Statue de Paul de Chomedey de Maisonneuve sur la Place d'Armes, face à la Basilique Notre-Dame de Montréal.
Par Matthew McCusker — Traduit par Campagne Québec-Vie — Photo : Achim ft/Wikimedia Commons
10 juillet 2024 (LifeSiteNews) — Un nombre croissant de personnes commencent à s’apercevoir du pouvoir que des organisations internationales — qui ne sont pas tenues de rendre des comptes — exercent sur les États-nations et sur les membres de l’Église catholique.
Ces organismes comprennent des sociétés multinationales qui sont souvent plus riches que les États-nations, des organisations médiatiques qui créent de faux récits, des organismes internationaux comme les Nations Unies et l’Union européenne, et des groupes influents comme le Forum économique mondial (FEM) dont l’ancien dirigeant, Klaus Schwab, s’est vanté de ce que ses disciples — tels le premier ministre canadien Justin Trudeau — « pénètrent à travers le monde dans les cabinets de divers pays ».
Comment en sommes-nous arrivés à cette situation, où nos vies sont soumises à un contrôle croissant de la part de forces inconnues et obscures ?
Comme c’est souvent le cas, la nature du problème devient plus claire lorsque nous l’examinons à la lumière de l’enseignement de l’Église catholique et de la philosophie traditionnelle.
Ce corps de doctrine nous dit que trois sociétés ont été établies par Dieu et sont essentielles à l’épanouissement de l’homme. Il s’agit de la famille, de l’État et de l’Église catholique.
Toutes les autres sociétés — telles que les entreprises, les organismes internationaux et les organisations médiatiques — devraient être au service de la famille, de l’État et de l’Église.
Dans le monde moderne, toutefois, la situation est inversée et ces trois sociétés établies par Dieu sont mises au service des sociétés créées par l’homme, avec des résultats catastrophiques. En conséquence de cette inversion de l’ordre des choses, nous voyons des familles détruites, des gouvernements agissant contre les intérêts de leur peuple et des membres de la hiérarchie ecclésiastique abandonnant le service du Christ pour le service du monde.
Pour vaincre l’ordre mondial globaliste et apporter la paix, la liberté et la prospérité au monde, nous devons redonner à la famille, à l’État et à l’Église catholique leur place prééminente.
Pour ce faire, nous devons comprendre clairement la nature de chacune de ces sociétés.
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Qu’est-ce qu’une société ?
Le mot « société » peut être défini comme suit :
Une union d’êtres intelligents, conclue dans le but d’atteindre un bien commun, par l’union de leurs efforts. [1]
Examinons de plus près chaque partie de cette définition. Une société est :
- « Une union d’êtres intelligents » — seuls des êtres rationnels peuvent être membres d’une société.
- « Conclue dans le but d’atteindre un bien commun » — toute société est fondée pour atteindre un but particulier, sinon il n’y aurait rien pour la maintenir ensemble. Un hôpital existe pour guérir les malades, une entreprise pour fournir des biens ou des services afin de réaliser des bénéfices, un séminaire pour l’éducation et la formation du clergé, etc.
- « Par l’union de leurs efforts » — toute société comprend des membres qui travaillent ensemble pour atteindre un but commun ; ils ne travaillent pas seuls, mais en tant que collectivité.
Il découle de cette définition qu’une société ne peut exister que si elle possède à la fois des membres et une fin vers laquelle ils travaillent. Nous appelons les membres l’élément matériel de la société, et l’union de leurs volontés vers une fin commune l’élément formel.
Par exemple, les séminaristes et le personnel enseignant constituent l’élément matériel d’un séminaire, et l’union de leurs volontés en vue d’une fin commune est l’élément formel. La fin à atteindre — la formation et l’éducation du clergé — est l’élément formel externe.
Pour que les membres individuels soient constamment unis dans la poursuite d’une fin commune, il faut qu’il y ait une autorité qui les dirige. En l’absence d’autorité, une société se dissoudrait en une collection d’individus. Un séminaire, par exemple, est dirigé par un recteur, qui a la responsabilité d’orienter les membres de la société vers leur objectif commun de former des prêtres.
Un dernier élément nécessaire est que la société doit avoir les moyens d’atteindre son but. Un séminaire doit avoir au moins certains éléments de base pour exister, tels que des enseignants qui possèdent la foi catholique, des espaces dans lesquels l’enseignement peut avoir lieu, etc.
Une société doit donc disposer des éléments suivants :
- Des membres
- Une fin commune
- Une union des volontés vers cette fin commune
- Une autorité pour diriger les membres vers une fin
- Les moyens d’atteindre cette fin.
Il existe de nombreuses sociétés différentes, qui poursuivent de nombreuses fins différentes. Toutefois, comme indiqué ci-dessus, trois sociétés sont absolument essentielles à l’épanouissement de l’homme.
Comme l’a écrit le père Edward Cahill S.J. :
Il existe trois types d’associations humaines qui forment une classe à part, à savoir l’Église, la famille et l’État ou la Nation. L’existence et la portée de ces associations, les principes essentiels de leur structure, les droits et devoirs fondamentaux de leurs membres sont déterminés par la loi de Dieu et ne peuvent être modifiés par une autorité humaine. [2]
Pourtant, aujourd’hui, ces trois sociétés sont les plus attaquées par les forces mondialistes.
Qu’est-ce que la famille ?
Le père Edward Cahill S.J. décrit la famille comme suit :
La famille, dans son sens le plus large, désigne un ensemble d’individus vivant dans la même maison sous l’autorité d’un supérieur ou d’un chef commun, et unis par des liens fondés sur la loi naturelle. [3]
1. Les membres de la famille
La famille est un ensemble de personnes unies par un ou plusieurs de ces liens :
- Mari et femme
- parents et enfants
- Maîtres et serviteurs
L’union entre le mari et la femme est le fondement de la famille. Le deuxième type de lien, entre parents et enfants, découle du premier.
Le troisième type de lien n’est pas familier à de nombreux lecteurs d’aujourd’hui. Cependant, pendant la plus grande partie de l’histoire de l’humanité, il était très courant d’avoir un ménage élargi, composé de serviteurs et d’autres personnes à charge qui étaient considérés comme faisant partie du même établissement domestique, sous l’autorité d’un seul chef et travaillant ensemble pour la même fin.
2. La finalité commune de la famille
Les fins de l’union du mari et de la femme sont, en premier lieu, la procréation et l’éducation des enfants et, en second lieu, l’assistance mutuelle des époux. Les parents ont la responsabilité de pourvoir aux besoins physiques, affectifs, intellectuels et spirituels de leurs enfants.
Le père Cahill écrit :
Un citoyen — un homme ou une femme — n’est pas, comme les animaux inférieurs, équipé pour la vie comme le simple résultat de la génération et de la naissance. On ne peut devenir un membre actif de la société que de nombreuses années après la naissance. Des années de soins patients et de formation, l’exercice d’une attention constante et d’un amour et d’une sympathie infinis sont nécessaires pour faire ressortir les possibilités latentes des facultés humaines et préparer la personne aux devoirs de la citoyenneté. Ces besoins ne peuvent être satisfaits que dans le foyer et au sein de la famille humaine. [4]
La famille est également « dépositaire des traditions locales et nationales du peuple, et le canal ordinaire par lequel elles sont transmises de génération en génération. L’amour de la patrie est donc le développement naturel de l’amour du foyer ». [5]
3. L’autorité dans la famille
Chacun des liens décrits ci-dessus est inégal. Le mari a autorité sur sa femme. Les parents ont autorité sur les enfants. Les maîtres ont autorité sur les serviteurs.
Dans les circonstances ordinaires, cela signifie que l’autorité dans la famille sera exercée par le père, comme l’enseigne le Pape Léon XIII :
Aussi bien que la société civile, la famille, comme Nous l’avons dit plus haut, est une société proprement dite, avec son autorité propre qui est l’autorité paternelle. [6]
Le père Cahill écrit :
Bien que le mari et la femme soient égaux en dignité et en droits essentiels, néanmoins, puisqu’ils forment (avec les enfants, s’il y en a) une société, et qu’une société est impossible sans un chef reconnu, il doit y avoir un chef pour la famille.
A cet effet, la loi naturelle a désigné l’homme plutôt que la femme, car la nature a donné à l’homme des qualités qui, d’une manière générale, le rendent plus apte qu’elle à remplir la fonction de chef. Ainsi, bien que la femme, en tant que personne humaine, soit égale à son mari, elle est soumise à son autorité en tant qu’épouse et membre de la société domestique, de même que le citoyen dans l’État est soumis à l’autorité du chef auquel il est cependant égal en tant que personne humaine. [7]
La mère a autorité sur ses enfants et peut être chef de famille en cas d’absence ou d’incapacité de son mari.
L’autorité du père, et des parents en général, est établie par Dieu pour l’éducation des enfants et le bon fonctionnement du foyer. L’autorité d’un parent sur un enfant est limitée par la loi naturelle et divine, de sorte qu’il est interdit à un parent « d’imposer à [un enfant] des conditions injustes ou inhumaines ». [8]
L’étendue de l’autorité parentale sur un enfant diminue au fur et à mesure que l’enfant grandit dans l’ordre de la raison. Elle cesse totalement lorsque l’enfant atteint l’âge adulte et quitte le foyer parental. En ce sens, le lien entre parents et enfants diffère de celui entre mari et femme. Le lien conjugal ne prend fin qu’avec la mort de l’un des conjoints, mais, comme l’affirme le père Cahill :
Contrairement à la société conjugale... qui, de par sa nature, est perpétuelle, la société filiale subit des altérations essentielles, ou cesse complètement, dès que l’objet premier de l’union a été atteint. Lorsque l’enfant est adulte et que son éducation est achevée, il peut, conformément à la loi naturelle, cesser d’être membre de la famille de ses parents et s’affranchir entièrement de leur contrôle. [9]
Les obligations des parents à l’égard de leurs enfants ne cessent cependant jamais complètement, et un parent a généralement toujours l’obligation de fournir une assistance temporelle et spirituelle à son enfant, même à l’âge adulte, lorsque cela s’avère nécessaire. De même, un enfant adulte a, dans des circonstances normales, une obligation réciproque envers ses parents, en particulier lorsque ceux-ci deviennent âgés et infirmes.
4. Les relations de la famille avec l’État
L’être humain individuel est l’unité fondamentale de l’État. Cependant, dans une société saine, de nombreuses unités intermédiaires se situent entre l’individu et l’État. Parmi ces unités intermédiaires, seule la famille est nécessaire dans chaque État et dans toutes les conditions dans lesquelles un État peut exister. En effet, la famille est nécessaire à la continuité de l’existence de l’État.
Les devoirs de l’État concernent le bien commun de la nation dans son ensemble. Il ne doit donc pas s’immiscer dans la vie privée de l’individu ou de la famille. Il ne doit pas chercher à usurper les fonctions que Dieu a confiées à la famille et à ses membres individuels.
Parmi ces fonctions, la première est le droit des parents d’éduquer leurs enfants. Le pape Pie XI a enseigné :
La famille reçoit donc immédiatement du Créateur la mission et conséquemment le droit de donner l’éducation à l’enfant, droit inaliénable parce qu’inséparablement uni au strict devoir corrélatif, droit antérieur à n’importe quel droit de la société civile et de l’État, donc inviolable par quelque puissance terrestre que ce soit. [10]
Léon XIII enseigne :
C’est une erreur grave et funeste de vouloir que le pouvoir civil pénètre à sa guise jusque dans le sanctuaire de la famille. [11]
L’État ne peut intervenir dans la sphère domestique que dans des conditions très limitées, telles que l’abus de ses membres :
Si un foyer domestique est quelque part le théâtre de graves violations des droits mutuels, il faut que le pouvoir public y rétablisse le droit de chacun. Ce n’est point là empiéter sur les droits des citoyens, mais leur assurer une défense et une protection réclamées par la justice. Là toutefois doivent s’arrêter ceux qui détiennent les pouvoirs publics la nature leur interdit de dépasser ces limites. [12]
5. Relation de la famille avec l’Église
La sphère domestique intime est indépendante de l’intrusion directe de la hiérarchie ecclésiastique comme elle l’est de celle de l’État. Cependant, la famille est tenue de se conformer en tous points à l’enseignement de l’Église catholique et à ses lois. L’Église possède une juridiction sur tous les baptisés. En particulier, les parents ont la responsabilité spécifique d’élever leurs enfants dans la foi catholique et de veiller à ce qu’ils reçoivent une bonne formation doctrinale et morale.
Qu’est-ce que l’État ?
L’État est « l’ensemble de la communauté civique organisée en vue du bien temporel de ses membres ». [13]
1. Les membres de l’État
Les membres d’un État sont tous les individus qui font partie de la communauté civique. Chaque individu est également membre d’un ou plusieurs corps intermédiaires qui se situent entre lui et l’État. Ces corps intermédiaires sont une partie essentielle de toute société saine, même si, comme nous l’avons dit plus haut, le seul qui doit exister dans tous les États est la famille. D’autres exemples de sociétés intermédiaires sont les institutions politiques locales, les syndicats, les écoles, les universités, les organisations professionnelles, les entreprises, les clubs sportifs, les associations caritatives, etc.
L’Église catholique n’est pas une société intermédiaire au sein de l’État, bien que ses unités individuelles, comme la paroisse, puissent jouer un tel rôle.
Les membres d’un État donné vivent généralement sur un territoire particulier gouverné par l’État. Ils appartiennent très souvent à une même nation et partagent des liens familiaux, culturels et identitaires communs. Toutefois, il est également possible qu’un État gouverne des personnes d’identités nationales différentes.
2. La finalité commune de l’État
L’État a pour but le bonheur naturel de tous ses sujets.
Le père Cahill écrit :
L’objectif ultime de l’État est d’assurer le bonheur temporel de ses membres, ce qui, en pratique, est la même chose que le développement plus complet de leurs pouvoirs physiques, intellectuels et moraux. Le but immédiat de l’activité de l’État est d’assurer la paix et la prospérité pour tous, car ce sont des moyens essentiels au bien-être temporel de l’homme, et ils ne peuvent être assurés qu’avec l’aide de l’État. [14]
Chaque individu adulte est responsable en dernier ressort de son propre bien-être, de son bien individuel. Les parents sont responsables du bien-être de leurs enfants. Cependant, il existe certains biens qu’il est impossible pour les individus ou les familles d’atteindre par leurs propres efforts. C’est ce qu’on appelle le bien public. C’est ce bien — et lui seul — qui constitue la sphère d’activité légitime de l’État.
Le bien public consiste en la paix et la prospérité.
La paix signifie la sécurité contre la violation des droits, que ce soit par des ennemis intérieurs — tels que les traîtres, les rebelles et les criminels — ou par des ennemis étrangers. L’État a la responsabilité d’assurer la paix publique par des lois justes, appliquées équitablement, et de défendre le peuple contre les puissances étrangères. Le maintien de la paix nécessite généralement le maintien d’une force de police et de forces armées.
La prospérité, écrit le père Cahill, « signifie une offre suffisante des moyens dont l’individu a besoin pour son bien-être et son bonheur naturels. Elle comprend des biens tels que la santé corporelle, la nourriture, le vêtement, le logement, la liberté personnelle, la propriété privée, la bonne réputation, la culture mentale adaptée à sa situation et la bonne formation morale et religieuse ». [15]
Il convient de distinguer la prospérité privée de la prospérité publique. Chaque individu a la responsabilité d’assurer sa propre prospérité privée, avec l’aide des sociétés intermédiaires auxquelles il appartient. Ce n’est que lorsque les efforts de l’individu et des sociétés intermédiaires ne suffisent pas à répondre aux besoins d’une personne que l’État a un rôle à jouer dans la satisfaction des besoins fondamentaux de cette personne.
Cependant, il y a des choses qu’un individu ou une famille ne peut pas atteindre par ses propres efforts. Elles relèvent de la prospérité publique. Celle-ci peut être définie comme « la somme des aides et des facilités nécessaires pour mettre la prospérité privée à la portée de tous ». [16]
La réalisation de la prospérité publique est souvent le fruit d’une collaboration entre les sociétés intermédiaires et l’État, ce dernier fournissant les conditions appropriées dans lesquelles les sociétés intermédiaires peuvent opérer et complétant leurs efforts en cas de besoin.
Par exemple, l’État a l’obligation de répondre aux besoins de ceux qui ne peuvent pas subvenir à leurs besoins, comme les orphelins, les handicapés, les infirmes et les personnes âgées. Toutefois, les besoins de ces groupes peuvent souvent être satisfaits par des sociétés intermédiaires, sans que l’État n’ait à intervenir. Il est généralement préférable que les besoins soient satisfaits par les individus et les sociétés intermédiaires plutôt que par l’État.
Cependant, certaines choses peuvent être faites par l’État seul, comme le maintien d’un système juridique juste et efficace et l’adoption de lois justes et raisonnables.
La prospérité publique ne se limite pas à la prospérité matérielle, mais s’étend également au bien-être psychologique, intellectuel et spirituel de la population. L’État doit fournir les conditions nécessaires au développement d’écoles, d’universités et d’autres établissements d’enseignement. Ceux-ci devraient généralement être fournis par l’initiative privée et par l’Église catholique, même si, en cas de besoin grave, l’État peut créer ses propres écoles.
L’État doit assurer la prospérité spirituelle du peuple par son culte public de Dieu et sa reconnaissance publique de l’Église catholique, ce qui sera discuté plus en détail ci-dessous.
3. L’autorité de l’État
Chaque État doit posséder une autorité qui assure la paix et la prospérité publiques.
La forme particulière de l’autorité diffère d’un État à l’autre. L’Église ne prescrit pas une forme spécifique de gouvernement, car la forme de gouvernement doit être adaptée aux besoins et aux conditions particulières d’un peuple. Ce qui est primordial, c’est que les responsables utilisent leur pouvoir pour le bien commun des personnes qu’ils gouvernent.
Le père Cahill commente :
Tout homme et toute femme a le droit naturel d’être gouverné avec justice, mais personne n’a le droit naturel de partager l’autorité gouvernementale. La décision de savoir qui seront les dirigeants et quel sera le système de gouvernement doit être prise en dernier ressort en fonction des exigences du bien public, qui est l’objet et le but de la société civile. [17]
D’une manière générale, une société est plus stable lorsque les formes de gouvernement se sont développées organiquement au fil du temps, plutôt que d’être le produit d’une révolution ou d’un dessein humain.
Les formes de gouvernement peuvent être divisées en deux catégories : celles qui servent le bien public et celles qui servent les intérêts d’un individu ou d’une faction au sein de l’État.
La division traditionnelle des bonnes formes de gouvernement est la suivante :
- Monarchie - le règne d’un seul pour le bien public
- Aristocratie — le règne d’un petit nombre pour le bien public
- Politie — la règle du plus grand nombre pour le bien public
La division traditionnelle des mauvaises formes de gouvernement est la suivante :
- Tyrannie — règne d’un seul pour le bien d’une faction
- Oligarchie - le règne de quelques-uns pour le bien d’une faction
- Démocratie — le règne du plus grand nombre pour le bien d’une faction
La forme de gouvernement la plus stable est une constitution mixte, comprenant la monarchie, l’aristocratie et la politie.
Parmi les exemples historiques, on peut citer la Constitution anglaise, qui se composait d’un monarque, d’une chambre des lords et d’une chambre des communes, et celle de la République romaine, qui était gouvernée par des consuls élus, un sénat aristocratique et un certain nombre d’assemblées législatives plus populaires.
Les gouvernements occidentaux modernes sont passés de la démocratie à l’oligarchie et se dirigent rapidement vers la tyrannie.
4. Les relations de l’État avec la famille
L’État a pour finalité le bonheur temporel de tous les individus qui le composent. Il a donc des obligations envers les sociétés intermédiaires qui se trouvent entre l’individu et l’État. Comme indiqué plus haut, la famille est la plus importante de ces sociétés intermédiaires, car elle est nécessaire à la poursuite même de la communauté civique, ainsi qu’à l’éducation et à la formation de bons citoyens.
L’État a la responsabilité de veiller à ce que les familles puissent vivre dans la paix et la prospérité, comme nous l’avons expliqué plus haut.
5. Relation de l’État avec l’Église
Nous sommes tous obligés de reconnaître Dieu et de lui offrir notre culte et de l’honorer. L’obligation que nous avons en tant qu’individus ne cesse pas lorsque nous nous réunissons en tant qu’ensemble collectif. Comme l’enseigne le pape Léon XIII :
La société politique étant fondée sur ces principes, il est évident qu’elle doit sans faillir accomplir par un culte public les nombreux et importants devoirs qui l’unissent à Dieu. — Si la nature et la raison imposent à chacun l’obligation d’honorer Dieu d’un culte saint et sacré, parce que nous dépendons de sa puissance et que, issus de lui, nous devons retourner à lui, elles astreignent à la même loi la société civile. [18]
Il poursuit :
Les hommes, en effet, unis par les liens d’une société commune, ne dépendent pas moins de Dieu que pris isolément ; autant au moins que l’individu, la société doit rendre grâce à Dieu, dont elle tient l’existence, la conservation et la multitude innombrable de ces biens. [19]
L’obligation pour l’État de reconnaître Dieu est de droit naturel et ne souffre aucune exception. Et de même que tous les hommes sont obligés d’écouter la prédication de l’Évangile et d’entrer dans l’Église catholique, de même l’État doit reconnaître publiquement l’Église catholique.
L’État est indépendant de l’Église en ce sens qu’il a son propre champ d’action et qu’il doit assumer ses propres responsabilités. L’État poursuit son travail d’assurer la paix publique et la prospérité, et l’Église poursuit son travail de prêcher l’Évangile et de sanctifier la race humaine. Il ne devrait pas y avoir de conflit entre ces deux sphères, et aucune ne devrait interférer dans le travail correct de l’autre.
Cependant, il existe clairement des domaines dans lesquels les sphères se chevauchent. Par exemple, le mariage relève de la sphère d’activité de l’État, en raison de son importance fondamentale pour la continuité de la société, mais en tant que sacrement et moyen de salut, il relève également de la compétence de l’Église. En effet, toutes les actions humaines, dans la mesure où elles sont de nature morale, relèvent de la sphère de l’Église, mais nombre de ces mêmes actions humaines doivent également être réglementées par l’État pour le bien public.
Sur toutes ces questions, l’Église et l’État doivent être unis dans leur approche. C’est ce qu’enseigne le pape Léon XIII :
Mais une remarque plus importante et que Nous avons Nous même rappelée plus d’une fois ailleurs, c’est que le pouvoir civil et le pouvoir sacré, bien que n’ayant pas le même but et ne marchant pas par les mêmes chemins, doivent pourtant, dans l’accomplissement de leurs fonctions, se rencontrer quelques fois l’un et l’autre. Tous deux, en effet, exercent plus d’une fois leur autorité sur les mêmes objets, quoique à des points de vue différents.
Le conflit, dans cette occurrence, serait absurde et répugnerait ouvertement à l’infinie sagesse des conseils divins : il faut donc nécessairement qu’il y ait un moyen, un procédé pour faire disparaître les causes de contestations et de luttes et établir l’accord dans la pratique. Et cet accord, ce n’est pas sans raison qu’on l’a comparé à l’union qui existe entre l’âme et le corps, et cela au plus grand avantage des deux conjoints, car la séparation est particulièrement funeste au corps, puisqu’elle le prive de la vie. [20]
Il doit donc y avoir une forme d’union entre l’Église et l’État. Le pape Léon XIII, dans son encyclique Longinqua : Sur le catholicisme aux États-Unis, a rejeté la séparation de l’Église et de l’État comme modèle idéal. Il enseigne :
Il serait très erroné d’en conclure qu’il faut chercher en Amérique le type du statut le plus souhaitable pour l’Église, ou qu’il serait universellement licite ou opportun que l’État et l’Église soient, comme en Amérique, dissociés et divorcés... Mais elle produirait des fruits plus abondants si, en plus de la liberté, elle jouissait de la faveur des lois et du patronage de l’autorité publique... [21]
Et le pape Pie XII a enseigné que l’Église « considère comme idéales l’unité du peuple dans la vraie religion et l’unanimité d’action entre lui et l’État » [22].
L’erreur libérale moderne selon laquelle l’État peut, ou même doit, être neutre en matière de religion a été condamnée à maintes reprises par le magistère de l’Église catholique.
Dans sa lettre encyclique Immortale Dei : Sur la constitution chrétienne des États, le pape Léon XIII a enseigné :
C’est pourquoi, de même qu’il n’est permis à personne de négliger ses devoirs envers Dieu, et que le plus grand de tous les devoirs est d’embrasser d’esprit et de cœur la religion, non pas celle que chacun préfère, mais celle que Dieu a prescrite et que des preuves certaines et indubitables établissent comme la seule vraie entre toutes, ainsi les sociétés politiques ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait en aucune manière, ou se passer de la religion comme étrangère et inutile, ou en admettre une indifféremment selon leur bon plaisir. En honorant la Divinité, elles doivent suivre strictement les règles et le mode suivant lesquels Dieu lui-même a déclaré vouloir être honoré.
Les chefs d’État doivent donc tenir pour saint le nom de Dieu et mettre au nombre de leurs principaux devoirs celui de favoriser la religion, de la protéger de leur bienveillance, de la couvrir de l’autorité tutélaire des lois, et ne rien statuer ou décider qui soit contraire à son intégrité. Et cela ils le doivent aux citoyens dont ils sont les chefs. [23]
Jésus-Christ est la source de toute autorité dans l’État, comme dans l’Église, et la paix et la prospérité des nations sont conditionnées par l’acceptation de son règne, comme l’a enseigné le pape Pie XI :
Dans [Notre] première Encyclique… Nous recherchions la cause intime des calamités contre lesquelles, sous Nos yeux, se débat, accablé, le genre humain.
Or, il Nous en souvient, Nous proclamions ouvertement deux choses : l’une, que ce débordement de maux sur l’univers provenait de ce que la plupart des hommes avaient écarté Jésus-Christ et sa loi très sainte des habitudes de leur vie individuelle aussi bien que de leur vie familiale et de leur vie publique ; l’autre, que jamais ne pourrait luire une ferme espérance de paix durable entre les peuples tant que les individus et les nations refuseraient de reconnaître et de proclamer la souveraineté de Notre Sauveur. C’est pourquoi, après, [nous avons] affirmé qu’il fallait chercher la paix du Christ par le règne du Christ. [24]
Qu’est-ce que l’Église catholique ?
L’Église catholique est :
La société des hommes qui, par leur profession de la même foi et par la participation aux mêmes sacrements, composent, sous l’autorité des pasteurs apostoliques et de leur chef, le royaume du Christ sur la terre. [25]
1. Les membres de l’Église catholique
Le pape Pie XII enseigne :
Seuls font partie des membres de l’Église ceux qui ont reçu le baptême de régénération et professent la vraie foi, qui, d’autre part, ne se sont pas pour leur malheur séparés de l’ensemble du Corps, ou n’en ont pas été retranchés pour des fautes très graves par l’autorité légitime. [26]
L’Église catholique enseigne que l’on devient membre par la réception du sacrement du baptême. La qualité de membre de l’Église se perd par l’hérésie publique, le schisme public ou par une sentence d’excommunication parfaite.
2. La fin commune de l’Église
L’Église catholique a pour finalité commune le bonheur surnaturel de toute l’humanité.
Le Père E. Sylvester Berry écrit :
L’Église est éminemment apte à rendre gloire à Dieu par la merveilleuse manifestation de sa puissance, de sa sagesse et de sa bonté en fournissant des moyens de salut aussi efficaces pour tous les hommes en tout temps, quel que soit leur condition ou leur état de vie.
Il poursuit :
Le Christ a proclamé ses doctrines, donné ses préceptes et institué les sacrements pour permettre à tous les hommes de participer aux fruits de sa rédemption. Il a ensuite institué le ministère apostolique pour perpétuer cette œuvre dans le monde. Il a envoyé les Apôtres avec l’autorité d’enseigner et de gouverner tous les hommes et de leur administrer les moyens de salut... l’Église a été établie pour perpétuer l’œuvre de la Rédemption en l’appliquant aux âmes des hommes. En un mot, l’Église a été instituée pour sauver tous les hommes. [27]
3. L’autorité dans l’Église
Notre Seigneur Jésus-Christ, Chef divin de l’Église, par son Vicaire, le Pontife romain, et par le collège des évêques en union avec lui, exerce le triple ministère de Prêtre, Prophète et Roi. En tant que Prêtre, il célèbre le culte public, en particulier le Saint Sacrifice de la Messe, et les autres sacrements ; en tant que Prophète, il enseigne infailliblement la vraie doctrine de l’Église ; et en tant que Roi, il exerce sa juridiction sur les baptisés pour les conduire au Ciel.
L’évêque de Rome possède la juridiction universelle, immédiate et ordinaire sur toute l’Église et sur chacun de ses membres. Les évêques qui dirigent les églises locales exercent une juridiction immédiate et ordinaire sur leurs propres sujets. Avec le pape, ils sont les successeurs des apôtres et forment le Collège apostolique.
Les membres de l’Église doivent être soumis à cette triple autorité de Jésus-Christ — exercée par le pontife romain et les autres successeurs des apôtres — pour devenir et rester membres de l’Église catholique.
Pour exercer une fonction dans l’Église, il faut d’abord en être membre. C’est pourquoi il est impossible pour les personnes suivantes d’exercer une autorité dans l’Église : les non baptisés (qui refusent de se soumettre à l’autorité sanctifiante du Christ), les hérétiques publics (qui refusent de se soumettre à l’autorité enseignante du Christ), les schismatiques publics (qui refusent de se soumettre à l’autorité gouvernante du Christ) et ceux qui sont sous le coup d’une sentence d’excommunication parfaite (qui ont été exclus par l’autorité gouvernante de l’Église). En effet, comme l’a enseigné le pape Léon XIII dans sa lettre encyclique Satis Cognitum : Sur l’unité de l’Église, « il serait absurde de prétendre qu’un homme exclu de l’Église a l’autorité dans l’Église ». [28]
Différents types de sociétés
Les trois sociétés décrites ci-dessus sont connues comme des sociétés nécessaires.
Elles sont nécessaires parce qu’il est impossible à l’homme d’atteindre ses fins naturelles et surnaturelles sans elles.
La famille est nécessaire à la procréation des enfants et à la satisfaction de leurs besoins fondamentaux.
L’État est nécessaire pour que les êtres humains atteignent la paix et la prospérité temporelles.
L’Église est nécessaire pour que les êtres humains atteignent le salut éternel.
Ces trois sociétés sont nécessaires dans un sens absolu et ont leur origine en Dieu. Les autres sociétés servent des objectifs moindres et trouvent leur origine dans le libre choix de l’homme.
Nos devoirs envers la famille, l’État et l’Église catholique ont généralement la priorité sur nos responsabilités envers les autres sociétés.
Société parfaite versus société imparfaite
Nous pouvons également distinguer les sociétés parfaites des sociétés imparfaites.
Une société parfaite possède tous les moyens nécessaires, en son sein, pour atteindre sa finalité commune. Elle n’a pas besoin de l’aide d’une société supérieure pour y parvenir. Une société parfaite ne peut jamais être subordonnée à une autre société, dans sa propre sphère.
Il n’y a que deux sociétés parfaites : l’État et l’Église catholique
L’État possède tous les moyens nécessaires pour atteindre le bonheur naturel de ses sujets. L’Église catholique possède tous les moyens nécessaires pour atteindre le bonheur surnaturel de toute l’humanité.
La famille n’est pas une société parfaite, car une famille ne peut pas répondre seule à tous ses besoins et doit donc coopérer avec d’autres individus et d’autres familles dans le cadre de l’État.
Société naturelle versus société surnaturelle
Les trois sociétés nécessaires ont leur origine en Dieu, mais seule l’Église catholique doit être considérée comme une société surnaturelle.
La finalité de la famille et de l’État est le bien-être naturel de ses membres, et ils utilisent des moyens naturels pour atteindre cette fin.
L’Église catholique, en revanche, a pour but le bonheur surnaturel de ses sujets. Elle atteint cette fin par des moyens surnaturels, tels que l’enseignement d’une révélation surnaturelle et l’administration de sacrements divinement institués.
Les membres de la famille et de l’État doivent, bien entendu, tous poursuivre la fin du bonheur surnaturel et, en ce sens, ces sociétés sont subordonnées au Christ et à son Église.
Cette société organique de familles catholiques et d’États catholiques opérant sous le triple pouvoir de l’Église catholique est connue sous le nom de chrétienté.
C’est l’idéal dont nous nous sommes éloignés et auquel nous devons revenir.
Références
[1] Rev. E. Sylvester Berry, The Church of Christ : An Apologetic and Dogmatic Treatise (Mount St. Mary’s, 1955), p. 6.
[2] Révérend E. Cahill S.J., The Framework of a Christian State (Dublin, 1932), p. xx.
[3] Cahill, Framework, p. 320.
[4] Cahill, Framework, p. 322-23.
[5] Cahill, Framework, p. 323.
[6] Pape Léon XIII, Rerum Novarum, n° 13.
[7] Cahill, Framework, p. 342.
[8] Cahill, Framework, p. 355.
[9] Cahill, Framework, p. 350.
[10] Pape Pie XI, Divini Illius Magistri, n° 32.
[11], [12] Pape Léon XIII, Rerum Novarum, n° 14.
[1] Cahill, Framework, p. 451.
[14] Cahill, Framework, p. xxi.
[15] Cahill, Framework, p. 463.
[16] Cahill, Framework, p. 464.
[1] Cahill, Framework, p. 476.
[18], [19], [23] Pape Léon XIII, Immortale Dei, n° 6.
[20] Pape Léon XIII, Libertas, n° 18.
[21] Pape Léon XIII, Longinqua, n° 6.
[22] Pape Pie XII, « Allocution au dixième Congrès international des sciences historiques », 7 septembre 1955.
[24] Pape Pie XI, Quas Primas, n° 1.
[25] Mgr G. Van Noort, Dogmatic Thelogy, Volume II : Christ’s Church (6th edition, 1957, trad. Castelot & Murphy), p. xxvi.
[26] Pape Pie XII, Mystici Corporis Christi, n° 22.
[27] Berry, Church of Christ, p. 22.
[28] Pape Léon XIII, Satis Cognitum, n° 15.