26 novembre 2013 | Par Patti Maguire Armstrong, traduit par Campagne Québec-Vie
Un père se débat avec lui-même au sujet de la naissance de sa fille trisomique : « “Si elle meurt à la suite de son intervention chirurgicale, cela mettra fin à notre douleur à tous”, avons-nous pensé. »
« C'est une fille! », a annoncé l'infirmière. Après la naissance de sept fils en bonne santé, ces mots auraient dû nous apporter une grande joie. Dans d'autres circonstances, j'aurais fait des sauts périlleux arrière. Au lieu de cela, elle était comme je l’avais redouté. Lorsque je vis ses yeux en amande, mon cœur se glaça – trisomie 21.
Ma femme Bonnie était âgée de 46 ans. Nous savions que la probabilité (de concevoir) un bébé atteint de trisomie augmente avec l'âge maternel. Aujourd’hui, malheureusement, neuf bébés atteints de trisomie sur dix sont avortés. Bonnie et moi sommes passionnément pro-vie, mais nous demandions dans nos prières un enfant en bonne santé. Un enfant ayant des besoins spéciaux, c’était (bon) pour une autre famille, une famille plus sainte que nous.
Nos fils beaux, intelligents et athlétiquement doués nous ont apporté beaucoup de joie et une légitime fierté : Thomas (15ans), Kevin (14ans), Jack (10ans), Michael et Patrick (8ans), Luke (5ans) et William (2ans). Nous ne voulions pas devenir le couple illustrant parfaitement pourquoi c'est une erreur de ne pas s’arrêter lorsqu’on est au sommet. J’imaginais même des membres de la famille disant : Comment se fait-il que vous n’ayez pas compris que le mieux est l’ennemi du bien alors que vous aviez déjà sept enfants en bonne santé?
Le travail d’accouchement de Bonnie fut l’un de ses plus faciles. L'infirmière et moi l’encouragions pendant les contractions et l’expulsion. Le bébé a glissé après une grande poussée. Mais après son arrivée, l'atmosphère est devenue tendue et silencieuse. J'ai essayé de masquer mes émotions. Quel genre de père exprimerait de la déception ou même le rejet de sa propre fille? Je savais que ces réactions étaient inappropriées.
Feindre le bonheur était au-delà de ma capacité, alors, à la place, j'ai essayé de cacher mes émotions. L'absence d'excitation joyeuse et un regard pensif sur mon visage ont révélé à Bonnie ce qu'elle se demandait : oui, c'était le bébé que nous avions craint que Dieu nous donne. Bonnie pleurait en silence.
Notre médecin a confirmé que notre petite fille semblait avoir le syndrome de Down et il a expliqué qu'elle avait besoin que l’on effectue des examens de son cœur. Plus de la moitié des enfants trisomiques naissent avec des problèmes cardiaques. Après avoir été examinée, on nous a dit que notre fille avait deux trous dans son cœur. Elle devrait subir une intervention chirurgicale à cœur ouvert quand elle aurait quelques mois de plus.
Au lieu d’être une source d’angoisse, ces nouvelles ont suscité une sombre réflexion... « Si elle meurt à la suite de l’intervention, cela mettra fin à notre douleur à tous », avons-nous pensé. Ce n’étaient pas les pensées que nous voulions, mais celles que nous avions. Nous ne lui avions même pas encore donné de nom. Bonnie me regarda et dit : « Appelons-la Grace Anne. » Elle voulait quelque chose d'assez simple mais joli, pensant déjà aux difficultés d'apprentissage qui nous attendaient.
(Après l’accouchement,) j'ai quitté l'hôpital à 3 heures du matin dans un état second, imaginant que toutes les infirmières disaient : le pauvre gars, il vient juste d’avoir sa fille et maintenant, regardez ce qui se passe. J’ai apprécié l’intimité de ma voiture. J'ai pleuré pendant toute la demi-heure du trajet de retour à la maison.
Tous les enfants dormaient encore, alors je me suis écroulé dans mon lit, complètement épuisé physiquement et émotionnellement. Me réveillant d'un sommeil court et agité, la réalité s’est imposée à ma conscience, m’emplissant de nouveau de la prise de conscience tant redoutée. J’avais l’impression que Dieu nous avait joué un mauvais tour. Sois ouvert à la vie, accepte sept fils, accepte une grossesse plus tard dans la vie et alors, je te donnerai une fille, mais elle aura un handicap.
Outre l'angoisse d'avoir une fille handicapée, il y avait l'angoisse de ne sentir que peu d'amour pour elle dans mon cœur. Ma supplication a commencé. Seigneur, s'il-vous-plaît, aidez-moi à aimer ma fille comme vous le faites. Je savais que c'était mal de ne pas l’aimer de la même manière que mes fils. J'ai commencé une quête incessante pour apprendre à aimer comme Dieu aime.
Ma première tâche était de trouver comment parler aux garçons de leur nouvelle sœur. Bonnie avait écrit un courriel à plusieurs amis et à une chaîne de prière, demandant des prières car notre petite fille avait un problème cardiaque grave. Elle a demandé aux gens de prier pour que la « grâce » nous guide sur ce chemin. J'ai partagé ce courriel avec nos fils aînés. Comme ils finissaient de le lire, nous avons pleuré et nous nous sommes embrassés.
Thomas et Grace
« On pourrait penser qu’un chromosome de plus serait une bonne chose », a commenté Thomas, mon fils aîné, « comme marquer un point de plus dans un match ». Nous avons discuté de la façon de répondre aux gens qui poseraient des questions à propos de Grace. Il ne nous semblait pas juste de dire : nous avons eu une fille, mais elle est atteinte de trisomie 21. Nous avons décidé qu'il serait préférable de simplement dire que nous avions une fille et si quelqu'un nous demandait comment elle va, nous expliquerions « Elle a un problème cardiaque ce qui est très commun pour les bébés nés avec le syndrome de Down. »
Aux garçons plus âgés, j'ai dit, « Les gars, le monde définit souvent une personne comme “parfaite” quand elle est belle, sportive, intelligente et riche. Pourtant, ce n’est pas sur ces qualités que Dieu nous juge. Il regarde l'âme, car ce sont les âmes pures qui connaissent la gloire éternelle du ciel. »
C'était comme si le Saint-Esprit me donnait les mots pour les réconforter. « Peut-être que Dieu savait que notre famille voulait une fille, alors il nous dit : “Je ne voulais pas envoyer n'importe quelle fille. J'ai gardé en réserve la fille ‘parfaite’ pour votre famille. Cette petite fille a une âme incorruptible!” » Les enfants étaient calmes et semblaient absorber ce que je disais. « Pensez au cadeau que cela représente qu’elle habite sous notre propre toit. », ai-je continué. « L’aimer, c’est aimer Dieu! Vous voyez, Dieu sait ce qui est mieux pour nous tous! »
J'ai été étonné de la facilité avec laquelle ces mots me sont venus, mais j'ai été déçu que mon amour pour ma fille ne vienne pas aussi facilement. Pourquoi ne pouvais-je pas l’aimer comme elle est ?
J'ai simplement dit à nos plus jeunes fils qu'ils avaient une sœur et que son nom était Grace. Ils sont devenus fous de joie, sautant sur place en criant : « C'est une fille, c'est une fille! » Seigneur aide-moi à aimer comme ces petits, ai-je prié.
Quand Grace et Bonnie sont revenues de l’hôpital, l’organisation de six garçons d'âge scolaire et d’un enfant en bas âge est devenue plus complexe avec les nouvelles tâches quotidiennes pour (prendre soin de) Grace. Le choc de la naissance et du diagnostic de Grace a commencé à s’estomper, mais Bonnie et moi avons continué la lutte pour réussir à l’aimer d’un amour inconditionnel.
À mesure que Grace approchait de ses cinq mois et que son opération à cœur ouvert devenait imminente, j’ai été assailli de sentiments mitigés. J'ai réalisé que j'étais moins nerveux au sujet de cette chirurgie majeure que si elle avait été planifiée pour un de mes fils. S'il vous plaît, Seigneur, ayez pitié de moi, ai-je prié, ne voulant pas l'aimer moins que mes autres enfants. D'une manière très subtile, un sentiment de compassion pour notre petite Grace passa dans mon cœur. Elle ne pesait que dix livres ; c’était si peu pour faire face à une chirurgie qui comportait un danger de mort.
Quelques jours avant son opération, comme je tenais Grace dans mes bras, j’ai été frappé du fait que je voyais sa « condition » et que cela m'empêchait de lui donner tout mon coeur. Le Christ nous voit à travers son Cœur Sacré. J'ai compris que le Christ voulait que j’aime Grace sans condition... que je sois aveugle à sa « condition ».
Bonnie avait déjà atteint ce stade. En effet, elle avait même discerné un avantage dans le fait d’avoir une fille trisomique : elle réalisait que la culture (de notre société) n’affecterait pas Grace de la même manière que les autres filles. Donc, Bonnie ne pouvait pas supporter d’être celle qui l’amènerait le jour de son opération.
Tandis que je tenais Grace (dans mes bras) tôt le matin avant son opération, et quand ensuite j’ai marché avec elle jusqu'à la salle d'opération, mon cœur s’est gonflé d'émotion. Je tombai en amour. Soudain, je ne pouvais plus imaginer perdre ma petite fille et mon cœur s’est serré en pensant aux souffrances qu’elle aurait à supporter. Quand je l’ai posée sur la table d'opération et qu’ils ont commencé à lui administrer l'anesthésie, j'ai prié et pleuré pour mon petit ange! Je ne voulais pas le perdre!
Grace est sortie de la chirurgie avec une cicatrice de sept pouces au centre de la poitrine. Les trous dans son cœur étaient réparés. Quand elle est revenue à la maison et a commencé à émerger comme le cœur de notre famille, les trous de nos cœurs ont également été réparés. Sa petite personnalité a commencé à nous captiver et tous les garçons sont tombés profondément amoureux de leur petite sœur. Ils traitent Grace différemment de leurs frères. Je crois que c'est grâce à Grace que nos cœurs ont grandi. Ses frères la prennent constamment dans leurs bras, l'embrassent et lui disent qu'ils l'aiment. Les garçons sont doués du point de vue athlétique, tandis que Grace, qui ne peut même pas courir ou sauter, est douée en amour.
Patti Maguire Armstrong et son mari ont dix enfants. Elle est l'auteure et rédactrice en chef de la série Amazing Grace d'Ascension Press. Elle est apparue à la télévision et à la radio partout aux États-Unis. Ses derniers livres, Big Hearted: Inspiring Stories from Everyday Families et le livre pour enfants Dear God, I don't Get It sont tous deux présentement en magasin.
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