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François a déclenché une guerre : elle se terminera par le triomphe complet de la Tradition

Par Roberto de Mattei (LifeSiteNews) — Traduit par Campagne Québec-Vie — Photo : Servus Tuus/Wikimedia Commons

20 juillet 2021 (Rorate Caeli) — L’intention du pape François dans son motu proprio Traditionis custodes du 16 juillet 2021, est de réprimer toute expression de fidélité à la liturgie traditionnelle, mais le résultat sera de déclencher une guerre qui se terminera inévitablement par le triomphe de la Tradition de l’Église.

Lorsque, le 3 avril 1969, Paul VI a promulgué le Novus Ordo Missæ (NOM), son idée fondamentale était que, dans quelques années, la Messe traditionnelle ne serait plus qu’un souvenir. La rencontre de l’Église avec le monde moderne, que Paul VI appelait de ses vœux au nom d’un « humanisme intégral », prévoyait la disparition de tous les héritages de l’Église « constantinienne ». Et l’ancien rite romain, que saint Pie V avait restauré en 1570, après la dévastation liturgique protestante, semblait destiné à disparaître.

Jamais une prédiction ne s’est montrée plus erronée. Aujourd’hui, les séminaires sont dépourvus de vocations et les paroisses se vident, parfois abandonnées par des prêtres qui annoncent leur mariage et retournent à la vie civique. Au contraire, les lieux où l’on célèbre la liturgie traditionnelle et où l’on prêche la foi et la morale de toujours sont bondés de fidèles et sont des incubateurs de vocations. La messe traditionnelle est célébrée régulièrement dans 90 pays sur tous les continents et le nombre de fidèles qui y participent augmente d’année en année, renforçant la Fraternité Saint-Pie X et les instituts Ecclesia Dei créés après 1988. Le coronavirus a contribué à cette croissance, car, suite à l’imposition de la communion dans la main, de nombreux fidèles dégoûtés par cette profanation ont quitté leurs paroisses pour aller recevoir la Sainte Eucharistie dans des lieux où elle continue à être administrée sur la langue.

Ce mouvement d’âmes est né en réaction à cette « absence de forme » de la nouvelle liturgie dont Martin Mosebach a bien parlé dans son essai Heresy of Formlessness [L’hérésie de l’absence de forme]. Si des auteurs progressistes comme Andrea Riccardi, de la Communauté de Sant'Egidio, se plaignent de la disparition sociale de l’Église (L’Église brûle. Crise et avenir du christianisme, Tempi nuovi, 2021), l’une des causes en est précisément l’incapacité de la nouvelle liturgie à attirer et à exprimer le sens du sacré et de la transcendance. Ce n’est que dans l’absolue transcendance divine que s’exprime l’extrême proximité de Dieu avec l’homme, observe le cardinal Ratzinger dans le livre qu’avant son élection au pontificat il a consacré à l’Introduction à l’esprit de la liturgie (San Paolo, Milan 2001). Préfet de la Congrégation pour la Foi, il avait toujours placé la liturgie au centre de ses intérêts; devenu le Pape Benoît XVI, il a promulgué le 7 juillet 2007 le motu proprio Summorum Pontificum avec lequel il a restitué le plein droit de cité à l’ancien Rite Romain (malheureusement défini comme la « forme extraordinaire »), qui n’avait jamais été abrogé juridiquement mais qui était interdit de facto depuis quarante ans.

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Summorum Pontificum a contribué à la prolifération des centres de messe traditionnelle et à la floraison d’un riche ensemble d’études de haut niveau sur l’ancienne et la nouvelle liturgie. Le mouvement de redécouverte de la liturgie traditionnelle par les jeunes s’est accompagné d’une littérature si abondante qu’il n’est pas possible d’en rendre compte ici. Parmi les ouvrages les plus récents, il suffit de rappeler les écrits de l’abbé Claude Barthe, Histoire du missel tridentin et de ses origines (Via Romana 2016, It. tr. Solfanelli 2018) et La Messe de Vatican II. Dossier historique (Via Romana, 2018) ; par Michael Fiedrowicz, The Traditional Mass : History, Form, and Theology of the Classical Roman Rite (Angelico Press, 2020) et par Peter Kwasniewski, Noble Beauty, Transcendent Holiness: Why the Modern Age Needs the Mass of Ages (Angelico 2017, It. tr. Faith and Culture, 2021). Aucune étude d’égale valeur n’a été produite dans le domaine progressiste.

Face à ce mouvement de renaissance culturelle et spirituelle, le pape François a réagi en chargeant la Congrégation pour la doctrine de la foi d’envoyer aux évêques un questionnaire sur l’application du motu proprio de Benoît XVI. L’enquête est sociologique, mais les conclusions que François en a tirées sont idéologiques. Il n’y a pas besoin d’une enquête pour constater que les églises fréquentées par les fidèles attachés à la tradition liturgique sont toujours pleines et que les paroisses ordinaires se dépeuplent de plus en plus. Mais dans la lettre aux évêques qui accompagne le motu proprio du 16 juillet, le pape François affirme : « Les réponses révèlent une situation qui me préoccupe et m’attriste, et me persuade de la nécessité d’intervenir. Malheureusement, l’objectif pastoral de mes prédécesseurs, qui entendaient “faire tout leur possible pour que tous ceux qui possédaient vraiment le désir de l’unité trouvent la possibilité de rester dans cette unité ou de la redécouvrir à nouveau”, a souvent été gravement négligé. »

« Je suis attristé », ajoute François, « que l’usage instrumental du Missale Romanum de 1962 soit souvent caractérisé par un rejet non seulement de la réforme liturgique, mais du Concile Vatican II lui-même, en prétendant, avec des affirmations infondées et non soutenables, qu’il a trahi la Tradition et la “vraie Église”. » Par conséquent, « je prends la ferme décision d’abroger toutes les normes, instructions, permissions et coutumes qui précèdent le présent Motu proprio. »

Le pape François n’a pas jugé bon d’intervenir face à la lacération de l’unité produite par les évêques allemands, qui sont souvent tombés dans l’hérésie au nom du concile Vatican II, mais il semble convaincu que les seules menaces pour l’unité de l’Église viennent de ceux qui ont soulevé des doutes sur Vatican II, tout comme des doutes ont été soulevés sur Amoris Lætitia, sans jamais recevoir de réponse. D’où l’art. 1 du motu proprio Traditionis custodes, selon lequel « les livres liturgiques promulgués par les saints Pontifes Paul VI et Jean-Paul II, en conformité avec les décrets du Concile Vatican II, constituent l’expression unique de la lex orandi du Rite Romain. »

Sur le plan juridique, la révocation du libre exercice par le prêtre individuel de la célébration selon les livres liturgiques d’avant la réforme de Paul VI est manifestement un acte illégitime. En effet, le Summorum Pontificum de Benoît XVI a réaffirmé que le rite traditionnel n’a jamais été abrogé et que chaque prêtre a pleinement le droit de le célébrer partout dans le monde. Traditionis custodes interprète ce droit comme un privilège, qui, en tant que tel, est retiré par le Législateur suprême. Ce modus procedendi est cependant complètement arbitraire, car la légalité de la Messe traditionnelle ne découle pas d’un privilège, mais de la reconnaissance d’un droit subjectif de chaque fidèle, qu’il soit laïc, clérical ou religieux. En fait, Benoît XVI n’a jamais « accordé » quoi que ce soit, mais a seulement reconnu le droit d’utiliser le Missel de 1962, « jamais abrogé », et d’en jouir spirituellement.

Le principe que reconnaît Summorum Pontificum est l’immutabilité de la bulle Quo primum de saint Pie V du 14 juillet 1570. Comme le note un éminent canoniste, l’abbé Raymond Dulac (Le droit de la Messe romaine, Courrier de Rome, 2018), Pie V lui-même n’a rien introduit de nouveau, mais a restauré une ancienne liturgie, accordant à chaque prêtre le privilège de la célébrer à perpétuité. Aucun pape n’a le droit d’abroger ou de modifier un rite qui remonte à la Tradition apostolique et qui s’est formé au cours des siècles, comme la messe dite de saint Pie V, ainsi que le confirme le grand liturgiste Mgr Klaus Gamber dans le volume qui, dans l’édition française, porte une préface du cardinal Ratzinger (La Réforme liturgique en question, Éditions Sainte-Madeleine, 1992).

En ce sens, le motu proprio Traditionis custodes peut être considéré comme un acte plus grave que l’exhortation Amoris lætitia. Non seulement le motu proprio a des applications canoniques dont l’exhortation post-synodale est dépourvue, mais alors qu’Amoris lætitia semble accorder l’accès à l’Eucharistie à ceux qui n’y ont pas droit, Traditionis custodes prive du bien spirituel de la Messe perpétuelle ceux qui ont droit à ce bien inaliénable, et qui en ont besoin pour persévérer dans la foi.

Le cadre idéologique qui consiste à considérer a priori comme sectaires les groupes de fidèles attachés à la tradition liturgique de l’Église est également évident. On en parle comme s’il s’agissait de subversifs qui doivent être mis en observation sans critères de jugement (cf. n° 1, 5 et 6), on limite leur droit d’association et on interdit à l’évêque d’en approuver d’autres, limitant ainsi le droit propre de l’ordinaire (cf. Code de droit canonique, can. 321, §2). En fait, jusqu’à présent, des groupes de fidèles sont nés spontanément et sont devenus les représentants de certaines demandes auprès des autorités légitimes, mais ils n’ont jamais été « autorisés ». Considérer l’autorisation comme nécessaire à la naissance d’un groupe constitue une grave atteinte à la liberté d’association des fidèles que Vatican II lui-même préconisait, tout comme d’ailleurs il y a une violation du Concile dans la disposition qui fait des évêques de simples exécutants de la volonté papale.

Traditionis custodes confirme le processus de centralisation du pouvoir du pape François, en contradiction avec ses références constantes à la « synodalité » dans l’Église. Selon les règles, il revient « exclusivement » à l’évêque de réglementer la forme extraordinaire dans son diocèse, mais en fait le motu proprio (cf. art. 4) limite la discrétion et l’autonomie de l’évêque lorsqu’il décrète que son autorisation pour la célébration de la messe demandée par un prêtre diocésain n’est pas suffisante, mais qu’un placet du Siège Apostolique doit de toute façon être demandé. Cela signifie que l’évêque ne peut pas accorder de manière autonome cette autorisation (qui n’est jamais définie comme une faculté et semble donc être, avant tout, un privilège), mais que sa décision doit être examinée par les « supérieurs ». Comme l’observe le Père Raymond de Souza, « les règlements plus permissifs sont interdits ; les plus restrictifs sont encouragés. »

L’objectif est clair : éliminer avec le temps la présence du rite traditionnel afin d’imposer le Novus Ordo de Paul VI comme seul rite de l’Église. Atteindre ce but nécessite une patiente rééducation des indisciplinés. Par conséquent, comme l’indique la lettre aux évêques, « les indications sur la manière de procéder dans vos diocèses sont principalement dictées par deux principes : d’une part, pourvoir au bien de ceux qui sont enracinés dans la forme précédente de célébration (l’ancien rite romain ─ NDLR) et qui ont besoin de revenir en temps voulu au rite romain promulgué par les saints Paul VI et Jean-Paul II (le nouveau rite romain ou Novus Ordo Missæ ─ NDLR), et, d’autre part, de cesser l’érection de nouvelles paroisses personnelles liées davantage au désir et aux souhaits de certains prêtres qu’aux besoins réels du “peuple saint de Dieu”. »

Tim Stanley n’a pas tort, dans le Spectator du 17 juillet, lorsqu’il définit cela comme une « guerre sans merci contre l’ancien rite ». Benoît XVI, avec Summorum Pontificum, a reconnu publiquement l’existence d’une lex orandi immuable de l’Église qu’aucun pape ne peut jamais abroger. François, en revanche, manifeste son rejet de la lex orandi traditionnelle et, implicitement, de la lex credendi qu’exprime l’ancien rite. La paix que le motu proprio de Benoît XVI avait tenté d’assurer dans l’Église est terminée, et Joseph Ratzinger, huit ans après sa démission du pontificat, est condamné à assister à la guerre que son successeur a déclenchée, comme dans l’épilogue d’une tragédie grecque.

La lutte se déroule au bord de l’abîme du schisme. Le pape François veut y précipiter ses détracteurs, les poussant à établir, en fait sinon en principe, une « vraie Église » opposée à lui, mais il risque lui-même de sombrer dans l’abîme s’il s’obstine à opposer l’Église du Concile Vatican II à celle de la Tradition. Le motu proprio Traditionis custodes est un pas dans cette direction. Comment ne pas remarquer la malice et l’hypocrisie de celui qui entend détruire la Tradition tout en se disant « gardien de la Tradition » ? Et comment ne pas observer que cela se produit précisément au moment où des hérésies et des erreurs de toutes sortes dévastent l’Église ?

Si la violence est l’usage illégitime de la force, le motu proprio du pape François est un acte objectivement violent car il est excessif et abusif. Mais ce serait une erreur de répondre à l’illégitimité de la violence par des formes illégitimes de dissidence.

La seule résistance légitime est celle de ceux qui n’ignorent pas le droit canonique et croient fermement à la visibilité de l’Église ; de ceux qui ne cèdent pas au protestantisme et n’ont pas la prétention de devenir pape contre le pape ; de ceux qui modèrent leur langage et répriment les passions désordonnées qui peuvent les conduire à des gestes irréfléchis ; de ceux qui ne glissent pas dans des fantasmes apocalyptiques et savent garder l’équilibre dans la tempête ; enfin, de ceux qui fondent tout sur la prière, avec la certitude que seul Jésus-Christ, et personne d’autre, sauvera Son Église.



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