L’abbé Francis Bégin.
Par Joanne D’Arc (Campagne Québec-Vie) — Photo : Joanne D’Arc ©
Il existe encore des pasteurs, comme l’abbé Francis Bégin, qui osent parler ouvertement de l’importance de la vie de la conception naturelle jusqu’à la mort naturelle. Lors de l’événement annuel d’épluchette de blé d’Inde à Campagne Québec-Vie, nous avons eu le plaisir d’écouter une conférence donnée par l’abbé Bégin au sujet de l’Évangile de la Vie soit Evangelium Vitæ, une encyclique écrite par Saint Jean-Paul II en 1995, en défense de la vie de la conception jusqu’à la mort naturelle.
L’abbé Bégin est le plus jeune prêtre du diocèse de Montréal, ordonné en octobre 2020. Avant d’être prêtre, il a eu plusieurs carrières. Entre autres, il a travaillé comme ébéniste, ainsi que dans l’industrie du meuble pendant 10 ans, puis il a fait des études en informatique pour travailler en gestion web durant 6 ans. Au séminaire, il a étudié la philosophie, la théologie et la pastorale. Il a aussi fait une maîtrise en pastorale jeunesse. Il s’intéresse aux questions d’éthiques, à la pastorale des familles et à la doctrine sociale de l’Église.
Suite à cette conférence, Joanne a demandé à l’abbé de parler davantage à ce sujet ainsi que du rôle du Pape Jean-Paul II dans son propre cheminement vocationnel.
Joanne pour CQV : Pourquoi cette encyclique est-elle importante en 2022, si elle date de 1995?
L’abbé Francis Bégin :
Cette encyclique est importante, parce que Saint Jean-Paul a écrit une lettre qui est intemporelle. Elle aurait pu être écrite en 1950 ou même aujourd’hui; et elle demeure toujours aussi pertinente pour les enjeux présents.
Joanne : Pouvez-vous nous préciser de quelle manière?
L’abbé Francis Bégin :
Durant la conférence, j’ai résumé l’encyclique en une phrase : « tu ne tueras point ». On peut étendre ceci en disant : « la vie est sacrée de la conception à la mort naturelle ». C’est du gros bon sens, mais dans le monde dans lequel on vit, on voit beaucoup de propagande… ou peut-être que le terme plus approprié serait de « campagne de désinformation massive ».
Ce qui est bon est rendu mauvais et ce qui est mauvais est rendu bon. Moi, je pense que tout le monde est d’accord avec le commandement « tu ne tueras point », par contre quand on discute d’avortement, on ne parle pas de meurtre, on dit plutôt « interruption volontaire de grossesse ».
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On essaie de nous faire croire que le bébé qui est dans le ventre, ce n’est pas un bébé, mais que c’est un amas de cellules. Donc, on déshumanise le fœtus pour dire que ce n’est pas vraiment un humain. Puis, on utilise des phrases comme : « tu peux interrompre ta grossesse » à la place de dire le mot « tuer ». Au bout de la ligne, c’est un être humain qui meurt, par une action volontaire, donc c’est un meurtre.
Mais avec tout le marketing qu’il y a derrière ça, avec toute la campagne de propagande et de désinformation, ce n’est plus considéré comme un meurtre. C’est le « droit pour les femmes de choisir ». Personne n’est contre le droit des femmes de choisir. Moi-même, je ne suis pas contre le droit des femmes de choisir! Les femmes ont des droits, tout comme les hommes ont des droits, il ne faut pas enlever des droits! Par contre, on oublie que c’est un être humain qui est vivant, qui grandit dans le ventre de sa maman. Il faut juste ramener ces choses-là au gros bon sens.
J : Effectivement. Et votre opinion sur l’euthanasie?
L’abbé Francis Bégin :
La fin de la vie, c’est la même chose. Si on avait dit il y a 20 ans, on va légaliser l’euthanasie, on va tuer des personnes âgées ou des personnes malades, il n’y a personne qui serait d’accord avec ça. Par contre, avec une campagne de désinformation massive, on apprend que le but de la vie, c’est d’être utile à la société, puisque si on n’est plus utile, on est nuisible. La dignité viendrait du fait qu’on peut servir les autres, et comme on ne sert à rien, on perd notre dignité… donc on devrait prendre une injection de poison pour éviter la souffrance?!
Depuis les vingt dernières années, il y a eu une campagne de propagande qui nous a fait accepter ce qu’on nomme « l’aide médicale à mourir » qui est en fait de l’euthanasie. Puis, si on s’oppose à l’euthanasie, on est contre la dignité, on n’a pas de cœur, ni de compassion… Bein oui, on a de la compassion pour ces personnes-là justement! La dignité des personnes n’est pas de ce qu’ils peuvent apporter à la société, mais parce qu’intrinsèquement, c’est une personne, un être humain! Et parce que c’est un être humain, il a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, il a ainsi la dignité d’être fils de Dieu. Puis, comme il a cette dignité, on lui doit le respect et de l’accompagner jusqu’au bout de sa vie. On doit s’en occuper, lui donner des soins, l’entourer de sa famille et non le tuer avant son temps. C’est pour toutes ces raisons-là qu’Evangelium Vitæ est toujours d’actualité aujourd’hui.
J : Comment présenter l’encyclique de Jean-Paul II aux gens qui ne sont pas religieux?
L’abbé Francis Bégin :
Evangelium Vitæ a été écrite pour tous les membres de l’Église, mais aussi pour toute personne de bonne volonté qui est prête à écouter le message. Toute personne de bonne volonté peut trouver quelque chose de pertinent dans cette encyclique.
J : Et pourquoi devrions-nous la présenter aux gens qui ne sont pas religieux?
L’abbé Francis Bégin :
Quand je parle aux gens qui ne sont pas très impliqués dans l’Église et que je leur demande quels sont les 10 commandements? Le premier commandement qui ressort 9 fois sur 10, c’est : « tu ne tueras pas ». Parce qu’il y a quelque chose d’horrible dans le meurtre, donc instinctivement, les gens sont d’accord pour comprendre que la vie humaine, c’est sacré.
Peut-être que quelqu’un qui n’est pas religieux, ne va pas adhérer au fait que l’homme a été créé à l’image de Dieu. Par contre, instinctivement, par la loi naturelle, quelqu’un de n’importe quelle religion, ou même athée, va s’entendre que la vie humaine, c’est sacré. Puis, pour proposer le contraire, il faut y aller par des subtilités ou des cachettes. Quand on parle de « l’aide médicale à mourir », il y a là un travail de sémantique pour cacher la réalité. L’aide médicale à mourir, ce sont des beaux mots pour cacher la réalité, et ne pas dire « tuer une personne vulnérable ».
J : Est-ce que des sujets comme l’avortement, l’euthanasie et la peine de mort sont des sujets qui touchent monsieur, madame tout le monde?
L’abbé Francis Bégin :
Jean-Paul II nous rappelle l’histoire de Caïn et Abel, deux frères fils d’Adam et Ève, dont un était jaloux de l’autre et fini par tuer son frère. Dieu demande à Caïn, « Où est ton frère? » Caïn répond : « Suis-je le gardien de mon frère? » La réponse est : oui.
Nous sommes tous responsables les uns des autres. À petite et à moins grande échelle, une personne dans la société est responsable des personnes qui sont autour d’elle. Si dans notre environnement personnel, nous connaissons quelqu’un, comme une jeune femme en détresse qui ne sait pas quoi faire avec son enfant, nous avons comme responsabilité d’accueillir cette personne. Ces gestes peuvent aider à favoriser une femme à garder son enfant.
J : Comment éviter les avortements dans notre société?
L’abbé Francis Bégin :
Jean-Paul II explique que pour éviter l’avortement, il faut créer des conditions pour que les femmes n’aient pas le désir de se faire avorter. Comment faire? D’abord, il faut faire un bel enseignement sur la sexualité et l’amour humain qui devrait avoir lieu dans le contexte du mariage. Évidemment, il faut d’abord choisir un bon partenaire de vie et avoir un temps de fiançailles pour vraiment apprendre à se découvrir et s’assurer que l’autre, c’est une personne de confiance. De cette façon, au moment du mariage, le couple est certain que l’autre partenaire est une personne responsable avec qui il va vouloir vivre pour le reste de sa vie. Dans le cadre du mariage, avoir des relations sexuelles saines où ils sont ouverts à la vie. Un couple marié qui s’aime et qui est bien entouré ne pensera même pas à l’avortement, ce ne sera même pas une question pour eux. Donc, pour répondre à la question de comment éviter les avortements dans notre société, c’est de créer un environnement propice pour éviter que l’avortement devienne une option. C’est l’une des premières choses.
J : Quels rôle et importance joue le Pape Jean II dans votre cheminement en tant qu’abbé?
L’abbé Francis Bégin :
Pour moi, Jean-Paul II, c’est le Pape que j’ai connu toute ma vie. Il avait été élu Pape en 1978 alors que j’étais enfant. Il était là presque 30 ans et quand il est décédé, ça a été tout un événement, puis il a été remplacé par Benoit XVI.
Par contre, j’ai réellement découvert Saint Jean-Paul II en 2011, alors qu’il était décédé depuis 6 ans déjà. J’ai été invité à une conférence de Christopher West sur la Théologie du Corps. Quand j’ai entendu ça, j’ai dit « WOW, c’est tellement beau ». Suite à la conférence de Christopher, je voulais en connaître plus sur la Théologie du Corps, donc j’ai regardé des enseignements, des DVDs, j’ai lu des livres et c’est dans ma recherche sur le sens de la sexualité chrétienne par la Théologie du Corps de Jean-Paul II que l’appel du Seigneur s’est fait présent dans ma vie. J’ai déjà ressenti l’appel avant, mais je n’avais pas répondu à l’appel en 1996. C’est en 2011 que l’appel est devenu de plus en plus présent et c’est en 2012 que je suis rentré au séminaire. Pour conclure, c’est son enseignement sur la Théologie du Corps qui a réveillé la vocation sacerdotale pour moi.
J : Qu’est-ce qui vous motive à aborder le sujet de défense de la vie alors que dans la majorité des paroisses québécoise, on essaye d’éviter des sujets qui divisent les gens?
L’abbé Francis Bégin :
Dans ma façon de faire la pastorale, je ne suis pas quelqu’un qui est provocateur, ou qui aime diviser, car je n’aime pas les confits. Par contre, j’aime la vérité. Donc, ma démarche, c’est d’écouter les gens. Puis, quand je dis une homélie ou lors d’un enseignement avec des groupes de jeunes, je cherche une manière pastorale d’amener la vérité, sans trop choquer, pour que les gens puissent accepter la vérité avec beaucoup de joie. Au lieu de réagir et de créer une division, je vais réfléchir à la bonne manière de l’aborder. C’est de semer et puis de laisser l’Esprit saint faire grandir ces graines. À force de semer, il va y avoir une récolte.
J : Pourquoi croyez-vous que les paroisses n’osent plus aborder ces sujets, il y aurait-il un déclin de la morale dans nos paroisses québécoises?
L’abbé Francis Bégin :
C’est une grosse question et il y a plusieurs parties à la réponse. Premièrement, il y a plusieurs années, le Québec s’est enfoncé dans une hérésie : le Jansénisme. Cette hérésie a été dénoncée par les membres l’Église, dont Thérèse de Lisieux, mais il n’y a pas eu de concile pour la dénoncer officiellement. Le jansénisme est une doctrine qui incitait d’avoir des scrupules, de voir le mal partout et de voir la sexualité comme quelque chose de mauvais. Dans ce mouvement, il y a eu des prêtres qui ont été des moralisateurs et qui faisaient des discours sur la morale. Entre autres, ils demandaient aux femmes de faire des enfants à tout prix. Ce sont des cas de jansénisme au Québec, mais ce n’est quand même pas tous les prêtres qui ont participé à ce mouvement. Bref, il ne faut pas de tomber dans tout ça. Le jansénisme a marqué la vie pastorale au Québec et peut-être même l’imaginaire collectif.
Par ailleurs, pour sortir du jansénisme, on peut observer un mouvement contraire : le libéralisme. Ce mouvement a créé une génération de prêtres libéraux. Les deux extrêmes, soit le jansénisme et le libéralisme, ne sont pas bons. Il faut être capable d’être orthodoxe dans la doctrine, sans être janséniste et propager la bonne nouvelle avec joie.
Deuxièmement, tous les enjeux de bioéthique, ce sont des enjeux complexes qu’il faut étudier et ne pas tomber dans l’émotivité, pour bien comprendre ces enjeux. Ce n’est pas tout le monde qui est prêt pour faire cet effort.
Troisièmement, souvent, les prêtres ou les religieux, pour se faire proches de leurs paroissiens, vont adhérer aux idées du monde. Les idées du monde, il faut s’entendre qu’elles ne sont pas toutes bonnes. Les téléromans populaires nous présentent des idées du monde : des couples qui se font et se défont. Il y a là un problème au niveau moral. Ces idées peuvent être comprises par les prêtres et les religieux, mais elles ne doivent pas être encouragées.
Finalement, c’est difficile pour un prêtre de parler de tout ça devant une assemblée de gens. La machine de propagande pour l’avortement ou le suicide assisté est forte. Le mouvement est tellement puissant à l’inverse que c’est difficile de le combattre. Pour parler de ça, il faut vraiment connaître les enjeux.
J : Que dites-vous à la fameuse question « Et en cas de viol, vous n’êtes pas pour l’avortement? »
L’abbé Francis Bégin :
J’ai connu des femmes qui ont subi une agression sexuelle. Une agression sexuelle, c’est un traumatisme et c’est épouvantable. Je connais aussi des femmes ont subi un avortement. On se rend compte que jamais, elles ne racontent leur histoire avec joie. C’est toujours une tristesse, une tragédie. On ne guérit pas un traumatisme avec un autre traumatisme.
J : Alors, ce sont toutes les questions que j’avais pour vous aujourd’hui. Merci pour cette belle entrevue!
L’abbé Francis Bégin : Ça fait plaisir !
Avec contribution du père Simon Ateba, Dr en Théologie, Rome.