Vous devez avorter! La politique de l'enfant unique de la Chine en images
par Steven W. Mosher et Anne Roback-Morse du Population Research Institute (traduction Campagne Québec-Vie)
Il est difficile pour les personnes vivant dans des sociétés démocratiques de comprendre comment le parti-État de la Chine peut contrôler la fertilité des millions de Chinois. L'effort du gouvernement en ce sens commence par un barrage de propagande anti-enfant dans les écoles et sur les lieux de travail, puis se poursuit par l'intimidation par des banderoles et des slogans affichés dans les lieux publics. Voici quelques photos de la nature des menaces publiques des autorités contre les femmes qui pourraient être enceintes d’enfants « illégaux ».
该 流 不 流 扒 握 牵 牛
Traduction : « Si elle doit être avortée et qu’elle ne l’est pas, votre maison sera détruite et votre vache sera prise. »
宁可 血流成河,不准 超生 一个
Traduction : « Même si vous saignez assez pour faire une rivière, il ne faut pas donner naissance à un enfant supplémentaire! » La province du Hunan.
该 扎 不 扎,关 人 作 押,该 流 不 流,折 房 牵 牛.
Traduction : « . . Si vous devriez être stérilisée et que vous ne l’êtes pas, vous serez arrêtée et poursuivie. Si vous devez avorter et que vous n’avortez pas, votre maison sera démolie et votre bétail serez emmené »
外出 的 叫 回来,隐瞒 的 挖出 来 计划 外 怀孕 的 坚决 引 下来 该 扎 的 坚决 拿下 来
Traduction : « Appelez-moi celles qui sont situées loin, déterrez celles qui sont cachées. Celles qui sont enceintes en dehors de la politique (de l’enfant unique) doivent absolument voir leur travail (d’accouchement) induit. Celles qui devraient être stérilisées doivent être absolument couchées. »
该 环 不 环,该 扎 不 扎,见了 就 抓.
Traduction : « Si vous êtes censée porter un stérilet, mais que ce n’est pas le cas, ou que vous êtes censée avoir une ligature des trompes, mais que vous ne le faites pas, vous serez consignée à vue! “
Traduction :” Celles d'entre vous qui n'ont pas avorté ou n’ont pas été stérilisées, et qui sont heureuses d'avoir des naissances excédentaires et de payer des amendes... [image peu claire]. »
Ce type de propagande à la vue de tous, combinée avec la manière forte sur celles qui refusent d’obéir, talonne la plupart des femmes. Ensuite, il y a des moyens de pression de groupe, utilisés dans la province du Liaoning en Chine du nord et ailleurs. Dans ces provinces, les secondes naissances ne sont autorisées que s’il n’y a aucune naissance illégale. Si même un seul enfant illégal est né, aucune deuxième naissance n’est autorisée, et les femmes portant un deuxième enfant sont avortées.
Steven Mosher , qui a vécu en Chine pendant plusieurs années et fut témoin d’avortements forcés commente ainsi : « Il est difficile d'imaginer l'hostilité intense, même hystérique, que ces moyens de pression de groupe produisent dans une petite communauté rurale soudée, envers quiconque menace de rompre les règles. »
Dans les rues ou dans les lieux de travail, à la télévision et dans les journaux, le peuple chinois est bombardé de propagande antipeuplement. Jour après jour, ce processus de lavage de cerveau se poursuit, de sorte que lorsque le coup de minuit s’abat sur la porte, de nombreuses femmes enceintes et leurs maris n'essaient même pas de se battre. La semaine prochaine, nous allons parler de quelques-uns qui se sont battus, et du châtiment auquel ils ont été confrontés par le Parti-État chinois.
La présidente de Women's Rights Without Frontiers dénonce de nouveau la politique de l'enfant unique en Chine
Sur le blog de Jeanne Smits du 18 novembre 2013 :
(Combien parmi ces soldats chinois obligés de faire appliquer la politique de l'enfant unique, ne trouveront pas de femmes à marier puisque le ratio est de 118 garçons pour 100 filles?)
(Photo : Georgio sur wikimedia.org, licence Creative Commons)
Cela fait des années que Reggie Littlejohn, présidente de Women's Rights Without Frontiers, milite contre les atrocités de la politique de l'enfant unique en Chine, dont elle est l'un des meilleurs connaisseurs. (...)
« Le noyau de cette politique, c'est la coercition », a rappelé Mme Littlejohn à Catholic News Agency vendredi dernier. « Le problème est bien que c'est le gouvernement qui dit aux gens combien d'enfants ils peuvent avoir, et qu'il fait respecter cette limite par la coercition, y compris en faisant avorter des femmes de force à neuf mois de grossesse. »
Reggie Littlejohn cite le cas d'une femme morte au début du mois en Chine à la suite d'un avortement forcé : un fait qui n'a pas été rapporté par l'agence de presse chinoise gouvernementale, Xinhua.
L'assouplissement envisagé par le gouvernement chinois pourrait concerner des millions de familles. (...)
Si d'aucuns saluent le projet gouvernemental – encore que ce ne soit pas la première fois qu'une telle annonce est faite, pour être ensuite retirée – Reggie Littlejohn note que même mis en œuvre, il ne s'agira au mieux que d'un bricolage d'ajustement, uniquement basé sur des considérations économiques et démographiques. « Nous n'avons pas vu la moindre réduction des avortements ou des stérilisations forcés dans les campagnes ; ils sont toujours nombreux », souligne-t-elle : pourtant dans bien des campagnes la politique du nombre d'enfants est plus souple que dans les villes.
Un dédommagement ridicule pour l'avortement forcé de Feng Jianmei
Profitant de la pauvreté des victimes, le gouvernement chinois le donne une somme dérisoire au regard du crime commis. Sur le site suisse de 20 Minutes Online du 11 juillet 2012:
Les autorités chinoises ont versé 70'000 yuans (environ 10'760 fr.) à une femme forcée d'avorter à sept mois de grossesse, a déclaré à l'AFP son avocat, ajoutant que cette somme ne compenserait pas les souffrances endurées par la jeune femme. (...)
Feng et son mari Deng Jiyuan ont accepté la somme qui ne saurait toutefois compenser «la souffrance spirituelle» du couple, selon leur avocat, Me Zhang Kai. «Leur enfant (...) a pratiquement été tué. Payer si peu n'est pas suffisant», a-t-il ajouté. «La signature de l'accord signifie qu'aucune des deux parties ne pourra soulever de nouveau cette affaire», a déclaré de son côté à l'agence Chine nouvelle un responsable gouvernemental, sans donner son nom.
Les avortements forcés sont très fréquents en Chine, pays le plus peuplé de la planète avec 1,34 milliard d'habitants qui a mis en place une politique drastique de limitation des naissances à la fin des années 1970. En règle générale, les Chinois dans les villes ne peuvent avoir qu'un enfant et ceux des campagnes deux lorsque le premier est une fille.
Un meurtre réparé par un peu plus de 10 000$ d'amendes? Le gouvernement chinois prouve que l'enfant n'avait aucune valeur à ses yeux et que les communautés locales pourront continuer les avortements forcés, du moment qu'ils ne sont pas publicisés...
Le dernier roman d'Éric-Emmanuel Schmitt porte sur la politique de l'enfant unique en Chine
Dans la voiture qui m’amenait au Grand Hôtel de Yunhai, mon chauffeur brancha la radio. Pendant le bulletin, un officiel se félicita justement que, grâce à cette loi de l’enfant unique, 400 millions de Chinois n’étaient pas nés. La remarque m’abasourdit : comment pouvait-on se réjouir de 400 millions de fantômes? Autrement dit, 400 millions d’absents… Pourquoi investir sur le néant plutôt que sur l’être? Parmi ces foules de Chinois non venus au monde se trouvaient sans doute des gens intelligents, des gens superbes, des gens désirés, des gens courageux et puis le nouveau Mozart, le prochain Einstein, le futur Pasteur, ceux dont le génie aurait changé l’humanité entière… Non, ici, à part madame Ming, cela ne choquait personne : craignant la surpopulation et son corollaire la famine, le gouvernement, les membres du Planning Familial exultaient qu’il n’y ait rien… 400 millions de fois rien. (p.66)
Ma mère tomba enceinte l’année au début de l’année du Bouc; cette année là a été appliquée la loi qui astreint les familles chinoises à se limiter à un enfant. On lui a conseillé d’avorter; enfin, conseillé… le lendemain elle garda le lit. Une maladie du sang. Comme si elle avait de l’eau à la place. Une affection très lourde. Maman devint aussi pâle qu’un linge, frêle, atone, incapable de sourire, sauf lorsque je m’approchais. ON l’a expédié dans une maison de convalescence. Elle y est restée six ans. Pourquoi six ans? Elle aurait pu y demeurer moins parce que sa cure ne l’avait pas changé : elle en est revenue livide, plus diaphane qu’un fantôme. À ce moment-là, quand je l’ai retrouvé, j’ai décidé de lui écrire. (p.104)
Avoir un second enfant en Chine? Par corruption seulement
Sur le site de NTDTV.CA du 11 juin 2012 où vous pouvez voir le vidéo des nouvelles:
(35 000 avortements par jour en Chine dont un grand nombre sont forcés...)
Récemment, des médias de Pékin ont rapporté qu'un couple avait dû préparer un dossier de plus de 50 pages et obtenir plus de 30 sceaux administratifs avant de recevoir la permission de donner naissance à leur deuxième enfant. La procédure leur a pris 6 mois. Selon Zhang Sutian, un analyste des affaires chinoises, ce récit reflète bien la lourdeur de la procédure bureaucratique du système communiste. Certaines personnes ont dû recourir à la corruption pour obtenir la permission d'avoir un deuxième enfant.Selon "Nouvelles du soir de Pékin", il y a 6 mois Wang Mei est tombée enceinte de son deuxième enfant. Elle et son mari sont tous deux des enfants uniques et selon la loi chinoise ils ont le droit d'avoir un second enfant. Le couple a donc entamé une longue procédure administrative et a fait de nombreux voyages entre leur ville natale et Pékin pour obtenir plus de 30 sceaux administratifs et un dossier de plus de 50 pages. Au final, le Bureau de la planification familiale local leur a demandé d'obtenir le consentement d'au moins dix personnes. C’est enceinte de 7 mois que Wang Mei et son mari ont enfin obtenu le permis.L'analyste des affaires chinoises Zhang Sutian souligne que le gouvernement chinois n'a pas vraiment mis en oeuvre la politique du deuxième enfant et que les sceaux administratifs impliquent la corruption.
Zhang Sutian, Analyste des affaires chinoises : "Il se peut que certaines régions l'appliquent. Mais pour autant que je sache, la politique du deuxième enfant n'est appliquée qu'en forme, mais pas en pratique. Pour moi, cette politique est nourrie de la procédure et de la corruption bureaucratiques. Tant que vous avez de l'argent, vous pouvez avoir un second enfant facilement."
D'après Zou Huofa, un avocat de Pékin, dans certaines régions, les couples enfant unique sont autorisés à avoir un deuxième enfant, ce qui n’est hélas pas le cas pour d’ autres régions.
Zou Huofa, Avocat de Pékin :
"La politique est différente selon les régions."Zhang Sutian révèle que certains couples qui ne sont pas qualifiés pour avoir un deuxième enfant et qui ont eu une fille, dépensent une fortune pour acheter une fausse évaluation psychiatrique concernant leur fille. Pour avoir un deuxième enfant, un nombre considérable de chinois demandent l'asile politique à l'étranger.
Zhang Sutian, Analyste des affaires chinoises :
"Dans mon enfance, je voyais souvent des miliciens transportant des femmes enceintes dans une clinique qui était à l’époque mal équipée afin de leur faire subir un avortement forcé. La politique de l'enfant unique du parti communiste chinois est très cruelle et est anti-humanité. Cette politique a forcé un grand nombre de Chinois à partir à l'étranger et à demander un statut de réfugié. C'est un énorme scandale pour la Chine."La politique de l'enfant unique a été mise en oeuvre en Chine continentale depuis 1979. Selon une estimation des Nations Unies, en 2100 le nombre d’habitants sera de 500 millions en Chine et des dizaines de millions de familles auront leur enfant unique qui, d’après le calcul décéderait avant les parents.
Après Chen Guangcheng, le silence...
Mission accomplie pour les États-Unis? Chen Guangcheng et sa familles sont en sécurité en Amérique, question réglée? Et les raisons pour lesquelles il s'est battu et enfui au risque de sa vie? Parle-t-on encore d'avortements et de stérilisations forcées, de politique d'enfant unique? Voici un article paru sur le site de Radio-Canada du 31 mai 2012, sans aucune mention des raisons politiques de l'enfermement de Chen Guangcheng:
« Il paraît que CGC part aujourd’hui aux US. » Le message, envoyé par une amie, est atterri dans ma boîte de textos le samedi 19 mai à 14 h pile. Chen Guangcheng – CGC pour les intimes – allait s’envoler quelques heures plus tard à bord d’un avion de la United Airlines vers les États-Unis. C’était le dénouement d’une partie de bras de fer diplomatique entre les deux plus grandes puissances mondiales : la Chine de plus en plus sûre d’elle-même, qui ne s’en laisse pas imposer, et les États-Unis, champions fatigués à l’étoile pâlissante.Aujourd’hui, Chen est étudiant en droit à NYU, l’Université de New York. Sa femme et lui chercheraient une école pour leurs deux enfants. La famille a été aperçue dans un parc le lendemain de son arrivée. Après sept ans de résidence surveillée et de détention arbitraire, Chen peut enfin souffler un peu.On pourrait croire que tout est bien qui finit bien.Mais en Chine, à des milliers de kilomètres de New York, rien n’a changé.Le petit village de Dongshigu, au Shandong, est toujours sous haute surveillance, même si son habitant le plus célèbre a réussi à échapper au formidable appareil de sécurité mis en place pour le surveiller. Depuis que Chen Guangcheng brille par son absence dans cette campagne perdue, tous les collègues journalistes qui ont tenté de s’y rendre se sont heurtés au même mur de paranoïa. Impossible de s’approcher du village.Pourquoi fermer la porte de la cage à double tour, maintenant que l’oiseau s’est envolé? C’est en partie une question d’argent. L’assignation à résidence de Chen Guangcheng était une véritable industrie locale. Depuis 2005 cette détention extrajudiciaire aurait coûté plus de 11 millions de dollars. La maison de Chen Guangcheng était entourée d’une clôture électrique et équipée de matériel sophistiqué pour brouiller les signaux de téléphones cellulaires. La cour était éclairée 24 heures sur 24 par de puissantes lumières. Et des dizaines de gardes étaient payés 100 yuans (un peu plus de 16 $) par jour, repas compris – le gros lot quand on pense que de s’éreinter à travailler aux champs ne rapporte que la moitié de cette somme.Imaginez le choc si du jour au lendemain tout ce beau monde avait perdu un boulot aussi lucratif! Alors, on continue de bloquer l’accès à ce village perdu du Shandong. Et pour échapper à l’absurdité d’une prison sans prisonnier, la cible est désormais le frère de Chen Guangcheng, Chen Guangfu. Celui-ci aurait aidé l’avocat autodidacte à s’enfuir à Pékin, alertant un ami dans la capitale.Quand la nouvelle de la disparition du dissident a atteint le village, des voyous à la solde des policiers auraient fait irruption en pleine nuit chez lui. Dans une lettre ouverte publiée cette semaine dans le New York Times, Chen raconte comment aucun de ces hommes n’était en uniforme, ni même muni de mandat d’arrestation. Dans l’altercation qui a suivi, le neveu de Chen Guangcheng a saisi un couteau et aurait blessé des assaillants. Il est aujourd’hui accusé de meurtre, même s’il n’y a pas eu mort d’homme. Chen Guangfu a réussi la semaine dernière à échapper aux gardiens qui le maintenaient en résidence surveillée, mais il serait de retour à Dongshigu.Dans cette lettre ouverte, Chen Guangcheng dépasse le cadre de son histoire familiale et s’adresse aux futurs dirigeants de la Chine qui seront installés à la tête du pays l’automne prochain :« La question fondamentale à laquelle le gouvernement chinois doit faire face, c’est le non-respect de la loi », écrit-il. Ce ne sont pas les lois qui font défaut à la Chine, mais l’état de droit. »Bref, les lois sont là, mais les représentants du Parti communiste, qui n’ont jamais à craindre de perdre une élection ou d’être dénoncés à la une du journal local, s’en moquent. En fait, le politique et le judiciaire ne forment qu’un seul et même pouvoir. Comme le raconte Chen, tous les procès sont contrôlés par un comité politicolégal du Parti communiste. Celui-ci « dirige les actions de la police, des procureurs et des juges, transformant ces acteurs soi-disant indépendants en une arme unique, dont le pouvoir ne peut être remis en question ». En d’autres termes, si vous êtes victime d’une injustice, bonne chance.Les dirigeants chinois agissent ainsi pour assurer la stabilité du pays. On sacrifie quelques fauteurs de trouble pour maintenir la paix générale. On force l’individu à s’effacer devant le groupe. Et on s’assure, évidemment, de ne pas raconter au groupe le traitement réservé à cet individu, de peur que la paix générale ne s’effrite. Son histoire a peut-être fait le tour du monde, mais en Chine, pratiquement personne ne sait qui est Chen Guangcheng. À ce jour, toutes les recherches sur le dissident de l’heure sont bloquées sur les sites de microblogues chinois. Les mots « aveugle », « ambassade américaine », « Chen Guangcheng » (en chinois et en anglais) et l’abréviation CGC ne produisent, étrangement, aucun résultat.Cette logique tiendra-t-elle encore longtemps? Un groupe fort de millions de paysans avait jadis porté Mao au pouvoir. Un autre groupe se réveillera-t-il un jour? Je vous le demande.
"Mais en Chine, à des milliers de kilomètres de New York, rien n’a changé." Mais la journaliste ne vous dira pas que ce qui n'a pas changé, ce pour quoi Chen Guangcheng a donné sa vie, c'est que les avortements forcés et les stérilisations viennent tuer le coeur de milliers de maman en Chine et de tant de parents qui pleurent leurs enfants tués, sous le silence de la communauté internationale. Cela n'a pas changé, mais cela n'a pas d'importance pour nos journalistes...
Histoire de l'évasion de Chen Guangcheng
À travers l'histoire de Chen Guancheng, c'est toute la barbarie du régime communiste chinois qui est rappelée au monde, la barbarie de la politique de l'enfant unique, que les Nations-Unies et les États-Unis ne veulent pas voir... Sur le site de La Presse du 18 mai 2012:
Chen Guangcheng, l'emblématique militant chinois des droits civiques, confie avoir risqué sa vie lorsqu'il s'est évadé de sa résidence surveillée, une épreuve de plus de 20 heures durant lesquelles il s'est terré dans une porcherie puis a rampé, le pied cassé.
Chen a relaté ces moments dramatiques dans un entretien par téléphone à l'AFP, depuis l'Hôpital de Pékin où il est soigné et où il ne peut recevoir ni ses amis ni la presse.
Les détails sur cette incroyable évasion remontant au 20 avril émergent peu à peu, au fur et à mesure que se desserre l'étau sur les personnes qui ont aidé l'avocat aveugle à parvenir à se réfugier à l'ambassade des États-Unis, à Pékin.
Mais au début, Chen, 40 ans, est seul quand il se lance dans sa folle tentative, malgré les dizaines de gardes déployés dans son village rural de la province du Shandong (est).
Ces vigiles, qui ont prouvé leur tempérament violent en repoussant à coups de briques des journalistes étrangers, sont chargés de le surveiller et d'empêcher qu'il communique avec l'extérieur.
«Il y avait au moins 60 personnes chargées de me surveiller dans le village. S'ils avaient découvert que je m'étais échappé, ils m'auraient probablement battu à mort. C'était vraiment très, très dangereux», a relaté Chen tard jeudi.
Après avoir durant plusieurs jours prétendu être malade, afin d'endormir la vigilance de ses gardiens, l'aveugle entreprend sa «belle» en plein jour, dans un village et ses environs qu'il connaît bien malgré sa cécité depuis l'enfance.
Le premier obstacle est de taille: un mur de deux mètres de haut, construit autour de son logis par ses geôliers. Il réussit à le franchir, mais au prix d'une fracture au pied.
De là, il parvient à se réfugier dans une porcherie toute proche, redoutant d'y être découvert.
«Je suis resté dans la porcherie pendant des heures... C'est à ce moment que j'ai été le plus inquiet», précise «l'avocat aux pieds nus».
À la tombée de la nuit, il entreprend de tenter de sortir du village, ce qui va lui prendre des heures. Trébuchant à chaque pas, voire rampant sur le sol, Chen Guangcheng progresse très lentement. À chaque bruit suspect, il s'immobilise.
Il lui faut notamment franchir une rivière. Heureusement, la géographie des lieux est gravée dans sa mémoire et l'aveugle parvient à se glisser sur le pont qui enjambe le cours d'eau. Un endroit où est théoriquement posté en permanence un garde, mais par miracle celui-ci ne remarque rien. Peut-être dormait-il, avance aujourd'hui Chen.
Au mépris de la douleur qui irradie de son pied -il ignore encore qu'il a une triple fracture- Chen Guangcheng progresse en plein champ, franchissant les clôtures les unes après les autres.
Une vingtaine d'heures après le début de sa fuite, il parvient à rallier Xishiguzhuang, village distant de seulement un kilomètre. Il retrouve la porte du logis d'un ami, dont l'AFP taira le nom par sécurité. Ce dernier envoie discrètement un message à Chen Guangfu, le frère de l'évadé.
«Personne ne croyait que j'arriverais à m'échapper, ils ont été choqués quand ils m'ont vu», se souvient Chen.
Le frère réussit à informer quelques militants des droits de l'homme, par ces mots immédiatement compris: «L'aveugle s'est échappé». En même temps, Chen Guangfu organise un trajet en voiture pour conduire Chen à Xintai, la ville la plus proche en dehors de la juridiction locale.
Il y retrouve, le 22 avril, les militants venus de Pékin qui vont se charger de la suite, au péril d'une lourde peine de prison: contacter l'ambassade des États-Unis et amener Chen dans la capitale.
Heureusement, les vigiles mettront plusieurs jours à se rendre compte de l'évasion. Un temps qui permet à Chen d'arriver à Pékin, où les autorités redoutent qu'il trouve refuge dans une chancellerie occidentale.
Le «contact» final a lieu le 26. Même si toutes les voitures de l'ambassade des États-Unis sont suivies, l'une d'entre elles arrive à prendre en charge l'aveugle et à semer les poursuivants, dans un scénario de guerre froide.
Après un imbroglio diplomatique entre Pékin et Washington et des négociations secrètes, Chen Guangcheng est transféré en milieu hospitalier. Il a annoncé jeudi espérer quitter la Chine pour les États-Unis dans les deux semaines.
Des passeports pour Chen Guangcheng et sa famille d'ici 15 jours?
Une nouvelle parue sur le site du journal La Voix de l'Est du 17 mai 2012:
L'imbroglio diplomatique entre Pékin et Washington semblait en passe d'être réglé jeudi, Chen Guangcheng ayant effectué les formalités pour obtenir les passeports qui devraient lui permettre de quitter la Chine pour les États-Unis avec sa famille dans les deux semaines.
«Des responsables sont venus hier (mercredi). Nous avons rempli les formulaires de demande de passeport pour moi, ma femme et mes enfants», a dit le militant aveugle joint au téléphone par l'AFP à l'hôpital de Pékin où il se trouve depuis son départ de l'ambassade des États-Unis où il s'était réfugié.
«Ils ont dit que les passeports devraient être prêts d'ici 15 jours», a-t-il ajouté, donnant ainsi la première indication que son départ en exil était toujours à l'ordre du jour.
Ce champion de la lutte contre la politique chinoise de l'enfant unique, impliquant stérilisations et avortements forcés, avait provoqué une crise diplomatique en se réfugiant à l'ambassade des États-Unis à Pékin après s'être évadé fin avril de sa résidence surveillée de la province du Shandong (est) dans des conditions rocambolesques.
Chen avait quitté la mission américaine début mai au bout de six jours, alors que la secrétaire d'État Hillary Clinton se trouvait à Pékin, une concomitance malencontreuse pour les diplomaties américaine et chinoise.
Un accord entre Pékin et Washington avait ensuite été obtenu après d'âpres négociations, la Chine acceptant de donner «au plus vite» à Chen Guangcheng et à sa famille des passeports pour qu'ils puissent partir, et Washington de leur délivrer tout aussi rapidement des visas.
Mais depuis, l'avocat autodidacte aveugle n'avait rencontré qu'une seule fois, le 7 mai, les responsables chinois de l'émigration. Rien n'avait apparemment bougé pour lui permettre, avec sa femme et ses deux jeunes enfants, de partir aux États-Unis, où Chen a reçu une proposition de bourse de l'Université de New York pour étudier le droit.
«Les responsables gouvernementaux ne sont pas venus (depuis une semaine). Je ne comprends pas pourquoi c'est retardé», avait dit Chen lundi à l'AFP, «c'est peut-être pour sauver la face».
Chen a également déclaré à l'AFP jeudi que les autorités lui avaient promis d'enquêter sur les accusations d'homicide volontaire pesant sur son neveu Chen Kegui, qui avait blessé un responsable local ayant fait irruption chez lui en pleine nuit -sans le tuer toutefois.
Depuis son évasion, Chen a accusé les autorités locales de se venger sur les membres de sa famille restés dans son village de Dongshigu, y compris en début de semaine dans un appel téléphonique au Congrès américain.
L'organisation Défenseurs des droits de l'homme en Chine (CHR), a affirmé que la police avait torturé Chen Guangfu, frère aîné de Guangcheng et père de Kegui, fin avril.
Ils «ont menotté Chen Guangfu et lui ont attaché les jambes, et ensuite lui ont fouetté les mains avec une ceinture en cuir, l'ont frappé aux côtes et lui ont sauté très fort sur les pieds», a expliqué la CHRD tard mercredi dans un communiqué.
Chen Guangfu reste placé sous un «strict contrôle» et ne peut entrer en contact avec d'autres membres de sa famille, dont de nombreux sont également surveillés, ajoute l'organisation.
Deux avocats ont tenté mercredi de rendre visite en prison à Chen Kegui, mais «ils n'ont pas été autorisés par la police à le voir», a déploré Chen.
En attendant son passeport, l'un des plus célèbres dissidents chinois est de facto en résidence surveillée à l'hôpital de Pékin où il est soigné pour des fractures au pied, stigmates de son évasion de son village du Shandong.
Avec sa femme, son garçon de neuf ans et sa fille de six ans également confinés, il se retrouve dans la même situation que lors des 20 mois qu'il vient de passer en résidence surveillée, les violences physiques en moins.
Auparavant, il avait été emprisonné quatre ans, jusqu'en septembre 2010, pour son combat contre les abus de la politique de l'enfant unique en Chine et des expropriations.
Chen Guangcheng aurait la possibilité de quitter le pays avec sa famille à une date indéterminée...
Sur le site du journal La Presse du 4 mai 2012:
Le militant des droits civiques Chen Guangcheng devrait pouvoir obtenir rapidement un passeport et un visa américains pour gagner les États-Unis avec sa famille, mettant un terme à une crise ouverte lorsqu'il s'était réfugié à l'ambassade des États-Unis la semaine dernière.
«Le gouvernement chinois a indiqué qu'il allait accepter la demande de M. Chen d'obtenir les documents de voyage appropriés», a déclaré la porte-parole du département d'État, Victoria Nuland.
«Les États-Unis s'attendent à ce que le gouvernement traite rapidement sa demande» concernant ces documents, «les États-Unis accorderont alors une attention prioritaire à sa demande de visa et à celle de sa famille proche», a-t-elle ajouté dans un communiqué.
Mme Nuland a indiqué que Chen Guangcheng avait reçu une offre de bourse de la part d'une université américaine, où il pourrait se rendre accompagné par sa femme et ses deux enfants.
Afin de ménager une sortie de crise honorable à la Chine, qui a exigé des États-Unis des excuses pour avoir hébergé le militant dans leur ambassade, le communiqué américain n'avance pas de date pour le départ du dissident, et ne mentionne aucune assurance ferme donnée par Pékin.
La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton avait estimé en fin d'après-midi que des «progrès» avaient été accomplis sur la situation de Chen Guangcheng.
L'affaire de cet avocat aveugle pourfendeur des avortements forcés a provoqué une crise dans les relations entre les États-Unis et la Chine, réunis vendredi à Pékin pour le deuxième et dernier jour de leur «dialogue stratégique et économique» annuel.
À l'issue de cette rencontre, Mme Clinton a souligné que les droits de l'Homme étaient «essentiels dans tous les pays».
«Nous abordons les cas individuels et les situations spécifiques chaque fois que c'est nécessaire», a ajouté le chef de la diplomatie devant des dirigeants chinois.
Le conseiller d'État chinois Dai Bingguo a rétorqué que la question des droits de l'Homme «ne devrait pas être utilisée pour s'ingérer dans les affaires intérieures» d'un pays ni «perturber les relations d'État à État».
Peu avant, le ministère chinois des Affaires étrangères avait indiqué que s'il voulait «étudier à l'étranger», Chen Guangcheng pouvait «comme les autres citoyens chinois, déposer une demande auprès des autorités compétentes par la procédure habituelle».
Vendredi matin, ce militant avait déclaré à l'AFP, de son lit d'hôpital à Pékin, qu'il était «en grand danger». Il avait ajouté espérer que le gouvernement allait «honorer les engagements signés entre la Chine et les États-Unis pour garantir (ses) droits de citoyen».
«Ma situation est très, très critique», avait-il estimé.
Un peu plus tôt, Chen Guangcheng s'était adressé directement au téléphone au Congrès américain qui avait organisé une audition sur son cas, appelant sur son téléphone portable un militant associatif, Bob Fu, présent à la réunion.
Chen Guangcheng, avocat autodidacte, s'est dit très inquiet pour la sécurité de sa mère et de son frère, restés dans son village du Shandong (est) et dont il n'a pas de nouvelles.
Ce militant est hospitalisé pour une blessure au pied - résultat de sa fuite le 22 avril de sa maison où il était en résidence surveillée.
Un avocat chinois venu lui apporter son soutien, Jiang Tianyong, a été emmené par la police jeudi soir et battu de telle sorte qu'il «est maintenant sourd d'une oreille et n'entend presque rien de l'autre», a déclaré à l'AFP son épouse, Jin Bialing.
Champion de la lutte contre les avortements forcés, Chen s'était réfugié à l'ambassade des États-Unis la semaine dernière après s'être évadé de chez lui, au nez à et à la barbe de dizaines de gardes qui le maintenaient en résidence surveillée depuis plus d'un an et demi.
Il avait quitté la mission américaine mercredi, ayant obtenu des assurances pour sa sécurité et celle de ses proches en Chine.
Mais après ses retrouvailles avec son épouse et ses amis, Chen Guangcheng a déclaré qu'il voulait quitter son pays, craignant des représailles contre lui-même et ses proches s'il restait en Chine.
Tant que les projecteurs des médias sont sur lui, Chen Guangcheng a une chance de s'en tirer. Mais s'il ne quitte le pays et que les caméras des journalistes disparaissent, comment ne pourrait-il connaître un sort pire que son ami avocat?
Chen Guangchen aurait quitté l'ambassade américaine en raison de menaces de ne plus revoir sa famille
Sur le site du journal "La Voix de l'Est" du 2 mai 2012:
Selon ses proches, Chen Guangcheng a quitté l'ambassade des États-Unis mercredi sous le coup de menaces de représailles contre sa famille, qui aurait effectivement été renvoyée dans le Shandong (est) si le militant chinois des droits civiques s'y était maintenu, a reconnu Washington.
«La décision de Chen de quitter l'ambassade des États-Unis a été prise à contre-coeur à cause d'une menace contre les membres de sa famille rapprochée faite par le gouvernement chinois», a déclaré dans un communiqué Bob Fu, le président de l'association China Aid, citant «des informations de source fiable».
«Nous sommes très inquiets de ce triste développement si ces informations sur son départ involontaire de l'ambassade sont correctes», a réagi M. Fu, qui dit avoir reçu des appels du secrétaire d'État adjoint américain Mike Posner «réitérant l'engagement américain pour la sécurité et la liberté de la famille de M. Chen» pris par la chef de la diplomatie américaine Hillary Clinton.
Bob Fu ajoute que Chen Guangcheng «est actuellement admiré par le monde entier, ce qui va peut-être assurer sa sécurité à court terme, mais je crains ce qui pourrait se passer si le monde se désintéresse de son cas».
Zeng Jinyan, l'épouse du militant des droits de l'Homme Hu Jia, a quant à elle affirmé sur son compte Twitter que «Guangcheng ne voulait pas quitter l'ambassade, mais il n'avait pas le choix. S'il ne l'avait pas quittée,son épouse Yuan Weijing aurait immédiatement été renvoyée dans le Shandong.»
Mme Yuan «m'a dit: Jinyan, j'ai peur», a ajouté Mme Zeng, dont le mari Hu Jia est un proche ami de Chen Guangcheng.
«Ses interlocuteurs américains ont dit à M. Chen que des responsables chinois leur avaient indiqué que s'il choisissait de rester dans l'ambassade, sa famille serait renvoyée dans le Shandong et perdrait la possibilité de négocier une réunification», a reconnu dans un communiqué la porte-parole du département d'État Victoria Nuland.
Mais «à aucun moment un responsable américain n'a parlé à M. Chen de menaces juridiques ou physiques contre sa femme et ses enfants, et les responsables chinois ne nous ont pas formulé de telles menaces», a précisé Mme Nuland.
«À chaque fois qu'il en avait la possibilité, (Chen Guangcheng) a exprimé son désir de rester en Chine et de poursuivre sa formation et son travail pour réformer son pays. Tous nos efforts diplomatiques étaient destinés à le mettre dans la meilleure situation possible pour atteindre ses objectifs», a encore dit la porte-parole américaine.
L'avocat aveugle avait dénoncé la semaine dernière dans une vidéo les sévices qui lui ont été infligés, ainsi qu'à ses proches, durant sa résidence surveillée dans le Shandong (est).
Le secrétaire d'État adjoint américain Kurt Campbell, venu plus tôt que prévu à Pékin cette semaine pour dénouer l'affaire Chen Guangcheng, a également nié que Chen ait quitté l'ambassade sous la menace.
«J'étais là. Chen a pris la décision de quitter l'ambassade après avoir appris que sa famille était en sécurité et l'attendait à l'hôpital. L'ambassadeur (américain Gary) Locke lui a demandé deux fois s'il était prêt à partir. Il a dit Allons-y. Nous étions tous témoins de sa décision, il nous a donné l'accolade et nous a tous remerciés», a détaillé le responsable américain.
Afin de faire la lumière sur les circonstances du départ de M. Chen de l'ambassade, China Aid a appelé les gouvernements chinois et américain à publier les détails de leurs négociations sur son cas.
On peut remercier et se préparer à aller vers le sacrifice de sa vie, pour tenter de sauver sa famille. Ce "allons-y" signifiait-il qu'il était prêt à aller prendre sa croix?
Qui peut faire confiance au gouvernement chinois pour respecter les droits humains? Hilary Clinton et l'administration américaine seront directement responsables si le dissident contre la politique de l'enfant unique et sa famille étaient victimes de nouveaux sévices.