Par Aidan Grogan (American Institute for Economic Research) — Traduit par Campagne Québec-Vie — Photo : Konstantin Shishkin/Adobe Stock
Le prince Philip a déclaré un jour : « Au cas où je me réincarnerais, j’aimerais revenir sous la forme d’un virus mortel, afin de contribuer à résoudre le problème de la surpopulation. » Le défunt duc d’Édimbourg est décédé en 2021, mais le sentiment hystérique qu’il exprimait à propos de la surpopulation perdure.
Un sondage YouGov a révélé que les préoccupations liées à la surpopulation sont largement répandues parmi les adultes de la planète, près de la moitié des Américains interrogés estimant que la population mondiale est trop élevée. Ce point de vue est partagé par 76 % des Hongrois et 69 % des Indiens, selon le sondage.
La surpopulation et les catastrophes écologiques ont été les thèmes de nombreuses superproductions cinématographiques, dont ZPD (1972), Soleil vert (1973), Idiocracy (2006) et Elysium (2013). Les médias grand public ont à maintes reprises promu l’idée apocalyptique auprès du public, avec des titres tels que « La science prouve que les enfants sont mauvais pour la Terre. La morale nous suggère d’arrêter d’en avoir » (NBC News). Le magazine progressiste Fast Company a publié une vidéo intitulée « Pourquoi avoir des enfants est la pire chose que vous puissiez faire pour la planète ».
La théorie de la surpopulation et l’idée collectiviste selon laquelle la reproduction humaine doit être limitée, même par la force, ne sont pas nouvelles. Elles sont apparues pour la première fois dans l’ancienne épopée mésopotamienne d’Atrahasis, où les dieux contrôlent la population humaine par la stérilité, l’infanticide et la nomination d’une classe de prêtres chargés de limiter les naissances.
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Platon et Aristote ont tous deux approuvé une forme de proto-eugénisme et de contrôle de la population. Dans La République, Socrate et Glaucon concluent que la pratique d’un propriétaire qui contrôle la reproduction de ses chiens et de ses oiseaux pour éviter leur dégénérescence devrait également s’appliquer à l’espèce humaine. Les gardiens seraient chargés de décider qui est autorisé à se reproduire et qui devrait se voir interdire d’avoir une descendance. Dans La Politique, Aristote préconise l’avortement imposé par l’État pour les enfants présentant des malformations ou lorsque les couples ont trop d’enfants et contribuent à la surpopulation.
Le déclin de la civilisation grecque au deuxième siècle avant notre ère n’était pas la conséquence d’un nombre excessif de naissances, mais précisément le contraire. Polybe a attribué la chute de la Grèce à son époque à une diminution de la population qui a vidé les villes et entraîné un manque de productivité. Ce ne sont pas les guerres et les pestes qui ont réduit le taux de natalité, mais la décadence. Les hommes oisifs de la Grèce, selon Polybe, étaient plus intéressés par l’argent et le plaisir que par le mariage et l’éducation des enfants.
Deux millénaires plus tard, l’économiste anglais Thomas Malthus a ressuscité le vieux mythe mésopotamien dans son ouvrage An Essay on the Principle of Population (Essai sur le principe de population), publié en 1798. Malthus affirmait que la croissance de la population était géométrique alors que la production alimentaire n’augmentait que de façon arithmétique, ce qui, selon lui, conduirait à une famine généralisée si la propagation rapide de l’humanité n’était pas entravée.
Il a identifié deux contrôles, l’un induit par l’homme et l’autre naturel, susceptibles de limiter la croissance de la population : les contrôles préventifs, tels que le mariage tardif ou l’abstinence sexuelle, qui stabilisent le taux de natalité et évitent les calamités naturelles des contrôles directs — famines, pestes, tremblements de terre, inondations, etc. — qui représentent la riposte de la nature aux pressions exercées par une croissance démographique effrénée.
Malthus préférait la première solution, mais en cas d’échec, il soutenait des mesures de dépopulation effroyables et brutales. Il a suggéré des politiques visant à « rendre les rues plus étroites, à entasser plus de gens dans les maisons et à favoriser le retour de la peste ». Il a également recommandé d’interdire les « remèdes spécifiques pour les maladies ravageuses ».
En 1859, Charles Darwin a publié L’origine des espèces, dans lequel il affirmait que les espèces évoluent progressivement à partir d’un ancêtre commun. Son ouvrage suivant, La descendance de l’homme, affirmait que l’homme descend de son passé simiesque par un processus de sélection sexuelle qui favorise les gènes les plus forts et les plus intelligents. Darwin a déclaré que sa théorie de l’évolution « est la doctrine de Malthus appliquée avec une force accrue à l’ensemble des règnes animal et végétal ».
Le cousin de Darwin, Francis Galton, a utilisé la théorie de l’évolution de Darwin pour développer l’eugénisme, une théorie pseudo-scientifique selon laquelle la race humaine pourrait être améliorée grâce à une reproduction contrôlée.
Subventionné par certaines des plus grandes organisations philanthropiques des États-Unis, dont la Fondation Rockefeller et l’Institut Carnegie, l’eugénisme a été adopté par de nombreux dirigeants du mouvement progressiste américain, favorables à la stérilisation involontaire et à la restriction de l’immigration.
Margaret Sanger, fondatrice de la Ligue américaine pour le contrôle des naissances — qui sera plus tard rebaptisée Planned Parenthood — dénigre la charité et qualifie les pauvres de « déchets humains ». Elle et ses compagnons ont envisagé plusieurs noms pour leur mouvement, tels que « néo-malthusianisme », « contrôle de la population » et « contrôle de la race », avant d’opter pour le « contrôle des naissances ».
Le collectivisme fervent des eugénistes et leur mépris des principes fondateurs de l’Amérique affirmant la dignité inhérente et les droits de chaque individu ont été le mieux exprimés par Madison Grant dans son ouvrage The Passing of the Great Race (La disparition de la grande race) :
Une considération erronée pour ce que l’on croit être des lois divines et une croyance sentimentale dans le caractère sacré de la vie humaine tendent à empêcher à la fois l’élimination des enfants défectueux et la stérilisation des adultes qui n’ont eux-mêmes aucune valeur pour la communauté. Les lois de la nature exigent l’élimination des inaptes et la vie humaine n’a de valeur que lorsqu’elle est utile à la communauté ou à la race.
Des lois eugéniques ont été mises en œuvre partout aux États-Unis, à commencer par l’Indiana en 1907. Avant la Seconde Guerre mondiale, environ 60 000 Américains avaient été stérilisés.
En Grande-Bretagne, l’eugénisme a été défendu avec enthousiasme par des socialistes tels que John Maynard Keynes, George Bernard Shaw et H.G Wells. Keynes a rédigé les grandes lignes d’un livre intitulé Prolegomena to a New Socialism (Prolégomènes à un nouveau socialisme), dans lequel il cite « l’eugénisme, la population » comme « principales préoccupations de l’État ».
L’eugénisme — du moins sous ce titre officiel — a commencé à s’estomper après que les dures réalités de l’Holocauste aient été dévoilées, mais les présupposés malthusiens qui sous-tendaient leur mouvement n’ont jamais disparu.
Le livre de Paul R. Ehrlich, biologiste à Stanford, The Population Bomb (La bombe démographique), publié en 1968, a relancé l’engouement malthusien pour une nouvelle génération, prédisant l’imminence de famines mondiales et d’autres catastrophes dues à la surpopulation. Dans le prologue, il écrit : « Nous ne pouvons plus nous permettre de traiter simplement le symptôme du cancer de la croissance démographique ; le cancer lui-même doit être éliminé. Le contrôle de la population est la seule solution ».
La même année, un groupe de scientifiques européens préoccupés par l’avenir de la planète a fondé une ONG appelée le Club de Rome. Leur première grande publication, Limits to Growth (Les limites de la croissance) (1972), s’attaque à la recherche du profit matériel et à l’expansion économique continue. Deux des membres les plus éminents du Club de Rome ont ouvertement déclaré dans leur livre de 1991, The First Global Revolution (La première révolution mondiale), que l’humanité était le véritable ennemi :
En cherchant un ennemi commun contre lequel nous pourrions nous unir, nous avons eu l’idée que la pollution, la menace du réchauffement climatique, les pénuries d’eau, la famine, etc. seraient un bon défi... Tous ces dangers sont causés par l’intervention de l’homme dans les processus naturels, et ce n’est que par un changement d’attitude et de comportement qu’ils peuvent être surmontés. Le véritable ennemi est donc l’humanité elle-même.
À l’époque de la publication du livre apocalyptique d’Ehrlich et de la création du Club de Rome, la population mondiale s’élevait à 3,6 milliards d’habitants et près de la moitié de la population mondiale vivait dans la pauvreté. Au cours des cinq décennies suivantes, la population mondiale a plus que doublé pour atteindre 7,7 milliards d’habitants. Aujourd’hui, moins de 9 % de la population vit dans la pauvreté et les famines ont pratiquement disparu.
L’hypothèse d’Ehrlich a été rejetée par l’économiste Julian Simon dans son livre The Ultimate Resource (La ressource ultime) (1981), dans lequel il affirme qu’un nombre croissant de « personnes qualifiées, pleines d’entrain et d’espoir » entraîne plus d’ingéniosité, moins de pénurie et des coûts plus bas à long terme. En d’autres termes, plus la population humaine est importante, plus la puissance cérébrale collective de notre espèce peut être utilisée pour innover, surmonter les problèmes et profiter à tous grâce à une abondance accrue. La ressource ultime, selon Simon, ce sont les gens.
Des recherches récentes menées par Gale L. Pooley et Marian L. Tupy ont confirmé l’optimisme de Simon. Pour chaque augmentation d’un pour cent de la population, les prix des produits de base ont tendance à baisser d’environ un pour cent. Entre 1980 et 2017, les ressources de la planète sont devenues 380 % plus abondantes.
Ces constatations réduisent à néant la vision malthusienne et montrent les partisans du contrôle de la population non seulement comme mal informés et inexcusables, mais aussi franchement antihumains. Les cataclysmes écologiques prédits par Ehrlich et le Club de Rome ne se sont pas réalisés. La nature n’a pas riposté à l’augmentation rapide de la population de la manière prévue par Malthus.
Comme l’a souligné Steven E. Koonin, ancien sous-secrétaire à la science du ministère américain de l’Énergie, dans son livre Unsettled paru en 2021, les données climatiques des Nations unies et du gouvernement américain montrent ce qui suit : 1) l’homme n’a pas eu d’impact détectable sur les ouragans au cours du siècle dernier, 2) la calotte glaciaire du Groenland ne diminue pas plus rapidement aujourd’hui qu’il y a quatre-vingts ans, et 3) l’impact économique net du changement climatique induit par l’homme sera minime au moins jusqu’à la fin de ce siècle.
Pooley et Tupy préviennent toutefois que la croissance démographique ne suffit pas à elle seule à générer ce qu’ils appellent la « surabondance », comme ils ont intitulé leur récent ouvrage. L’innovation nécessaire pour soutenir une population mondiale en constante augmentation exige une liberté économique et personnelle. Le collectivisme et la planification centrale ne font que restreindre l’ingéniosité humaine, les idées et les entreprises qui peuvent ouvrir la voie à un avenir plus radieux et plus prospère.
Il est certainement temps de mettre un terme à la théorie malthusienne et à l’hystérie de la surpopulation qu’elle a suscitée. Nous devons éviter la vision cynique de l’humanité qui nous considère comme des destructeurs nets, un agent pathogène viral qui ravage la terre, et opter plutôt pour une vision plus positive — et plus vraie — de l’être humain et de la destinée humaine. Nous sommes des créateurs nets.