Par Jonathon Van Maren — Traduit par Campagne Québec-Vie — Photo : aijiro/Adobe Stock
24 mars 2025 (LifeSiteNews) — Le 29 novembre, lorsque le projet de loi sur le suicide assisté de la députée Kim Leadbeater est passé en deuxième lecture au Parlement britannique, les personnes en fauteuil roulant rassemblées devant Westminster ont pleuré ouvertement. Au même moment, Dame Esther Rantzen s’est réjouie. Elle a qualifié le vote d’« énorme soulagement » et de « quelque chose que je ne m’attendais pas à voir ». Mme Rantzen a déclaré que lorsqu’elle opterait pour le suicide assisté, elle aimerait « sortir » après un repas au champagne et au caviar.
Ces deux réactions illustrent parfaitement le contraste qui existe dans le débat sur le suicide assisté au Royaume-Uni. D’un côté, une personne riche et privilégiée célébrant son « droit de mourir ». De l’autre, le désespoir des personnes handicapées vulnérables et marginalisées qui paieront le prix de sa croisade. Avant le vote, Mme Rantzen a déclaré à la BBC que l’interdiction de l’euthanasie au Royaume-Uni était « cruelle » et « terrible ». Elle a affirmé que la loi « obligeait » les personnes comme elle à se rendre en Suisse pour mourir seules dans une clinique Dignitas.
La vérité inavouable est que des personnes comme Dame Esther Rantzen ont des options lorsqu’elles souffrent. Les personnes comme celles qui se trouvaient en fauteuil roulant devant Westminster n’en ont pas. Kim Leadbeater et ses alliés activistes de Dying with Dignity parlent cependant au nom des Esther Rantzen de la société — et ignorent résolument les personnes handicapées qui demandent désespérément aux parlementaires de maintenir des lois qu’elles considèrent comme des remparts essentiels contre une discrimination sociale profondément enracinée.
Si l’interdiction de l’euthanasie et du suicide assisté au Royaume-Uni est en fait une imposition « cruelle » de la souffrance, il convient de se demander pourquoi les organisations représentant les malades chroniques de la société s’opposent si farouchement à la légalisation. Pourquoi la plupart des spécialistes des soins palliatifs sont-ils si opposés au suicide assisté ? Pourquoi toutes les organisations de défense des personnes handicapées sont-elles opposées au suicide assisté ? Pourquoi les organisations représentant la profession psychiatrique tirent-elles la sonnette d’alarme ? Que nous disent-elles que les militants de l’euthanasie ne disent pas ?
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En effet, même Dame Esther Rantzen — qui a affirmé l’année dernière de manière étonnante que la « mort assistée » n’avait aucun impact sur les soins palliatifs — nous fournit une étude de cas soulignant les dangers du suicide assisté et l’imprécision inhérente à ces décisions mortelles. Comme l’a récemment noté Yuan Yi Zhu dans le Telegraph :
En janvier 2023, un cancer du poumon a été diagnostiqué chez la présentatrice de télévision Dame Esther Rantzen. En mai, son cancer avait atteint le stade 4 et, à la fin de l’année, elle avait rejoint Dignitas. L’année suivante, elle a obtenu de Sir Keir Starmer la promesse qu’il accorderait du temps pour qu’un projet de loi sur le suicide assisté soit débattu au Parlement.
Comme beaucoup de malades du cancer, Dame Esther ne s’attendait pas à survivre très longtemps. En 2023, elle a déclaré à un journaliste : « J’ai cru que je tomberais de mon perchoir dans les deux mois, voire les semaines qui suivraient. Je ne pensais certainement pas pouvoir fêter mon anniversaire en juin, ce que j’ai fait, et je ne pensais certainement pas pouvoir fêter Noël ». Elle avait certainement des raisons de penser que son temps sur terre était compté : l’espérance de vie moyenne pour un cancer du poumon de stade 4 est d’un an.
Pourtant, elle est toujours parmi nous aujourd’hui, plus de deux ans après son diagnostic, grâce à l’Osimertinib, un « médicament miracle » vieux de dix ans qui inhibe la croissance de son cancer. Comme elle l’a écrit à Noël dernier, malgré les contraintes imposées par sa maladie, « ma vie est agréable et vaut toujours la peine d’être vécue ».
Si le projet de loi de Leadbeater intitulé « Terminally Ill Adults (End of Life) Bill » entre en vigueur, Zhu fait remarquer que de nombreuses personnes seront privées « du temps supplémentaire dont [Rantzen] a bénéficié grâce à la médecine moderne » en raison de la version actuelle du projet de loi qui fait du suicide assisté une option pour les personnes dont le décès « peut raisonnablement être envisagé dans les six mois ». Zhu ajoute :
Mais comme le montre le cas de Mme Rantzen, prédire la durée de vie d’un patient est une tâche notoirement difficile, voire impossible. Selon une étude réalisée en 2017, les prédictions des médecins selon lesquelles leur patient était susceptible de mourir dans les 6 à 12 mois étaient erronées dans 54 % des cas ; leurs pronostics étaient moins précis qu’un jeu de pile ou face. Tout ce que le projet de loi Leadbeater exige, c’est que les médecins croient en leur propre évaluation de l’espérance de vie d’un patient. Et ce, malgré le manque évident de fiabilité de ces prévisions.
De plus, s’ils se trompent et qu’à la suite de cela le patient demande un suicide assisté, il n’y a aucun recours — si le patient est mort, il sera évidemment impossible de savoir si les évaluations des médecins étaient justes ou non. Plus inquiétant encore, des experts ont mis en garde contre le fait que le projet de loi Leadbeater permettrait aux personnes souffrant de graves troubles alimentaires de bénéficier d’une assistance au suicide ; elles pourraient y prétendre parce que refuser de manger et de boire réduirait leur espérance de vie.
Toutefois, les amendements proposés par les parlementaires pour prévenir ces éventualités prévisibles ont tous été rejetés, de même que la plupart des autres garanties proposées. Zhu pose la question suivante : « Combien de morts injustifiées sommes-nous prêts à tolérer en tant que société ? » Si l’on en croit l’étude de cas canadienne, il semble qu’une fois le Rubicon de l’euthanasie franchi, les morts injustifiées font tout simplement partie de la réalité sociale. Ceux qui ont été tués ne peuvent pas se plaindre ; leurs proches en deuil peuvent être balayés avec une réplique progressiste lapidaire invoquant « l’autonomie » et le « choix ».
Dame Esther Rantzen s’est placée au centre du débat britannique sur le suicide assisté. En fait, elle est l’exemple parfait des dangers du projet de loi Leadbeater. Elle est une personne privilégiée disposant d’options, à laquelle s’opposent des personnes marginalisées ne disposant pas d’options. Elle insiste sur le fait que les lois actuelles sont « cruelles » ; les malades chroniques du Royaume-Uni affirment que ces lois les protègent. Et, comble de l’ironie, Mme Rantzen a pu profiter davantage de la vie qu’elle ne l’aurait fait si le projet de loi qu’elle défend actuellement avait été adopté au moment où elle a été diagnostiquée.
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