Par Jeanne Smits (Le blog de Jeanne Smits) ― Photo : Freepik
Dans le débat qui se poursuit à propos de l’utilisation de lignées de cellules fœtales obtenues à la suite d’avortements (réalisés dans des conditions particulièrement cruelles afin de permettre leur obtention) je vous propose aujourd’hui de découvrir les réponses de Mgr Athanasius Schneider à quelques questions que je lui ai posées à ce sujet.
C’est un thème qui divise ; Mgr Athanasius Schneider fait d’ailleurs partie des très rares ecclésiastiques qui refusent de justifier le recours aux différents vaccins anti-COVID actuellement distribués en France au motif que la « coopération au mal » qu’implique leur utilisation est tellement éloignée que la personne recevant le vaccin n’est pas en conscience obligée de le refuser.
Comme vous le savez peut-être j’ai signé la Déclaration évoquée à la fin de cet entretien, et même si un « consensus » semble s’être assez largement dégagé, je suis persuadée qu’il nous faut réfléchir plus avant à une pratique qui, loin d’être anecdotique et ponctuelle, devient de plus en plus répandue dans l’industrie pharmaceutique mais aussi dans les industries cosmétiques et alimentaires : l’utilisation de cellules humaines obtenues à la suite d’avortements pour divers tests de tolérance et d’efficacité, et opérations de production.
Vous ne serez peut-être pas d’accord avec les propos de Mgr Schneider. Mais si ce débat doit avoir lieu, il faut en connaître les différents aspects, et y réfléchir honnêtement — or je constate qu’il est aujourd’hui très difficile, y compris dans la presse catholique de conviction, d’avoir accès à ses arguments, et à d’autres que j’ai répercutés ou exposés à titre personnel sur ce blog.
Il y a quelques mois, Mgr Schneider m’écrivait : « Je me sens fortement poussé devant Dieu à élever la voix pour défendre l’inviolabilité des corps et de ses parties (cellules) d’enfants tués. Nous devons tous crier : Ne touchez pas aux corps et aux cellules des bébés à naître ! », et avec cela en évitant toute concession ou ambiguïté, prêts à subir des inconvénients personnels pour cela.
Voici donc l’entretien que m’a accordé Mgr Schneider. — J.S.
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– Mgr Schneider, vous êtes parmi les très rares hommes d’Eglise qui demandent aux fidèles de refuser totalement de recevoir un vaccin ayant été touché de près ou de loin par l’utilisation de lignées de cellules fœtales obtenues à partir d’avortement. Le plus grand nombre — allant du Pape François à la Congrégation pour la Doctrine de la foi — approuvent le recours aux vaccins anti-COVID ainsi « souillés » ; la Fraternité Saint Pie X a publié une réflexion faisant état de la coopération très éloignée au mal que constitue la réception de ces vaccins. Pourquoi n’êtes-vous pas de cet avis ?
– Les puissances mondiales anti-chrétiennes qui promeuvent la culture de la mort poursuivent l’objectif d’imposer une participation passive implicite, quoique distante, à l’avortement à l’ensemble de la population mondiale. Une telle coopération éloignée est en soi un mal en raison des circonstances extraordinaires dans lesquelles ces puissances mondiales promeuvent le meurtre d’enfants à naître et l’exploitation des restes de leur corps. En utilisant de tels vaccins et médicaments, nous bénéficions pour notre corps des « fruits » ou « bienfaits » de l’un des plus grands maux de l’humanité, à savoir le génocide cruel de l’enfant à naître. En utilisant de tels médicaments ou vaccins, nous recevons une sorte de signe dans notre corps qui indique que nous sommes liés à ce mal, sinon directement, mais néanmoins nous sommes liés. Parce que si un enfant innocent n’avait pas été cruellement assassiné, nous n’aurions pas ces médicaments ou vaccins dans notre corps. Nous n’avons pas besoin d’être assez naïfs pour ne pas voir que derrière ces vaccins et médicaments, il n’y a pas seulement un bienfait pour la santé, mais en même temps la promotion de la culture de la mort.
Bien sûr, on peut affirmer que si les gens ne prenaient pas ces vaccins, l’industrie de l’avortement continuera de toute façon. Si nous ne prenons pas de tels vaccins ou médicaments, nous ne réduirons probablement pas le nombre d’avortements. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici. Le problème est l’affaiblissement moral de notre devoir de résistance au crime d’avortement, au crime de recyclage et de commercialisation des parties du corps d’enfants assassinés. L’utilisation de ces médicaments et vaccins ajoutera en quelque sorte un soutien moral, bien qu’indirect, à cette horrible situation. Et puis les avorteurs diront : « Vous voyez, toute l’Église catholique, la hiérarchie, bien qu’à contrecœur, accepte cette situation, une situation qui comprend toute une chaîne de crimes contre la vie, une “chaîne de mort” ». Nous devons vraiment nous réveiller pour voir les vrais dangers, les conséquences et les circonstances.
– La congrégation pour la Doctrine de la foi a bien souligné qu’il faut préférer, quand cela est possible, un vaccin produit de manière « éthique », et il en existe, même pour le COVID. Pensez-vous que cet aspect des choses est trop oublié ?
– La Congrégation a dit encore plus que tous ont le devoir « d’exprimer leur propre désaccord à ce sujet et de demander que les systèmes de santé mettent à leur disposition d’autres types de vaccins » (Dignitas Personæ, 35). Il est très étonnant qu’aujourd’hui, il y ait très peu de voix qui protestent ouvertement contre l’existence de médicaments et de vaccins contaminés par l’avortement. Il est encore plus étonnant que des organisations et des personnes qui travaillent par ailleurs pour la protection de la vie à naître se dissimulent soudainement et n’expriment aucune protestation publique. Il est incompréhensible que même les personnes et les organisations qui défendent la vraie doctrine et la morale catholiques soient soudainement devenues des sortes de défenseurs de l’utilisation de ces vaccins et médicaments. Vu le comportement de ces personnes dans son ensemble, il reste l’impression que ces personnes sont passées dans le camp de l’ennemi car, en prônant publiquement l’utilisation des vaccinations liées à l’avortement, ces personnes et organisations catholiques contribuent en définitive à la solidification de ce mal dans notre société, le mal qui consiste à enlever des parties du corps des enfants assassinés à naître en les exploitant.
– Est-il, selon vous, peccamineux de recevoir un vaccin testé en utilisant une ancienne lignée de cellules fœtales ? Et comment pourrait-on l’affirmer quand des voix autorisées de l’Eglise affirment depuis longtemps qu’il est possible de le faire sans pécher, en raison de l’absence de responsabilité personnelle par rapport à l’avortement et à l’absence pratique d’autre choix ?
– Nous devons considérer la vraie profondeur de ce problème et dans ce cas nous ne devons pas nous fier au positivisme juridique et au formalisme d’une théorie abstraite de la collaboration au mal ou du double effet, ou quel que soit le nom que vous souhaitez donner à une telle justification. Nous devons aller plus loin dans les racines, et considérer la proportionnalité. Cette chaîne particulière de crimes meurtriers horribles, l’extraction de parties du corps des enfants pendant qu’ils sont tués, le recyclage et la commercialisation de leurs parties du corps par la fabrication et le test de médicaments et de vaccins, est disproportionnée par rapport à d’autres crimes, tels que le travail d’esclave, cas individuels intéressants de l’histoire, paiement des impôts, etc.
En raison de la gravité de la nature extraordinaire de l’avortement et de la situation actuelle d’une industrie de l’avortement en croissance constante, le principe de la coopération matérielle, du double effet, etc. ne sont en principe pas applicables dans ce cas. Étant donné cette gravité extraordinaire de ce cas, objectivement parlant, un chrétien ne peut pas participer à un tel mal. La gravité d’un tel péché dépend alors des circonstances personnelles individuelles : pleine connaissance, pleine liberté de la volonté, forte pression des autres et de l’environnement. Cependant, on ne peut justifier ou autoriser publiquement l’utilisation de tels médicaments et vaccins de quelque manière que ce soit. La vie chrétienne est aussi essentiellement une confession et un « non » résolu à s’adapter à la culture de la mort.
– Ou bien est-on dans un cas semblable à celui d’une femme enceinte qui tombe gravement malade et à qui l’on doit donner un soin qui aura pour effet de tuer l’enfant qu’elle porte (par exemple, ablation de l’utérus) : elle ne commet pas le péché d’avortement en acceptant le traitement ; mais elle exerce la vertu de manière héroïque en refusant, portant ainsi témoignage au devoir de respecter la vie.
– La particularité de la foi chrétienne est que nous devons comprendre et vivre la vie sur terre en suivant le Christ. Le sens de la vie d’une personne sur terre, selon les paroles du Christ, est de donner sa vie, de faire de sa vie un sacrifice, d’abord par amour pour Dieu à la suite du Christ, et par amour pour son prochain si les circonstances particulières de la vie l’exigent. Il y a n’a pas un commandement à l’héroïcité, mas bien sûr une invitation de Notre Seigneur à tous les fidèles de Le suivre dans le chemin de la croix. Nous possédons d’innombrables exemples de mères chrétiennes qui ont donné leur vie par amour pour que leur enfant puisse vivre. Combien d’exemples de martyrs avons-nous de tous les états de vie, des enfants et des filles délicates aux personnes âgées. Ils préféraient perdre leur courte vie terrestre au lieu de brûler ne serait-ce qu’un petit grain d’encens devant la statue d’une idole. Peu importait de savoir si c’était un gramme ou un dixième de gramme ou un kilogramme d’encens.
Alors aujourd’hui aussi, peu importe que nous acceptions le vaccin contenant de lignée de cellules fœtales dans sa production ou seulement dans la phase de tests. Nous sommes entrés dans le long processus qui trouve son origine dans le meurtre de l’enfant à naître et de l’extraction des parties de son corps. Au sens figuré on pourrait dire : l’utilisation du vaccin dont la lignée de cellules ont été utilisées seulement pour le test est comme brûler un dixième de gramme d’encens, celle du vaccin dont la lignée de cellules ont été utilisées pour la production même est comme brûler dix grammes ou un kilogramme d’encens.
– L’affirmation de la loi de l’Eglise en ces matières est devenue inaudible pour un nombre grandissant de catholiques, faute d’avoir reçu une formation suffisante. Pour y remédier, des clercs de plus en plus nombreux atténuent la doctrine, de peur que les gens ne se détournent de l’Eglise. Comment peut-on, aujourd’hui, rendre audible, compréhensible la loi de l’Eglise sans l’amoindrir ?
– Dans cette situation, les catholiques doivent adhérer à l’enseignement catholique de tous les temps. Implorer instamment l’illumination du Saint-Esprit pour le renforcement du sensus fidei. Lisez les exemples des saints, en particulier des martyrs et surtout en priant Dieu pour que le bon sens devienne de plus en plus clair afin qu’un vrai catholique rejette spontanément quelque lien avec un vaccin lié au meurtre d’un enfant innocent à naître. Le simple catholique n’a pas besoin en ce concret cas d’être un Aristote ou un Thomas d’Aquin pour rejeter cela spontanément.
– D’autres vaccins sont souillés par l’avortement, comme celui contre la rubéole. Or il fait partie, en France, des vaccins obligatoires pour les nourrissons, et en l’absence de certificat de vaccination, les enfants ne peuvent être scolarisés — et en même temps, l’école à la maison est impossible à mettre en œuvre pour le plus grand nombre et elle est d’ailleurs en voie d’être interdite, sauf pour les enfants ayant une raison médicale. Quel conseil donneriez-vous aux parents à ce sujet ?
– On doit utiliser tous les moyens possibles et exiger des alternatives moralement saines. On doit utiliser l’objection de conscience et résister. Si nous ne le faisons pas maintenant, alors les forces anti-chrétiennes de la culture de la mort nous imposeront une implication toujours plus grande dans l’industrie du meurtre. Il est temps de se lever et de dire : nous protestons et nous ne participons pas. Une chaîne mondiale de protestation contre les produits contaminés par l’avortement doit être lancée et développée. Tolérance zéro pour les produits issus du meurtre d’enfants, que ce soit dans les cosmétiques ou dans la médecine. Si le mouvement Vegan n’accepte systématiquement que des produits qui sont, comme on dit, « sans cruauté » (cruelty-free), c’est-à-dire où aucune violence n’a été faite à l’animal, alors toutes les personnes de la bonne volonté et, avant tout, toutes les organisations de protection de la vie naissante doivent exiger des médicaments « sans cruauté », c’est-à-dire médicaments dont la production n’implique aucune violence contre les enfants à naître.
– Parmi les signataires de la récente déclaration sur les vaccins souillés par l’avortement, on trouve d’anciens membres permanents de l’Académie pour la vie fondée par Jean-Paul II, et aussi Wanda Poltawska, la plus grande amie du saint pape. Pourriez-vous nous parler de l’engagement de cette dernière ?
– On m’a dit que Mme Poltawska avait lu attentivement la Déclaration des femmes du 8 mars dernier et l’avait signée avec conviction. Elle connaît de sa propre expérience l’horreur des expériences médicales sur des personnes innocentes. Aucune personne honnête ne peut nier que l’extraction de cellules ou de parties du corps d’enfants tués et leur traitement ultérieure en biotechnologie ne sont pas une forme d’expériences médicales sur l’homme.
– Je note pour finir que ladite déclaration évoque un engagement pris à titre personnel, et qui tient compte des grandes questions de sécurité et d’efficacité soulevées par la vaccination expérimentale en cours contre le COVID-19. Cela veut-il dire que la réponse apportée en conscience au recours à ces vaccins est aussi liée à ces facteurs négatifs propres aux vaccins contre le COVID ?
Un prêtre et un évêque doivent d’abord se préoccuper du salut des âmes et non du salut des corps humains. Le prêtre est un spécialiste de l’éternité, de la vie éternelle surnaturelle, et nous devons montrer aux gens le moyen sûr d’accomplir fidèlement, sans compromis et sans ambiguïté la volonté de Dieu en tout, sachant que l’exemple du chrétien a aussi un effet public, et que son comportement ambigu peut être aussi un scandale et un contre-témoignage dans notre monde actuel. Les scientifiques devraient enquêter sur les dangers et risques sanitaires des vaccinations anti-Covid en toute honnêteté et les présenter publiquement sans aucune censure. La vérité viendra toujours à la lumière.
Propos recueillis par Jeanne Smits