Sur le site de Radio-Canada du 27 avril 2012:
(Stephen Harper et le whip du parti conservateur, Gordon O'Connor)
Les députés de la Chambre des communes ont débattu, en fin de journée, d'une motion qui pourrait rouvrir le débat sur l'avortement au pays. Cette motion, déposée en février dernier par le député conservateur Stephen Woodworth, réclame qu'un comité parlementaire se penche sur le statut juridique du foetus.
Une motion qui crée des remous
En Chambre, jeudi, l'opposition néo-démocrate a accusé le premier ministre de renier sa promesse électorale de ne pas ouvrir le débat sur l'avortement.
« Pourquoi le premier ministre a permis que soit rouvert le débat sur l'avortement? », a déclaré le chef du Nouveau Parti démocratique, Thomas Mulcair.
La députée néo-démocrate Françoise Boivin a de son côté accusé M. Harper de ne pas être « capable de contrôler son caucus ».
Le premier ministre dit toutefois avoir les mains liées. Selon les règles de la Chambre des communes, les députés peuvent en effet déposer des motions privées. Un comité parlementaire indépendant tranche alors sur la tenue, ou non, d'un vote en Chambre. De plus, les statuts du Parti conservateur veulent qu'il y ait des votes libres sur les enjeux moraux.
« Ce comité composé des trois partis a décidé, malheureusement à mon avis, qu'il y aura un vote. Et moi, je vote contre cette motion. » — Le premier ministre Stephen HarperÀ la fin du débat, le whip en chef du gouvernement, Gordon O'Connor, a voulu dissiper tout doute sur la position de son gouvernement.
« Je veux que toutes les femmes puissent continuer à faire le choix de l'avortement, qu'elles reçoivent un soutien médical et qu'il n'y ait aucune menace de poursuites judiciaires. » — Gordon O'ConnorSelon la chef de bureau de Radio-Canada à Ottawa, Emmanuelle Latraverse, la députée néo-démocrate Françoise Boivin est allée voir M. O'Connor pour le remercier et lui dire qu'on comprenait maintenant quelle était la volonté du gouvernement dans ce dossier.Un vote devrait être tenu à la mi-juin sur cette motion.
Le « statut juridique du foetus »
D'après Stephen Woodworth, les lois actuelles ne protègent pas les enfants avant leur naissance. Selon l'article 223 du Code criminel canadien, le foetus devient légalement un être humain lorsqu'il sort vivant du ventre de sa mère. Avant sa venue au monde, le bébé n'a donc aucune existence légale.
Le député ontarien souligne que cette définition des droits du foetus, qui remonte au 19e siècle, est archaïque et qu'il est temps de la revoir.
D'après le député de Kitchener-Centre, à la lumière des connaissances scientifiques dont nous disposons maintenant, cela ne fait aucun doute qu'un foetus est déjà un être humain avant de naître.
Conscient que sa motion pourrait relancer le débat sur l'avortement, Stephen Wooworth estime qu'il est temps d'avoir une « discussion honnête » sur la question.
Droit à l'avortement : le foetus dans les limbes. Depuis la décriminalisation de l'avortement par la Cour suprême en 1988, une série d'arrêts sont venus conforter ce droit, et toutes les tentatives législatives au Parlement pour en limiter l'accès ont jusqu'ici échoué.Les partisans du libre choix se mobilisentLe dépôt de cette demande de révision du Code criminel sur les droits du foetus provoque une levée de boucliers dans les rangs de l'opposition officielle et des organismes pro-choix.
Ces derniers accusent le gouvernement Harper de tenter de relancer le débat sur l'avortement de façon détournée en se servant d'un député d'arrière-ban.
Pour les opposants au projet, une reconnaissance des droits du foetus dans le Code criminel canadien aurait un impact certain sur l'accès et la légalité des services d'avortement offerts au pays.
« La question, elle s'arrête là où on dit qu'il appartient à la femme de choisir ce qu'elle fait avec son corps », déclarait par ailleurs la députée néo-démocrate François Boivin sur les marches du parlement.
Depuis plusieurs années, le premier ministre Harper répète qu'il n'a aucune intention de replonger le pays dans ce débat. Il s'était même engagé lors de la dernière campagne électorale à ne pas rouvrir cette question. Mais plusieurs députés conservateurs affirment ouvertement être en faveur d'un vote libre aux Communes sur la question. Les libéraux partagent également l'idée de se prononcer librement sur la question.
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