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Peut-on être contre l'avortement ET contre la pénalisation de l'avortement?

Je viens de m’apercevoir, par l’intermédiaire du site de Carl Bergeron, de l’article daté du 15 mai de Marie-Claude Lortie, chroniqueure à la Presse, qui, par son honnêteté intellectuelle rend finalement possible un débat de fond sur l’avortement au Québec. Il rend possible ce débat parce que pour une fois nous entendons une personne qui est contre la pénalisation de l’avortement mais qui, usant d’arguments rationnels, tente quand même de façon charitable et sérieuse de rejoindre ses opposants.

En fait, Mme Lortie se dit même contre l’avortement, qu’elle qualifie de « terrible et terrifiant. » Toutefois, même si ce « geste immense » qu’est l’avortement est « parfois banalisé », elle est contre la criminalisation, et elle déclare que c’est paradoxalement le mouvement pour la re-criminalisation de l’avortement – le mouvement « pro-vie » — qui fait en sorte qu’aucun mouvement visant à diminuer de façon significative le taux d’avortement ne saura rassembler assez d’adhérents pour que des changements concrets, disons en éducation sexuelle ou en aide aux femmes et aux familles en détresse, puissent être mis en place.

Avant de procéder à l’analyse des arguments de Mme Lortie, je tiens encore une fois à la saluer pour son article, que je crois est honnête et rédigée de bonne foi. Je partage avec elle le désir de diminuer de façon significative l’avortement, et j’estime, comme elle, que l’avortement est un acte « terrible et terrifiant » qui est trop souvent banalisé.

Cependant, je ne suis pas d’accord que la pénalisation de l’avortement est impossible et impensable, que l’avortement légal est un « acquis crucial », et qu’il serait possible, en abandonnant la re-pénalisation, de baisser de façon significative le taux d’avortements au Québec.

En fait, pour comprendre pourquoi les « pro-vie », dont je suis un représentant au Québec, seraient pour la re-pénalisation de l’avortement, il faut premièrement comprendre ceci : Si Mme Lortie et moi sommes tous les deux d’accord que l’avortement est « terrible et terrifiant », mais que nous ne sommes pas en accord sur les moyens d’en réduire le taux, c’est que nous ne partageons pas les mêmes raisons d’être contre l’avortement. De plus, parce qu’elle ne partage pas mes raisons d’être contre l’avortement, Mme Lortie sera, comme on le verra plus bas, plus réceptive aux histoires du recours aux « aiguilles à tricoter », même si ces histoires sont très peu documentés, ou, sinon, elles sont très rares et facilement contrebalancés, selon moi, par les vies sauvés par la pénalisation de l’avortement.

Retournons à l’argument de Mme Lortie : elle est contre l’avortement, elle trouve qu’il y en a « trop », qu’on « devrait s’en passer ». À date je suis d’accord, mais la question, pour moi, c’est « pourquoi? » Pourquoi pense-t-elle qu’il y a trop d’avortements, pourquoi selon elle le nombre annuel d’avortements au Québec, toujours autour de 30,000 par année (l’équivalent en population de la ville de Val d’Or qui part en fumée à chaque année), « c’est trop »?

Je cherche dans son texte et je ne trouve pas de raison claire, sauf quelques indices : D’une part, elle parle des « retombées émotives des IVG, des marques qu'elles laissent au cœur », de l’autre, elle parle de « l'impact …de cette liberté acquise il y a un peu plus de 20 ans »—ici, peut-être parle-t-elle de dénatalité et de manque de main-d’œuvre, on ne peut vraiment savoir avec certitude. Bien qu’elle ne fournit pas énormément de raisons laissant savoir pourquoi elle serait contre l’avortement, celles qu’elle mentionne sont « conséquentielles », c'est-à-dire qu’elles se limitent aux conséquences néfastes que l’avortement pourrait avoir sur la femme et sur la société.

Nous voyons ici la première différence entre Mme Lortie et les « pro-vie », différence qui aura des conséquences sur les moyens préconisés pour baisser le taux d’avortement : elle donne des raisons conséquentielles, et les pro-vies, eux, donnent des raisons que je nommerai « intrinsèques. »

Contrairement à Mme Lortie, les pro-vies sont contre l’avortement car l’avortement tue un être humain innocent, ce qui est en tout temps et en toutes circonstances un mal, donc un mal intrinsèque. Dès la fécondation (la rencontre du sperme et de l’ovule) nous faisons face à un être humain à part entière avec son propre groupe sanguin, son propre ADN. Certainement qu’il est dépendant de son environnement (comme tout être humain), qu’il est fragile, petit— mais c’est un humain. Si on le supprime, il est parti à jamais; il est irremplaçable. De le tuer est une grave injustice, car il n’est coupable d’aucun crime. Certes, nous ne nierons pas, et, au contraire, nous annonçons à qui veux l’entendre que l’avortement peut blesser la femme, peut augmenter son risque d’infertilité et son risque de cancer du sein, qu’il peut engendrer des traumatismes psycho-émotifs—donc tout ça nous ne le nions certainement pas. Mais la raison première que nous sommes contre l’avortement c’est que nous sommes contre l’élimination d’être humains innocents. Tuer un être innocent est un mal en tout temps, qu’importe les circonstances, qu’elles soient positives ou négatives pour une ou plusieurs autres personnes—donc un mal intrinsèque.

Une fois que nous aurons compris que Mme Lortie n’offre que des raisons conséquentielles contre l’avortement, nous sommes en mesure de mieux comprendre pourquoi elle se dit contre l’avortement mais aussi contre la pénalisation de l’avortement. En fait, son texte en grande majorité consiste à exposer pourquoi, bien qu’elle soit contre l’avortement, qu’elle ne s’associerait jamais avec les « pro-vie » qui eux sont aussi contre l’avortement mais qui, en plus, sont pour la pénalisation de l’avortement, ce que Mme Lortie trouve de trop.

En un mot, Mme Lortie ne veux pas criminaliser l’avortement car pour elle l’avortement n’est pas toujours un mal, mais dépendamment des circonstances, des fois un bien : Pour Mme Lortie l’avortement légal, ce qu’elle appelle l’interruption volontaire de grossesse (IVG), est un « acquis crucial », car « le recours à l’IVG fait partie, tragiquement, de la réalité de la vie », et on ne peut pas « réellement l’interdire » (je pense qu’elle veut dire « l’éliminer »), mais on peut seulement « rendre l'IVG illégale et donc reléguer à la clandestinité les personnes qui y ont recours ou qui la pratiquent, avec toute l'insalubrité et le danger pour la survie des femmes que cela signifie. » (L’IVG ne serait donc pas un mal intrinsèque, mais un bien ou un mal circonstanciel, qui dépend des circonstances).

Donc pour elle, les gens pro-vie, en menaçant par la criminalisation cet « acquis », font paradoxalement tort à leur mouvement (son article a pour titre « Militants pro-immobilisme ») car ils froissent leurs alliés potentiels, des gens comme Mme Lortie qui sont « contre » l’avortement (encore, contre l’avortement dans certains cas) mais qui aimerait quand même voir une diminution (accrue?) du taux d’avortement. Elle suggère que les pro-vies devraient changer de stratégie : s’ils abandonnaient la pénalisation, une position qui, selon elle, « oblige un braquage des positions », qui « empêche les nuances », qui « consolide le mouvement pro-choix », ils pourront se faire beaucoup d’alliés et pourront ainsi mobiliser la population à faire en sorte que les femmes aient beaucoup moins recours à l’avortement.

Notons ici que même si nous expliquions à Mme Lortie que selon le livre « Why can’t we love them both », Chapitre 27, une étude de l’université Creighton citée lors d’un débat au Sénat Américan en 1981 indique qu’il y avait autour de 100,000 avortements par année aux Etats-Unis avant la légalisation en 1973, et 1,500,000 en 1979 –une différence de 1,400,000 par année avant et après la légalisation, et, qu’en plus, que le nombre de décès à la suite d’avortements illégaux était tout à fait infime (39 dans tout les Etats-Unis en 1972, un an avant la légalisation de Roe v. Wade en 1973), et, de plus, en nombre plus ou moins équivalent en décès annuels après la légalisation (ibid)), même si nous lui expliquons toutes ces choses, je ne crois pas que nous la convaincrons que la criminalisation sauverait des vies, car, je pense, elle ne reconnaît pas la vie de l’enfant à naître, du fœtus, comme étant comparable à celle de la mère. Je ne sais pas si, pour Mme Lortie, la vie d’une femme adulte équivaudrait même à 100,000 enfants à naître. Je pense que pour elle c’est comme comparer des pommes et des oranges.

Donc, pour elle, il s’agirait que la légalisation de l’avortement sauve une seule femme (et cela n’est pas certain!), que même si cela, par le fait de la légalisation, entraînerait la banalisation de l’avortement et la mort de milliers, voir de millions, d’enfants à naître, ça en vaudrait la peine.

Mais on voit bien que ce genre d’argument – c'est-à-dire qu’on ne devrait jamais interdire l’avortement car, ne serais-ce qu’une seule femme qui se transpercerait avec un cintre à cause de l’illégalité de l’avortement, ce serait impardonnable – ne fonctionnerait pas pour une personne pro-vie, non pas parce que cette personne est insensible à la femme, mais parce qu’elle serait tout aussi sensible au sort de la vie humaine dans le sein de sa mère. Pour la personne pro-vie, ce sont deux vies qui sont en jeu, car tout être humain a un droit inaliénable à la vie. Et si jamais les deux vies sont en danger, on fait comme dans toute autre circonstance où nous sommes dans l’impossibilité de secourir en même temps aux deux vie en danger : nous aidons celle qui a le plus de chances à s’en sortir, ce qui, dans le cas d’une grossesse, est presque toujours la mère.

Une personne pro-vie, donc, accepte facilement que la pénalisation de l’avortement apporte une baisse importante en nombre d’avortements, et que même si cela pourrait (je dis bien pourrait) entraîner une légère hausse en mortalité chez les mères, que cela est facilement équilibré par les vies sauvés par l’interdiction de l’avortement. Pour les gens qui partagent l’opinion de Mme Lortie, c’est autre chose : la vie du fœtus n’a presque pas de valeur, je pense, car pour eux l’avortement n'est qu'un mal pour des raisons conséquentielles—même pas 100 enfants à naître sauvés pour une femme automutilé en vaudrait la peine, car l’avortement est un mal pour eux précisément parce que cela blesse la femme : je ne pense pas que l’enfant à naître entre en ligne de compte.

Bien sur, j’ai peut-être tort. Peut-être l’enfant à naître a une certaine valeur pour Mme Lortie. Laquelle? Et pourquoi une valeur inférieure (si c’est le cas) à la vie d’un adulte?

Finalement, Mme Lortie dit vouloir baisser le taux d’avortements, mais par combien? Nous sommes présentement rendus à 30,000 par année au Québec; serait-elle satisfaite d’un taux de 20,000 par année? Notons que, selon une étude de l’institut Guttmacher publiée en 1998, seulement 2,8 % des 1773 répondantes américaines ayant eu un avortement on cité comme raison principale des raisons de santé, et seulement 2,1% d’entre elles ont répondu sous la rubrique « autre », ce qui laisse entendre peut-être le viol (3,3% ont avorté pour la « santé du fœtus »). Donc au moins 91,8% ont avorté principalement pour des raisons économiques ou ce que je nommerai « tautologiques » (« je ne veux plus d’enfant car je ne veux plus d’enfants »). Mme Lortie laisse-t-elle entendre que, si au Québec la proportion est plus ou moins pareille (et nous n’avons pas vraiment de raison à croire qu’elle serait très différente), que 90% des avortements sont commis pour des raisons autre que le viol, des malformations de fœtus, et de santé de la mère, qu’elle voudrait voir au Québec le taux d’avortements baisser de 90%? Et si oui, dans quel délai?

Pour ma part, je serai prêt à appuyer son initiative de diminution par 90% des avortements au Québec, si c’est cela que Mme Lortie envisage. Je serais prêt à voir comment on s’y prendrait. Je doute que cette sorte de diminution soit possible sans une pénalisation quelconque. Mais si elle pense que c’est possible, je tenterai d’écouter sa proposition, et faire de mon mieux pour que ses recommandations soient mises en place. Je le ferai pour des raisons autres que celles de Mme Lortie, certes, mais je le ferai quand même.

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