Interview de Régis Anouilh rédacteur en chef d'Églises d'Asie, sur les avortements forcés en Chine
Un article paru sur le site de Familles Chrétiennes du 29 juin 2012:
(Deng Xiaoping)
(...)Feng Jianmei, une jeune femme de 27 ans, gît aux côtés de son enfant avorté de 7 mois. Elle avait refusé de payer l’amende de 40000 yuans – 4 ans de salaire — infligée par le planning familial pour avoir enfreint la règle de l’enfant unique. Selon le récit de son mari, un commando de cinq hommes, après l’avoir attachée, lui a injecté de force un poison pour tuer le fœtus, puis l’a obligée à signer un document certifiant qu’elle avortait de son plein gré. Trois jours plus tard elle accouchait d’un enfant mort-né. Interview de Régis Anouil, rédacteur en chef d’Églises d’Asie.Cette affaire vous étonne-t-elle ?Non, cette affaire n’est pas étonnante. Ce qui est nouveau, c’est la publicité donnée à cette histoire par Internet. Des images ont été diffusées. Le poids de la réalité, lui, est là depuis des années.Un chiffre circule : en 2005, 7 000 femmes auraient été stérilisées ou avortées de force dans le district de Shandong…Les statistiques sont totalement invérifiables. La Chine est un pays immense, de 1,4 milliard d’habitants. La politique antinataliste, décidée au niveau central, est appliquée au niveau local par le planning familial. Au niveau de chaque province, de chaque district, de chaque village, il y a une unité du planning familial. Si au niveau local, des naissances hors quota surviennent, les fonctionnaires du planning familial encourent des sanctions. Si les quotas sont atteints, ils seront promus – c’est le mode de fonctionnement de l’administration en Chine. Ils utilisent donc toutes les méthodes, y compris des avortements forcés, pour obtenir les « bons » résultats. En faisant pression sur les familles, en donnant des amendes, ils perçoivent l’argent qui les fait vivre. C’est ainsi qu’est financé le Planning familial.Quand cette politique de l’enfant unique a-t-elle été mise en place ?Il y a trente ans. (Du temps de Mao il n’en est pas question : un enfant c’est deux bras et deux jambes, c’est un outil de travail, de puissance). Lorsque Deng Xiaoping met en place la politique d’ouverture économique, il estime que l’un des obstacles au développement de la Chine, c’est sa croissance démographique excessive. Les Chinois ont alors recours à des experts internationaux, y compris des cabinets américains, qui leur disent en substance : il y a deux façons de limiter la démographie : mettre en place un système de protection sociale, avec des retraites, ce qui incite à avoir moins d’enfants car on sait que ses vieux jours seront assurés ; ou alors réduire les naissances de façon coercitive. Ils ont choisi la deuxième solution. Le coût humain est considérable, bien entendu. On n’en parle jamais en Chine car l’expression n’est pas libre. C’est pour cette raison que la photo de la jeune femme sort aujourd’hui.(...)
"Battez les traîtres à la nation", ceux qui veulent avoir plus d'un enfant en Chine, et le disent publiquement...
Le mari de Feng Jiangmei est toujours disparu. Les autorités locales auraient subi des représailles pour l'avortement forcé, mais dans la rue des manifestants protestent contre la mauvaise image de la Chine que ces mauvais patriotes, ce couple voulant plus d'un enfant, a donnée. Vous pouvez écouter le reportage Catherine Mercier de Radio-Canada du 27 juin 2012 en cliquant ici.
Le mari de Feng Jiangmei, la Chinoise forcée à avorter au 7e mois de sa grossesse, a disparu...
Sur le site du journal La Presse du 26 juin 2012:
(Feng Jiangmei, épouse de Deng Jiyuan, et son enfant avorté de force)
L'époux d'une Chinoise forcée à avorter à sept mois de grossesse, une affaire qui a scandalisé l'opinion en Chine, a disparu, a annoncé mardi un proche en faisant état du harcèlement quotidien que vie cette famille.
Feng Jiangmei, déjà mère d'un enfant, avait été forcée à avorter faute de pouvoir payer les 40 000 yuans (6260 $) d'amende pour non-respect de la politique de l'enfant unique.
Une photo la montrant sur son lit d'hôpital, son foetus ensanglanté auprès d'elle, avait entraîné une avalanche de commentaires outrés des internautes à la mi-juin.
Son mari, Deng Jiyuan, a disparu depuis dimanche, a annoncé un proche à l'AFP. « La dernière fois que je l'ai vu, il est parti en disant qu'il devait aller voir un responsable qui voulait le rencontrer », a dit cette personne sous couvert de l'anonymat. « On ne l'a pas revu ».
Mardi toutefois, Deng a appelé sa famille, mais sans toutefois dire où il se trouvait ni s'il allait rentrer chez lui. (...)
Et les autorités chinoises continueront d'affirmer qu'elles sont scandalisées par cet avortement forcé, qui ne respecterait pas les lois... Deng Jiyuan avait probablement trop parlé...
La Chine reconnaît l'avortement forcé...
Sur le site de Yahoo du 14 juin 2012:
Les autorités chinoises ont confirmé jeudi qu'une femme avait été obligée d'avorter à sept mois de grossesse, après avoir promis de faire toute la lumière sur cette affaire qui a provoqué une avalanche de réactions indignées.
La photo sur l'internet de Feng Jianmei, montrant la jeune femme sur son lit d'hôpital, son foetus sanguinolent auprès d'elle, a entraîné de nombreux commentaires outrés des internautes chinois ces derniers jours.
Des associations de défense de droits de l'Homme de la province septentrionale du Shaanxi avait expliqué que Feng, déjà mère d'un enfant, avait été forcée à avorter, faute de pouvoir payer les 40.000 yuans (4.880 euros) d'amende pour non respect de la politique de l'enfant unique.
Les autorités du Shaanxi ont annoncé dans un communiqué jeudi que l'enquête préliminaire avait confirmé que cette affaire était "pour l'essentiel vraie" et que les enquêteurs avaient recommandé des sanctions contre les responsables -- non désignés -- de cet avortement forcé.
"Il s'agit d'une violation sérieuse de la politique de la Commission de la population et du planning familial qui porte atteinte au travail de contrôle de la population et a provoqué un malaise dans la société", a déclaré le gouvernement provincial sur son site, assurant que les avortements tardifs étaient proscrits depuis 2001.
Les autorités du district de Zhenping, où a eu lieu l'avortement forcé, s'étaient auparavant engagées à "une enquête transparente" menée par une commission spéciale.
Une annonce postée précédemment sur le même site, qui assurait que Feng avait consenti à l'avortement, ce qu'un de ses proches avait démenti auprès de l'AFP, avait été effacée jeudi.
Un responsable de la Commission nationale de la population et du planning familial, a indiqué de son côté, sous couvert de l'anonymat, que la Commission considérait cette affaire comme "sérieuse" et que l'enquête avait été ouverte au plus haut niveau.
Les internautes ont été très nombreux à exprimer leur indignation, comparant même les responsables de l'avortement forcé aux nazis ou aux féroces "diables japonais" de la guerre sino-japonaise.
Les avortements forcés sont très fréquents en Chine, pays le plus peuplé de la planète avec 1,34 milliard d'habitants qui a mis en place une politique drastique de limitation des naissances à la fin des années 1970.
En règle générale, les Chinois dans les villes peuvent n'avoir qu'un enfant et ceux des campagnes deux lorsque le premier est une fille.
Le militant aveugle des droits civiques Chen Guangcheng, qui a pu partir aux Etats-Unis le mois dernier après un mois de crise, a été emprisonné plusieurs années après avoir dénoncé des centaines de cas dans sa province du Shandong (nord-est).
Tant qu'il y aura cette stupide politique de l'enfant unique, approuvée par les États-Unis et les Nations-Unies, il y aura des avortements forcés. Ce gouvernement chinois est hypocrite et barbare, le dissident Chen Guangcheng a été prisonnier des années pour avoir dénoncé ces avortements et stérilisations forcées.
Des témoignages sur les avortements et stérilisations forcés en Chine
Sur le blog de Jeanne Smits du 30 avril 2012, cette information:
(Ji Yequing)
Ainsi, aujourd'hui, c'est un média du poids de CNN qui consacre un article au sujet, au lieu qu'il soit cantonné comme à l'ordinaire aux médias indépendants (et pauvres !) qui sont le plus souvent les seuls à en parler.
Ashley Hayes raconte l'histoire de Ji Yequing, enceinte – contrairement aux ordres gouvernementaux – de son deuxième enfant. Elle et son mari attendaient cette nouvelle naissance avec joie et impatience. Mais les autorités en ont eu vent, et c'est de force qu'elle a été traînée vers une clinique, non sans avoir battu son mari pour l'empêcher de lui venir en aide, puis maintenue plaquée sur un lit où elle a subi un avortement forcé.
Elle en a témoigné en septembre devant le Congrès aux Etats-Unis où elle a, depuis, trouvé asile. Racontant le « vide » abominable qu'elle avait ressenti : « Tout cet espoir, cette joie, cette attente heureuse avaient disparu. J'étais déprimée, triste. Pendant très longtemps, chaque fois que je pensais à mon enfant perdu, je pleurais… »
Ji Yeqing allait être soumise à un deuxième avortement forcé en 2006, trois ans après le premier, alors même qu'elle et son mari avaient déclaré qu'ils acceptaient les amendes et les sanctions (la perte de leur emploi) prévus si la jeune femme devait accoucher d'un deuxième enfant. Tout s'est terminé par un divorce, son mari d'alors lui reprochant de ne pas pouvoir lui donner un fils.
CNN rapporte d'autres cas particulièrement atroces d'avortements tardifs, dont un pratiqué à neuf mois où le bébé, né vivant, a été aussitôt noyé. Une image qui a fait le tour de Twitter en Chine.
Une autre femme témoignant devant le Congrès, Liu Ping, a subi cinq avortements forcés entre 1983 et 1990 avant de se voir implanter de force un dispositif intra-utérin. Elle devait alors se rendre dans la clinique de son usine tous les mois pour vérifier qu'elle n'avait pas ôté le stérilet et n'était pas enceinte : ayant raté une de ces visites en raison de la maladie de sa mère, en phase terminale, elle avait été agressée à son retour chez elle par des agents de la commission de planning familial qui l'ont battue : en chutant, Liu Ping s'est cassé deux vertèbres. Une tentative de suicide devait suivre, stoppée par ses proches : c'est ensuite seulement qu'elle a pu obtenir l'asile aux Etats-Unis et se réconcilier avec son mari dont elle avait divorcé.
La Chine connaît un taux de suicide féminin exceptionnellement élevé : 500 par jour. C'est aussi le seul pays au monde où le nombre de suicides féminins est plus important que celui des hommes.
Est-ce qu'Hilary Clinton parlera de "ça" avec les autorités chinoises?
Chen Guangcheng, le militant contre la stérilisation et l'avortement forcé en Chine réfugié à l'ambassade américaine
Si seulement il pouvait faire réfléchir les autorités américaines dans leur appui aux campagnes de contrôle des populations, par l'entremise de l'ONU. Par mesures de représailles, les autorité chinoises ont arrêté l'ami de Chen, le militant Hu Jia. Le journal Le Devoir du 30 avril 2012 nous apporte cette nouvelle:
Le militant des droits de l’homme Hu Jia a été arrêté par la sécurité d’État chinoise, a rapporté hier l’épouse de cet ami de l’avocat Chen Guangcheng, dont le refuge dans l’ambassade des États-Unis en Chine menace, s’il est confirmé, d’ouvrir une crise diplomatique entre Washington et Pékin.
Zeng Jinyan a rapporté la détention de Hu Jia pour interrogatoire dans un commissariat de l’est de la capitale chinoise dans la nuit de samedi à hier sur son compte Twitter.
Quelques heures auparavant, M. Hu avait déclaré à l’AFP qu’il pensait que Chen Guangcheng se trouvait à l’ambassade américaine à Pékin. Une photo montrant Hu souriant en compagnie de Chen, portant comme toujours des lunettes noires, a d’autre part été diffusée samedi.
Célèbre pour sa lutte en faveur des droits de l’Homme, des victimes du sida ou de l’environnement, Hu Jia avait été libéré en juin 2011 après avoir purgé plus de trois ans de prison pour «tentative de subversion du pouvoir».
Surnommé l’«avocat aux pieds nus», Chen Guangcheng s’est surtout battu contre les pratiques abusives de stérilisation de milliers de femmes et d’avortements tardifs et forcés.
Nicolas Bequelin, de l’organisation Human Rights Watch, a estimé sur son compte Twitter qu’il y avait peu de chances pour que Hu Jia soit libéré avant qu’une solution ait été trouvée pour Chen Guangcheng, lequel a interpellé dans une vidéo le Premier ministre Wen Jiabao sur les mauvais traitements qui lui ont été infligés.
L’évasion de Chen dans des circonstances non encore élucidées et son possible refuge à l’ambassade américaine constitue une source d’embarras pour Pékin et Washington, avant la venue prévue les 3 et 4 mai dans la capitale chinoise de la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton et du secrétaire au Trésor Timothy Geithner, pour un «dialogue stratégique et économique» entre les deux pays.