Dans les semaines qui viennent, je publierai des extraits de mémoires contre l'euthanasie et le suicide assisté qui ont été soumis à la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité (CSMD). La date bûtoire pour soumettre un mémoire ou pour répondre au questionnaire étant révolue (il fallait répondre pour le 16 juillet), il nous reste qu'à attendre les dates pour les audiences publiques, dates qui seront publiées vers la mi-août. Entre temps, examinons pourquoi l'euthanasie et le suicide assisté sont des menaces pour le Québec.
Je donnerai quelques notes biographiques des auteurs mais je retiendrai leurs nom.
La semaine dernière nous avons publié un extrait de mémoire d'un infirmier licencié à la retraite. Cette semaine nous publions la deuxième partie de son mémoire, où il répond à chaque question du "document de consultation" biaisé de la CSMD.
Présentation de l'auteur
L'auteur est un infirmier licencié à la retraite. A été infirmer à plein temps de 1980 à 1997. Obtient un Certificat en Gérontologie de l’Université du Québec à Hull en 1995. Travaille à la défense et à la promotion de la vie humaine sur une base bénévole depuis 1997.
Réponses aux questions trouvées dans le document de consultation de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, Mai 2010 (Questions : Pages 21 et suivantes)
1. Existe-t-il des situations où il est justifié de recourir à la pratique de l’euthanasie ? Avez-vous des expériences à partager à ce sujet ?
- À mon avis il n’est jamais justifié de recourir à la pratique de l’euthanasie. Ma mère a vécu de nombreuses années sur la fin de sa vie avec la maladie d’Alzheimer qui a été insidieuse et terrible. Elle a fini ses jours à l’âge de 97 ans dans un CHSLD. Cependant, il n’a jamais été question de la faire euthanasier. Nous avions trop de respect et d’amour pour elle. Cette seule pensée si elle avait été exprimée par quelqu’un de l’entourage ou de la famille aurait été refusée énergiquement.
2. L’euthanasie pourrait-elle être considérée, dans certaines situations, comme faisant partie des soins appropriés en fin de vie ?
- Je suis un infirmier diplômé à la retraite et jamais dans l’enseignement et la formation que j’ai reçus n’a-t-il été question de considérer l’euthanasie comme un soin et encore bien moins comme un soin approprié. J’ai aussi obtenu un certificat en gérontologie et cette éventualité n’a jamais non plus été évoquée. L’enseignement allait dans le sens de comprendre et accepter la personne vieillissante comme une personne qui devient plus vulnérable en raison du phénomène naturel du vieillissement et des soins à donner en conséquence. Dans ma pratique comme infirmier échelonnée sur une période de 21 ans dans le domaine de la psychiatrie, il n’a jamais été question d’euthanasie.
3. Êtes-vous pour ou contre la légalisation de l’euthanasie et pourquoi ?
- Je suis contre la légalisation de l’euthanasie. Je trouve odieux d’envisager de donner la possibilité légale à quelqu’un de tuer quelqu’un d’autre. Le simple fait d’envisager cette possibilité dénote un grave manque de respect et de considération pour la vie humaine. C’est, à mon avis, se donner un pouvoir indu et abusif.
4. Dans les États qui ont légalisé l’euthanasie, les demandes d’aide à mourir doivent répondre à un certain nombre de critères. Si l’euthanasie était légalisée ici, quels critères serait-il essentiel de retenir en ce qui a trait aux éléments suivants ?
Qui pourrait demander l’euthanasie ?
- On aura beau prétendre vouloir encadrer ou baliser les cas où l’euthanasie serait permise, l’expérience concrète des pays qui ont légalisé l’euthanasie démontre qu’il est impossible de rendre raisonnable ce qui ne l’est pas. Tuer son semblable pour quelque motif que ce soit ne sera jamais acceptable au strict plan humain et à plus forte raison si on considère d’autres aspects de la réalité humaine comme la dimension morale et spirituelle.
Âge de la personne
- Le simple fait d’envisager que l’euthanasie pourrait être acceptable à certains âges est en fait en faire la promotion, car même des personnes mineures pourraient peut-être se prévaloir de ce qui serait devenu un droit. Au nom de la non-discrimination, ils pourraient eux aussi réclamer ce droit.
Aptitude de la personne
- Cet aspect de la question fait ressortir tout le relativisme qui entoure la possible légalisation de l’euthanasie.
État de santé
- Les demandes d’euthanasie devraient être prises en considération comme des demandes d’appel à l’aide. Ce devrait être un signal d’alarme pour l’équipe soignante à l’effet que nous ne sommes peut-être pas parvenu à comprendre la détresse réelle que vit cette personne ? Ou encore, ce peut être un signe de dépression chez la personne malade ?
La personne qui est en situation de mort imminente et inévitable n’a pas besoin qu’on l’achève au plus vite, mais elle a besoin de compassion et d’accompagnement dans ses derniers moments. Il en est de même pour la personne qui est en phase terminale de sa maladie, quelle que soit la sorte de maladie ou d’accident. La personne en fin de vie a grandement besoin de sentir le support, la considération et l’amour de ceux qui sont présents lors de ses derniers moments.
Elle n’a certainement pas besoin de savoir ou de sentir qu’on pourrait se débarrasser d’elle légalement à tout moment sur la fin de sa vie en fin de parcours ?. Pourrait-il exister un meilleur moyen de la précipiter dans une dépression des plus amères où elle se sentirait rejetée par ses semblables alors que dans ce moment ultime de sa vie elle aurait tant besoin d’eux et d’elles ?
Qui pourrait pratiquer l’euthanasie et où ?
Par qui ?
- Autoriser les médecins à pratiquer l’euthanasie discréditerait la profession médicale et ruinerait la confiance des patients envers les médecins, surtout pour les personnes âgées. Si on s’avisait à étendre cette pratique à d’autres catégories de professionnels, on risquerait de miner la confiance des patients envers tout le personnel soignant.
Où ?
- Si l’euthanasie était pratiquée à l’hôpital, les gens craindraient d’aller à l’hôpital de peur d’être euthanasié. L’image que l’on se ferait de l’hôpital serait gravement affectée, car pour beaucoup de personnes cet endroit deviendrait suspect ne sachant pas si on y retrouverait les soins et la santé ou bien la mort.
Cet état de fait serait d’autant plus inquiétant pour les personnes placées dans les centres d’hébergement de soins de longue durée ainsi que pour leur famille.
Les soins palliatifs, étant les soins de derniers recours pour aider une personne à vivre et à mourir dans la dignité avec le support et la compassion nécessaire, seraient totalement faussés en y juxtaposant la possibilité de l’euthanasie. Déjà à l’heure actuelle, certaines personnes ne savent pas très bien ce que sont les soins palliatifs et il règne dans leur esprit une grande confusion à l’effet que les soins palliatifs sont plus ou moins un mouroir. Cette perception négative serait renforcie par la légalisation de l’euthanasie et les vrais soins palliatifs perdraient leur véritable signification.
Ouvrir la porte à l’euthanasie à domicile serait tout comme se résigner à l’avance aux abus et dérives les plus invraisemblables.
Quelle procédure devrait être suivie ?
Demande
- Légaliser l’euthanasie ouvrirait la porte à toutes sortes de demandes et de dérives inimaginables. Toute demande d’euthanasie de la part d’un patient devrait être considérée comme le cri d’une personne qui a besoin d’aide et le personnel soignant devrait se sentir interpellé à secourir cette personne et à l’aider à donner un sens à sa vie, malgré la maladie et la souffrance, en soulageant le patient par tous les moyens à sa disposition. Donner la mort au patient ne sera jamais une solution conforme à la dignité humaine, même si l’euthanasie devenait légale.
Avis des médecins
- Un médecin consciencieux ne devrait pas se montrer disponible à pratiquer l’euthanasie et il devrait s’opposer à sa légalisation. De plus, advenant que l’euthanasie serait légalisée il devrait pouvoir s’objecter consciencieusement à une participation quelconque de près ou de loin à ce qui est si contraire à sa profession médicale qui est de soigner et de guérir dans la mesure du possible.
- Une infirmière à qui un médecin prescrirait une dose létale à administrer à un patient devrait être autorisée en raison de son code de déontologie à sursoir à cette ordonnance. Elle devrait aussi pouvoir éviter de participer de près ou de loin à une telle action en raison de son objection de conscience.
Supervision et contrôle de la pratique
- Advenant la légalisation de l’euthanasie, aucun membre du personnel médical et soignant devrait être tenu de participer à l’euthanasie et aucun préjudice légal devrait être retenu contre eux suite à leur refus d’y participer.
5. Pensez-vous qu’il y a des risques de dérives ? Si oui, lesquels et comment pourrait-on les éviter ?
- Selon une étude se basant sur l’expérience vécue dans les pays ou les États où l’euthanasie et le suicide assisté ont été légalisés, les risques de dérive sont bien réels. Il n’existe pas de mesure de protection à toute épreuve, car l’application des lois est basée sur la déclaration volontaire des médecins. Les patients les plus vulnérables sont à grands risques d’être exploités.
En Oregon, on observe une augmentation du nombre de suicides assistés alors que parallèlement on observe une baisse des patients dirigés en psychiatrie. Les patients qui ont besoin d’aide pour retrouver le goût de vivre ne reçoivent pas l’aide dont ils auraient besoin. En Oregon toujours, on a poussé la confusion jusqu’à considérer le suicide assisté comme une forme de soins palliatifs. En conséquence, le Régime d’assurance-maladie de l’Oregon se montre plus généreux dans les fonds qu’il accorde au suicide assisté plutôt qu’à une chimiothérapie dispendieuse pour les cas de cancer avancé.
On observe une dérive encore plus marquée pour les pays qui ont légalisé l’euthanasie et le suicide assisté.
Aux Pays-Bas, le gouvernement a adopté un protocole permettant aux parents de demander l’euthanasie pour leurs enfants gravement handicapés.
En Hollande, des chercheurs ont été étonnés d’apprendre qu’un haut pourcentage de patients atteints de cancer en phase terminale souffrait de dépression et était beaucoup susceptible de demander l’euthanasie. Ce n’est donc pas en toute sérénité que la demande d’euthanasie ou de suicide assisté était faite par ces patients, contrairement à la croyance initiale des chercheurs.
Une autre étude, celle-là en Suisse, a démontré que sur une période de dix ans, les 748 personnes qui sont mortes par suicide assisté, soit 21,1 % d’entre-elles, ne souffraient d’aucune maladie mortelle.
En Belgique, d’autre part, on réclame maintenant l’euthanasie pour les mineurs et les citoyens atteints de démence.
Il y a une façon évidente d’éviter ces dérives et c’est de ne pas légaliser l’euthanasie et le suicide assisté.
6. Selon certains, la légalisation de l’euthanasie pourrait ébranler la relation de confiance que la personne a développée avec son médecin. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
- Je crois qu’effectivement, la relation de confiance du patient envers son médecin pourrait être ébranlée, sinon anéantie. Plus une personne est malade et plus elle se sent faible et vulnérable et plus elle a besoin de se sentir en confiance vis-à-vis la personne qui a de la compétence et du pouvoir pour la soigner. Or, il est bien évident que les malades sont tous vulnérables et à plus forte raison les personnes âgées, lesquelles, au fur et à mesure qu’elles vieillissent, deviennent de plus en plus faibles et vulnérables. Ce qu’elles ont besoin de savoir ce n’est pas que leur médecin en qui elles mettent leur confiance pourrait en toute légalité, par un subterfuge plus ou moins subtil, les conduire à la mort de façon prématurée.
7. Selon certains, l’interdiction de l’euthanasie encourage l’acharnement thérapeutique. Qu’en pensez-vous ?
- Cette affirmation encourage la confusion et elle est très suspecte. L’euthanasie a pour but de tuer quelqu’un alors que dans l’acharnement thérapeutique on observe une incapacité de cesser un traitement devenu inapproprié dans les circonstances. Si l’acharnement thérapeutique se produit c’est peut-être par manque de discernement ou par une incapacité à se détacher du patient alors qu’il serait plus adéquat de le laisser mourir naturellement. Autoriser l’euthanasie ne règlerait pas ce problème. Il faut tâcher de comprendre ce dernier pour l’éviter et non pas suggérer que l’euthanasie puisse être une solution au problème. C’est une façon détournée pour tenter de présenter l’euthanasie comme acceptable ou raisonnable.
8. Certains prétendent que si l’euthanasie était légalisée, il y aurait moins de suicides chez les personnes âgées. Qu’en pensez-vous ?
- Depuis quand règle-t-on un problème par un autre de même gravité ? Et si le ridicule pouvait tuer il faudrait sans doute le légaliser ! En d’autres mots, tu as des problèmes, tu as de la difficulté à donner un sens à ta vie….tu es peut-être déprimé…nous t’offrons une solution….l’euthanasie…c’est légal…tu n’as pas à t’inquiéter…ça va bien aller !!!!!
9. Y a-t-il, selon vous, une différence significative entre la sédation terminale et l’euthanasie ? Si oui, quelle est-elle ?
- En autant que je sache, la sédation terminale ne vise pas à tuer la personne mais à la soulager de ses grandes souffrances. C’est faire preuve de compassion que de comprendre le malade qui est très souffrant et tout mettre en œuvre pour le soulager. Les tenants de l’euthanasie peuvent aussi promettre de soulager, tandis que leur démarche ultime est d’éliminer le malade. On ne peut alors honnêtement parler de compassion envers le malade. Lorsqu’on considère quelqu’un, qu’on l’aime et le respecte, cherche-t-on à le tuer ? Une société saine et équilibré ira dans le sens du respect de la vie pour tout être humain, n’est-ce pas ? Si cette même société sait prendre soin de ses malades jusqu’au bout, elle en sortira grandie.
10. Existe-t-il, selon vous, des situations où il est justifié de recourir à la pratique du suicide assisté ? Avez-vous des expériences à partager à ce sujet ?
- Aucune situation à mon avis ne justifie de recourir à la pratique du suicide assisté. Il m’apparaît odieux que d’y penser.
11. Êtes-vous en faveur ou en défaveur de la légalisation du suicide assisté et pourquoi ?
- Je suis nettement en défaveur de la légalisation du suicide assisté. Je crois que personne ne devrait s’arroger le droit de l’heure de sa mort, c’est l’usurpation d’un pouvoir qui ne nous appartient pas. Je crois que c’est un geste criminel au plan moral que d’attenter à sa vie. Aider quelqu’un à se suicider a quelque chose d’horrifiant et d’inhumain. Légaliser de tels gestes donne une ampleur encore plus grande et plus grave, car c’est y accorder une caution légale et sociale. Cependant, la gravité morale du geste n’en demeure pas moins tout aussi odieuse d’autant plus qu’elle tend à banaliser et normaliser le geste au plan social.
12. Selon certains, légaliser le suicide assisté plutôt que l’euthanasie, pourrait envoyer un signal contradictoire eu égard aux efforts faits dans le domaine de la prévention du suicide. Qu’en pensez-vous ?
- Je suis tout à fait d’accord en ce qui concerne le signal contradictoire pour ce qui est des efforts faits pour la prévention du suicide. Mais, la question laisse sous-entendre qu’on pourrait refuser le suicide assisté tout en acceptant la légalisation de l’euthanasie. Sur ce dernier point, je suis tout à fait en désaccord. On ne peut être pour le respect de la vie dans le cas du suicide assisté et contre le respect de la vie dans le cas de l’euthanasie. On pourrait effectivement parler de signal contradictoire dans la présente situation.
13. Dans les États qui ont légalisé le suicide assisté, les demandes d’aide à mourir doivent répondre à un certain nombre de critères. Si le suicide assisté était légalisé ici, quels critères serait-il essentiel de retenir en ce qui a trait aux éléments suivants ?
Qui pourrait demander le suicide assisté ?
Âge de la personne
- Le simple fait d’envisager que le suicide assisté puisse être acceptable à certains âges revient à en faire la promotion, car même des personnes mineures pourraient peut-être se prévaloir de ce qui serait devenu un droit. Au nom de la non-discrimination ils pourraient eux aussi réclamer ce droit.
État de santé
- Les demandes de suicide assisté devraient toujours être prises en considération comme des demandes d’appel à l’aide. Ce devrait être un signal d’alarme pour nous permettre de mieux comprendre la détresse réelle vécue par ces personnes ? Ou encore, ce peut être un signe indiciel d’une grave dépression chez ces personnes.
- Dans tous les cas de maladies dont la mort est imminente, terminale ou inévitable, il nous apparaît très inopportun de proposer le suicide assisté. Ce dont ces personnes ont besoin dans leurs derniers moments c’est d’une présence continue, de support et d’empathie. Elles n’ont certainement pas besoin de se faire proposer un geste de désespoir qui consisterait à les aider à mettre fin à leurs jours.
Qui pourrait aider une personne à se suicider et où ?
Qui ?
- Cette option ne devrait jamais être envisagée et encore moins considérée par un médecin ou un professionnel de la santé.
Où ?
- Je trouve aberrant que l’on se donne la peine de considérer toutes ces options alors qu’il est ici question d’aider nos semblables à se tuer de façon légale. Pour moi, le suicide sera toujours un drame humain à être évité par tous les moyens possibles. Il ne doit certainement pas être encouragé et encore moins légalisé. Ce qui m’amène à penser : où en sommes-nous ?
Quelle procédure devrait être suivie ?
Demande
- Si une personne demandait qu’on lui coupe une jambe, on s’empresserait de l’en dissuader à moins qu’il y ait une nécessité médicale inévitable de procéder à l’amputation. Pourquoi se sentirait-on obligé d’enlever la vie à une personne parce qu’elle le demande ?
Avis des médecins
- Un médecin devrait toujours être tenu de demander un avis à un ou plusieurs de ses confrères avant d’administrer une dose létale, en espérant qu’ils n’aient pas tous perdu la raison simultanément.
Supervision et contrôle de la pratique
- Cette pratique ne devrait jamais être instaurée dans notre pays.
14. Pensez-vous qu’il y a des risques de dérives ? Si oui, lesquels et comment pourrait-on les éviter ?
- Le simple fait de poser toutes ces questions et d’envisager la possibilité de légaliser le suicide assisté est en soi une dérive dans les esprits. La seule façon d’éviter cette dérive c’est de réaliser notre responsabilité individuelle et collective de protéger toute vie humaine quelle que soit son stade ou niveau de développement.
L’AIDE À MOURIR, QU’EN PENSEZ-VOUS ?
15. Au Canada, l’aide à mourir est un acte criminel. Cependant, c’est le Procureur général de chaque province qui décide d’engager ou non des poursuites criminelles. Dans le cas du suicide assisté de Sue Rodriguez, par exemple, aucune poursuite n’a été engagée. Après sa mort, le Procureur général de la Colombie-Britannique a publié à l’intention des procureurs de la Couronne, des instructions relatives aux accusations portées contre des personnes qui, par compassion, en aident une autre à se suicider. Est-ce que cette voie devrait être considérée par le législateur québécois ?
- Surtout pas. Je pense que l’aide à mourir doit demeurer un acte criminel. La voie de l’aide au suicide par compassion est un non sens. Si quelqu’un éprouve une véritable compassion pour une personne, c’est bien la dernière chose qu’il fera que de l’aider à se suicider. L’expression -aide au suicide par compassion- est une antithèse mensongère, car elle associe deux mots dont le premier est une erreur regrettable et l’autre une attitude souhaitable. Qui a intérêt à berner ainsi la population ?
16. Depuis quelques années, les sentences rendues par les tribunaux canadiens en matière d’aide à mourir sont souvent légères. Pensez-vous que cela traduit un changement dans les mentalités au sein de la société ? Cela devrait-il être pris en compte dans la question de la légalisation de l’aide à mourir ?
- Si l’application des lois qui nous incitent à respecter la vie humaine est moins rigoureuse, il nous faudrait savoir pourquoi il en est ainsi. La tendance qui voudrait qu’il soit davantage acceptable de disposer de la vie de ses semblables repose-t-elle sur un relâchement ou une diminution du sens sacré de toute vie humaine ? Si la valeur de la vie humaine est relativisée et banalisée, il y a lieu de se poser des questions et d’y apporter les correctifs avant que le dérapage ne s’accentue. L’application des lois ne serait-elle basée que sur des tendances sociales fortement relatives ? Si tel est le cas, il y a lieu de s’en inquiéter.
17. Si on devait légaliser soit l’euthanasie, soit le suicide assisté, laquelle de ces pratiques devrait l’être ?
- Pourquoi dit-on « Si on devait…. » Au nom de quoi ou de qui devrait-on légaliser l’une ou l’autre de ces pratiques ou les deux ? D’où vient la nécessité, la motivation…voir l’urgence de procéder à ce changement ? Tout ce processus de consultation ne serait-il qu’un paravent pour justifier une légalisation à venir de l’euthanasie et du suicide assisté ?
18. Si l’aide à mourir était permise, les craintes possibles liées à votre fin de vie seraient-elles dissipées ?
- Voici une autre question piégée. Plus ou moins subtilement on nous propose la légalisation de l’euthanasie comme un bienfait, une aide susceptible de dissiper nos craintes de la mort. Foutaise ! Mes appréhensions face à la mort seraient beaucoup accentuées si je savais que l’euthanasie est devenue légale dans mon pays. Je saurais que mon sort serait davantage précaire dans le sens qu’il dépendrait de la bonne volonté de ceux qui décideraient pour moi, sachant qu’ils auraient le pouvoir en toute légalité de devancer l’heure de ma mort.
En Hollande, en 2005, 550 citoyens hollandais ont été tués sans leur consentement (voir note no ii en fin de document à ce sujet).
19. Une personne en fin de vie peut-elle prendre une décision libre et éclairée ?
- Certaines personnes en fin de vie conservent leur lucidité. Il leur est loisible de faire un refus de traitement dans le cadre de la loi actuelle. Pour plusieurs autres elles ne sont pas en mesure de prendre une décision libre et éclairée. Elles sont à la merci de ceux et celles qui décident pour elles et cette décision pourrait être irréversible si l’euthanasie était légalisée.
20. Certains prétendent que la légalisation de l’aide à mourir pourrait entraîner une réduction de l’anxiété des malades. Qu’est-ce que vous en pensez ?
- Serait-ce par peur de souffrir ? À ce que je sache, il n’est pas nécessaire de se faire euthanasier pour diminuer la peur de la souffrance. Il suffit d’avoir un médecin consciencieux qui prescrit la bonne dose de sédation pour contrôler la souffrance sans donner une dose mortelle. Si l’effet secondaire relié au soulagement de la souffrance provoque la mort, on ne parle pas ici d’euthanasie mais d’un effet secondaire involontaire. L’anxiété des malades peut aussi être prise en charge par des personnes compétentes entourant le malade. Ces personnes compétentes et compatissantes peuvent fort bien être des personnes de la famille qui ont à cœur de rassurer et d’aider le malade dans ses derniers moments. Le fait de légaliser l’euthanasie pour ces malades n’aurait rien de rassurant, bien au contraire. Ces malades seraient sujets à l’arbitraire de certaines personnes et à l’incompétence de d’autres. En bout de ligne, des personnes seraient euthanasiées sans leur consentement comme cela est malheureusement arrivé dans des pays ou l’euthanasie a été légalisée.
21. Selon certains, si l’aide à mourir était légalisée, seule une très faible minorité des malades en fin de vie y aurait recours, comme c’est le cas dans les pays qui ont déjà adopté une législation. Ils se demandent alors pourquoi on légiférerait pour cette minorité. Qu’en pensez-vous ?
- Lorsqu’il se produit un meurtre dans la société, nous sommes nombreux à penser que c’est un meurtre de trop. Pourquoi serait-ce différent avec le meurtre obtenu par le biais de l’euthanasie légalisée. Un meurtre, qu’il soit légal ou illégal, est toujours aussi odieux car c’est un geste inhumain, qui va en l’encontre du respect de la vie que l’on doit à tout être humain. Même si la majorité des citoyens votaient en faveur de la légalisation de l’euthanasie, des députés responsables, respectueux de la dimension sacrée de toute vie humaine devraient s’y opposer.
22. Selon certains, le cadre législatif actuel ne reflète pas la réalité clinique, ce qui entraîne de la confusion tant chez les intervenants en santé que dans la population. Pour eux, le statu quo ne peut être maintenu et ils estiment que des changements législatifs sont nécessaires. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
- Si certains pratiquent déjà l’euthanasie, ils sont dans l’illégalité et il est compréhensible qu’ils soient mal à l’aise et souhaitent une légalisation de cette dernière. Ainsi, ils ne seraient pas à risque d’être poursuivis. Peut-être que d’autres croient pratiquer l’euthanasie alors qu’ils ne la pratiquent pas véritablement. C’est le cas par exemple des médecins qui prescrivent de puissants sédatifs aux malades en phase terminale dans le but de soulager leurs patients. Leur intention n’est pas de tuer le malade mais de le soulager. Même si cette médication a pour effet secondaire de provoquer un décès plus rapide du patient, ce n’était pas leur intention de le tuer. Il ne s’agit donc pas d’euthanasie. Ces médecins ne devraient pas souhaiter la légalisation de l’euthanasie, car leur pratique est conforme au respect de la vie du malade et à leur rôle de soignant.
23. Selon certains, améliorer l’offre de soins palliatifs permettrait d’éviter que des personnes demandent de l’aide à mourir. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
- Je suis totalement d’accord.
Document de références:
i) On peut consulter les rapports annuels de l’État de l’Oregon sur les suicides médicalement assistés sur le site http://www.oregon.gov/DHS/ph/pas/index.shtml
ii) Ministère de la Santé, du Bien-être et des Sports des Pays-Bas, Rapport 2007 sur la Loi sur l’euthanasie.
iii) van der Lee, M., et al., « Euthanasia and Depression : A Prospective Cohort Study Among Terminally Ill Cancer Patients, » Journal of Clinical Oncology 23 (2005) : 6607-6612. Consulté le 15 septembre 2009 sur le site Internet http://jco.ascopubs.org/cgi/reprint/23/27/6607
iv) Bosshard, G., Ulrich, E.et Bär,W. « 748 cases of suicide assisted by a Swiss right-to-die organization, » Swiss Medical Weekly 133 (2003) : 310-317. http://www.smw.ch/dfe/set_archiv.asp?target=2003/21/smw-10212
v) L’euthanasie et le suicide assisté : pourquoi pas ? Réponses éclairs à des arguments courants, Organisme catholique pour la vie et la famille, 2010, 14 pages.
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