ce dossier. En effet, le Premier ministre François Legault estime désormais que le cours « doit être complètement revu ».
Cependant, M. Legault est d’avis qu’« on n’est pas obligés de jeter le bébé avec l’eau du bain ». « On a le droit d’expliquer l’histoire des religions aux personnes, aux jeunes qui viennent dans nos écoles », déclare-t-il.
Lire la suiteScrutin : François Legault ne fera pas comme Justin Trudeau
François Legault, Premier ministre du Québec.
Par Patrick Bergeron (Le Peuple) — Voici la ou les sources de cet article : Journal de Montréal / Voici la source de la photo : Courtoisie
La réforme du système électoral a été mise en branle et le gouvernement veut présenter son projet de loi avant octobre 2019.
Mercredi dernier, la ministre québécoise de la Justice, Sonia LeBel, a annoncé par le biais d'un communiqué de presse que son gouvernement avait amorcé les procédures pour réformer le mode de scrutin. Les caquistes ont adopté un décret qui leur permet de consulter le directeur général des élections (DGEQ) afin qu'il leur prête assistance dans la rédaction du projet de loi.
Mme LeBel a déclaré que « la réforme du mode de scrutin est un dossier non seulement important, mais non partisan. Le DGEQ jouera un rôle-clé dans cette réforme en raison de son expertise en matière d'organisation des élections ».
« Cette mesure est nécessaire pour respecter notre engagement de présenter un projet de loi avant octobre 2019 », a-t-elle ajouté.
Notons que François Legault tient mordicus à procéder à ce changement majeur. Durant la dernière campagne électorale, il avait même assuré aux Québécois qu'il ne se comporterait pas comme Justin Trudeau, lui qui, une fois élu premier ministre du Canada, avait abandonné sa promesse de réformer le mode de scrutin à l'échelle fédérale.
Tous les partis à l'Assemblée nationale veulent aller de l'avant avec ce changement, sauf le Parti libéral du Québec (PLQ). Quoi qu'il en soit, M. Legault « ne voit pas pourquoi les libéraux auraient un veto » et il a l'intention d'agir dans les meilleurs délais pour respecter ses engagements.
Caq-ophonie sur les signes religieux
Photo : Myriams Photos (Pixabay)
Par Jean-Claude Dupuis, Ph. D.
Le gouvernement Legault n’était pas encore assermenté qu’il se couvrait déjà de ridicule dans le dossier de la laïcité. Le matin, les enseignants qui porteraient un signe religieux visible seraient congédiés. Le soir, il n’était plus question d’imposer de sanctions. Le lendemain, la loi ne s’appliquerait qu’aux nouveaux enseignants. Comme si une clause d’ancienneté pouvait prévaloir sur les « valeurs québécoises ». Mais faut-il s’étonner qu’un homme d’affaires préfère marchander plutôt que réfléchir sur les principes qui devraient guider une société ?
Peut-on réglementer, pour des raisons idéologiques, la tenue vestimentaire des citoyens dans une société qui se réclame de la « laïcité ouverte » ?
La laïcité ouverte exige que l’État soit neutre sur le plan religieux pour mieux protéger le droit d’expression de toutes les religions, même dans l’espace public. La laïcité fermée demande à l’État de chasser toutes les religions de l’espace public pour les refouler dans la vie privée. Cela se rapproche de l’athéisme institutionnel des pays communistes. L’application de ces principes varie d’un pays à l’autre. La laïcité américaine est traditionnellement plus ouverte que la laïcité française. Le Québec oscille entre les deux modèles. Il a officiellement opté pour la laïcité ouverte, mais il y a chez nous des relents d’anticatholicisme dignes de la Troisième République française.
L'historien Jean-Claude Dupuis : Pour qui voter lors cette élection ?
Photo: Andi Breit, Pixabay
Par Jean-Claude Dupuis, Ph. D.
Les gens de sensibilité pro-vie ne trouveront rien à se mettre sous la dent dans les programmes de tous les partis en lice dans l’élection québécoise de 2018, qu’il s’agisse des partis en vue (PLQ, CAQ, PQ, QS) ou des partis marginaux (PCQ, PV, NPD). Si vous avez la chance d’avoir dans votre comté un candidat qui s’affiche personnellement pro-vie, vous pouvez toujours le soutenir. Mais aucun parti ne semble avoir proposé la moindre mesure qui puisse aller, ne serait-ce que timidement, à l’encontre de la culture de mort.
Je me demande si un catholique peut en conscience voter pour un parti qui approuve l’avortement, l’euthanasie et les prétendus droits des LGBTQ+, même si ce parti offre par ailleurs un programme intéressant à d’autres points de vue. Un parti qui prône l’avortement ne devrait-il pas être qualifié par l’Église d’« intrinsèquement pervers », comme le pape Pie XI le fit pour le parti communiste dans l’encyclique Divini Redemptoris (1937) ? Les communistes, disait-il, ruinent à la base toute la loi naturelle en voulant supprimer la propriété privée. Ne pourrait-on pas dire, à plus forte raison, que la légalisation de l’avortement supprime toute la loi naturelle ? Le droit à la vie n’est-il pas supérieur au droit à la propriété privée ?
Mais la question que je pose est bien théorique puisque le Vatican ne défend plus que très mollement le droit à la vie. Le pape devrait d’abord cesser de recevoir avec tous les honneurs des chefs d’État qui mériteraient plutôt d’être formellement excommuniés, à commencer par Justin Trudeau. Évidemment, ça ne troublerait pas la conscience de Trudeau et ça ne changerait rien en pratique, mais ça enverrait au moins un message clair.
Un catholique qui déciderait d’annuler son vote ou même de ne pas participer au scrutin parce que tous les partis en lice prônent la culture de mort aurait parfaitement raison. Et c’est ce que je suis moi-même fortement tenté de faire.
Toutefois, on peut également se dire que la question de l’avortement n’est pas l’enjeu de cette élection, qu’il faut faire son choix en fonction des autres thèmes électoraux et qu’un bon catholique a, de toute manière, le devoir de participer à la vie politique de son pays, aussi décadent soit-il. Il faudrait alors voter pour le « moindre mal ».
Ce raisonnement peut se défendre. Mais le combat de coqs qui oppose nos ambitieux politiciens mérite-t-il qu’on y participe ? Est-il vraiment nécessaire, ou même possible, de dire où se trouve le moindre mal ? Les chrétiens de l’Église primitive se sentaient-ils obligés d’opter pour un quelconque « moindre mal » lorsque trois ou quatre généraux romains, plus tarés les uns que les autres, rivalisaient pour la couronne impériale ? À l’époque, la lutte entre Vespasien et Vitellius (69 apr. J.-C.) a dû soulever autant de passion que l’affrontement Trump-Clinton. Mais à plusieurs siècles de distance, elle prend un tout autre relief.
Quoi qu’il en soit, jouons pendant un instant le jeu biaisé de la démocratie, ne serait-ce que pour parler d’autre chose que de la météo, et examinons les diverses options.
Lire la suite