Billet de blogue d’Augustin Hamilton (Campagne Québec-Vie) — Photo : Gage Skidmore/Flickr
Encore récemment on avait appris que Donald Trump, président des États-Unis, avait contracté le covid-19, puis en avait été guéri avec un assortiment de médicaments dont le remède expérimental REGN-COV2 produit par la compagnie Regeneron Pharmaceuticals — on ne sait en quelle mesure ce produit en particulier aura participé au rétablissement du président. Ce remède, et les autres utilisés, est promu par Trump qui rêve de le rendre gratuit pour la population américaine et pourrait donc devenir une forme de soin largement employé contre le coronavirus, bien qu’il en existe d’autres — mais vous savez ce que c’est, l’hydroxycloroquine par exemple, ce vieux médicament, a tellement été diabolisé.
Le REGN-COV2 soulève cependant quelques difficultés morales, le développement de celui-ci comprenant l’usage d’un test d’évaluation biologique dérivé d’une lignée cellulaire issue d’un bébé avorté dans les années 70, le HEK293T, selon Catholic News Service (CNS) :
REGN-COV2 est le résultat de recherches minutieuses menées depuis les années 70, qui ont débuté avec une lignée cellulaire connue sous le nom de HEK293, dont l’origine communément admise est un fœtus avorté. Les cellules HEK293 sont largement utilisées dans la recherche médicale.
Au fil des ans, les chercheurs ont transformé la lignée cellulaire en ce qui est aujourd’hui connue sous le nom de HEK293T, ce qui permet de dire qu’il ne s’agit plus d’un tissu fœtal.
Je ne suis pas très bien l’auteur de ces lignes, si la lignée cellulaire extraite d’un bébé avorté a subi des transformations, des modifications, il doit bien rester une bonne part de ce qui était typiquement humain dans les cellules, ce sont sans doute des cellules humaines modifiées, mais des cellules encore en partie humaines ; aussi, de là à dire qu’il ne s’agit plus de tissu fœtal, il y a un grand pas.
Toutefois, la question ne repose pas sur cet aspect, qu’il s’agisse d’une lignée cellulaire extraite d’un bébé avorté ou d’une lignée cellulaire issue d’une lignée cellulaire dérivée d’un bébé avorté cela n’a pas une grande importance, car la question morale reste la même : il s’agit d’un produit provenant d’un acte pervers.
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Père Tadeusz Pacholczyk, directeur de l’éducation et éthicien au Centre national catholique de bioéthique, indique que l’usage du HEK293T est très répandu dans la recherche pharmaceutique, d’après CNS :
Ses préoccupations viennent cependant de ce que les chercheurs utilisent un outil d’évaluation biologique, se fondant sur la lignée cellulaire HEK293 issue à l’origine d’un avortement, sur REGN-COV2. L’outil, développé il y a des années, a permis à Regeneron de déterminer quels anticorps développés pourraient être les plus efficaces contre le COVID-19, souligna-t-il.
« Il est regrettable que ces outils de test, ayant été développés par des chercheurs qui ne sont pas de la compagnie Regeneron, provenant de lignées cellulaires fœtales issues d’avortements », déclara le père Pacholczyk. « Ce fait nous rappelle combien la mentalité abortive a infiltré tous les secteurs de notre société, y compris de nombreux secteurs de la recherche et du développement pharmaceutiques. L’église proteste depuis longtemps contre ce fait et encourage l’utilisation d’autres ressources ».
Le Père dominicain Nicanor Austriaco, professeur agrégé de biologie et de théologie au Collège Providence, « soulève la question portant sur le cas d’une personne bénéficiant d’un “acte malfaisant” passé — l’avortement — et si une telle “appropriation du mal est moralement justifiable” », rapporte CNS. Parler d’« appropriation du mal » est une expression malheureuse, on devrait plutôt parler de bénéfices tirés d’effets neutres en soi d’un acte immoral, et d’un acte dans lequel on n’a aucunement été impliqué. Soulignons entre autres qu’il n’approuve en rien l’avortement dans son raisonnement, mais étudie plutôt la question suivante : il y a eu un avortement, on a produit un outil dérivé de cet avortement, peut-on l’utiliser ? L’article de CNS continue :
Le père Austriaco aborda le concept de raison grave et proportionnée comme justificatif de l’acceptation des bénéfices d’un acte tel que l’avortement. Il écrit que « si l’appropriation de l’acte malfaisant passé ne contribue pas à des actes malfaisants futurs, elle pourrait être justifiée par une raison grave et proportionnée ».
Notant que certaines personnes peuvent s’opposer à l’emploi des traitements, dont les vaccins, qui peuvent être développés grâce à la lignée cellulaire HEK293 originale, même si cela est justifiable d’un point de vue éthique, le père Austriaco affirma qu’elles ont le droit de refuser de tels choix médicaux.
« Cependant, la société a également le droit, et même l’obligation morale, de protéger ses citoyens contre la maladie et la mort. Par conséquent, la justice exige que nous équilibrions ces intérêts contradictoires dans nos communautés », fit-il remarquer.
Ceux qui ne se font pas vacciner en raison de leurs préoccupations morales devraient également s’attendre à se voir interdire l’accès aux espaces publics tels que les écoles, les restaurants, les centres commerciaux et les aéroports « où ils peuvent involontairement attraper ou propager la maladie », écrit-il.
Que conclurais-je ? C’est que le médicament promu par Trump ne peut être administré que sous certaines réserves, comme pour l’usage d’une personne vraiment malade ou fortement fragile (mais je ne suis pas philosophe, aussi les restrictions pourraient-elles être autres), s’il n’existe pas un autre médicament efficace n’ayant pas été fabriqué dans des circonstances semblables (car ils doivent être nombreux)… Il est important de souligner que personne ne peut être moralement obligé d’accepter des médicaments ou des vaccins développés en partie grâce à une lignée cellulaire dérivée d’un bébé avorté, et que l’État ne peut donc pas les imposer à la population.
Maintenant, quand est-il du rapport de ces produits avec le coronavirus ? À mon sens, un vaccin (par exemple) développé de la sorte ne pourrait même pas être licitement moral pour l’usage de la population, ou du moins la grande majorité de celle-ci, et serait encore moins imposable, pas plus que la limitation de mouvement reliée à la non-prise d’un tel vaccin ne serait pertinente ; car enfin il s’agit d’« un virus respiratoire plutôt comme la grippe saisonnière ... probablement pas plus dangereux que la grippe saisonnière », comme le signalait judicieusement le président du CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, le Dr Lawrence Rosenberg, également chef des services chirurgicaux à l’Hôpital général juif de Montréal.
Il faut également souligner l’importance de renforcer l'aspect moral de la recherche scientifique et l’importance d’éviter les outils teintés du sang versé.
Quant à Trump, s’agirait-il d’un faux pas ? Il n’en demeure pas moins l’un des présidents les plus pro-vie des États-Unis, qui a grandement limité le financement fédéral pour les recherches sur les tissus fœtaux et qui lutte contre de farouches adversaires pro-avortement, athées, menteurs, calomniateurs, homicides, puissants, bref, prêts à tous.