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« Fratelli Tutti » : Mgr Carlo Maria Viganò dénonce la fausse conception de la fraternité dans « l’indifférentisme religieux »


Mgr Carlo Maria Viganò, ex-nonce apostolique aux États-Unis.

Par Jeanne Smits (Le blog de Jeanne Smits)

Répondant à des questions de LifeSiteNews à propos de plusieurs affirmations contenues dans l’encyclique du pape François, Fratelli Tutti, Mgr Carlo Maria Viganò a qualifié de « blasphématoire » une fraternité entre tous les hommes qui prétendrait se faire « contre Dieu ».

Je vous propose ci-dessous ma traduction intégrale de ses commentaires de plusieurs passages de Fratelli Tutti, sur lesquels Maike Hickson avait demandé des éclaircissements pour LifeSite. Les citations de l’encyclique sont en gras. — J.S.

*

274. À la faveur de notre expérience de foi et de la sagesse accumulée au cours des siècles, en apprenant aussi de nos nombreuses faiblesses et chutes, nous savons, nous croyants des religions différentes, que rendre Dieu présent est un bien pour nos sociétés.

La proposition « nous savons, nous croyants des religions différentes, que rendre Dieu présent est un bien pour nos sociétés » est délibérément équivoque : « rendre Dieu présent » ne signifie rien au sens strict (Dieu est présent en lui-même). Au sens large, si l’on entend « rendre Dieu présent par la présence d’une ou de plusieurs religions » par opposition à l’« éloignement des valeurs religieuses » visé au numéro 275, comme le texte semble le suggérer, la proposition est erronée et hérétique, car elle met sur le même plan la Révélation divine du Dieu vivant et vrai avec les « prostitutions », ainsi que l’Écriture Sainte désigne les fausses religions. Soutenir que la présence de fausses religions « est un bien pour nos sociétés » est tout aussi hérétique, car non seulement cela offense la Majesté de Dieu, mais cela légitime aussi l’action des dissidents, en leur attribuant un mérite, au lieu de leur imputer la responsabilité de la damnation des âmes et des guerres de religion menées contre l’Église du Christ par les hérétiques, les musulmans et les idolâtres. Ce passage est également choquant il implique subrepticement que ce « bien pour nos sociétés » a été acquis de manière générique, « en apprenant aussi de nos nombreuses faiblesses et chutes », alors qu’en réalité les « faiblesses et chutes » sont attribuables aux sectes et seulement indirectement et per accidens aux hommes d’Eglise.

Enfin, je voudrais souligner que l’indifférentisme religieux implicitement promu par le texte Fratelli Tutti, qui définit comme « un bien pour nos sociétés » la présence de toute religion — plutôt que « la liberté et le triomphe de notre sainte mère l’Eglise » — nie en réalité les droits souverains de Jésus-Christ, Roi et Seigneur des individus, des sociétés et des nations.

Pie XI, dans son immortelle encyclique Quas Primas, proclame : « Dès lors, faut-il s’étonner qu’il soit appelé par saint Jean le Prince des rois de la terre ou que, apparaissant à l’Apôtre dans des visions prophétiques, il porte écrit sur son vêtement et sur sa cuisse : Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Le Père a, en effet, constitué le Christ héritier de toutes choses ; il faut qu’il règne jusqu’à la fin des temps, quand il mettra tous ses ennemis sous les pieds de Dieu et du Père. » Et puisque les ennemis de Dieu ne peuvent pas être nos amis, la fraternité des peuples contre Dieu est non seulement ontologiquement impossible, mais théologiquement blasphématoire.

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277. L’Église valorise l’action de Dieu dans les autres religions et « ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui […] reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes » (Décl. Nostra ætate, 2).

La référence au document conciliaire Nostra ætate est la confirmation du lien idéologique de la pensée hérétique bergoglienne avec les prémisses établies au préalable par Vatican II. Dans les fausses religions, il n’y a rien de vrai et de saint ex se, puisque tous les éléments de vérité qu’elles peuvent conserver sont de toute façon usurpés, et utilisés en vue de dissimuler l’erreur et de la rendre plus nuisible. Aucun respect ne peut être accordé aux fausses religions, dont les préceptes et les doctrines doivent être exclus et rejetés dans leur intégralité. Si donc parmi ces éléments de vérité et de sainteté Bergoglio veut inclure par exemple le concept du Dieu unique qui devrait rapprocher les catholiques de ceux qui professent une religion monothéiste, il faut préciser qu’il existe une différence substantielle et irrémédiable entre le vrai Dieu Un et Trine et le dieu miséricordieux de l’islam.

277 [272]. D’autres s’abreuvent à d’autres sources. Pour nous, cette source de dignité humaine et de fraternité se trouve dans l’Évangile de Jésus-Christ.

La seule source à laquelle il est possible de s’abreuver est Notre Seigneur Jésus-Christ, par l’unique Église qu’Il a établie pour le salut des âmes. Ceux qui tentent d’étancher leur soif en s’abreuvant à d’autres sources n’étanchent pas leur soif, et presque certainement, ils s’empoisonnent eux-mêmes. Il est également discutable que le concept hétérodoxe de dignité humaine et de fraternité dont parle Fratelli Tutti puisse se retrouver dans l’Évangile, qui contredit en effet clairement cette vision horizontale, immanentiste et indifférentiste théorisée par Bergoglio. Enfin, la précision « pour nous » est trompeuse, car elle relativise l’objectivité du message évangélique à une manière personnelle de voir ou de vivre les choses, et prive par conséquent celui-ci de son autorité, qui découle de l’origine divine et surnaturelle de la Sainte Écriture.

279. […] Il y a un droit fondamental qui ne doit pas être oublié sur le chemin de la fraternité et de la paix. C’est la liberté religieuse pour les croyants de toutes les religions.

La liberté religieuse pour les croyants de toutes les religions n’est pas un droit de l’homme, mais un abus dépourvu de tout fondement théologique, et, même avant cela, elle n’est ni philosophique ni logique. Ce concept de liberté religieuse – qui substitue à la liberté de l’unique religion, la « liberté de la religion catholique de remplir sa mission » et la « liberté des fidèles d’adhérer à l’Église catholique sans entrave de la part de l’État », la licence d’adhérer à n’importe quelle croyance, indépendamment de sa crédibilité et de ses credenda (ce que nous devons croire) – est hérétique et inconciliable avec la doctrine immuable de l’Église. L’être humain n’a pas droit à l’erreur : l’absence de contrainte magistralement mise en lumière par Léon XIII dans l’encyclique Libertas praestantissimum ne supprime pas l’obligation morale de n’adhérer librement qu’au bien, puisque de la liberté de cet acte dépend sa moralité, c’est-à-dire la capacité de mériter une récompense ou une punition. L’État peut tolérer l’erreur dans certaines situations, mais il ne peut jamais légitimement mettre l’erreur au même niveau que la vérité, ni considérer toutes les religions comme équivalentes ou sans importance : l’indifférence religieuse est condamnée par le Magistère, tout comme le relativisme religieux. L’Église a pour mission de convertir les âmes à la vraie Foi, de les arracher aux ténèbres de l’erreur et du vice. Théoriser un prétendu droit à l’erreur et sa diffusion est aussi une offense à Dieu et une trahison de l’autorité vicariale des Pasteurs sacrés, qu’ils doivent exercer dans le but pour lequel elle a été établie, et non pour répandre l’erreur et discréditer l’Église du Christ. Il est incroyable que le Vicaire du Christ (j’oubliais : Bergoglio a renoncé à ce titre !) puisse reconnaître un quelconque droit aux fausses religions, puisque l’Église est l’Épouse de l’Agneau, et il serait blasphématoire de seulement imaginer que Notre Seigneur puisse avoir d’autres épouses.

281. [...] « Dieu ne regarde pas avec les yeux, Dieu regarde avec le cœur. Et l’amour de Dieu est le même pour chaque personne, quelle que soit sa religion. Et si elle est athée, c’est le même amour. Au dernier jour et quand il y aura la lumière suffisante sur la terre pour voir les choses telles qu’elles sont, il y aura des surprises ! » (Tiré du film Le pape François : Un homme de sa parole, de Wim Wenders, de 2018.)

L’utilisation d’expressions frappantes qui manquent de clarté est l’un des moyens utilisés par les novateurs pour insinuer des erreurs sans les formuler clairement. La proposition « Dieu ne regarde pas avec ses yeux, Dieu regarde avec son cœur » peut être, au mieux, une expression émouvante, mais dépourvue de toute valeur doctrinale. Au contraire, elle nous conduit à croire qu’en Dieu la connaissance et l’amour sont dissociés, que l’amour de Dieu est aveugle et que, par conséquent, l’orientation de nos propres actions n’a aucune valeur à ses yeux.

La proposition « l’amour de Dieu est le même pour chaque personne, quelle que soit sa religion » est gravement équivoque et trompeuse, plus insidieuse qu’une hérésie flagrante. Elle nous conduit à croire que la libre réponse de l’homme et son adhésion à l’amour de Dieu n’ont aucun rapport avec sa destinée éternelle.

Dans l’ordre naturel, Dieu crée chaque personne par un acte d’amour gratuit : l’amour de Dieu s’étend à toutes ses créatures. Mais toute personne humaine est créée en vue de l’adoption filiale et de la gloire éternelle. Dieu accorde à chaque personne les grâces surnaturelles nécessaires pour que chacun puisse Le connaître, L’aimer, et Le servir, et obéir à sa Loi inscrite dans son cœur, et ainsi parvenir à embrasser la Foi.

Dans l’ordre surnaturel, l’amour de Dieu pour une personne est proportionnel à son état de grâce, c’est-à-dire à la mesure dans laquelle cette âme correspond au Don de Dieu par la Foi et les œuvres, méritant la récompense éternelle. Dans les plans de la Providence, l’amour pour le pécheur — y compris l’hérétique, le païen et l’athée — peut consister à lui accorder de plus grandes grâces qui touchent son cœur et le conduisent au repentir et à l’adhésion à la vraie Foi.

« Au dernier jour et quand il y aura la lumière suffisante sur la terre pour voir les choses telles qu’elles sont, il y aura des surprises ! » : cette proposition suggère que ce que l’Église enseigne peut en quelque sorte être démenti au jour du Jugement dernier. Parmi ceux qui auront « des surprises », il y aura en réalité ceux qui croient pouvoir dénaturer la Foi et l’Ordre moral avec les divagations des modernistes et l’adhésion aux idéologies perverses du siècle, et on verra que ce que l’Eglise a toujours prêché, ce que l’anti-Eglise renie obstinément, correspond exactement à ce que Notre Seigneur a enseigné aux Apôtres.

+ Carlo Maria Viganò, archevêque



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