« Valeurs québécoises », avez-vous dit ?
Par l’historien Jean-Claude Dupuis, Ph. D. — Photo : Bouchecl/Wikimédia Commons
François Legault nous dit que le projet de loi 21 sur la laïcité incarne les « valeurs québécoises ». Mais l’on a rarement vu une mesure soulever autant d’opposition. Legault annonce à l’avance qu’il appliquera la disposition dérogatoire de la Charte canadienne des droits et libertés et qu’il imposera le bâillon parlementaire. C’est de l’artillerie lourde pour une loi qui est supposée répondre au consensus social.
De toute manière, Legault ne se préoccupe pas vraiment de l’opinion publique. Un sondage, commandé par la CAQ, montrait que les deux tiers des Québécois souhaitaient que le crucifix reste à l’Assemblée nationale. Il l’a tout de même enlevé [dans le futur*], sans doute pour plaire à Québec Solidaire. Et la gauchaille décadente a décidé, trois jours plus tard, de s’opposer à la loi sur la laïcité. Legault est un fin stratège !
Les protestations surgissent de toutes parts : l’opposition libérale, bien sûr, le Parlement fédéral, les organismes de défense des droits civils, les minorités ethniques, la communauté anglophone, les universitaires, les syndicats d’enseignants, les commissions scolaires. Le gouvernement cafouille. La vice-première ministre a dit que c’est la police qui appliquera la loi, comme toutes les autres lois. Les policiers ont-ils le temps d’enquêter sur les porteurs de médailles miraculeuses ? La ministre de la Justice a dû rectifier le tir en précisant qu’il ne s’agissait pas d’une loi criminelle ou pénale, mais d’une simple consigne administrative. Ce sont les directeurs d’école qui devront examiner la tenue vestimentaire des enseignants et des enseignantes. Beau climat de travail. Legault a reproché aux journalistes d’avoir « piégé » ses ministres. Je m’inquiète plus de l’incompétence de son gouvernement que de la malhonnêteté des médias.
Le débat est mal engagé. Il ne s’agit plus d’un choix entre la laïcité et la religiosité, mais bien d’un affrontement entre le Québec français et le Québec multiethnique. Personne ne semble s’intéresser à la religion dans cette affaire. Les commentateurs du Journal de Montréal soutiennent la loi 21 en disant que le Québec a le droit d’être distinct du Canada anglais. Ils font une comparaison idiote entre la loi 21 et la loi 101. Y a-t-il présentement au Québec une montée de l’intégrisme religieux qui puisse être comparée à l’influence de la culture anglophone ? On n’a jamais vu aucun juge, aucun policier, ni aucun procureur de la couronne porter un signe religieux visible. Quant aux enseignants qui en portent, on aurait de la difficulté à en trouver une centaine dans toute la province. Faut-il troubler la paix sociale pour un problème imaginaire qui a été créé de toutes pièces par la Commission Bouchard-Taylor ?
Je soupçonne la CAQ de vouloir récupérer à son profit un sentiment de xénophobie. La CAQ n’oserait pas critiquer ouvertement l’immigration massive par peur d’être accusée de « racisme ». Mais elle envoie subtilement un message anti-immigrationniste par le biais de la laïcité. Les partisans de la CAQ s’imaginent que la loi 21 va « remettre les musulmans à leur place ». Pour l’instant, il n’y a que le crucifix qui ait perdu sa place.
Si la présence de l’islam dérange au Québec, il faut interdire l’immigration musulmane. Mais si l’on accepte des immigrants musulmans, il faut respecter leur droit de pratiquer librement leur religion, surtout lorsque ça n’affecte pas, en pratique, leur travail d’employés de l’État.
Le bienheureux Charles de Foucault (1858-1916) reprochait à un Français laïcard d’Algérie de se moquer d’un musulman qui faisait sa prière : « Il est mieux que toi, car il honore son Dieu. Toi, tu ne respectes même pas le tien. »
*Le crucifix du Salon bleu de l’Assemblée nationale sera enlevé quand le projet de loi 21 sur la Laïcité sera voté.
Intéressante analyse de la charte de la laïcité (Laïcisme) antireligieuse
Sur le site de l'echodemaskinonge.com du 28 mars 2014 :
(Le Parti Québécois utilise actuellement la carte « Janette Bertrand », une stratégie qui risque de se retourner contre lui)
(Photo : Asclepias sur wikimedia.org, licence creative commons)
Ce n’est pas par amour du christianisme ou par absence de neutralité que cette tolérance leur a été accordée. C’est par stratégie politique, pour ne pas heurter la sensibilité des québécois qui ont encore un attachement à leurs racines religieuses. Cette tolérance n’est en fait, qu’une diversion pour endormir les catholiques. Dans les coulisses du pouvoir, Bernard Drainville leur réserve une belle boîte à surprise qui va se retourner contre eux. Pour adopter une charte des valeurs comme celle qu’il nous propose, il faut adopter un modèle de laïcité qui va permettre l’adoption de cette charte. Ce modèle de laïcité importé de la France n’est pas neutre. C’est une laïcité falsifiée, faussée, qui confond laïcité et sécularisation. Dans une société sécularisée, il n’est pas possible de faire ceci ou cela, de porter ceci ou cela, ce qui est totalement anormal,ce n’est plus de la laïcité, mais quelque chose qui comporte des éléments d’un athéisme d’État. (...)
Ce modèle de laïcité peut facilement devenir un outil de répression contre toutes les religions.
Excellent article sur la « montée » de l'intégrisme religieux au Québec dans le journal Le Soleil
Sur le site du journal Le Soleil du 18 mars 2014 :
(Le Québec a une tradition de pacifisme qui lui vient de ses racines chrétiennes)
(Photo : tango7174 sur wikimedia.org, licence creative commons)
(...)Mais quatre indicateurs indirects suggèrent très fortement que la soi-disant «montée» n'existe pas.
D'abord, s'il y avait de plus en plus de musulmans qui faisaient une lecture très rigide du Coran, cela se refléterait dans leurs demandes d'accommodements raisonnables, qui deviendraient à la fois plus nombreuses et plus tatillonnes. Or, le juriste et spécialiste des accommodements de l'Université Laval Louis-Philippe Lampron n'a rien vu de tel au cours des dernières années. En fait, dit-il, les demandes d'accommodements religieux proviennent principalement de la majorité chrétienne. (...)
Et la majorité chrétienne sera pénalisée pour des craintes produites par une imagination politique très fertile en période électorale...
Lise Ravary revient sur le cas de la candidature de Louise Mailloux au Parti Québécois
Sur le site du Journal de Montréal du 12 mars 2014 :
(rassemblement du ku klux klan dans les années 1990 aux États-Unis)
(photo : MarkGregory007 sur wikimedia.org, licence creative commmons)
(...)J’ai sous les yeux un vieux dépliant diffusé par les Chevaliers du Ku Klux Klan pour avertir les Québécois que «nous sommes obligés de payer des millions de dollars, sans notre consentement, pour satisfaire des demandes imposées par les Juifs pour des produits kasher.»
Ce canular de la taxe religieuse a été déboulonné par de grands producteurs alimentaires d’ici et d’ailleurs et démenti par le gouvernement fédéral. Mais depuis Bouchard-Taylor, il a repris du service.
En partie grâce à la candidate du PQ dans Gouin, Louise Mailloux, qui va même jusqu’à adjoindre des stéréotypes raciaux à cette odieuse théorie d’une supercherie juive mondiale.
Dans l’Aut’ Journal, l’organe du SPQ-Libre dont elle fut l’administratrice, elle écrivait en 2012: «Dans les simagrées du rabbin bénissant le Coke, les frites, le sel et la mayonnaise, Dieu est partout et Il «cash» sur tout. Ding, ding, ding! Vous imaginez la supercherie, se faire payer pour bénir des bouteilles de Coke! Il y a même des rabbins qui font un camion d’une seule traite. C’est plus payant, et ça permet de bénir le camion en même temps». (...)
Le Parti Québécois ne peut avoir accepté la candidature de Louise Mailloux sans révéler un profond mépris pour les religions autres que le laïcisme (matérialisme athée). La candidature de Louise Mailloux est inacceptable.
La chroniqueuse Lise Ravary commente l'arrivée de la candidate Louise Mailloux au Parti Québécois
Sur le site du Journal de Montréal du 8 mars 2014 :
(Cégep du Vieux-Montréal où enseigne Louise Mailloux)
(Photo : khayman sur wikimedia.org, licence creative commons)
Et voilà que le PQ annonce la candidature de Louise Mailloux, l’auteur de La laïcité, ça s’impose, dans Gouin, face à Françoise David.
Son livre, cité à gauche et à droite, n’est pas un essai sur la laïcité, mais un pamphlet venimeux, une charte à fond de train contre la religion, toutes les religions. Pour quelqu’un qui enseigne la philosophie au niveau collégial, madame Mailloux pense avec ses viscères et non pas avec sa tête quand elle parle de religion et même de spiritualité.
La nuance, elle ne connaît pas. Sa spécialité c’est l’attaque frontale, le raccourci intellectuel, l’exagération grossière et un mépris affiché pour quiconque entretient la moindre ouverture pour le phénomène religieux ou spirituel, y compris du point de vue culturel.
La « neutralité » religieuse du Parti Québécois est un rouleau compresseur des religions pour ne laisser place qu'à un musée des religions et à un matérialisme athée pratiqué en public. Louise Mailloux reflète parfaitement le type de « laïcité » que veut développer le Parti Québécois.
La charte de la laïcité du Parti Québécois doit être combattue par toute personne respectueuse de la liberté
(« Moi, je ne crois pas en Dieu. Je ne crois pas en un au-delà. Je ne crois pas aux dieux traditionnels. Il y a sûrement quelque part une force qui nous dépasse, mais je crois que ça s'arrête quand on meurt. » Pauline Marois cité dans Paroles de femmes, éd. Québec Amérique, 2003, p.174)
Capture d'écran faite par l'utilisateur Samounet. )
Pauline Marois veut interdire le port de signes religieux dans la fonction publique. Certains aimeraient l’obliger à porter un signe indiquant son athéisme qu’elle affiche publiquement. Deux positions absurdes qui s’attaquent à la liberté de conscience et de religion. Deux positions qui n’ont rien à voir avec la laïcité qui est neutralité, tant que soit possible et juste, de l’État.
L’expression visible ou la discrétion sur ses croyances relève de la liberté de chacun. Et considérer qu’un signe exprimant son appartenance religieuse soit, en soi, négatif, marque déjà un préjugé à l’encontre des croyants et de la foi en général : la visibilité de la foi serait en elle-même une tare que l’on tolère dans la rue, mais que le gouvernement ne peut accepter dans ses institutions parce que le signe religieux en lui-même serait une agression pour celui qui le voit.
Le gouvernement donne ici une signification prosélyte au signe religieux. Ce qu’il n’est pas. Le croyant qui porte un signe ne pense pas pouvoir forcer quiconque à se convertir à sa religion. La laïcité ne saurait taire les valeurs qu'il tente de communiquer par ce qu'il porte.
Le laïcisme, oui. Parce que le laïcisme se fonde sur la réaction outrée de fanatiques qui ne peuvent accepter que quiconque manifeste des croyances religieuses autres que les siennes. Et, cela est triste à dire, mais c’est la réalité, on retrouve ce type de fanatisme au Québec principalement chez les croyants de religion athée ou chez les agnostiques.
Plus que l’intégrisme musulman, le Québec est étouffé par un intégrisme athée et matérialiste. C’est le principal danger religieux qui guette le Québec.
On le voit avec cet individu du mouvement laïque québécois qui veut empêcher un conseil de ville de réciter une prière, dans le désir de retirer le crucifix de l’Assemblée nationale, dans cette volonté de faire disparaître la musique de Noël et l’interpellation même de Joyeux Noël de la vie des 83 % de chrétiens qui constituent la population québécoise.
Ces manifestations d’intolérance bornée proviennent de la mouvance « mouvement laïque québécois ». Et c’est cette mouvance venue d’un autre âge qui inspire le texte de la charte des valeurs québécoises.
Et ici, je voudrais faire prendre conscience à plusieurs chrétiens que le débat repose sur le port d’un signe identifiant une appartenance religieuse, et non pas sur la question d’une représentation par l’image du Christ.
Parce que certains éprouvent de la sympathie pour cette mesure qui empêcherait la représentation du Christ sur la croix, qu’ils proscrivent selon leur interprétation de la Bible.
Il faut rappeler que l’interdiction de la charte de la laïcité repose sur le signe, l’identifiant, et que ce signe qui pourrait être tout à fait acceptable pour certains serait lui aussi interdit dans toute la fonction publique, que le fonctionnaire travaille auprès du public ou pas. Et que cette interdiction donne le message gouvernemental que le signe religieux est un mal en soi que l’État ne peut accepter dans ses bureaux, mais qu’il est possible de tolérer dans la rue…
Ce n’est pas un hasard si de nombreuses agressions verbales envers les croyants visibles ont eu lieu après le début du débat. Les fanatiques considéraient alors que l’État justifiait leur animosité envers les croyances religieuses autres que le matérialisme.
La charte de la « laïcité » contrevient donc à la laïcité qui est impartialité dans la mesure du possible de l’État par rapport aux différentes religions et non pas l’imposition d’une religion, le matérialisme athée, se pratiquant par une absence de toute référence à la transcendance, et dans sa forme intégriste, par l’interdiction de ces références.
La première ministre Pauline Marois en a fait une démonstration éloquente en témoignant de la fierté que lui apportait son athéisme, tout en voulant interdire les manifestations d’autres religions chez les fonctionnaires de l’État.
Non, appuyer la charte de la « laïcité » n’est pas possible pour un chrétien, ni même pour quiconque veut respecter la Déclaration des droits de l’homme :
Article 18
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.
Article 19
Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.
Article 21
1. Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis.
2. Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays. (...)
Si le président Obama a le droit de demander que « Dieu bénisse l’Amérique », pourquoi un fonctionnaire, dans un pays reconnaissant la suprématie de Dieu, ne pourrait-il pas indiquer son amour de Dieu? Et en quoi cela pourrait-il être dangereux?
Si la sécurité et l'éthique sont respectées, le port d’un signe religieux ne peut être un problème que pour les fanatiques partisans du laïcisme, les partisans d’une charte de la « laïcité » qui ne respectera l’expression pratique que d’une seule religion : le matérialisme athée de Pauline Marois.
Voilà une raison supplémentaire, en plus du danger du retour de l'euthanasie, de ne pouvoir voter, même si l'on est souverainiste, pour le Parti Québécois.
Pour une réflexion complémentaire sur la restriction des droits relligieux par des députés québécois, cliquez ici.