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L’interdiction totale de la contraception par l’Église ne peut être modifiée ni par le pape François ni par quiconque

Par Louis Knuffke — Traduit par Campagne Québec-Vie — Photo : Rawpixel.com/Adobe Stock

5 septembre 2022, Rome (LifeSiteNews) — La question de savoir si le pape peut changer l’enseignement actuel de l’Église selon lequel la contraception est toujours et partout un acte gravement peccamineux a été soulevée par de nombreuses voix au sein de l’Église, tant dans la hiérarchie que parmi les fidèles laïcs.

  • Pour tenter d’aborder la question dans une perspective authentiquement catholique, j’ai l’intention de faire ce qui suit :
  • Offrir une synopsis de la crise actuelle de l’Église.
  • Trier les possibilités logiques impliquées dans la proposition de changer l’enseignement sur la contraception.
  • Aborder la question sous-jacente des fins du mariage et de leur ordre.
  • Considérer la manière dont l’élévation du mariage au rang de sacrement affecte les fins du mariage.
  • Présenter l’enseignement constant des Pontifes romains en la matière.

Cela nous permettra de voir que le mal de la contraception, et l’interdiction universelle de sa pratique, relève de la loi morale naturelle et a été clairement et constamment enseigné par le Magistère de l’Église au cours du siècle dernier. Pour ces raisons, l’enseignement de l’Église sur la contraception ne peut changer, mais au contraire, comme l’a déclaré Jean-Paul II en 1988, « appartient au patrimoine permanent de la doctrine morale de l’Église ».

La crise actuelle

Le rejet généralisé de l’enseignement sur la contraception a balayé l’Église lorsque Paul VI a publié l’encyclique Humanae Vitae en 1968, mais jusqu’à récemment, ce rejet se contentait d’ignorer l’enseignement de Paul VI ou de s’en dissocier, sans tenter de le modifier au niveau d’une déclaration ou d’une promulgation magistérielle. Humanae Vitae avait elle-même déjoué une tentative de renverser les condamnations précédentes de la contraception déclarées par Pie XI et Pie XII.

Aujourd’hui, cependant, alors que le pape François a déjà proposé que l’utilisation de contraceptifs soit moralement licite pour les couples mariés afin d’éviter les maladies sexuellement transmissibles, comme le virus zika, beaucoup espèrent que le pontife actuel déclarera officiellement que certaines circonstances permettent d’utiliser des contraceptifs sans encourir la sentence du péché.

Les voix qui réclament un tel changement d’enseignement sont devenues plus intransigeantes avec le moyen du « dialogue synodal » dont elles disposent désormais. Des évêques et des cardinaux appellent ouvertement à un changement d’enseignement, et l’Académie pontificale pour la vie (PAV) de Rome a fait de la remise en question de l’interdiction totale de la contraception par l’Église un point essentiel de ses dernières conférences, de ses livres et de ses commentaires sur les médias sociaux.

Dans la tempête de dissensions qui s’est levée dans les eaux toujours changeantes du monde séculier dans lequel nous vivons, les catholiques fidèles sont forcés de faire face à la dure question : cet enseignement peut-il changer ? L’interdiction totale de la contraception par l’Église peut-elle être modifiée par le pape ou par quiconque ?

Les possibilités logiques de changement de la doctrine

Pour l’instant, considérons ce qu’il serait nécessaire de dire pour que l’enseignement change. Nous serons alors en mesure d’examiner les arguments pour et contre.

Pour que la condamnation de la contraception par l’Église change et soit vraie, soit l’affirmation selon laquelle la contraception est un péché grave est fausse, soit elle était vraie auparavant mais ne l’est plus parce que la nature du mariage et des rapports sexuels a changé. Ce qui n’est pas possible, c’est que la nature du mariage et des relations sexuelles reste la même et que l’usage de la contraception soit à la fois un péché universel et moralement acceptable dans certains cas.

La contradiction logique d’une négative universelle est une affirmative particulière, et la contradiction d’une affirmative universelle est une négative particulière. La contradiction de l’affirmation « la contraception n’est jamais moralement bonne » est l’affirmation « la contraception est parfois moralement bonne ». Ou, en d’autres termes, la contradiction de l’affirmation « la contraception est toujours un péché grave » est l’affirmation « la contraception, parfois, n’est pas un péché grave ».

Cela peut peut-être commencer à éclairer l’insistance de l’Académie pontificale pour la vie à dire que ce qu’elle préconise est simplement l’autorisation de la contraception « dans certaines circonstances ». L’Académie souligne qu’elle ne propose pas un renversement complet de l’enseignement ou la promotion de la contraception comme étant toujours moralement bonne et acceptable. Elle « développe l’enseignement » en « discernant » les circonstances dans lesquelles l’interdiction ne s’applique pas.

De telles affirmations ignorent la logique et accomplissent tout ce qui est nécessaire dans le but pratique de présenter la contraception comme quelque chose qui peut être considéré comme moralement bon. Elle laisse la détermination des circonstances qui justifient son utilisation au jugement prudentiel du couple en question. En d’autres termes, l’utilisation de la contraception est devenue une question de prudence plutôt qu’un commandement strict et universel qui oblige tout le monde, sans exception.

En affirmant de façon apparemment anodine que « dans certaines circonstances » la contraception est moralement bonne, ce qui a été proposé est en fait la contradiction directe de l’interdiction négative universelle, selon laquelle la contraception n’est jamais moralement bonne et ne peut donc jamais être utilisée par un couple marié.

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Les fins du mariage

Puisque la vérité de l’interdiction universelle ou sa contradiction repose sur la nature du mariage et du rapport sexuel -- puisque c’est de cela qu’il s’agit -- pour régler réellement la question, il faut examiner la réalité du mariage et de l’union sexuelle. Et puisque la contraception est un acte par lequel la conception à la suite d’un rapport sexuel est empêchée par une intervention humaine, nous devons examiner la relation des rapports sexuels avec la procréation -- c’est-à-dire que nous devons poser les questions traditionnelles : quelles sont les fins du mariage, et quel est l’ordre de celles-ci ?

Les questions ci-dessus sur les fins du mariage et l’ordre de ces fins sont posées en relation avec le mariage et pas seulement avec l’union sexuelle, parce que l’on suppose que l’enseignement de l’Église et du Christ, selon lequel les relations sexuelles en dehors du mariage sont un péché grave, est accepté comme vrai. La défense de cet enseignement est un sujet pour une autre discussion. On suppose également que l’on reconnaît assez facilement qu’il existe plusieurs fins au mariage sans qu’il soit nécessaire d’argumenter. Ce qu’elles sont et quel est leur ordre, cependant, nécessite une argumentation.

Pour commencer, il convient d’énoncer ici quelques évidences sur le mariage et l’union sexuelle. Premièrement, étant donné la nature de la romance, de l’affection et de la passion humaines, le mariage implique clairement ou devrait impliquer l’amour et l’amitié entre les époux. Cet amour est si fort que les personnes sont parfois prêtes à quitter leur patrie ou à sacrifier leur vie pour leur conjoint, et la vie quotidienne ensemble du mari et de la femme est une communion plus intime que celle des autres amitiés.

Deuxièmement, l’union sexuelle tend naturellement vers la conception d’un enfant. Si l’on admet qu’il existe des périodes d’infertilité chez les femmes, il n’en reste pas moins vrai que le rapport sexuel tend vers la conception. Si la conception n’était pas une fin naturelle vers laquelle tend l’union sexuelle elle-même, il ne serait pas nécessaire d’intervenir pour empêcher la conception lors d’un rapport sexuel, et la moralité de la contraception serait sans objet.

Le mariage a donc clairement au moins deux fins : l’union des époux dans l’amitié de l’amour et la procréation des enfants. La Révélation divine ajoute deux autres fins liées à celles-ci : la guérison de la concupiscence — c’est-à-dire du désir de satisfaire son appétit sexuel -- et la signification sacramentelle de l’amour sponsal du Christ et de l’Église.

Pour l’instant, nous nous concentrerons sur les deux fins du mariage mentionnées en premier lieu et sur leur ordre. Nous pourrons alors voir comment les autres fins s’y intègrent, puisqu’elles sont des fins ajoutées par l’élévation du mariage à l’ordre sacramentel, tandis que les deux premières appartiennent au mariage même en tant qu’institution naturelle établie par Dieu lorsqu’il créa l’homme et la femme.

L’union des époux est ordonnée à la procréation des enfants

La relation de l’union des époux avec la procréation des enfants peut être vue en considérant le fait qu’un bien est possédé plus parfaitement lorsqu’un homme peut conférer le même type de bien à un autre, auquel cas la perfection elle-même devient ordonnée au bien d’un autre.

L’une des façons dont un enseignant vérifie la maîtrise d’un sujet par un élève est de lui demander de l’expliquer à quelqu’un d’autre, c’est-à-dire de lui demander de partager son savoir avec un autre ; et ce qui qualifie quelqu’un pour être un enseignant est précisément une maîtrise du sujet telle qu’il peut amener un autre à la possession du même savoir. La possession parfaite de certains biens permet et est ordonnée à l’octroi de ce même bien à un autre. Cela est vrai dans tous les domaines de la connaissance et du travail. Le maître-artisan est celui qui peut former les autres au métier.

Cette même vérité peut être exprimée autrement : c’est une plus grande perfection pour un homme d’amener un autre à posséder le même type de bien dont il jouit plutôt que de simplement jouir de ce bien lui-même. C’est une plus grande perfection d’avoir quelque chose de bon et de provoquer ce bien chez les autres que de simplement avoir ce bien soi-même.

La vie humaine ne fait pas exception. Lorsqu’un homme et une femme atteignent la maturité fondamentale de l’âge adulte, ils sont en mesure de transmettre à un autre, par la procréation, l’un des biens dont ils jouissent, à savoir la vie humaine. Le bien qu’ils transmettent n’est pas seulement l’existence biologique, bien qu’elle en fasse évidemment partie ; en fait, le bien qu’un homme et une femme sont destinés à transmettre à leurs enfants par le mariage, l’union sexuelle et l’éducation d’une famille est la vie humaine adulte pleinement mûre qu’ils possèdent et dont ils jouissent eux-mêmes. C’est pourquoi seuls les adultes peuvent se marier, et que l’éducation des enfants dure jusqu’à leur entrée dans l’âge adulte. C’est en vue de ce bien qu’un homme et une femme forment un lien stable, une amitié et une communion de vie qui inclut les rapports sexuels et tout ce qui découle de cette union.

Une comparaison utile peut être faite ici avec d’autres activités qui exigent une certaine perfection et sont ordonnées au bien d’autrui. La défense de son pays par le soldat en temps de guerre exige une certaine perfection de courage, de force, d’entraînement, d’habileté dans le maniement des armes, etc., et elle est ordonnée à la paix et à la sécurité de toute sa nation, et non pas seulement à lui-même, même s’il participe au bien de sa nation. La construction d’une maison requiert les connaissances et l’habileté du charpentier et est ordonnée avant tout au bien de ceux qui vivront dans la maison, et non au bien du charpentier en tant que tel, même s’il est payé pour son travail et qu’il en bénéficie également.

L’enseignement d’un professeur exige la maîtrise de sa matière et est ordonné en premier lieu aux nouvelles connaissances qu’acquerront ses étudiants, et non aux connaissances du professeur, même si celui-ci approfondit sa propre compréhension en enseignant. L’administration de soins de santé par un médecin ou une infirmière exige des connaissances et une pratique de la médecine et vise la santé et la vie du patient. Le gouvernement d’un pays, d’un État ou d’une ville exige également certaines vertus politiques, comme l’adhésion à la constitution du pays, et vise principalement à assurer le bien des citoyens, et non celui des détenteurs du pouvoir politique.

De la même manière, l’activité qui génère une nouvelle vie humaine -- l’union sexuelle -- requiert (pour être bien ordonnée et, par conséquent, moralement bonne) la maturité corporelle, émotionnelle, psychologique et morale d’un homme et d’une femme adultes unis par le lien stable du mariage, et est ordonnée principalement au bien de la génération d’une nouvelle vie humaine. Elle est ordonnée principalement au bien d’un autre : les enfants.

Si l’on inversait l’ordre des fins de ces activités, le soldat refuserait de donner sa vie pour son pays, les maisons seraient construites uniquement pour payer les charpentiers, les enseignants ne parleraient que de ce qui les intéresse, les médecins pourraient faire du mal aux patients au nom des progrès de la médecine, et les pays seraient dirigés par des tyrans. Si nous reconnaissons que certains de ces maux sont déjà présents depuis longtemps dans la société, nous ferions bien de reconsidérer la tentative de renverser avec désinvolture les fins du mariage, fondement d’une société bien ordonnée.

Pour les époux, faire de leur propre union, de leur amitié et des rapports conjugaux les fins premières de leur mariage revient à considérer le bien de la procréation comme étant ordonné à leur propre personne, un peu comme un dirigeant despotique considère que le pouvoir politique dont il jouit est ordonné principalement à son propre avantage. Cela transforme le foyer et la famille en une sorte de tyrannie domestique, dans laquelle toutes les choses sont ordonnées selon l’amour-propre désordonné des parents.

L’ordre des fins du mariage et la primauté de la procréation ont été expressément et définitivement enseignés par le magistère de l’Église à plusieurs reprises.

Le 30 mars 1944, Pie XII a confirmé un décret du Saint-Office qui répondait définitivement à la question de l’ordre et de la primauté des fins du mariage. Le décret dit ceci :

[Dans certains écrits, il est affirmé] que la fin première du mariage n’est pas la génération d’une descendance ou que les fins secondaires ne sont pas subordonnées à la fin première mais en sont indépendantes. Dans ces ouvrages, la fin première du mariage est désignée différemment par les divers auteurs, par exemple : l’achèvement et la perfection personnelle des époux par une complète communion de vie et d’action ; l’amour mutuel et l’encouragement et la perfection de l’union des époux par l’abandon psychique et corporel de sa propre personne ; et bien d’autres choses encore.

Question : Peut-on admettre l’opinion de certains auteurs modernes qui, soit nient que la fin première du mariage soit la génération et l’éducation de la progéniture, soit enseignent que les fins secondaires ne sont pas essentiellement subordonnées à la fin première, mais sont également primordiales et indépendantes ?

Réponse (confirmée par le Souverain Pontife Pie XII le 30 mars 1944) : Non.

(AAS 36, 1944 : 103, Denzinger, n.3838)

Plusieurs années plus tard, Pie XII s’est référé à ce jugement du Saint-Office comme à son propre enseignement et l’a développé dans un discours aux sages-femmes, prononcé en 1951 :

Or, la vérité est que le mariage comme institution naturelle, en vertu de la volonté du Créateur, a pour fin première et intime non le perfectionnement personnel des époux, mais la procréation et l’éducation de la nouvelle vie. Les autres fins, tout en étant également voulues par la nature, ne se trouvent pas sur le même rang que la première ; et encore moins lui sont-elles supérieures, mais essentiellement subordonnées. Cela vaut pour tout mariage, même infécond ; comme de tout œil on peut dire qu’il est destiné et formé pour voir, même si en des cas anormaux, par suite de conditions spéciales internes ou externes, il se trouve qu’il ne sera jamais en mesure de conduire à la perception visuelle.

Précisément, pour couper court à toutes les incertitudes et déviations qui menaçaient de répandre des erreurs au sujet de la hiérarchie des fins du mariage et de leurs rapports réciproques, Nous avons rédigé Nous-mêmes, il y a quelques années (10 mars 1944) une déclaration sur l’ordre de ces fins, indiquant ce que révèle la structure interne de la disposition naturelle, ce qui est le patrimoine de la tradition chrétienne, ce que les Souverains Pontifes ont enseigné à plusieurs reprises, ce qui ensuite a été dans les formes requises fixé par le Code de Droit canonique. De plus, peu après, pour redresser les opinions contraires, le Saint-Siège dans un décret public, a déclaré qu’on ne peut admettre la pensée de plusieurs auteurs récents qui nient que la fin première du mariage, soit la procréation et l’éducation de l’enfant ou enseignent que les fins secondaires ne sont pas essentiellement subordonnées à la fin première, mais lui sont équivalentes et en sont indépendantes.

Ainsi donc, si le mariage a plusieurs fins, les fins secondaires sont ordonnées à la fin première, qui est la procréation et l’éducation des enfants. C’est pour cette raison que le sacrement du mariage, tout comme le sacerdoce, est appelé à juste titre un sacrement de service — tous deux sont ordonnés au bien d’autrui. Tout comme le prêtre est sanctifié par la grâce de l’ordination pour rendre les autres saints par l’administration des sacrements et le soin des âmes, les époux chrétiens sont sanctifiés par le sacrement du mariage pour être capables d’engendrer et d’élever de nouveaux enfants dans la vie et dans la Foi.

L’élévation du mariage au rang de sacrement lui permet de guérir la concupiscence et de signifier l’amour du Christ pour l’Église.

On a beaucoup parlé du mariage comme d’un signe de l’amour du Christ pour l’Église, à cause de son élévation à l’ordre sacramentel par Notre Seigneur, au point que beaucoup pensent que cela justifie de placer l’amour et l’union des époux l’un pour l’autre comme une fin plus élevée que la procréation des enfants. À l’appui de ce point de vue, les catholiques citent l’accent mis par Jean-Paul II sur le don total de soi, l’un à l’autre, par les époux, comme caractéristique essentielle du rapport conjugal. Un tel accent, dit-on, n’exclut pas le bien de la procréation mais en fait quelque chose de moins important, de secondaire.

Cependant, ce qu’une telle position ne voit pas, c’est que l’amour spirituel du Christ pour l’Église engendre précisément une nouvelle vie spirituelle par la communication de la grâce à de nouvelles âmes, c’est-à-dire que l’amour du Christ pour son épouse l’Église est un amour fécond qui engendre de nouveaux saints. La fidélité et l’amour du Christ pour l’Église et la fidélité et l’amour de celle-ci pour Lui sont eux-mêmes ordonnés à la production d’une vie nouvelle, la vie spirituelle des saints, commencée au baptême et achevée dans la gloire du ciel.

Ainsi, les époux chrétiens sont bien des signes de l’amour du Christ pour l’Église. Mais parce que cet amour est à la fois fidèle et fécond, l’amour conjugal doit aussi être à la fois fidèle et fécond. En outre, étant donné que, même dans l’ordre de la grâce, la fidélité de l’amour du Christ pour l’Église est ordonnée à la fécondité de cet amour spirituel — la naissance de nouveaux saints dans la vie de la grâce — la représentation de cet amour spirituel par les époux n’inverse pas l’ordre des fins du mariage, mais l’élève et le confirme. La fidélité des mariés dans leur amour l’un pour l’autre reste ordonnée à la fécondité de leur amour en donnant naissance à des enfants.

En effet, puisque le mariage, en tant que sacrement, a été élevé au rang de signe de l’amour du Christ pour l’Église, la grâce est communiquée ou disponible pour les époux, afin que leur amour l’un pour l’autre et pour leurs enfants puisse devenir de plus en plus justement ordonné tout au long de leur vie conjugale. Pour que les époux deviennent un signe approprié de l’amour du Christ pour l’Église, le sacrement, au fil du temps, guérit, ou est destiné à guérir, les passions désordonnées et l’amour égocentrique de l’homme et de la femme déchus. Cette guérison et cette mise en ordre des passions permettent au mari et à la femme de bien s’aimer mutuellement pour l’amour de Dieu et de leurs enfants.

La communication de la grâce dans le sacrement signifie également que les époux sont sanctifiés précisément pour qu’ils puissent se multiplier et susciter de nouveaux saints. En d’autres termes, pour les époux chrétiens, la finalité première du mariage n’est pas seulement d’engendrer une vie nouvelle et d’élever les enfants pour qu’ils deviennent des adultes bons et mûrs, mais aussi d’élever les enfants dans la connaissance et la pratique de la Foi. C’est de cette manière qu’ils participent et signifient le plus la fécondité spirituelle de l’amour du Christ pour l’Église.

Léon XIII a enseigné cette doctrine concernant l’élévation de la fin première du mariage en 1880 dans l’encyclique Arcanum, sur le mariage chrétien :

Mais ce n’est pas uniquement dans ce qui vient d’être rappelé que se trouve la chrétienne et souveraine perfection du mariage. Car en premier lieu, la société conjugale eut désormais un but plus noble et plus élevé qu’auparavant. Sa mission ne fut plus seulement de pourvoir à la propagation du genre humain, mais d’engendrer les enfants de l’Eglise, les concitoyens des saints et les serviteurs de Dieu (Eph. II, 19), afin qu’un peuple fût procréé et élevé pour le culte et la religion du vrai Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ (Catéch. Rom., c. XXVII, IV).

Avec l’élévation du mariage au rang de sacrement par le Christ, les fins du mariage ont également été élevées, de sorte que l’amour des époux signifie l’amour fidèle et fécond du Christ pour son épouse, l’Église, et que le mari et la femme ont désormais pour fin première non seulement la procréation et l’éducation des enfants, mais aussi d’élever ces enfants dans la Foi.

L’interdiction universelle de la contraception

Ayant établi l’ordre des fins du mariage, nous sommes maintenant en mesure de mieux comprendre pourquoi la contraception est intrinsèquement mauvaise. Chacun des actes de l’union sexuelle est une chose qui appartient proprement et exclusivement aux époux. C’est le droit à l’acte sexuel qui est donné par les époux dans les vœux de mariage. Puisque les rapports sexuels sont propres au mariage, ce qui est vrai pour le mariage dans son ensemble en ce qui concerne ses fins est également vrai pour chacun des actes de l’union sexuelle : la fin première de l’union conjugale est la procréation, et les autres fins lui sont subordonnées.

Pour être moralement bon, tout acte de l’union conjugale doit donc conserver son ordre naturel ou son inclinaison vers la procréation comme fin première de l’acte.

Détruire intentionnellement la fin première de l’union sexuelle revient à détruire l’ordre moral fondamental de cette action, une action qui, parce qu’elle appartient proprement et exclusivement aux personnes mariées, est un élément décisif dans la relation entre mari et femme. En d’autres termes, la bonté morale du rapport sexuel pour les personnes mariées découle fondamentalement de la relation entre l’union sexuelle et la procréation.

Puisque certaines actions sont naturellement ordonnées vers un certain bien comme fin, la bonté morale de ces actions découle fondamentalement du fait d’agir de telle sorte que cet ordre naturel soit préservé et maintenu. Un tel ordre a été déterminé par Dieu lui-même en tant qu’auteur de la nature et a été placé dans la création.

L’acte sexuel est naturellement ordonné à la procréation. L’union conjugale est donc moralement bonne lorsque les mariés préservent cet ordre naturel. L’obligation de préserver cet ordre naturel dans les rapports sexuels est le fondement de tous les autres jugements de la moralité sexuelle. De même, la bonté de cet ordre naturel est également le fondement de la bonté de tout le reste de la vie conjugale.

C’est parce qu’il est bon pour les mariés d’avoir des enfants qu’il est bon pour eux d’être unis dans une amitié et une communion qui incluent les rapports sexuels. La première [fin] est la raison de la seconde. C’est parce que le mariage est ordonné aux enfants que les époux sont unis de la manière dont ils le sont. Les particularités de la première [fin] déterminent les particularités de la seconde. D’autre part, si la réalisation de la fin première est positivement empêchée dans l’acte même qui est spécifiquement ordonné à cette fin -- si l’union sexuelle est positivement empêchée d’être ordonnée aux enfants par l’utilisation de la contraception -- alors le fondement de la bonté morale de l’union conjugale a été détruit, à savoir, son ordre vers sa fin première et naturelle. C’est pour cette raison que la contraception ne peut jamais être moralement bonne.

Cette vérité peut être connue de la raison humaine naturelle, puisqu’elle découle de la nature même du mariage et de l’union sexuelle, fondés sur la complémentarité sexuelle naturellement déterminée de l’homme et de la femme. Cette complémentarité sexuelle ne peut changer, le mariage non plus. L’ordre naturel des rapports sexuels vers la procréation ne peut pas non plus changer, ni l’ordre des fins du mariage, ni les interdictions morales qui découlent de l’ordre de ces fins. Le caractère gravement peccamineux de la contraception est donc une vérité de la loi morale naturelle, même s’il est difficile d’en raisonner clairement les arguments.

De nombreux papes se sont exprimés sur cette question, et leur enseignement est présenté ici. Il convient de noter que ces papes, répartis sur près d’un siècle, ont tous affirmé à la fois que la contraception est un mal intrinsèque et que cette vérité fait partie de la loi morale naturelle.

Voici l’enseignement des Pontifes romains du siècle dernier qui ont affirmé que la contraception est un mal intrinsèquement grave.

Pie XI

En 1930, Pie XI a enseigné très clairement dans Casti Connubii, que tout acte sexuel dans lequel la génération d’enfants était délibérément frustrée était un péché grave :

54. Aucune raison assurément, si grave soit-elle, ne peut faire que ce qui est intrinsèquement contre nature devienne conforme à la nature et honnête. Puisque l’acte du mariage est, par sa nature même, destiné à la génération des enfants, ceux qui, en l’accomplissant, s’appliquent délibérément à lui enlever sa force et son efficacité, agissent contre la nature ; ils font une chose honteuse et intrinsèquement déshonnête.

55. Aussi ne faut-il pas s’étonner de voir les Saintes Écritures attester que la divine Majesté déteste au plus haut point ce forfait abominable, et qu’elle l’a parfois puni de mort, comme le rappelle saint Augustin : « Même avec la femme légitime, l’acte conjugal devient illicite et honteux dès lors que la conception de l’enfant y est évitée. C’est ce que faisait Onan, fils de Judas, ce pourquoi Dieu l’a mis à mort. »

56. En conséquence, comme certains, s’écartant manifestement de la doctrine chrétienne telle qu’elle a été transmise depuis le commencement, et toujours fidèlement gardée, ont jugé bon récemment de prêcher d’une façon retentissante, sur ces pratiques, une autre doctrine, l’Église catholique, investie par Dieu même de la mission d’enseigner et de défendre l’intégrité des mœurs et l’honnêteté, l’Église catholique, debout au milieu de ces ruines morales, afin de garder la chasteté du lien nuptial à l’abri de cette honteuse déchéance, se montrant ainsi l’envoyée de Dieu, élève bien haut la voix par Notre bouche, et elle promulgue de nouveau : que tout usage du mariage, quel qu’il soit, dans l’exercice duquel l’acte est privé, par l’artifice des hommes, de sa puissance naturelle de procréer la vie, offense la loi de Dieu et la loi naturelle, et que ceux qui auront commis quelque chose de pareil se sont souillés d’une faute grave.

Pie XII

En 1951, Pie XII a confirmé l’enseignement de Casti Connubii sur la contraception, le qualifiant de proclamation solennelle. Dans un discours aux sages-femmes, Pie XII a déclaré :

Notre prédécesseur, Pie XI, d’heureuse mémoire, dans son encyclique Casti Connubii, du 31 décembre 1930, a de nouveau proclamé solennellement la loi fondamentale de l’acte conjugal et des relations conjugales : que toute tentative de l’époux ou de l’épouse, dans l’accomplissement de l’acte conjugal ou dans le développement de ses conséquences naturelles, visant à le priver de sa force inhérente et à empêcher la procréation d’une nouvelle vie, est immorale ; et qu’aucune « indication » ou nécessité ne peut transformer un acte intrinsèquement immoral en un acte moral et licite.

Ce précepte est pleinement en vigueur aujourd’hui, comme il l’a été dans le passé, et il le sera aussi à l’avenir, et toujours, car il ne s’agit pas d’une simple lubie humaine, mais de l’expression d’une loi naturelle et divine.

Paul VI

Puis, en 1968, après l’apparition de la pilule contraceptive, face à l’opposition du monde entier et à la déception de ceux qui souhaitaient modifier l’enseignement de l’Église, Paul VI a de nouveau condamné l’utilisation de la contraception dans l’encyclique Humane Vitae. Abordant la question, il écrit :

6. Les conclusions auxquelles était parvenue la Commission ne pouvaient toutefois être considérées par Nous comme définitives, ni Nous dispenser d’examiner personnellement ce grave problème, entre autres parce que le plein accord n’avait pas été réalisé au sein de la Commission sur les règles morales à proposer ; et surtout parce qu’étaient apparus certains critères de solutions qui s’écartaient de la doctrine morale sur le mariage proposée avec une constante fermeté par le Magistère de l’Eglise.

C’est pourquoi, ayant attentivement examiné la documentation qui Nous a été soumise, après de mûres réflexions et des prières assidues, Nous allons maintenant, en vertu du mandat que le Christ Nous a confié, donner notre réponse à ces graves questions.

11. L’Église... rappelant les hommes à l’observation de la loi naturelle, interprétée par sa doctrine constante, enseigne que tout acte matrimonial doit rester ouvert à la transmission de la vie.

12. Cette doctrine, plusieurs fois exposée par le Magistère, est fondée sur le lien indissoluble, que Dieu a voulu et que l’homme ne peut rompre de son initiative, entre les deux significations de l’acte conjugal : union et procréation.

En effet, par sa structure intime, l’acte conjugal, en même temps qu’il unit profondément les époux, les rend aptes à la génération de nouvelles vies, selon des lois inscrites dans l’être même de l’homme et de la femme. C’est en sauvegardant ces deux aspects essentiels, union et procréation que l’acte conjugal conserve intégralement le sens de mutuel et véritable amour et son ordination à la très haute vocation de l’homme à la paternité.

14. En conformité avec ces points fondamentaux de la conception humaine et chrétienne du mariage, nous devons encore une fois déclarer qu’est absolument à exclure, comme moyen licite de régulation des naissances, l’interruption directe du processus de génération déjà engagé, et surtout l’avortement directement voulu et procuré, même pour des raisons thérapeutiques.

Est pareillement à exclure, comme le Magistère de l’Eglise l’a plusieurs fois déclaré, la stérilisation directe, qu’elle soit perpétuelle ou temporaire, tant chez l’homme que chez la femme.

Est exclue également toute action qui, soit en prévision de l’acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation.

Et on ne peut invoquer comme raisons valables, pour justifier des actes conjugaux rendus intentionnellement inféconds, le moindre mal ou le fait que ces actes constitueraient un tout avec les actes féconds qui ont précédé ou qui suivront, et dont ils partageraient l’unique et identique bonté morale. En vérité, s’il est parfois licite de tolérer un moindre mal moral afin d’éviter un mal plus grand ou de promouvoir un bien plus grand il n’est pas permis, même pour de très graves raisons, de faire le mal afin qu’il en résulte un bien, c’est-à-dire de prendre comme objet d’un acte positif de volonté ce qui est intrinsèquement un désordre et, par conséquent, une chose indigne de la personne humaine, même avec l’intention de sauvegarder ou de promouvoir des biens individuels, familiaux ou sociaux. C’est donc une erreur de penser qu’un acte conjugal rendu volontairement infécond et, par conséquent, intrinsèquement déshonnête, puisse être rendu honnête par l’ensemble d’une vie conjugale féconde.

Jean Paul II

Enfin, Jean-Paul II, le grand défenseur du caractère sacré de la vie et du mariage, a réitéré, confirmé, enseigné et défendu à de nombreuses reprises l’enseignement constant de l’Église sur la contraception, consacrant une grande partie de son pontificat à l’exposition de cet enseignement.

Le 5 octobre 1979, dans un discours prononcé devant la Conférence des évêques des États-Unis réunie à Chicago, Jean-Paul II a déclaré :

En exaltant la beauté du mariage, vous êtes allés justement à l’encontre aussi bien de la théorie de la contraception que de ses applications pratiques, comme l’avait fait l’encyclique Humanae vitae. Et moi aujourd’hui, avec la même conviction que Paul VI, je fais mien se l’enseignement de cette encyclique qui avait été donné par mon prédécesseur, « en vertu du mandat qui nous a été confié par le Christ » (AAS 60, 1968, p. 485).

De nouveau, le 7 juin 1980, dans un discours à plusieurs évêques d’Indonésie, le Pontife a enseigné :

En ce qui concerne l’enseignement de l’Église sur la régulation des naissances, nous sommes appelés à professer, en union avec toute l’Église, l’enseignement exigeant mais édifiant de l’encyclique Humanae vitae, que mon prédécesseur Paul VI a présenté « en vertu du mandat que nous a confié le Christ ». À cet égard, nous devons être particulièrement conscients du fait que la sagesse de Dieu l’emporte sur le calcul humain et que sa grâce est puissante dans la vie des personnes. La contraception doit être jugée objectivement si illicite qu’elle ne peut jamais, pour quelque raison que ce soit, être justifiée.

En 1981, dans l’Exhortation apostolique Familiaris Consortio, Jean-Paul II a développé l’enseignement sur la contraception en relation avec le don total de soi que les époux se font l’un à l’autre, qualifiant la contraception de contradiction qui fausse le don de soi de l’époux à l’autre :

Lorsque les époux, en recourant à la contraception, séparent ces deux significations que le Dieu Créateur a inscrites dans l’être de l’homme et de la femme comme dans le dynamisme de leur communion sexuelle, ils se comportent en « arbitres » du dessein de Dieu ; ils « manipulent » et avilissent la sexualité humaine et, avec elle, leur propre personne et celle du conjoint en altérant la valeur de leur donation « totale ». Ainsi, au langage qui exprime naturellement la donation réciproque et totale des époux, la contraception oppose un langage objectivement contradictoire, selon lequel il ne s’agit plus de se donner totalement à l’autre ; il en découle non seulement le refus positif de l’ouverture à la vie, mais aussi une falsification de la vérité intérieure de l’amour conjugal, appelé à être un don de la personne tout entière. (no 32).

En 1983, le Souverain Pontife a développé davantage cet enseignement en ce qui concerne la participation des époux à la puissance créatrice de Dieu. Il déclare :

A l’origine de toute personne humaine, il y a un acte créateur de Dieu. Aucun homme ne vient à l’existence par hasard ; il est toujours l’objet de l’amour créateur de Dieu. De cette vérité fondamentale de la foi et de la raison, il résulte que la capacité de procréation, inscrite dans la sexualité humaine, est — dans sa vérité la plus profonde — une coopération avec la puissance créatrice de Dieu. Et il s’ensuit également que l’homme et la femme ne sont pas les arbitres, les maîtres de cette même capacité, appelés qu’ils sont, en elle et par elle, à participer à la décision créatrice de Dieu.

Lorsque, par conséquent, par la contraception, les couples mariés soustraient à l’exercice de leur sexualité conjugale sa capacité potentielle de procréation, ils revendiquent un pouvoir qui n’appartient qu’à Dieu : le pouvoir de décider en dernière analyse de la venue à l’existence d’une personne humaine. Ils assument la qualification de ne pas être des coopérateurs du pouvoir créateur de Dieu, mais les dépositaires ultimes de la source de la vie humaine. Dans cette perspective, la contraception doit être jugée objectivement si profondément illégale, qu’elle ne peut jamais être, pour quelque raison que ce soit, justifiée. Penser ou dire le contraire revient à soutenir que dans la vie humaine, il peut se présenter des situations dans lesquelles il est licite de ne pas reconnaître Dieu comme Dieu. (L’Osservatore Romano, 10 oct. 1983)

En 1987, s’adressant à une conférence sur la planification familiale naturelle, Jean-Paul II a précisé que l’enseignement de l’Église sur la contraception n’est pas ouvert au débat entre théologiens. « Ce qui est enseigné par l’Église sur la contraception, affirmait-il, n’appartient pas aux matériaux librement discutables entre théologiens. » Il a condamné ceux qui s’opposent à cet enseignement, disant qu’ils, « en contraste ouvert avec la loi de Dieu authentiquement enseignée par l’Église, guident les couples sur un mauvais chemin. » (Prairie Messenger, 15 juin 1987 ; Osservatore Romano, 6 juin 1987)

Dans un langage similaire, en 1988, s’adressant au Congrès sur la famille au sujet d’Humanae Vitae, à l’occasion du 20e anniversaire de sa promulgation, le pape a déclaré que son enseignement sur la contraception « appartient au patrimoine permanent de la doctrine morale de l’Église » et que « la doctrine exposée dans l’encyclique Humanae vitae constitue donc la défense nécessaire de la dignité et de la vérité de l’amour conjugal ».

Comme point culminant de la défense du caractère sacré de la vie humaine, Jean-Paul II a publié en 1995 l’encyclique Evangelium Vitae. En allant à la racine des problèmes, il a souligné la relation inhérente entre la mentalité contraceptive et la pratique répandue de l’avortement, qui toutes deux méconnaissent le caractère sacré de la vie humaine :

13. Il est souvent affirmé que la contraception, si elle est rendue sûre et accessible à tous, est le remède le plus efficace contre l’avortement. On accuse aussi l’Église catholique de favoriser de fait l’avortement parce qu’elle continue obstinément à enseigner l’illicéité morale de la contraception. À bien la considérer, l’objection se révèle en réalité spécieuse.

Il peut se faire, en effet, que beaucoup de ceux qui recourent aux moyens contraceptifs le fassent aussi dans l’intention d’éviter ultérieurement la tentation de l’avortement. Mais les contre-valeurs présentes dans la « mentalité contraceptive » — bien différentes de l’exercice responsable de la paternité et de la maternité, réalisé dans le respect de la pleine vérité de l’acte conjugal — sont telles qu’elles rendent précisément plus forte cette tentation, face à la conception éventuelle d’une vie non désirée. De fait, la culture qui pousse à l’avortement est particulièrement développée dans les milieux qui refusent l’enseignement de l’Église sur la contraception.

Certes, du point de vue moral, la contraception et l’avortement sont des maux spécifiquement différents : l’une contredit la vérité intégrale de l’acte sexuel comme expression propre de l’amour conjugal, l’autre détruit la vie d’un être humain ; la première s’oppose à la vertu de chasteté conjugale, le second s’oppose à la vertu de justice et viole directement le commandement divin « Tu ne tueras pas ».

Mais, même avec cette nature et ce poids moral différents, la contraception et l’avortement sont très souvent étroitement liés, comme des fruits d’une même plante. Il est vrai qu’il existe même des cas dans lesquels on arrive à la contraception et à l’avortement lui — même sous la pression de multiples difficultés existentielles, qui cependant ne peuvent jamais dispenser de l’effort d’observer pleinement la loi de Dieu. Mais, dans de très nombreux autres cas, ces pratiques s’enracinent dans une mentalité hédoniste et de déresponsabilisation en ce qui concerne la sexualité et elles supposent une conception égoïste de la liberté, qui voit dans la procréation un obstacle à l’épanouissement de la personnalité de chacun. La vie qui pourrait naître de la relation sexuelle devient ainsi l’ennemi à éviter absolument, et l’avortement devient l’unique réponse possible et la solution en cas d’échec de la contraception.

L’enseignement ne peut pas changer

Chaque fois que l’Église s’est prononcée sur la question de la contraception dans son enseignement officiel, elle a affirmé l’interdiction universelle de sa pratique. L’Église a également affirmé que cet enseignement fait partie de la loi morale naturelle et a développé cet enseignement en relation avec les aspects proprement surnaturels du mariage, comme la signification de l’amour du Christ pour l’Église.

La condamnation de la contraception comme étant universellement et intrinsèquement un péché grave appartient au Magistère ordinaire universel de l’Église, et en tant que telle est infaillible et irréformable, faisant partie du « patrimoine permanent de la doctrine morale de l’Église ». On peut également soutenir que certaines déclarations sur le sujet, comme la ferme condamnation de Pie XI dans Casti Connubii constituent une déclaration « ex cathedra », puisque, comme l’a noté Pie XII, Pie XI avait « solennellement proclamé » la condamnation dans l’encyclique. Cela signifierait que cet enseignement appartient également au Magistère extraordinaire de l’Église, une définition solennelle de Pie XI sur une question de morale, infaillible en vertu de l’autorité pédagogique suprême du Pape lorsqu’il définit en matière de Foi ou de morale en tant que pasteur universel de toute l’Église.

En outre, face à la crise actuelle que traverse l’Église, avec l’appel accru à un changement de cet enseignement pérenne, puisque l’interdiction fait partie de la loi naturelle, il faut dire que le Pape ne peut pas changer cet enseignement, pas plus qu’il ne peut changer la loi morale naturelle ou la nature du mariage et de la sexualité humaine, sur laquelle cette loi morale particulière est fondée.

C’est Dieu lui-même — et non le Pape ou qui que ce soit d’autre — qui a créé l’homme et la femme, et qui a institué le mariage au début de la création, l’orientant vers la procréation des enfants et l’union des époux pour le bien des enfants. C’est également Dieu lui-même, incarné dans le Christ, qui a élevé le mariage au rang de sacrement de l’Église, en en faisant un moyen et un signe de la grâce surnaturelle, guérissant ainsi la concupiscence et signifiant l’amour fidèle et fécond du Christ pour son épouse l’Église, un amour ordonné à la naissance de la famille des saints.

Toute la morale sexuelle est inscrite dans la nature même de l’homme en tant que mâle et femelle et découle de la nature même de l’union de l’homme et de la femme dans le mariage. C’est Dieu seul qui a établi ces choses, et nul autre que Lui ne peut les changer.

Des fins du mariage et de leur ordre, on peut bien dire ce que le Christ lui-même dit du lien indissoluble par lequel les époux sont unis dans le saint mariage : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. »



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